Lélia
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Жорж Санд. Lélia
PREMIÈRE PARTIE
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI
XXII
DEUXIÈME PARTIE
XXIII. MAGNUS
XXIV. VALMARINA
XXV
XXVI. VIOLA
XXVII
XXVIII. A DIEU
XXIX. DANS LE DÉSERT
XXX. SOLITUDE
XXXI
XXXII
XXXIII. A LA VILLA BAMBUCCI
XXXIV. PULCHÉRIE
TROISIÈME PARTIE
XXXV
XXXVI
XXXVII
XXXVIII
XXXIX
XL
QUATRIÈME PARTIE
XLI
XLII. LÉLIA AU ROCHER
XLIII. LES CAMALDULES
XLIV
XLV
CINQUIÈME PARTIE
XLVI
XLVII. CLAUDIA
XLVIII. LA VENTA
XLIX
L. MALÉDICTION
LI
LII. LE SPECTRE
LIII. SUPER FLUMINA BABYLONIS
SIXIÈME PARTIE
LIV. LE CARDINAL
LV
LVI
LVII. LES MORTS
LVIII. CONTEMPLATION
LIX
LX. LE CHANT DE PULCHÉRIE
LXI
LXII. DON JUAN
LXIII
LXIV
LXV
LXVI
LXVII. DÉLIRE
Отрывок из книги
Qui es-tu? et pourquoi ton amour fait-il tant de mal? Il doit y avoir en toi quelque affreux mystère inconnu aux hommes. A coup sûr, tu n’es pas un être pétri du même limon et animé de la même vie que nous! Tu es un ange ou un démon, mais tu n’es pas une créature humaine. Pourquoi nous cacher ta nature et ton origine? Pourquoi habiter parmi nous qui ne pouvons te suffire ni te comprendre? Si tu viens de Dieu, parle, et nous t’adorerons. Si tu viens de l’enfer… Toi venir de l’enfer! toi si belle et si pure! Les esprits du mal ont-ils ce regard divin, et cette voix harmonieuse, et ces paroles qui élèvent l’âme et la transportent jusqu’au trône de Dieu!
Et cependant, Lélia, il y a en toi quelque chose d’infernal. Ton sourire amer dément les célestes promesses de ton regard. Quelques-unes de tes paroles sont désolantes comme l’athéisme: il y a des moments où tu ferais douter de Dieu et de toi-même. Pourquoi, pourquoi, Lélia, êtes-vous ainsi? Que faites-vous de votre foi, que faites-vous de votre âme, quand vous niez l’amour? O ciel! vous, proférer ce blasphème! Mais qui êtes-vous donc si vous pensez ce que vous dites parfois?
.....
Quelques heures après, ils étaient au bal chez le riche musicien Spuela. Trenmor et Sténio rentraient sous la coupole, et, du fond de cette rotonde vide et sonore, ils promenaient leurs regards sur les grandes salles pleines de mouvement et de bruit. Les danses tournoyaient en cercles capricieux sous les bougies pâlissantes, les fleurs mouraient dans l’air rare et fatigué, les sons de l’orchestre venaient s’éteindre sous la voûte de marbre, et dans la chaude vapeur du bal passaient et repassaient de pâles figures tristes et belles sous leurs habits de fête; mais au-dessus de ce tableau riche et vaste, au-dessus de ces tons éclatants adoucis par le vague de la profondeur et le poids de l’atmosphère, au-dessus des masques bizarres, des parures étincelantes, des frais quadrilles, et des groupes de femmes vives et jeunes, au-dessus du mouvement et du bruit, au-dessus de tout, s’élevait la grande figure isolée de Lélia. Appuyée contre un cippe de bronze antique, sur les degrés de l’amphithéâtre, elle contemplait aussi le bal, elle avait revêtu aussi un costume caractéristique, mais l’avait choisi noble et sombre comme elle: elle avait le vêtement austère et pourtant recherché, la pâleur, la gravité, le regard profond d’un jeune poëte d’autrefois, alors que les temps étaient poétiques et que la poésie n’était pas coudoyée dans la foule. Les cheveux noirs de Lélia, rejetés en arrière, laissaient à découvert ce front où le doigt de Dieu semblait avoir imprimé le sceau d’une mystérieuse infortune, et que les regards du jeune Sténio interrogeaient sans cesse avec l’anxiété du pilote attentif au moindre souffle du vent et à l’aspect des moindres nuées sur un ciel pur. Le manteau de Lélia était moins noir, moins velouté que ses grands yeux couronnés d’un sourcil mobile. La blancheur mate du son visage et de son cou se perdait dans celle de sa vaste fraise, et la froide respiration de son sein impénétrable ne soulevait pas même le satin noir de son pourpoint et les triples rangs de sa chaîne d’or.
«Regardez Lélia, dit Sténio avec un sentiment d’admiration exalté, regardez cette grande taille grecque sous ces habits de l’Italie dévote et passionnée, cette beauté antique dont la statuaire a perdu le moule, avec l’expression de rêverie profonde des siècles philosophiques; ces formes, et ces traits si riches; ce luxe d’organisation extérieure dont un soleil homérique a seul pu créer les types maintenant oubliés; regardez, vous dis-je, cette beauté physique qui suffirait pour constater une grande puissance, et que Dieu s’est plu à revêtir de toute la puissance intellectuelle de notre époque!.. Peut-on imaginer quelque chose de plus complet que Lélia vêtue, posée et rêvant ainsi? C’est le marbre sans tache de Galatée, avec le regard céleste du Tasse, avec le sourire sombre d’Alighieri. C’est l’attitude aisée et chevaleresque des jeunes héros de Shakspeare: c’est Roméo, le poétique amoureux; c’est Hamlet, le pâle et ascétique visionnaire; c’est Juliette, Juliette demi-morte, cachant dans son sein le poison et le souvenir d’un amour brisé. Vous pouvez inscrire les plus grands noms de l’histoire, du théâtre et de la poésie sur ce visage, dont l’expression résume tout, à force de tout concentrer. Le jeune Raphaël devait tomber dans cette contemplation extatique, lorsque Dieu lui faisait apparaître ses visions pures et charmantes. Corinne mourante devait être plongée dans cette morne attention lorsqu’elle écoutait ses derniers vers déclamés au Capitole par une jeune fille. Le page muet et mystérieux de Lara se renfermait dans cet isolement dédaigneux de la foule. Oui, Lélia réunit toutes ces idéalités, parce qu’elle réunit le génie de tous les poëtes, la grandeur de tous les caractères. Vous pouvez donner tous ces noms à Lélia; le plus grand, le plus harmonieux de tous devant Dieu, sera encore celui de Lélia; Lélia dont le front lumineux et pur, dont la vaste et souple poitrine renferment toutes les grandes pensées, tous les généreux sentiments: religion, enthousiasme, stoïcisme, pitié, persévérance, douleur, charité, pardon, candeur, audace, mépris de la vie, intelligence, activité, espoir, patience, tout! jusqu’aux faiblesses innocentes, jusqu’aux sublimes légèretés de la femme, jusqu’à la mobile insouciance qui est peut-être son plus doux privilège et sa plus puissante séduction.
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