Читать книгу Hic et Hec - Gabriel-Honore de Mirabeau, Honoré-Gabriel de Riqueti Mirabeau - Страница 1
ОглавлениеJe dois le jour à une distraction d'un R. P. jésuite d'Avignon, qui, se promenant avec ma mère, blanchisseuse de la maison, quitta dans l'obscurité le sentier étroit qu'il parcourait d'ordinaire en faveur de la grande route qui lui était peu familière. A peine avais-je six ans que sa tendresse paternelle me fit admettre par charité dans les basses classes; j'y rendais tous les services qu'on pouvait attendre de mon âge, et grâce aux heureuses dispositions dont la nature m'avait doué, je profitai; à douze ans, je pus balayer la troisième et faire les commissions du père Natophile, qui en était régent. J'étais précoce en tout, ma taille était élancée et svelte, mon visage rond et vermeil, mes cheveux châtain-brun et mes yeux noirs, grands et perçants me faisaient paraître plus âgé que je n'étais: on me prenait pour un enfant de quatorze ans. La bassesse de mon origine, la pauvreté de ma parure, m'avaient éloigné de toute intimité avec mes camarades de classe, et par conséquent de la corruption, et je donnais tout mon temps à l'étude. Le régent, satisfait de mes progrès, me prit en affection, me chargea du soin d'arranger sa chambre, de faire son lit et de lui porter tout ce dont il avait besoin; et pour ma récompense, il me donnait des leçons particulières après la classe, et me faisait lire dans sa chambre des auteurs qu'on n'explique pas en public.
Un jour, j'avais plus de treize ans alors, il me tenait entre ses jambes pour me suivre des yeux dans l'explication de la satire de Pétrone; son visage s'enflammait, ses yeux étincelaient, sa respiration était précipitée et syncopée; je l'observais avec une inquiète curiosité qui, divisant mon attention, me fit faire une méprise. – Comment, petit drôle! me dit-il d'un ton qui me fit trembler, un sixième ne ferait pas une pareille faute; vous allez avoir le fouet. J'eus beau vouloir m'excuser et demander grâce, l'arrêt était prononcé; il fallut bien me soumettre. Il s'arme d'une poignée de verges, me fait mettre culotte bas, je me jette sur son lit, et de peur que je ne me dérobe au châtiment, il passe son bras gauche autour de mes reins, de façon que sa main empoigne un bijou dont j'ignorais encore l'usage, quoique sa dureté momentanée, depuis plus d'un an, m'eut donné à penser. – Allons, petit coquin, je vais vous apprendre à faire des solécismes. Et il agite légèrement les verges sur mes jumelles, de manière à les chatouiller plutôt qu'à les blesser. La peur ou le doux frottement de sa main fit grossir ce qu'il tenait. – Ah! petit libertin, qu'est-ce que je sens là? Ah! vous en aurez d'importance. Et il continuait la douce flagellation et ses attouchements, jusqu'à ce que, enivré de volupté, un jet de nectar brûlant couronnât ses efforts et comblât ma félicité. Alors, jetant les verges: – Ferez-vous plus attention une autre fois? – Ah! je ne le crois pas, mon père, il y a trop de plaisir à être corrigé de votre main. – Tu me pardonnes ma colère; eh bien, applique-toi, quand tu feras bien, je te récompenserai comme je t'ai puni. Je lui baisai la main avec transport, il m'embrassa, et passant ses mains sur mes jumelles, il me couvrit de baisers. – Puisque tu es content de la correction, mon cher enfant, poursuivit-il, tu devrais bien récompenser mes soins de même. – Je n'oserais jamais!… fouetter mon régent! – Ose, il t'en prie, et, s'il le faut, il te l'ordonne. J'allai, en rougissant, prendre les verges, il découvrit son post-face; à peine osais-je toucher, il s'enrouait à me crier: – Fort, plus fort; on doit punir plus rigoureusement les fautes des maîtres que celles des écoliers. Enfin je m'enhardis, et, empoignant son sceptre comme il avait fait du mien, je le fustigeai si vertement qu'il versa des larmes de plaisir. Dès ce moment la confiance s'établit; il prétexta un rhume qui le mettait dans la nécessité d'avoir quelqu'un auprès de lui, et il fit mettre mon lit dans un petit cabinet qui touchait au sien; mais ce n'était que pour la forme, et, dès qu'il était couché, il m'appelait et j'allais dormir ou veiller dans ses bras. Il fut mon Socrate et je fus son Alcibiade. Tour à tour agent et patient, il mit sa gloire à perfectionner mon éducation.
