Valentine
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Жорж Санд. Valentine
NOTICE
PREMIÈRE PARTIE
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
DEUXIÈME PARTIE
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
TROISIÈME PARTIE
XXI
XXII
XXIII
XXIV
XXV
XXVI
XXVII
XXVIII
XXIX
QUATRIÈME PARTIE
XXX
XXXI
XXXII
XXXIII
XXXIV
XXXV
XXXVI
XXXVII
XXXVIII
XXXIX
Отрывок из книги
La partie sud-est du Berry renferme quelques lieues d'un pays singulièrement pittoresque. La grande route qui le traverse dans la direction de Paris à Clermont étant bordée des terres les plus habitées, il est difficile au voyageur de soupçonner la beauté des sites qui l'avoisinent. Mais à celui qui, cherchant l'ombre et le silence, s'enfoncerait dans un de ces chemins tortueux et encaissés qui débouchent sur la route à chaque instant, bientôt se révéleraient de frais et calmes paysages, des prairies d'un vert tendre, des ruisseaux mélancoliques, des massifs d'aunes et de frênes, toute une nature suave et pastorale. En vain chercherait-il dans un rayon de plusieurs lieues une maison d'ardoise et de moellons. À peine une mince fumée bleue, venant à trembloter derrière le feuillage, lui annoncerait le voisinage d'un toit de chaume; et s'il apercevait derrière les noyers de la colline la flèche d'une petite église, au bout de quelques pas il découvrirait un campanile de tuiles rongées par la mousse, douze maisonnettes éparses, entourées de leurs vergers et de leurs chenevières, un ruisseau avec son pont formé de trois soliveaux, un cimetière d'un arpent carré fermé par une haie vive, quatre ormeaux en quinconce et une tour ruinée. C'est ce qu'on appelle un bourg dans le pays.
Rien n'égale le repos de ces campagnes ignorées. Là n'ont pénétré ni le luxe, ni les arts, ni la manie savante des recherches, ni le monstre à cent bras qu'on appelle industrie. Les révolutions s'y sont à peine fait sentir, et la dernière guerre dont le sol garde une imperceptible trace est celle des huguenots contre les catholiques; encore la tradition en est restée si incertaine et si pâle que, si vous interrogiez les habitants, ils vous répondraient que ces choses se sont passées il y a au moins deux mille ans; car la principale vertu de cette race de cultivateurs, c'est l'insouciance en matière d'antiquités. Vous pouvez parcourir ses domaines, prier devant ses saints, boire à ses puits, sans jamais courir le risque d'entendre la chronique féodale obligée, ou la légende miraculeuse de rigueur. Le caractère grave et silencieux du paysan n'est pas un des moindres charmes de cette contrée. Rien ne l'étonne, rien ne l'attire. Votre présence fortuite dans son sentier ne lui fera pas même détourner la tête, et si vous lui demandez le chemin d'une ville ou d'une ferme, toute sa réponse consistera dans un sourire de complaisance, comme pour vous prouver qu'il n'est pas dupe de votre facétie. Le paysan du Berri ne conçoit pas qu'on marche sans bien savoir où l'on va. À peine son chien daignera-t-il aboyer après vous; ses enfants se cacheront derrière la haie pour échapper à vos regards ou à vos questions, et le plus petit d'entre eux, s'il n'a pu suivre ses frères en déroute, se laissera tomber de peur dans le fossé en criant de toutes ses forces. Mais la figure la plus impassible sera celle d'un grand bœuf blanc, doyen inévitable de tous les pâturages, qui, vous regardant fixement du milieu du buisson, semblera tenir en respect toute la famille moins grave et moins bienveillante des taureaux effarouchés.
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À mesure que l'on avançait dans la vallée, la route devenait plus étroite. Bientôt il fut impossible à Valentine de la côtoyer parallèlement à la voiture. Elle se tint quelque temps par derrière; mais, comme les inégalités du terrain forçaient souvent le cocher à retenir brusquement ses chevaux, celui de Valentine s'effarouchait chaque fois de la voiture qui s'arrêtait presque sur son poitrail. Elle profita donc d'un endroit où le fossé disparaissait pour passer devant, et alors elle galopa beaucoup plus agréablement, n'étant gênée par aucune appréhension, et laissant à son vigoureux et noble cheval toute la liberté de ses mouvements.
Le temps était délicieux; la lune, n'étant pas levée, laissait encore le chemin enseveli sous ses obscurs ombrages; de temps en temps un ver-luisant chatoyait dans l'herbe, un lézard rampait dans le buisson, un sphinx bourdonnait sur une fleur humide. Une brise tiède s'était levée toute chargée de l'odeur de vanille qui s'exhale des champs de fèves en fleurs. La jeune Valentine, élevée tour à tour par sa sœur bannie, par sa mère orgueilleuse, par les religieuses de son couvent, par sa grand'mère étourdie et jeune, n'avait été définitivement élevée par personne, elle s'était faite elle-même ce qu'elle était, et, faute de trouver des sympathies bien réelles dans sa famille, elle avait pris le goût de l'étude et de la rêverie. Son esprit naturellement calme, son jugement sain, l'avaient également préservée des erreurs de la société et de celles de la solitude. Livrée à des pensées douces et pures comme son cœur, elle savourait le bien-être de cette soirée de mai si pleine de chastes voluptés pour une âme poétique et jeune. Peut-être aussi songeait-elle à son fiancé, à cet homme qui, le premier, lui avait témoigné de la confiance et du respect, choses si douces à un cœur qui s'estime et qui n'a pas encore été compris. Valentine ne rêvait pas la passion; elle ne partageait pas l'empressement altier des jeunes cerveaux qui la regardent comme un besoin impérieux de leur organisation. Plus modeste, Valentine ne se croyait pas destinée à ces énergiques et violentes épreuves. Elle se pliait facilement à la réserve dont le monde lui faisait un devoir; elle l'acceptait comme un bienfait et non comme une loi. Elle se promettait d'échapper à ces inclinations ardentes qui faisaient sous ses yeux le malheur des autres, à l'amour du luxe auquel sa grand'mère sacrifiait toute dignité, à l'ambition dont les espérances déçues torturaient sa mère, à l'amour qui avait si cruellement égaré sa sœur. Cette dernière pensée amena une larme au bord de sa paupière. C'était là le seul événement de la vie de Valentine; mais il l'avait remplie; il avait influé sur son caractère, il lui avait donné à la fois de la timidité et de la hardiesse: de la timidité pour elle-même, de la hardiesse quand il s'agissait de sa sœur. Elle n'avait, il est vrai, jamais pu lui prouver le dévouement courageux dont elle se sentait animée; jamais le nom de sa sœur n'avait été prononcé par sa mère devant elle; jamais on ne lui avait fourni une seule occasion de la servir et de la défendre. Son désir en était d'autant plus vif, et cette sorte de tendresse passionnée, qu'elle nourrissait, pour une personne dont l'image se présentait à elle à travers les vagues souvenirs de l'enfance, était réellement la seule affection romanesque qui eût trouvé place dans son âme.
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