Histoire des Musulmans d'Espagne, t. 3
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Dozy Reinhart Pieter Anne. Histoire des Musulmans d'Espagne, t. 3
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV403
XV411
XVI422
XVII
XVIII
Отрывок из книги
Lors même qu’Abdérame III n’aurait pas eu l’intention de tourner ses armes contre les Léonais, ceux-ci l’y auraient forcé, car dans l’année 914, leur roi, l’intrépide Ordoño II, commença les hostilités en mettant à feu et à sang le territoire de Mérida. S’étant emparé de la forteresse d’Alanje, il passa au fil de l’épée tous les défenseurs de la place, et réduisit en servitude leurs femmes et leurs enfants. Alors les habitants de Badajoz s’effrayèrent. Craignant de partager le sort de leurs voisins, ils rassemblèrent une foule d’objets précieux, et, ayant leur prince à leur tête, ils allèrent supplier le roi chrétien de vouloir bien les accepter. Ordoño y consentit; puis, victorieux et regorgeant de butin, il repassa le Tage et le Duero, et, de retour à Léon, il donna à la Vierge une preuve de sa reconnaissance en lui fondant une église35.
Comme les habitants des districts qu’Ordoño avait pillés n’étaient pas encore rentrés dans l’obéissance, Abdérame, s’il l’avait voulu, aurait pu fermer les yeux sur ce qui s’était passé. Mais telle n’était pas sa manière de voir. Comprenant fort bien qu’il lui fallait conquérir les cœurs de ses sujets rebelles en leur montrant qu’il était en état de les défendre, il résolut de punir le roi de Léon. A cet effet il envoya contre lui, en juillet 916, une armée commandée par Ibn-abî-Abda, le vieux général de son aïeul. L’expédition d’Ibn-abî-Abda, la première depuis celle que le soi-disant Mahdî avait entreprise quinze années auparavant, ne fut à vrai dire qu’une razzia; mais dans cette razzia les musulmans firent un ample butin36. L’année suivante, Abdérame, vivement sollicité par les habitants des frontières qui se plaignaient de ce que les Léonais avaient brûlé tous les faubourgs de Talavera (sur le Tage), donna l’ordre à Ibn-abî-Abda de se mettre encore une fois en campagne et d’aller assiéger l’importante forteresse de San Estevan (de Gormaz), que l’on appelait aussi Castro-Moros37. L’armée était nombreuse, et elle se composait en partie de mercenaires africains qu’Abdérame avait fait venir de Tanger. Aussi l’expédition promettait d’être heureuse. Etroitement bloquée, la garnison de San Estevan fut bientôt réduite à l’extrémité, et elle était déjà sur le point de se rendre, lorsque Ordoño vint à son secours. Il attaqua Ibn-abî-Abda. Malheureusement pour lui, ce général avait dans son armée, non-seulement des soldats de Tanger, mais aussi un grand nombre d’habitants des frontières, et l’on ne pouvait compter ni sur la fidélité ni sur la bravoure de ces hommes, moitié Berbers, moitié Espagnols, qui jetaient les hauts cris quand les Léonais venaient les piller, et qui prétendaient alors que le sultan devait les protéger, mais qui n’aimaient ni à se défendre eux-mêmes, ni à obéir au monarque. Cette fois encore ils se laissèrent battre, et leur retraite précipitée jeta un effroyable désordre dans les rangs de toute l’armée. Voyant que la bataille était perdue, le brave Ibn-abî-Abda aima mieux mourir à son poste que de chercher son salut dans la fuite; plusieurs de ses soldats, qui pensaient comme lui, se rangèrent à ses côtés, et tous succombèrent sans reculer sous les coups des chrétiens. Au rapport des historiens arabes, le reste de l’armée parvint à se rallier et arriva en assez bon ordre sur le territoire musulman; mais les chroniqueurs chrétiens racontent au contraire que la déroute des musulmans fut si complète que partout, depuis le Duero jusqu’à Atienza, les collines, les bois et les champs étaient jonchés de leurs cadavres38.
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La prise de Viguera causa une grande consternation dans l’Espagne musulmane, car on y racontait que tous les défenseurs de la place, parmi lesquels il y en avait qui appartenaient aux plus illustres familles, avaient été massacrés53; et lors même qu’Abdérame ne l’aurait pas désiré, il aurait été contraint par l’opinion publique à tirer vengeance de ce désastre. Mais il n’avait pas besoin d’une telle impulsion. Exaspéré et furieux, il ne voulut pas même attendre le retour de la saison où les campagnes commençaient d’ordinaire, et dès le mois d’avril de l’année 924, il quitta Cordoue à la tête de son armée, «afin d’aller venger Dieu et la religion sur la race impure des mécréants,» comme s’exprime un chroniqueur arabe. Le 10 juillet il arriva sur le territoire navarrais; mais la terreur qu’inspirait son nom était si grande, que les ennemis abandonnaient partout leurs forteresses à son approche. Il passa donc par Carcar, Peralta, Falces et Carcastillo, en pillant et brûlant tout ce qui se trouvait sur son passage; puis il s’enfonça dans l’intérieur du pays en se dirigeant vers la capitale. Sancho tenta bien de l’arrêter dans les défilés; mais chaque fois qu’il l’essaya, il fut repoussé avec perte, et Abdérame arriva sans encombre à Pampelune, dont les habitants n’avaient pas osé l’attendre. Il fit détruire une foule des maisons de la ville, de même que la cathédrale qui attirait chaque année de nombreux pèlerins. Puis il ordonna de démolir une autre église, que Sancho avait fait bâtir à grands frais sur une montagne du voisinage et pour laquelle il avait une grande vénération. Aussi fit-il des efforts inouïs pour la sauver, mais il n’y réussit pas. Plus tard il ne fut pas plus heureux. Ayant reçu des renforts de la Castille, il attaqua deux fois l’armée musulmane qui avait repris sa marche, et deux fois il fut repoussé avec perte. Les musulmans au contraire perdirent très-peu de soldats dans cette glorieuse campagne, qu’ils appelèrent celle de Pampelune54.
Le roi de Navarre, naguère si orgueilleux, était maintenant humilié et réduit pour longtemps à l’impuissance. Du côté de Léon, Abdérame n’avait non plus rien à craindre pour le moment. Le brave Ordoño II était déjà mort avant le commencement de la campagne de Pampelune55. Son frère Froïla II, qui lui succéda, ne régna qu’une année, pendant laquelle il n’entreprit rien contre les musulmans si ce n’est qu’il fournit quelques renforts à Sancho de Navarre. Après sa mort (925), Sancho et Alphonse, fils d’Ordoño II, se disputèrent la couronne. Soutenu par Sancho de Navarre, dont il avait épousé la fille, Alphonse, quatrième du nom, l’emporta. Mais Sancho ne se laissa pas décourager. Ayant rassemblé de nouveau une armée et s’étant fait couronner à Saint-Jacques-de-Compostelle, il vint assiéger Léon, prit cette ville et enleva le trône à son frère (926). Plus tard, en 928, Alphonse reconquit la capitale avec le secours des Navarrais; mais Sancho sut se maintenir en possession de la Galice56.
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