Ma quatorzième année finie, je possédais le grec, le latin, un commencement de logique et de philosophie, je connaissais les premiers éléments de la théologie. Mais pour approfondir cette science qui tant de fois aiguisa les poignards du fanatisme, il fallait passer dans d'autres mains, le père Natophile étant livré presque exclusivement à la belle littérature, et je fus obligé d'aller étudier sous le professeur Aconite. Je gardai néanmoins mon lit chez Natophile, qui, sentant que pour faire mon chemin dans cette nouvelle carrière je serais obligé d'avoir les mêmes complaisances pour Aconite, le prévint en ma faveur, et dressa lui-même les articles du traité de partage; il fallait le consentement du supérieur pour mon admission au cours de théologie. Natophile me présenta chez lui, ma figure lui plut, et il fallut bien lui payer son droit.
Pendant l'année qui suivit, je passai les jours à l'étude et les nuits à mériter les faveurs de mes professeurs. Mes progrès m'avaient fait un nom qui me promettait les plus brillants succès, quand arriva la catastrophe qui anéantit la société. Accablés par ces revers, Natophile et Aconite prirent le parti de se retirer en Italie, et le premier, pour ne pas me laisser sans ressources me recommanda à Mme Valbouillant, pour me charger de l'éducation de son fils, âgé de sept ans et dont le professeur venait de mourir; ma réputation, le témoignage de mes professeurs, me firent accepter malgré mon excessive jeunesse. Mme Valbouillant pouvait avoir vingt-quatre ans, les dents blanches, l'oeil noir, le nez en l'air, les cheveux bruns et fournis, la peau superbe, la gorge et la croupe rebondies, et la main d'une beauté ravissante; elle n'avait d'enfant que mon élève, et son mari, depuis six ans, était en Italie, à la suite d'une succession qui lui était échue. Natophile me conduisit chez elle, y fit porter mon attirail d'abbé et le petit trousseau que son amitié l'avait engagé à me faire.
Cette dame me reçut avec une bienveillance attrayante et promit à Natophile de me traiter de façon à établir entre elle et moi la confiance réciproque qui devait assurer le succès de mes soins auprès de mon élève. Quand mon introducteur fut sorti, la dame me regardant d'un oeil fixe et animé, je baissai les yeux et je rougis; j'avais bien la force de soutenir les regards lascifs de mes instituteurs, mais ceux d'une femme riche et d'un rang distingué, dont ma fortune allait dépendre, m'en imposaient à un point que je ne puis exprimer. – Que vois-je, dit-elle, vous rougissez? Le père Natophile m'aurait-il trompée? Vous avez bien les traits d'une jeune fille, vous en montrez la timidité, n'en auriez-vous pas le sexe! Je rougis encore plus fort. – Ah! continua-t-elle en riant, je placerais là un joli gouverneur auprès de mon fils; je veux m'en assurer. Et passant la main dans le jabot de ma chemise, elle eut l'air de chercher par mon sein si je n'étais pas une fille; le sien, que je voyais presque en entier, me mettait dans un état à détruire tous ses doutes; je perdis ma timidité, et, prenant son autre main, je l'appuyai sur la preuve palpable de sa méprise. – Ah! dit-elle, que je m'étais trompée! Pourquoi avoir une aussi jolie mine? Ma méprise est bien excusable, mais si jeune… quelle grosseur! d'honneur, l'abbé, vous êtes un monstre! – Bien facile à apprivoiser, dis-je en me jetant à ses pieds, et je donnerais ma vie pour le bonheur de vous plaire. – Ah! que je m'en veux de mon erreur, sans elle il ne serait pas à mes pieds; levez-vous donc, quelle audace! – Non, madame, je n'en puis sortir que je n'aie obtenu mon pardon, et je l'obtiendrai si vous considérez l'empire de vos charmes et l'effet qu'ils font sur moi. – J'en conviens, il est presque incroyable!… Et ses yeux se fixaient sur l'insolent dont l'orgueil augmentait à vue d'oeil; il y a peu d'avocats aussi éloquents aux yeux d'une femme: je vis le succès du plaidoyer muet, et reprenant sa main, je la pressai contre l'orateur. – Ah! fripon, s'écria-t-elle en passant son autre bras autour de mon cou, et serrant ma tête contre son sein. Je sentis l'énergie de cet "Ah! fripon!" et, profitant de la circonstance et de l'heureuse attitude, je fis tant des genoux et des mains qu'en quatre secondes tous les obstacles furent écartés, et l'union la plus intime couronna mes efforts; ses yeux humides et à demi fermés, son sein haletant, sa bouche, collée contre la mienne, forcée au silence par la volupté; nos langues trop occupées pour peindre nos plaisirs; nous restâmes plusieurs moments dans cette ivresse qu'on sent trop pour pouvoir l'exprimer. Sa dernière période combla mes voeux sans affaiblir nos désirs, et le front orné de myrtes, je ne me reposai point pour courir à une nouvelle victoire.
