Les illusions musicales et la vérité sur l'expression

Les illusions musicales et la vérité sur l'expression
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Johannès Weber. Les illusions musicales et la vérité sur l'expression

Préface de la deuxième édition

PREMIÈRE PARTIE

I. LA MUSIQUE N'EST PAS UN ART CONVENTIONNEL

II. ERREURS CAUSÉES PAR L'IGNORANCE, L'HABITUDE OU LA PRÉVENTION

DEUXIÈME PARTIE

III. LA MUSIQUE IMITATIVE

IV. LA MUSIQUE DESCRIPTIVE

V. LA COULEUR LOCALE

VI. LA FOLIE, L'EXTASE, LE MYSTICISME ET LA SATYRE EN MUSIQUE

VII. LES CARACTÈRES DES GAMMES ET DES MODES

VIII. LA MUSIQUE RELIGIEUSE

IX. LA MUSIQUE DES VERS

1o Des limites de la poésie

2o Éléments sonores: Voyelles et consonnes

3o L'Harmonie Imitative

4o Allitérations et Assonances

5o La Rime

6o Le Rythme

7o Principes fondamentaux de l'harmonie des vers

TROISIÈME PARTIE

X. LE ROLE CARACTÉRISTIQUE DE LA MUSIQUE DANS LES BEAUX-ARTS

1o L'unité tonale

2o Les aveugles, juges des couleurs

3o L'expression musicale

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Berlioz, en tête du dernier volume publié avant sa mort, A travers chants, a reproduit un article qu'il avait écrit une vingtaine d'années auparavant. Il y définit la musique et cherche à déterminer quels hommes sont en état de la comprendre. «Musique, dit-il, art d'émouvoir par des combinaisons de sons les hommes intelligents et doués d'organes spéciaux et exercés.» Pour sentir la musique, il faut donc remplir trois conditions: il faut être un homme intelligent, ce qui suppose que tous les hommes ne le sont pas, en exceptant même les idiots et les aliénés; il faut ensuite avoir des organes spéciaux, et il faut que ces organes soient exercés. Berlioz exclut même les hommes ayant appris la composition musicale, mais «produisant des œuvres qui répondent en apparence aux idées qu'on se fait vulgairement de la musique et satisfont l'oreille sans la charmer et sans rien dire au cœur ni à l'imagination. Ces producteurs impuissants, ajoute-t-il, doivent encore être rayés du nombre des musiciens, ils ne sentent pas.» On ne peut guère s'étonner de voir Berlioz terminer sa dissertation en traitant la musique des Orientaux comme n'étant rien autre chose qu'un bruit grotesque analogue à celui que font les enfants dans leurs jeux.

Berlioz s'est donné de la peine, en pure perte, pour déterminer quels sont les hommes qui sentent réellement la musique et quels sont ceux qui ne la sentent pas. Il serait bien difficile, sinon impossible, de définir où s'arrête le simple plaisir que la musique donne à «l'oreille» et où commence l'impression faite sur le «cœur». Quant à l'imagination, la part qu'elle y prend ne prouve absolument rien; elle peut fort bien être mise en jeu chez des personnes, des poètes ou des peintres, par exemple, qui, pour tout le reste, sont à peu près insensibles à la musique. Berlioz décrit les effets violents qu'elle produisait sur lui-même; mais il s'agirait de savoir quelle part la physiologie, et peut-être la pathologie, peuvent y réclamer, car tout le monde connaît l'extrême impressionnabilité ou irritabilité de l'auteur de l'Épisode de la vie d'un artiste. Les gens qui ne goûtaient point ses œuvres, ni même celles de Beethoven, ne pouvaient être traités comme incapables de «sentir la musique»; ils pouvaient alléguer que «leurs organes spéciaux n'étaient pas encore assez exercés». Grâce à l'institution des concerts populaires de musique classique, fondée en 1861 par Pasdeloup, le goût de la musique symphonique, ou ce qui est tout un, l'intelligence pour la comprendre, s'est développée considérablement; en même temps la mort de Berlioz a fait tomber les préventions que beaucoup de gens nourrissaient contre lui, sans jamais avoir recherché si elles étaient fondées.

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Quand Lully eut régné sans partage sur la scène de l'Opéra, il fallait, pour réussir, imiter sa musique; Rameau parvint, non sans peine, à se faire admettre, quoiqu'il ne s'écartât pas trop du style de Lully. Gluck les fit oublier tous les deux. Les œuvres de son école finirent par être abandonnées comme trop sérieuses et trop dramatiques; un revirement du goût du public leur fit préférer des ouvrages plus séduisants, dus à Rossini ou à l'influence que ce maître exerça sur les compositeurs français. La Vestale de Spontini et les opéras de Cherubini, tout comme Œdipe à Colone de Sacchini et les œuvres de Gluck, cédèrent le pas à la Muette de Portici, à Guillaume Tell, à Robert le Diable, à la Juive. On se passionna aussi pour Donizetti et Bellini; on proclama Sémiramis, Norma et Lucie de Lamermoor, des chefs-d'œuvre dramatiques, jusqu'à ce que Donizetti et Bellini furent supplantés par Verdi.

A l'Opéra-Comique, il en fut de même: l'école de Monsigny et de Grétry fit place à celle d'Adam et d'Auber, autres élèves de Rossini; la Dame blanche garda presque seule son prestige, parce qu'elle pouvait être considérée comme une œuvre de transition entre l'ancienne école et la nouvelle; les airs de danses, qui formaient le fond des nouveaux opéras-comiques, exerçaient un attrait irrésistible, et le public n'en demandait pas davantage. On ne saurait soutenir que Guillaume Tell et Robert le Diable soient des œuvres plus dramatiques, plus vraies que Alceste de Gluck ou la Vestale de Spontini; mais ils avaient une forme plus variée et plus brillante et un charme mélodique nouveau. En même temps on perdit le goût des pièces à sujets antiques et sévères. Voilà comment Alceste est devenu un opéra ennuyeux, et comment la Vestale est démodée quant à la pièce et la forme mélodique. Par un juste retour d'ici-bas, il en sera de même pour les ouvrages qui les ont supplantés. Il est vrai qu'on joue encore Don Juan, les Noces de Figaro et la Flûte enchantée, plus ou moins dénaturés tous les trois; mais le public n'y voit qu'un certain charme mélodique et des scènes comiques: c'est la seule cause du plaisir qu'il y trouve, indépendamment de celui que lui donnent les chanteurs qu'il aime.

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