Renan, Taine, Michelet: Les maîtres de l'histoire
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Gabriel Monod. Renan, Taine, Michelet: Les maîtres de l'histoire
Renan, Taine, Michelet: Les maîtres de l'histoire
Table des matières
ERNEST RENAN. HIPPOLYTE TAINE
JULES MICHELET
APPENDICE
À CHARLES DE POMAIROLS
PRÉFACE
ERNEST RENAN
I
II
III
IV
V
VI
VII
HIPPOLYTE TAINE
I
LA VIE DE TAINE.—LES ANNÉES D'APPRENTISSAGE
II
LES ANNÉES DE MAITRISE
III
L'HOMME ET L'ŒUVRE
I
II
III
IV
V
JULES MICHELET
I
LA VIE DE MICHELET
II
L'HOMME ET L'ŒUVRE
APPENDICE I
MICHELET ÉDUCATEUR
APPENDICE II
LE JOURNAL INTIME DE MICHELET[87]
FIN. NOTES
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Gabriel Monod
Publié par Good Press, 2020
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L'apparition de la Vie de Jésus fut, non seulement un grand événement littéraire, mais un fait social et religieux d'une portée immense. C'était la première fois que la vie du Christ était écrite à un point de vue entièrement laïque, en dehors de toute conception supra-naturaliste, dans un livre destiné, non aux savants et aux théologiens, mais au grand public. Malgré les ménagements infinis avec lesquels Renan avait présenté sa pensée, malgré le ton respectueux et attendri qu'il prenait en parlant du Christ, peut-être même à cause de ces ménagements et de ce respect, le scandale fut prodigieux. Le clergé sentit très bien que cette forme d'incrédulité qui s'exprimait avec la gravité de la science et l'onction de la piété, était bien plus redoutable que la raillerie voltairienne; venant d'un élève des écoles ecclésiastiques, le sacrilège à ses yeux était doublé d'une trahison, l'hérésie aggravée d'une apostasie. Le gouvernement impérial, qui avait nommé en 1862 E. Renan professeur de philologie sémitique au Collège de France, eut la faiblesse de le révoquer en 1863, en présence des clameurs que souleva la Vie de Jésus. Il avait eu la naïveté de lui offrir, comme compensation, une place de conservateur à la Bibliothèque nationale.
Renan répondit au ministre, en style biblique: Garde ton argent (Pecunia tua tecum sit); et, libre désormais de tout souci matériel, grâce au prodigieux succès de son livre, le «blasphémateur européen», comme l'appelait Pie IX, continua tranquillement son œuvre[5]. Ce ne fut qu'en 1870, quand l'Empire fut tombé, que sa chaire lui fut rendue. Ses cours, commencés au milieu même du siège de Paris, ont toujours eu un caractère strictement scientifique et philologique qui en écartait le public frivole et ne les rendait accessibles qu'à un petit nombre de véritables élèves, alors qu'il lui était si aisé d'attirer la foule à ses cours, rien qu'en y professant ces livres avant de les publier; il dédaigna toujours ces succès faciles et ne songea qu'à faire progresser la science qu'il était chargé d'enseigner. Il devint, en 1883, l'administrateur respecté du grand établissement scientifique dont il avait été chassé comme indigne vingt ans auparavant. Lancé, par la publication de la Vie de Jésus, dans la lutte religieuse, attaqué avec violence par les uns, défendu et admiré avec passion par les autres, ayant à souffrir souvent de la vulgarité de certains admirateurs, E. Renan ne s'abaissa point à la polémique; il ne permit point que la sérénité de sa pensée fut altérée par ces querelles[6], et il continua à parler de l'Église catholique et du christianisme avec la même impartialité, je dirai plus, avec la même sympathie respectueuse et indépendante.
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