Mon athlète, charmée de sa défaite et de ma valeur obstinée, se livra avec transport à la nouvelle lutte, qui, moins rapide et plus vivement sentie, nous plongea dans une mer de délices. Remis de notre trouble, nous couvrîmes réciproquement de baisers enflammés tous les charmes dont nous avions joui, et nous convînmes de la réserve la plus sévère devant le monde et les domestiques, et de l'abandon le plus parfait dans les tête-à-tête. Chaque jour me découvrait de nouveaux charmes dans ma conquête, qui, s'attachant de plus en plus par la jouissance, m'aimait avec la tendresse d'une amante. L'appartement de mon élève communiquait au sien par sa garde-robe; et le soir, quand tout le monde était endormi, je passais dans son alcôve chercher le délire dans ses bras, et je rentrais chez moi avant le point du jour. Nous jouissions sans trouble de cette félicité, quand Valbouillant revint de son voyage, après avoir terminé ses affaires.
Je lui fus présenté; je lui parus bien jeune pour un instituteur. Connaissant le tempérament de son épouse, il se douta bien qu'elle ne me laissait pas donner exclusivement tous mes soins à mon élève; mais il n'était pas jaloux, et le séjour qu'il avait fait à Florence l'ayant accoutumé aux plaisirs socratiques, et ma figure le séduisant, il crut faire servir la faiblesse de sa femme pour moi à s'assurer de mes complaisances. Il feignit le soir un mal de tête, s'excusa de coucher seul dans son appartement, lui disant en l'embrassant tendrement qu'il espérait s'en dédommager quand cette indisposition imprévue ne le contrarierait plus. Elle me fit alors un signe, que je compris à merveille. Quand je le crus retiré, je m'introduisis dans le lit de ma belle, et nous nous hâtâmes de profiter d'une occasion que nous craignions ne pas retrouver de sitôt.
A peine étions-nous à l'oeuvre, que nous vîmes paraître Valbouillant en chemise, un poignard à la main, qui, jetant la couverture et me saisissant de la main gauche, me dit: – On ne m'outrage point impunément; mais je suis humain, choisissez entre ces poignards. Et brandissant celui qu'il tenait, il me montrait celui dont Jupiter frappait Ganymède. L'amour de la vie ne rendit pas mon choix douteux; je cédai à l'impérieuse circonstance, et Mme Valbouillant, trop heureuse d'en être quitte à si bon marché, me retint assujetti dans la position où je me trouvais; son mari devint le mien, et dans le fort de ses transports, il prodiguait mille baisers à sa femme, bénissant une infidélité qui lui procurait de si douces jouissances. – Tu me pardonnes donc, lui dit-elle en l'embrassant. – Comment rester fâché contre de si chers coupables? Ce sein, dit-il en le baisant (elle l'avait superbe), et ces jumelles, ajouta-t-il en frottant de la main l'autel où il venait de sacrifier, attendriraient un tigre; de plus, je n'ai pas compté que tu pusses rester fidèle pendant une si longue absence. J'ai gagné dans mon voyage une bonne succession et des cornes. La première me fait plus de bien que les autres ne me feront de mal. Ne prêtons point à rire, soyons discrets et jouissons sans scrupule de tous les plaisirs que notre âge et notre fortune nous offrent; évitons le scandale et moquons-nous du reste.
