Le Suicide: Etude de Sociologie
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Durkheim Émile. Le Suicide: Etude de Sociologie
PRÉFACE
LE SUICIDE
INTRODUCTION
I
II
LIVRE PREMIER
CHAPITRE I
I
II
III
IV
V
CHAPITRE II
I
II
III
CHAPITRE III
I
II
III
CHAPITRE IV
I
II
III
IV
LIVRE II
CHAPITRE PREMIER
I
II
CHAPITRE II
I
II
III
IV
CHAPITRE III
I
II
III
IV
V
VI
CHAPITRE IV
I
II
III
CHAPITRE V
I
II
III
IV
CHAPITRE VI
I
II
LIVRE III
CHAPITRE I
I
II
III
IV
CHAPITRE II
I
II
III
IV
CHAPITRE III
I
II
III
IV
NOTES:
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Comme le mot de suicide revient sans cesse dans le cours de la conversation, on pourrait croire que le sens en est connu de tout le monde et qu'il est superflu de le définir. Mais, en réalité, les mots de la langue usuelle, comme les concepts qu'ils expriment, sont toujours ambigus et le savant qui les emploierait tels qu'il les reçoit de l'usage et sans leur faire subir d'autre élaboration s'exposerait aux plus graves confusions. Non seulement la compréhension en est si peu circonscrite qu'elle varie d'un cas à l'autre suivant les besoins du discours, mais encore, comme la classification dont ils sont le produit ne procède pas d'une analyse méthodique, mais ne fait que traduire les impressions confuses de la foule, il arrive sans cesse que des catégories de faits très disparates sont réunies indistinctement sous une même rubrique, ou que des réalités de même nature sont appelées de noms différents. Si donc on se laisse guider par l'acception reçue, on risque de distinguer ce qui doit être confondu ou de confondre ce qui doit être distingué, de méconnaître ainsi la véritable parenté des choses et, par suite, de se méprendre sur leur nature. On n'explique qu'en comparant. Une investigation scientifique ne peut donc arriver à sa fin que si elle porte sur des faits comparables et elle a d'autant plus de chances de réussir qu'elle est plus assurée d'avoir réuni tous ceux qui peuvent être utilement comparés. Mais ces affinités naturelles des êtres ne sauraient être atteintes avec quelque sûreté par un examen superficiel comme celui d'où est résultée la terminologie vulgaire; par conséquent, le savant ne peut prendre pour objets de ses recherches les groupes de faits tout constitués auxquels correspondent les mots de la langue courante. Mais il est obligé de constituer lui-même les groupes qu'il veut étudier, afin de leur donner l'homogénéité et la spécificité qui leur sont nécessaires pour pouvoir être traités scientifiquement. C'est ainsi que le botaniste, quand il parle de fleurs ou de fruits, le zoologiste, quand il parle de poissons ou d'insectes, prennent ces différents termes dans des sens qu'ils ont dû préalablement fixer.
Notre première tâche doit donc être de déterminer l'ordre de faits que nous nous proposons d'étudier sous le nom de suicides. Pour cela, nous allons chercher si, parmi les différentes sortes de morts, il en est qui ont en commun des caractères assez objectifs pour pouvoir être reconnus de tout observateur de bonne foi, assez spéciaux pour ne pas se rencontrer ailleurs, mais, en même temps, assez voisins de ceux que l'on met généralement sous le nom de suicides pour que nous puissions, sans faire violence à l'usage, conserver cette même expression. S'il s'en rencontre, nous réunirons sous cette dénomination tous les faits, sans exception, qui présenteront ces caractères distinctifs, et cela sans nous inquiéter si la classe ainsi formée ne comprend pas tous les cas qu'on appelle d'ordinaire ainsi ou, au contraire, en comprend qu'on est habitué à appeler autrement. Car ce qui importe, ce n'est pas d'exprimer avec un peu de précision la notion que la moyenne des intelligences s'est faite du suicide, mais c'est de constituer une catégorie d'objets qui, tout en pouvant être, sans inconvénient, étiquettée sous cette rubrique, soit fondée objectivement, c'est-à-dire corresponde à une nature déterminée de choses.
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Cependant, cette première cause ne suffit pas à expliquer tous les faits. Car, d'une part, il n'est pas prouvé que le suicide ne se répète jamais que dans les familles d'aliénés; de l'autre, il reste toujours cette particularité remarquable que, dans certaines de ces familles, le suicide paraît être à l'état endémique, quoique l'aliénation mentale n'implique pas nécessairement une telle conséquence. Tout fou n'est pas porté à se tuer. D'où vient donc qu'il y ait des souches de fous qui semblent prédestinées à se détruire? Ce concours de cas semblables suppose évidemment un facteur autre que le précédent. Mais on peut en rendre compte sans l'attribuera l'hérédité. La puissance contagieuse de l'exemple suffit à le produire.
Nous verrons, en effet, dans un prochain chapitre que le suicide est éminemment contagieux. Cette contagiosité se fait surtout sentir chez les individus que leur constitution rend plus facilement accessibles à toutes les suggestions en général et aux idées de suicide en particulier; car non seulement ils sont portés à reproduire tout ce qui les frappe, mais ils sont surtout enclins à répéter un acte pour lequel ils ont déjà quelque penchant. Or, cette double condition est réalisée chez les sujets aliénés ou simplement neurasthéniques, dont les parents se sont suicidés. Car leur faiblesse nerveuse les rend hypnotisables, en même temps qu'elle les prédispose à accueillir facilement l'idée de se donner la mort. Il n'est donc pas étonnant que le souvenir ou le spectacle de la fin tragique de leurs proches devienne pour eux la source d'une obsession ou d'une impulsion irrésistible.
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