Читать книгу Expériences et observations sur l'électricité faites à Philadelphie en Amérique - Бенджамин Франклин - Страница 10
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onsieur Franklin, habitant de Philadelphie dans la Colonie Angloise de Pensylvanie en Amérique, est l'Auteur des Lettres suivantes sur l'Électricité. M. Collinson son ami & son correspondant à Londres, à qui elles sont adressées, les a jugées dignes de l'impression. Elles étoient sous la presse, lorsqu'il en informa M. Franklin; celui-ci, qui ne les avoit pas écrites à cette intention, se pressa d'envoyer à son ami quelques changemens, qui n'étant pas arrivés à tems, ne purent être mis que comme additions & corrections à la fin de l'ouvrage. Il pria en même tems M. Collinson d'en envoyer un des premiers exemplaires à M. de Buffon, qui jugea de ces Lettres, comme on en avoit jugé en Angleterre où elles ont eu un applaudissement général. Occupé d'ouvrages bien plus importans dont il ne veut pas se distraire, M. de Buffon m'a engagé à les faire paroître en François. Il ne s'agissoit que de rendre exactement des choses simples, aussi ne s'est-on attaché qu'à les traduire littéralement, à bien rendre le sens de l'Auteur & à éclaircir les endroits qui ont paru un peu obscurs dans l'original. Pour la commodité des lecteurs, on a rapporté en notes au bas des pages, les changemens que Mr. Collinson avoit fait imprimer comme additions & corrections à la suite des Lettres.
Quoique la plupart des Physiciens se soient exercés depuis plusieurs années sur la matière de l'électricité: quoique leur zèle ait été récompensé par des succès assez brillans, on verra par les recherches & par les découvertes de M. Franklin, que cette matière est encore neuve à bien des égards. On sentira en même tems qu'il y a cependant lieu d'espérer qu'en multipliant, à son exemple, les expériences & les observations dans des vûes nouvelles, on parviendra un jour à pénétrer un mystère qui n'importe peut-être pas moins à l'utilité commune qu'à la la curiosité de l'esprit. On y arrivera même d'autant plus vite & plus sûrement, qu'on se hâtera moins de hazarder des systèmes. On n'a pas encore assez de faits sur ce sujet pour qu'il soit permis d'y joindre des hypothèses.
«C'est (dit M. de Buffon 1) par des expériences fines raisonnées & suivies que l'on force la nature à découvrir son secret; toutes les autres méthodes n'ont jamais réussi, & les vrais Physiciens ne peuvent s'empêcher de regarder les anciens systèmes comme d'anciennes rêveries, & sont réduits à lire la plupart des nouveaux comme on lit les Romans. Les recueils d'expériences & d'observations sont donc les seuls livres qui puissent augmenter nos connoissances. Il ne s'agit pas, pour être Physicien, de sçavoir ce qui arriveroit dans telle ou telle hypothèse, en supposant, par exemple, une matière subtile, des tourbillons, une attraction, &c. Il s'agit de bien sçavoir ce qui arrive, & de bien connoître ce qui se présente à nos yeux; la connoissance des effets nous conduira insensiblement à celle des causes, & l'on ne tombera plus dans les absurdités qui semblent caractériser tous les systèmes; en effet l'expérience ne les a-t-elle pas détruits successivement? ne nous a-t-elle pas montré que ces élémens que l'on croyoit autrefois si simples, sont aussi composés que les autres corps? ne nous a-t-elle pas appris ce que l'on doit penser du chaud, du froid, du sec & de l'humide, de la pesanteur & de la légèreté absoluë, de l'horreur du vuide, des loix du mouvement autrefois établies, de l'unité des couleurs, du repos & de la sphèricité de la terre, & si je l'ose dire des Tourbillons? Amassons-donc toujours des expériences & éloignons-nous, s'il est possible, de tout esprit de système, du moins jusqu'à ce que nous soyons instruits, nous trouverons assûrément à placer un jour ces matériaux, & quand même nous ne serions pas assez heureux pour en bâtir l'édifice tout entier, ils nous serviront certainement à le fonder, & peut-être à l'avancer au-delà même de nos espérances.» C'est cette méthode que M. Franklin a suivie à l'imitation du grand Newton & des plus excellens Physiciens, méthode qui doit suffire pour prévenir le public en faveur de l'ouvrage qu'on lui présente.
Note 1: (retour) Fréf. de la Statiq. des Végét.