Mme Valbouillant, enchantée de la manière dont il avalait la pilule, le comblait de caresses. – Ah! mon ami, que de bonté! Non, plus jamais tu n'auras de reproche à me faire! Je renonce… – Tais-toi, point de serment, je n'y crois point. J'exige ta confiance et non ta fidélité; ce serait demander l'impossible. Tiens, regarde notre abbé, comme il est radieux; j'ai retardé ses plaisirs et les tiens, mais je ne veux pas vous en priver; allons, Hic et Hec, reprenez votre besogne. – La plaisanterie est trop amère, mon ami, quand tu vois mon repentir. – Je ne plaisante point, j'ai donné à l'abbé ce que je te destinais, il est juste qu'il t'en dédommage; les plaisirs que tu prendras devant moi ne peuvent m'offenser, puisque c'est de mon aveu, et que mes yeux jouiront par ce tableau. Et tenant sa femme dans l'attitude la plus commode, il me pressa de me jeter dans ses bras. La singularité de tout ce qui venait de se passer me fit hésiter: il insista; je cédai, et j'avoue que j'en mourais d'envie. Alors, nous serrant tous deux dans ses bras, il nous couvrit de caresses; sa femme, d'abord embarrassée, se rassura et lui serrant la main, se livra sans réserve à mes transports, et parvint au but désiré en même temps que moi. – Eh bien! mes amis, dit-il, ne suis-je pas un complaisant? Des caresses furent notre réponse. Regarde, dit-il à sa femme, l'effet du spectacle que vous venez de me donner. Et il lui découvrit son sceptre dans l'état le plus respectable. – Qu'il est menaçant, s'écria-t-elle; allons, mon pauvre Hic et Hec, vous allez être poignardé. – Non, madame, c'est sur vous cette fois que ma fureur va tomber; si, par hasard, dans neuf mois vous me rendez père, je ne veux pas avoir de certitude que l'enfant n'est pas de moi. En disant ces mots, il use de tous ses droits et s'empare de la place dont je venais de sortir. Valbouillant était bien fait, il avait à peine trente ans, son corps frais et rebondi était d'une blancheur éblouissante; la vue de son post-face me rendit ma vigueur, je me précipitai sur lui, je m'introduisis sans peine, et mes mouvements secondant ses efforts, le faisaient pénétrer plus avant dans la grotte de son épouse. – Ah! cher abbé, s'écria-t-il, quel plaisir! Tu doubles ma jouissance. Je continuai avec ardeur, et bientôt une triple émission couronna notre félicité. Alors, plus calme, il me baisa avec une tendre fureur, pour me payer des délices que je lui avais fait éprouver. – Vous m'étonnez, dit sa femme, je pensais bien qu'en socratisant, l'agent goûtait un plaisir vif par la pression qu'il éprouve dans la voie étroite; mais je ne puis concevoir que le patient en puisse ressentir; au contraire, la grosseur de ce qu'il admet doit lui causer une sorte de douleur qui doit émousser toute volupté. – Ah! ma chère, que vous êtes dans l'erreur, le rôle de patient est au moins aussi doux à jouer que celui d'agent, le chatouillement intérieur est ravissant, et j'ai vu des femmes qui préféraient recevoir leur ami de ce côté-là. – C'est singulier, et pourquoi ne me l'avoir point fait essayer? – Je n'osais te le proposer, et sans les événements d'aujourd'hui, je ne t'en aurais peut-être jamais parlé. – Je serais bien tentée d'en faire l'épreuve, si je ne craignais pas que cela me fît beaucoup de mal. – Nous l'avons bien supporté votre mari et moi presque dès l'enfance; avec un peu de pommade les obstacles disparaissent. – Vous m'encouragez; cependant comment est-il possible que ceci (touchant le sceptre de son mari) puisse entrer dans un si petit réduit? – Mon coeur, il faut choisir, pour commencer le défrichement, la charrue dont le soc sera le plus aigu.
A l'examen, les proportions du mien parurent plus propres pour entamer l'ouvrage, et après quelques moments de repos, mes forces s'étant ranimées, Valbouillant resta dans le lit, nous nous levâmes sa femme et moi; je lui fis courber le corps sur le lit, son mari la retint, unissant sa bouche à la sienne et l'animant par des baisers à la florentine. Cependant sa croupe se levant, me présentait un double chemin au bonheur; je choisis celui convenu; après avoir préparé la voie par un liniment suffisant, la grosseur du soc lui fit d'abord jeter un cri, je m'arrêtai et poussant avec ménagement quelques secondes après, j'ouvris le sillon assez pour y cacher la moitié du fer de la charrue; je m'arrêtai encore: – Souffrez-vous? lui dis-je. – Encore un peu, mais moins. Alors, appuyant sur les manchons, je fis le défrichement aussi profond qu'il devait l'être, allant et venant, comme l'exige ce genre d'agriculture. – Ah! dieux! s'écria-t-elle; je ne sais où je suis, la tête me tourne, je brûle; ah! quelle volupté, je fonds! Ah!… ah!… je succombe… je pars encore… Quartier! mon cher ami… je ne puis plus… Me sentant aussi tout hors de moi, je retirai mon soc du sillon où il était, je l'enfonçai profondément dans le voisin que je trouvai inondé d'un déluge de larmes de volupté; les miennes s'y mêlèrent et nous nous rejetâmes sur le lit dans un abattement délicieux qui succède aux plaisirs satisfaits. – Ah! mes amis, s'écriait Mme Valbouillant, se peut-il que j'aie vécu jusqu'à présent dans l'ignorance d'un bonheur aussi grand; bon Dieu, quelle félicité, quelle douceur ineffable! Valbouillant, qu'elle caressait en tenant ce discours, lui proposa de lui faire répéter l'expérience dont elle s'était si bien trouvée. – De bon coeur, quand j'aurai pris quelques moments de repos; mais laissez-moi respirer quelques instants, et me recueillir sur une jouissance aussi parfaite et aussi nouvelle pour moi.
