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NOTICE

J'avais commencé ce roman en 1832, à Paris, dans une mansarde où je me plaisais beaucoup. Le manuscrit s'égara: je crus l'avoir jeté au feu par mégarde, et comme, au bout de trois jours, je ne me souvenais déjà plus de ce que j'avais voulu faire (ceci n'est pas mépris de l'art ni légèreté à l'endroit du public, mais infirmité véritable), je ne songeai point à recommencer. Au bout de dix ans environ, en ouvrant un in-quarto à la campagne, j'y retrouvai la moitié d'un volume manuscrit intitulé Pauline. J'eus peine à reconnaître mon écriture, tant elle était meilleure que celle d'aujourd'hui. Est-ce que cela ne vous est pas souvent arrivé à vous-même, de retrouver toute la spontanéité de votre jeunesse et tous les souvenirs du passé dans la netteté d'une majuscule et dans le laisser-aller d'une ponctuation? Et les fautes d'orthographe que tout le monde fait, et dont on se corrige tard, quand on s'en corrige, est-ce qu'elles ne repassent pas quelquefois sous vos yeux comme de vieux visages amis? En relisant ce manuscrit, la mémoire de la première donnée me revint aussitôt, et j'écrivis le reste sans incertitude.

Sans attacher aucune importance à cette courte peinture de l'esprit provincial, je ne crois pas avoir faussé les caractères donnés par les situations; et la morale du conte, s'il faut en trouver une, c'est que l'extrême gêne et l'extrême souffrance, sont un terrible milieu pour la jeunesse et la beauté. Un peu de goût, un peu d'art, un peu de poésie ne seraient point incompatibles, même au fond des provinces, avec les vertus austères de la médiocrité; mais il ne faut pas que la médiocrité touche à la détresse; c'est là une situation que ni l'homme ni la femme, ni la vieillesse ni la jeunesse, ni même l'âge mûr, ne peuvent regarder comme le développement normal de la destinée providentielle.

GEORGE SAND.

20 mars 1859

Pauline

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