Mais il ne suffit pas de s'attacher uniquement à la voye de l'expérience, à moins que d'être, comme notre auteur, fécond en moyens, ingénieux en découvertes & heureux en applications; il ne faut pas, comme tant d'autres Physiciens sans génie, se permettre de tirer des inductions qui ne sont ni justes ni naturelles, déduire des conséquences qui ne sont fondées que sur des suppositions vagues & étrangères au sujet. Il faut au contraire dans une matière aussi nouvelle que l'est celle-ci, se contenter de considérer les faits sous de nouveaux points de vûe, pour tâcher de les généraliser & d'en former un ordre systématique & suivi. C'est ce qu'a fait M. Franklin. Instruit, par exemple, des effets surprenans de la bouteille électrique, le premier objet qu'il s'est proposé, a été d'examiner comment elle acquiert la vertu électrique, comment elle la conserve, quoiqu'on la touche, & comment elle la communique. Ayant toujours l'expérience & l'observation pour guides, il a bientôt reconnu que l'électricité est inhérente & inséparable de la matière: que le verre en contient autant qu'il en peut contenir, & toujours la même quantité: qu'électriser la bouteille, ce n'est pas y faire entrer plus de matière électrique qu'elle n'en avoit auparavant, mais accumuler sur une de ses surfaces autant de cette matière qu'il y en a dans les deux surfaces ensemble, ce qui ne se fait que parce que l'une en rejette précisément la même quantité que l'autre en reçoit: que les deux surfaces de la bouteille électrisée sont toujours prêtes l'une à rendre ce qu'elle a de plus, & l'autre à recevoir ce qu'elle a de moins que sa quantité naturelle: qu'elles ne peuvent le faire l'une sans l'autre: que l'équilibre ne sçauroit se rétablir entr'elles par la communication intime de l'une à l'autre, mais seulement par une communication extérieure non électrique: qu'ainsi la bouteille reste chargée tant que cette communication extérieure n'est pas établie, & qu'enfin l'électricité ne sçauroit être communiquée par la bouteille, qu'autant que cette bouteille reçoit par une voye la même quantité de matière électrique qu'elle donne par l'autre.
Ces premières connoissances ont conduit notre auteur à trouver les moyens de faire paroître l'électricité de deux manières tout-à-fait opposées, l'une en augmentant l'électricité naturelle dans les corps que nous nommons non-électriques, & il appelle cette augmentation électricité positive; l'autre en diminuant l'électricité naturelle; il nomme celle-ci négative. De là sont venus les termes nouveaux électriser en plus, électriser en moins, dont les significations répondent assez bien à celles qu'ils ont dans l'algèbre.
L'analyse de la bouteille électrique à achevé de confirmer M. Franklin dans l'opinion où il étoit dès auparavant que l'électricité dans cette bouteille est attachée au verre précisément comme verre, & que les corps non-électriques qu'on y ajoute ne servent que, comme l'armure d'une pierre d'aimant, à unir les particules de la matière électrique surabondante, & à les tenir rassemblées sur l'une des surfaces du verre, étant toujours prêtes à s'échapper par le premier endroit où elles trouveroient passage pour aller à l'autre. En conséquence de ces découvertes; il a imaginé quantité d'autres expériences dont l'enchaînement & le résultat sont la confirmation des premières & l'apologie de son jugement. Néanmoins quelques justes que soient ses idées, quoiqu'elles soient toutes appuyées sur des faits, l'auteur ne les propose que comme des conjectures, & l'on verra que sa modestie est égale à sa pénétration. Mais ce seroit s'écarter de la retenuë dont il donne l'exemple, que de chercher à faire valoir son mérite par des louanges dont il n'a pas besoin, & qui ne pourroient être que suspectes de la part d'un traducteur. Il vaut mieux le laisser lire & s'en rapporter au jugement du public.