Elle s'assoupit un moment la tête appuyée sur mon sein, je m'endormis aussi une main sur ses reins, et l'autre enveloppant un côté de son sein. Valbouillant suivit notre exemple, nous dormîmes près de deux heures; un songe intéressant occupait notre belle, elle agitait ses reins et m'embrassait avec un transport qui m'éveilla tout à coup. Valbouillant ouvrit aussi les yeux. – C'est, dit-il, à mon tour de lui faire la seconde expérience socratique. – D'accord, répondis-je, mais si vous m'en croyez, nous pouvons doubler pour elle la volupté. – Comment? – Je vais me coucher sur le dos et l'établir sur moi tout physiquement, et vous vous installerez ensuite dans la voie étroite. Tous deux applaudirent à mon idée, et nous nous mîmes sans délai à la réaliser. Je mis un coussin sous mes reins pour les élever davantage, mon héroïne se mit à cheval sur moi, enfonçant mon poignard dans sa blessure et collant sa poitrine sur la mienne, de façon qu'elle offrait dans la position la plus avantageuse le revers à son second athlète. Il ne tarda pas à battre la muraille avec son bélier, qui bientôt s'y fit jour. Enivrée de plaisir, elle me mordait, me pinçait, me baisait, m'inondait et par-dessus m'étouffait: quelque volupté que j'éprouvasse, je commençais à me repentir de mon invention, quand par bonheur Valbouillant, dont le frottement de nos chevilles ouvrières sur la mince membrane qui nous séparait accélérait le triomphe, arrosa l'intérieur de l'arrière-temple, et me débarrassa de son poids; alors je redoublai mes mouvements, et, dardant le nectar dans le plus profond de l'antre de la volupté, l'âme de ma belle et la mienne se confondirent quelques moments. Elle avoua que de sa vie elle n'avait conçu l'idée d'un plaisir aussi ravissant: elle nous pressait sur son sein son mari et moi, et gémissait de ce que la nature humaine accordait si peu de force pour savourer et prolonger la volupté. Ce dernier combat ayant épuisé nos ressources, nous nous retirâmes pour la laisser chercher, dans les bras du sommeil, le repos que nous allâmes prendre, chacun de notre côté, dans nos lits.
Le lendemain, je fus réveillé à onze heures par la jeune Babet, filleule de Mme Valbouillant, qui vint me dire qu'elle m'attendait pour déjeuner avec du chocolat, et que je vinsse dans l'état où je serais. Comme j'aurai occasion de parler de Babet, et, pendant qu'elle est dans ma chambre, j'en vais crayonner le portrait. Elle avait à peine quatorze ans; sa taille, haute et légère, aurait pu servir de modèle à l'Albane pour peindre la plus jeune des Grâces; un sein petit et dur commençait à s'arrondir autour de deux boutons vermeils et frais comme la rose, et qui paraissaient à l'oeil comme deux fraises appétissantes que le soleil n'a fait encore que rougir légèrement; son front brillait du coloris de l'innocence; dans ses yeux on commençait à entrevoir le plaisir d'aimer encore méconnu, et la gaîté naïve, entr'ouvrant sa bouche de corail, allait creuser dans ses joues deux fossettes charmantes.
Je l'avais peu remarquée jusqu'alors; malgré les fatigues de la nuit, le démon du matin ne me laissa pas maître de voir sans émotion tant de charmes. Je me fis répéter trois fois le sujet de sa commission, quoique je l'eusse entendu dès la première. – Est-ce vous, charmante Babet, lui dis-je, en jetant ma couverture pour me lever et me rendre aux ordres de sa maîtresse, est-ce vous qui préparez cet excellent chocolat? – Oui, monsieur, c'est moi. – Que je voudrais bien être à sa place, comme je mousserais bien sous vos mains. – Un abbé, mousser, cela serait plaisant. – Et très naturel. – Vous moquez-vous? comment cela se peut-il? – Tu vas le voir, lui dis-je en l'attirant sur mon lit; suppose que ceci est le manche du moussoir. – Ah! comme c'est fait; mais non, je veux m'en aller, et feignant de vouloir sortir et de détourner la tête, je l'aperçus cependant qui glissait un regard de côté pour mieux détailler cet objet nouveau pour elle. – On ne me quitte pas ainsi, repris-je en la retenant avec un tel effort qu'elle perdit l'équilibre et tomba de côté sur mon lit, de telle sorte que voulant se retenir, ce fut directement au manche du moussoir qu'elle s'accrocha.
