Le minotaure. La peste / Минотавр. Чума. Книга для чтения на французском языке
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Альбер Камю. Le minotaure. La peste / Минотавр. Чума. Книга для чтения на французском языке
Le Minotaure ou La Halte D’Oran
La Rue
Le Désert à Oran
Les Jeux
Les Monuments
La Pierre D’Ariane
La Peste. extraits
I
II
III
IV
V
Résumé Cronologique. De la Vie D’Albert Camus (1913–1960)
Vocabulaire
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Отрывок из книги
Il n’y a plus de déserts. Il n’y a plus d’îles. Le besoin pourtant s’en fait sentir. Pour comprendre le monde, il faut parfois se détourner; pour mieux servir les hommes, les tenir un moment à distance. Mais où trouver la solitude nécessaire à la force, la longue respiration où l’esprit se rassemble et le courage se mesure? Il reste les grandes villes. Simplement, il y faut encore des conditions.
Les villes que l’Europe nous offre sont trop pleines des rumeurs du passé. Une oreille exercée peut y percevoir des bruits d’ailes, une palpitation d’âmes. On y sent le vertige des siècles, des révolutions, de la gloire. On s’y souvient que l’Occident s’est forgé dans les clameurs. Cela ne fait pas assez de silence.
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Mais il suffit de l’annonce du grand combat pour que le calme revienne. Cela se fait brusquement, sans fioritures, comme des acteurs quittent le plateau, une fois la pièce finie. Avec le plus grand naturel, les chapeaux sont époussetés, les chaises rangées, et tous les visages revêtent sans transition l’expression bienveillante du spectateur honnête qui a payé sa place pour assister à un concert de famille.
Le dernier combat oppose un champion français de la marine à un boxeur oranais. Cette fois, la différence d’allonge est au profit de ce dernier. Mais ses avantages, pendant les premiers rounds, ne remuent pas la foule. Elle cuve son excitation, elle se remet. Son souffle est encore court. Si elle applaudit, la passion n’y est pas. Elle siffle sans animosité. La salle se partage en deux camps, il le faut bien pour la bonne règle. Mais le choix de chacun obéit à cette indifférence qui suit les grandes fatigues. Si le Français «tient», si l’Oranais oublie qu’on n’attaque pas avec la tête, le boxeur est courbé par une bordée de sifflets, mais aussitôt redressé par une salve d’applaudissements. Il faut arriver au septième round pour que le sport revienne à la surface, dans le même temps où les vrais amateurs commencent à émerger de leur fatigue. Le Français, en effet, est allé au tapis et, désireux de regagner des points, s’est rué sur son adversaire. «Ça y est, a dit mon voisin, ça va être la corrida.» En effet, c’est la corrida. Couverts de sueur sous l’éclairage implacable, les deux boxeurs ouvrent leur garde, tapent en fermant les yeux, poussent des épaules et des genoux, échangent leur sang et reniflent de fureur. Du même coup, la salle s’est dressée et scande les efforts de ses deux héros. Elle reçoit les coups, les rend, les fait retentir en mille voix sourdes et haletantes. Les mêmes qui avaient choisi leur favori dans l’indifférence se tiennent dans leur choix par entêtement, et s’y passionnent. Toutes les dix secondes, un cri de mon voisin pénètre dans mon oreille droite: «Vas-y, col bleu[22], allez, marine!» pendant qu’un spectateur devant nous hurle à l’Oranais: «Anda! hombre!»[23] L’homme et le col bleu y vont et, avec eux, dans ce temple de chaux, de tôle et de ciment, une salle tout entière livrée à des dieux au front bas. Chaque coup qui sonne mat sur les pectoraux luisants retentit en vibrations énormes dans le corps même de la foule qui fournit avec les boxeurs son dernier effort.
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