Le pays qu'abite M. Franklin est des plus favorables pour les expériences électriques; autant les chaleurs y sont excessives en été, autant le froid y est rigoureux en hyver; l'on passe subitement de l'un à l'autre sans presque s'appercevoir ni de la douceur du printems, ni de la température de l'automne. Le vent sud ou nord amène les deux saisons opposées; mais dans l'une & dans l'autre on y jouit presque toujours du plus beau ciel. Les nuages épais y dérobent rarement la vûe du soleil & des étoiles: les pluyes n'y sont jamais de longue durée, & les brouillards y sont presque inconnus. Ainsi la sécheresse du tems & la froideur du vent du nord contribuent beaucoup à y rendre plus sensibles la force & les effets de l'électricité. On en trouvera des preuves incontestables dans plusieurs endroits cet ouvrage. Malgré la différence de climat, je n'ai pas voulu publier cette traduction, sans avoir du moins essayé de répéter les expériences qui y sont rapportées; après avoir parfaitement réussi à faire celles que j'ai jugées les plus intéressantes & les plus difficiles dans l'exécution, quelques-unes m'ont paru mériter que j'en fisse hommage à l'Académie Royale des Sciences. Je lui rendis compte le 22. Décembre 1751. de mon succès dans les expériences du tableau magique & de la fusion des métaux; j'y fis voir des lames de verre sur lesquelles on distinguoit aisément l'or, l'argent, le cuivre & l'étain que l'électricité avoit par sa violence incorporés dans la substance même du verre. J'avois employé pour me procurer le puissant dégré d'électricité nécessaire, une bouteille de verre blanc & mince tenant environ deux pintes dont j'avois fait argenter extérieurement le fond jusqu'au milieu de sa hauteur, & j'y avois mis à peu près quinze livres de menu plomb bien sec. Ces métaux sont sur ces lames dans un état de vitrification, inattaquables à l'eau forte & à l'eau régale, suivant les épreuves que j'en avois faites auparavant d'après les assurances de M. Franklin. Enfin ces expériences aussi bien que beaucoup d'autres, avoient si pleinement satisfait à mes désirs, eu égard au tems, à la saison & au climat, qu'elles ne laissoient nullement lieu de douter de la certitude de celles que je n'avois pas encore tentées.
Dès que la première édition de cette traduction fut achevée, j'en envoyai un exemplaire à M. Franklin, ce qui me mit en correspondance directe avec lui. Je lui fis part dans le tems, du succès de mon expérience sur le tonnerre, & lui envoyai le mémoire que j'en avois donné à l'Académie Royale des Sciences le 13. Mai 1752. tel qu'il est dans le second volume de cet ouvrage; il en fut charmé & m'envoya avec sa réponse, son premier supplément, dont je vérifiai pareillement les expériences. Le second ne m'a été rendu que long-tems après.
J'ai trouvé dans cette dernière brochure d'excellentes observations à opposer aux critiques qui avoient paru contre mon auteur, & auxquelles j'avois entrepris de répondre; c'est ce qui m'a engagé à resserrer ce que j'avois écrit dans ce dessein, pour ne pas multiplier les êtres sans nécessité. Je me suis contenté d'ajouter à la suite des principales expériences critiquées quelques-unes des réponses dont j'avois eu intention de faire un ouvrage séparé. Au lieu d'être mises en notes, elles y sont distinguées par des guilmets, ce qui m'a semblé plus commode pour les lecteurs. Les expériences contenuës dans ce second supplément ne sont pas moins sûres que celles qui avoient été publiées auparavant. Elles ont été répétées avec le même succès. Sans avoir égard aux dates des lettres, je les ai arrangées tout différemment de ce qu'elles étoient dans la première édition de cet ouvrage; j'en ai même partagé quelques-unes en plusieurs fragmens que j'ai placés suivant l'ordre des matières: c'est dans la même vûe que j'ai mis une suite uniforme aux paragraphes.
Enfin je n'ai rien négligé pour répandre dans cette seconde édition toute la clarté qui a pû dépendre de mes soins. Ils se trouveront bien récompensés, si les changemens que j'ai faits du consentement de Mr. Franklin, sont approuvés du public.
Au reste j'ai pensé que ceux qui n'ont pas fait une étude particulière de l'électricité seroient bien-aises d'en connoître les progrès depuis son origine jusqu'aux découvertes de M. Franklin. L'histoire qu'en a faite M. de Secondat pour l'Académie de Bordeaux en 1748. me rendoit ce travail facile; on verra que j'ai profité de cet excellent ouvrage; j'y ai ajouté des choses ou qui n'étoient pas venuës alors à la connoissance de M. de Secondat, ou qu'il avoit crû devoir négliger, & j'y ai joint les découvertes qui ont été faites sur le même sujet depuis son histoire jusqu'à présent. J'espère qu'en allant par cette voye à mon objet principal, qui est de mettre les Lecteurs en état de mieux juger du mérite de mon auteur, & de la valeur de son ouvrage, je ne leur laisserai rien à désirer sur les faits principaux de l'électricité.