Me trouvant bien du hasard de la chute, je la maintins dans cette attitude. – Ah! mon Dieu, que cela est dur! dit-elle, en s'accoutumant à le considérer, et le touchant avec complaisance; à quoi cela peut-il servir? – A faire ton bonheur et le mien. – Cela serait drôle, et comment cela? – En le plaçant dans l'ouverture de la chocolatière. – Elle est chez madame, au coin du feu, je vais vous la chercher. – Ne te donne pas tant de peines, tu portes toujours avec toi celle qu'il me faut. Je lui fis sentir par l'attouchement d'un doigt caressant quel était le meuble qu'il me fallait. – Comme vous me chatouillez!… – Comment? Quoi donc?… Ils sont faits l'un pour l'autre, et c'est de leur union que naîtra pour nous le plus grand des plaisirs. – Ah! comme votre doigt seulement m'en donne, ah! que cela est drôle! Et vous dites que ce que je tiens là m'en donnerait davantage. – Je t'en réponds, cela ne se ressemble pas. – Que je le baise donc? Et la pauvre ingénue se mit à me le couvrir de baisers pendant que mon doigt, continuant son office obligeant, la conduisit à la dernière période de la volupté. – Ah!… ah!… quelle ivresse, s'écriait-elle, en roulant les yeux et agitant les reins. Je n'en puis plus… Je meurs, ah!… ah!… je suis toute mouillée. Je contemplais avec délices les effets du plaisir sur sa mine innocente et candide; j'allais essayer de lui donner des plaisirs plus solides, quand du bruit que j'entendis dans le corridor me fit lâcher prise et remettre à un autre temps la leçon de cette charmante écolière. – A ce soir, lui dis-je, quand tout le monde sera couché, j'irai achever de t'instruire. Tu le veux bien? – Si je le veux? Je vous en prie. – Ne dis rien à personne de ce que nous avons fait, et laisse ta porte entr'ouverte. – Je n'y manquerai pas.
A peine était-elle sortie que Valbouillant entra. – Comment, pas encore debout, paresseux!… Voilà ce que c'est que de vous envoyer de si jeunes émissaires, monsieur songe moins au message qu'à la messagère. – Je dormais profondément, Babet a eu de la peine à m'éveiller. – Elle vous tenait pourtant par l'endroit sensible. – Que dites-vous? – Mais vous n'étiez pas ingrat. – Quoi! vous pourriez penser? – J'ai vu, fripon, mais je me suis retiré pour ne pas être un trouble-fête, et j'ai fait ensuite assez de bruit en revenant pour que vous ne fussiez pas surpris de ma venue. La petite Babet est charmante, j'en raffole depuis mon retour, et je ne vous laisserai pousser tranquillement votre pointe qu'à condition que quand vous l'aurez initiée, elle sera associée à nos plaisirs. – Soit, repris-je, laissez-moi huit jours pour la disposer et je vous la donne après pour l'effet de la société la plus aimable. – Huit jours, ah! monsieur l'abbé, du train dont vous y allez, le terme est trop long, la nuit prochaine passée, celle d'après, il vous plaira que tout soit commun entre nous.
Il fallut bien y consentir. Pendant ce colloque, j'avais passé des bas, un caleçon et une robe de chambre, et il m'emmena chez sa femme, où nous trouvâmes le chocolat tout préparé, qui nous fut versé par les mains de Babet, qui, sans savoir pourquoi, rougissait en emplissant ma tasse. Valbouillant lui donna quelque ordre qui la fit sortir pour un quart d'heure, et profitant de son absence, il conta à sa femme ce qu'il avait surpris de mes arrangements avec sa filleule. – Comment, libertin, dit-elle, déjà une infidélité!… Mais je ne serai pas si douce que mon mari, ou je dérange vos projets, ou je repaîtrai mes yeux de vos succès. – Comment voulez-vous qu'une première fois cette jeune personne consente? – Laissez-moi faire, dit-elle, elle est parfaitement innocente, a pleine confiance en moi, et si les exploits de cette nuit n'ont pas mis l'abbé hors de combat… – Hors de combat, repris-je en lui faisant voir que j'étais dans toute ma gloire. – Ah! ma foi, l'abbé est un héros. Eh bien, j'entends que le pucelage de Babet n'ait pas plus d'une heure à vivre et que nous assistions à ses obsèques; j'en fais mon affaire. – Comment prétendez-vous?… – Ne vous embarrassez pas, laissez-moi conduire la chose et je réponds de la réussite.
