Читать книгу Речь на Международном литературном конгрессе 5/17 июня 1878 г. - Иван Тургенев - Страница 1
ОглавлениеMessieurs,
Parlant ici au nom de mes compatriotes, les delegues russes, je me háte de vous rassurer en m'engageant a ne prononcer que de courtes paroles. Je me bornerai a un rapprochement significatif, qui prouvera des relations constantes entre nos deux peuples et la grande influence que le genie de la France a exercee de tous temps sur la Russie.
Je prends trois dates eloignees chacune d'un intervalle de cent ans.
Il y a deux cents ans, en 1678, nous n'avions pas encore de litterature nationale. Nos livres etaient ecrits en vieux slavon, et la Russie pouvait compter a bon droit parmi les nations a demi barbares, tenant autant a l'Europe qu'a l'Asie. Peu de temps avant cette annee, le tsar Alexis, deja touche par le souffle de la civilisation, avait fait construire au Kremlin de Moscou un theátre, sur lequel se donnerent des drames spirituels dans le genre des mysteres, ainsi qu'un opera venu d'Italie: Orphee. – Ce theâtre, il est vrai, fut ferme apres sa mort; mais une des premieres pieces qui servirent a l'inauguration de la scene restauree fut le Medecin malgre lui, de votre Moliere, dont la traduction passe pour étre l'oeuvre de la grande-duchesse Sophie, fille du tsar Alexis et regente de Russie pendant la minorite de son jeune frere, devenu par la suite Pierre le Grand. Sans doute, les spectateurs d'alors ne virent qu'un amuseur dans l'auteur du Misanthrope; mais nous, nous sommes heureux de rencontrer ce grand nom des l'aube de notre civilisation naissante.
Cent ans plus tard, quand cette litterature s'essayait a vivre, en 1778, l'auteur de nos premieres comedies vraiment originales, von Vizine, assistait, a Paris, au triomphe de Voltaire a la Comedie-Française, et il le decrivait dans une lettre publique et tres repandue oû perçait l'admiration la plus enthousiaste pour le patriarche de Ferney, maНtre et modele alors de notre litterature, comme de toutes les litteratures europeennes.
Cent annees se sont ecoulees encore et a Moliere avait succede Voltaire; a Voltaire a succede Victor Hugo. Les lettres russes existent enfin; elles ont pris droit de cite en Europe. Nous pouvons rappeler devant vous, non sans orgueil, des noms qui ne vous sont plus inconnus, ceux des poetes Pouchkine, Lermontoff et Kryloff; ceux des prosateurs Karamzine et Gogol; et vous avez bien voulu convoquer plusieurs ecrivains russes a cooperer au congres international de la litterature. Il y a deux siecles, sans trop vous comprendre, nous allions deja vers vous, il y a un siecle, nous etions vos disciples; aujourd'hui vous nous acceptez pour collegues, et il se produit ce fait singulier et nouveau dans les annales de la Russie, qu'un simple et modeste ecrivain, qui n'est ni diplomate ni militaire, qui n'a aucun rang dans letchinn, cette sorte de hierarchie sociale, a l'honneur de parler devant vous, au nom de son pays, de saluer Paris et la France, ces promoteurs des grandes pensees et des aspirations genereuses.