Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A)
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Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc. Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A)
PRÉFACE
DICTIONNAIRE RAISONNÉ DE L'ARCHITECTURE FRANÇAISE du XIe AU XVIe SIÈCLE
A
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ABAQUE, s. m. (TAILLOIR.) Tablette qui couronne le chapiteau de la colonne.
Ce membre d'architecture joue un grand rôle dans les constructions du moyen âge; le chapiteau recevant directement les naissances des arcs, forme un encorbellement destiné à équilibrer le porte-à-faux du sommier sur la colonne, le tailloir ajoute donc à la saillie du chapiteau en lui donnant une plus grande résistance; biseauté généralement dans les chapiteaux de l'époque romane primitive (1), il affecte en projection horizontale, la forme carrée suivant le lit inférieur du sommier de l'arc qu'il supporte; il est quelquefois décoré de moulures simples et d'ornements, particulièrement pendant le XIIe siècle, dans l'Ile-de-France, la Normandie, la Champagne, la Bourgogne et les provinces méridionales(2). Son plan reste carré pendant la première moitié du XIIIe siècle, mais alors il n'est plus décoré que par des profils d'une coupe très-mâle (3), débordant toujours les feuillages et ornements du chapiteau. L'exemple que nous donnons ici est tiré du choeur de l'église de Vézelay, bâti de 1200 à 1210.
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Mais au XVe siècle, les tores avec ou sans arêtes saillantes, sont abandonnés pour adopter les formes prismatiques, anguleuses, avec de grandes gorges. Les arcs-doubleaux et les arcs-ogives se détachent de la voûte (42); la saillie la plus forte de leurs profils dépasse la largeur de l'extrados, et ceci était motivé par la méthode employée pour construire les remplissages des voûtes. Ces saillies servaient à poser les courbes en bois nécessaires à la pose des rangs de moellons formant ces remplissages (voy. VOÛTE). Il faut remarquer ici que jamais les arcs-ogives, les arcs-doubleaux ni les formerets ne se relient avec les moellons des remplissages, ils ne font que porter leur retombée comme le feraient des cintres en bois; c'est là une règle dont les constructeurs des édifices romans ou gothiques ne se départent pas, car elle est impérieusement imposée par la nature même de la construction de ces sortes de voûtes (voy. VOÛTE). C'est pendant le XVe siècle que les arcs-doubleaux et les arcs-ogives, aussi bien que les archivoltes, viennent pénétrer les piles qui les portent en supprimant les chapiteaux. Quelquefois les profils de ces arcs se prolongent sur les piles jusqu'aux bases, où ils viennent mourir sur les parements cylindriques ou prismatiques de ces piles, passant ainsi de la ligne verticale à la courbe, sans arrêts, sans transitions. Ces pénétrations sont toujours exécutées avec une entente parfaite du trait (voy. PÉNÉTRATIONS, PROJECTIONS).
Les arcs-formerets sont engagés dans les parements des murs et se profilent comme une moitié d'arc-ogive ou d'arc-doubleau (43); ils ne présentent que la saillie nécessaire pour recevoir la portée des remplissages des voûtes. Souvent, à partir du XIIIe siècle, ils traversent l'épaisseur du mur, forment arc de décharge et archivolte à l'extérieur, au-dessus des meneaux des fenêtres (44); Saint-Denis, Troyes, Amiens, Beauvais, Saint-Ouen de Rouen, etc. Les voûtes des églises de Bourgogne, bâties pendant le XIIIe siècle, présentent une particularité remarquable: leurs formerets sont isolés des murs, ce sont des arcs indépendants, portant les voûtes et la charpente des combles. Les murs alors ne sont plus que des clôtures minces, sortes de cloisons percées de fenêtres et portant l'extrémité des chéneaux au moyen d'un arc de décharge (45). Cette disposition offre beaucoup d'avantages, elle annule le fâcheux effet des infiltrations à travers les chéneaux, qui ne peuvent plus alors salpêtrer les murs, puisque ces chéneaux sont aérés par-dessous; elle permet de contre-butter les voûtes par des contre-forts intérieurs qui reportent plus sûrement la poussée sur les arcs-boutants; elle donne toutes facilités pour ouvrir dans les murs des fenêtres aussi hautes et aussi larges que possible, celles-ci n'étant plus obligées de se loger sous les formerets. De plus, l'aspect de ces voûtes, bien visiblement portées par les piles et indépendantes de l'enveloppe extérieure de l'édifice, est très-heureux; il y a dans cette disposition quelque chose de logique qui rassure l'oeil, en rendant intelligible pour tous le système de la construction. On voit, ainsi que l'indique la figure (45), comme les arcs-doubleaux, les arcs-ogives et les arcs-formerets viennent se pénétrer à leur naissance, afin de poser sur un étroit sommier et reporter ainsi toute la poussée des voûtes sur un point rendu immobile au moyen de la buttée de l'arc-boutant; mais dans les voûtes des bas côtés, il y a un autre problème à résoudre, il s'agit là d'avoir des archivoltes assez épaisses pour porter les murs de la nef; les piliers rendus aussi minces que possible pour ne pas gêner la vue, ont à supporter non-seulement la retombée de ces archivoltes, mais aussi celle des arcs-doubleaux et des arcs-ogives.
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