Quelques moments après, Babet rentra. – Qu'on dise là-bas que nous sommes sortis et qu'on ne laisse monter personne, dit la marquise d'un ton sérieux mais sans dureté; revenez aussitôt, Babet, j'ai des choses importantes à vous apprendre. La filleule obéit et rentra. – Asseyez-vous, Babet, continua Mme Valbouillant. L'innocente balançait. – Obéissez. Elle céda. – Je suis votre marraine, et trop instruite dans ma religion pour ignorer qu'en vous tenant sur les fonts, j'ai pris l'engagement de vous éclairer, de vous protéger et de pourvoir tant que je pourrai à vos besoins. – Vous l'avez toujours fait, madame, et ma reconnaissance… – Je veux continuer, l'âge en amène de nouveaux. Depuis un temps, j'ai cru remarquer que votre sein s'arrondit. – Madame, ce n'est pas ma faute. – Je ne vous en fais pas un reproche, mais il faut que je voie en quel état il est. La pauvrette rougit. – L'abbé, continua Mme Valbouillant, délacez son corset: comme vous serez son directeur, il est bon que vous jugiez par vous-même des secours dont elle peut avoir besoin.
Je me mis en devoir d'obéir; la petite, embarrassée, interdite, ne savait s'il fallait résister ou céder. – Vous n'êtes plus une enfant, poursuivit la marraine, je vais à présent vous parler comme à une grande fille, et vous devez vous conduire de même; vous n'imaginez pas, je crois, que je veuille faire, ni vous faire faire quelque chose qui ne soit pas convenable. D'ailleurs la présence de mon mari devrait vous rassurer; mais pour détruire votre timidité, je veux bien vous montrer l'exemple. En disant cela, elle détacha son fichu elle-même et découvrit cette gorge que nous avions tant fêtée la nuit. Babet fit moins de résistance et me laissa tirer de son corset deux petits globes naissants, blancs et fermes comme l'albâtre; je fus ébloui de leur éclat. – Bon, dit la dame en les touchant légèrement, ceci annonce quelque chose, voyez si le reste le confirme; vous étiez chauve, il y a quelques années, au-dessous de votre buste, l'êtes-vous encore? – Madame… – Eh bien? – C'est que je n'ose. – Dites, dites, ne craignez rien… – Depuis six mois… – Après? – Il m'est venu… – Voyons? – Il est peut-être malhonnête. – Bon, ce qui est naturel peut-il l'être, regardez-y, l'abbé.
Babet, au mouvement que je fis, parut bien plus confuse et résista machinalement. – Quelle enfant, continua la maîtresse, faut-il encore que je vous donne l'exemple? J'y consens. Et elle leva ses jupes et nous fit voir la toison la plus brune, la mieux frisée qu'on pût voir. Alors, imitateur fidèle, j'exposai à la vue le duvet naissant qui ombrageait le portique du plus joli temple que l'amour eût jamais formé; Mme Valbouillant y porta le doigt, et son chatouillement y eut bientôt causé les douces oscillations qui conduisent à la volupté. – Le moment du besoin est arrivé, et pour y pourvoir, c'est, ma chère enfant, de l'abbé que j'ai fait choix. Allons, Hic et Hec, conduisez-la sur ma chaise longue et donnez-lui tous les secours qui dépendront de vous.
Valbouillant et moi brûlions de désirs à la vue de tant de charmes; la petite n'était pas plus calme, mais la présence de sa marraine et de Valbouillant la couvrait de confusion. Mme Valbouillant, pour tirer parti de la circonstance, prenant son mari par ce qui se révoltait en lui: – Montrons à cette enfant, dit-elle, comment il faut qu'elle fasse. Et, par cet exemple, elle détermina bientôt l'innocente, que je plaçai dans l'attitude convenable au sacrifice. – Ah! mon cher abbé, me dit-elle en se plaçant comme je voulais sur la chaise longue, qui m'eût dit ce matin que, sans risquer d'être grondée, je pourrais vous abandonner ce que vous chatouillez si joliment et toucher ce qui, dites-vous, doit me donner tant de plaisirs! Ce que c'est que d'avoir une bonne marraine!
Pendant qu'elle disait tout cela, je m'établissais, et la pointe de mon dard s'efforçait de pénétrer dans le réduit jusqu'alors insensible, dont la pudeur défend l'accès à la volupté. Le spectacle de Mme Valbouillant qui, dans ce moment, se pâmait sous les efforts de son mari, irritant ses désirs, l'empêchait de s'opposer aux miens, quelque douleur que lui causassent mes efforts. Je profitai de ce moment d'ivresse, et passant mes mains autour de ses reins, j'appuyai si vertement que, franchissant tous les obstacles, j'établis la tête de ma colonne dans le retranchement de l'ennemi, qui céda à mon effort. – Ah! je suis morte, dit-elle, cruel! Sont-ce là les plaisirs que vous me promettiez? Je ne lâchai pas prise. – Le plus fort en est fait, répondis-je, encore un peu de patience, ma chère Babet, et tu verras que je ne t'ai point trompée.
Elle pleurait, gémissait, et moi je gagnais toujours du terrain; cependant Valbouillant et sa femme ayant fini leur besogne vinrent à notre secours; l'officieuse marraine, glissant sa main dans le champ de bataille, chatouilla cette voluptueuse excroissance qui, par sa dureté, annonce l'arrivée de la volupté, et les lèvres de Valbouillant, serrant amoureusement une des fraises de son sein, portèrent son ivresse au comble; elle oublia sa douleur que le frottement affaiblissait. – Ah! dieux! s'écria-t-elle, qu'est-ce que je sens?… qu'est-ce que j'éprouve?… ah!… ah! je me meurs… serre-moi… j'expire… ah!… A ce mot elle ferma les yeux, se raidit, et, par la plus copieuse éjaculation, me prouva le plaisir qu'elle prenait, je ne fus pas longtemps à m'acquitter, et l'abondante injection que je fis en elle du baume de la vie compléta sa félicité. – Ah! cher abbé, divin abbé, quel délice, quel nectar!… Et elle perdit de nouveau la voix en même temps que je perdais mes forces. Je me retirai couronné de myrtes ensanglantés. – Eh bien, dit la marraine, comment t'en trouves-tu, Babet?… – Il m'a fait bien du mal; mais bien du plaisir. – Va, le mal est passé et le plaisir se renouvelle souvent; la friponne! avec quelle abondance elle a versé les larmes de la volupté! Et, sous prétexte de réparer le désordre de sa toilette, elle la déshabilla totalement et nous fit voir un corps dont Hébé aurait été jalouse. Aux caresses que Mme Valbouillant prodiguait à chacun des charmes de sa filleule, à mesure qu'elle les découvrait, je reconnus aisément que, quelque goût qu'elle eût pour le solide, elle pouvait, voluptueuse émule de Sapho, savourer avec une jolie nymphe les agréables dédommagements dont la Lesbienne usait en l'absence de Phaon. Je vis son front s'animer, sa gorge se gonfler et ses yeux pétiller à mesure que ses mains parcouraient les charmants contours de ce corps pétri par les Grâces. – Qu'elle est jolie, quelle taille divine, quelle fraîcheur! s'écria-t-elle en la serrant contre son sein; je brûle… Ah! ma mignonne, prête-moi ta main. Et l'entraînant sur la duchesse, elle ranima en elle tous les désirs pendant que Babet, d'une main peu exercée, fourrageait le bosquet de Vénus. – Suspendez ces transports, leur dis-je, vos vêtements sont un obstacle aux plaisirs que vous cherchez et à ceux de nos yeux; dépouillez ces cruelles draperies qui contrarient vos attouchements et nos regards.
Elle y consentit, et, avec mon aide, elle parut en deux secondes comme Diane sortant du bain; et, se précipitant de nouveau sur sa jeune proie, elle passa une jambe entre les siennes, de façon que les temples des deux athlètes frottaient voluptueusement sur la cuisse de leur adversaire, leurs bras étaient entrelacés, leurs seins se touchaient, leurs bouches collées l'une sur l'autre s'entr'ouvraient pour laisser passage à l'organe de la parole qui devenait celui de la volupté, leurs reins s'agitaient, leurs cheveux flottaient çà et là sur leurs corps dont le mouvement animait le coloris; des soupirs enflammés se faisaient entendre; on eût dit Vénus se consolant dans les bras d'Euphrosyne de l'absence de Mars. Tout à coup elles s'arrêtèrent, et cinq ou six mouvements convulsifs et précipités nous annoncèrent qu'elles touchaient au but, et bientôt nous vîmes les perles du plaisir couler sur le champ de bataille. – Ah! ma chère marraine, ah! mon cher abbé, quel bonheur de ne plus être enfant. Après cette exclamation et quelques caresses que la fatigue rendait plus modérées, nos belles allaient reprendre leurs habits, quand Valbouillant, que cette scène avait rendu plus brillant que jamais: – Quoi! dit-il, serais-je le seul qui n'aurait procuré aucun plaisir à cette charmante enfant; non pas, s'il vous plaît, et, la serrant dans ses bras, il la renversa de nouveau sur le théâtre qu'elle allait quitter. – Je ne puis le blâmer, reprit sa femme, jamais objet ne fut plus séduisant, mais nous, resterons-nous spectateurs oisifs? – Non, ma reine, non, permettez d'abord que ma bouche recueille le nectar que vous venez de répandre, pour faire place à celui que je veux y verser.