Le jardin des supplices
Реклама. ООО «ЛитРес», ИНН: 7719571260.
Оглавление
Octave Mirbeau. Le jardin des supplices
Le jardin des supplices
Table des matières
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR
FRONTISPICE
PREMIÈRE PARTIE. EN MISSION
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
DEUXIÈME PARTIE. LE JARDIN DES SUPPLICES
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
Отрывок из книги
Octave Mirbeau
Publié par Good Press, 2022
.....
Sur cette confidence imprévue, le philosophe se tut un instant, nous regarda tous d'un air craintif… Et il reprit:
—Non, voyez-vous, les moralistes auront beau épiloguer… le besoin de tuer naît chez l'homme avec le besoin de manger, et se confond avec lui… Ce besoin instinctif, qui est le moteur de tous les organismes vivants, l'éducation le développe au lieu de le refréner, les religions le sanctifient au lieu de le maudire; tout se coalise pour en faire le pivot sur lequel tourne notre admirable société. Dès que l'homme s'éveille à la conscience, on lui insuffle l'esprit du meurtre dans le cerveau. Le meurtre, grandi jusqu'au devoir, popularisé jusqu'à l'héroïsme, l'accompagnera dans toutes les étapes de son existence. On lui fera adorer des dieux baroques, des dieux fous furieux qui ne se plaisent qu'aux cataclysmes et, maniaques de férocité, se gorgent de vies humaines, fauchent les peuples comme des champs de blé. On ne lui fera respecter que les héros, ces dégoûtantes brutes, chargées de crimes et toutes rouges de sang humain. Les vertus par où il s'élèvera au-dessus des autres, et qui lui valent la gloire, la fortune, l'amour, s'appuieront uniquement sur le meurtre… Il trouvera, dans la guerre, la suprême synthèse de l'éternelle et universelle folie du meurtre, du meurtre régularisé, enrégimenté, obligatoire, et qui est une fonction nationale. Où qu'il aille, quoi qu'il fasse, toujours il verra ce mot: meurtre, immortellement inscrit au fronton de ce vaste abattoir qu'est l'Humanité. Alors, cet homme, à qui l'on inculque, dès l'enfance, le mépris de la vie humaine, que l'on voue à l'assassinat légal, pourquoi voulez-vous qu'il recule devant le meurtre, quand il y trouve un intérêt ou une distraction? Au nom de quel droit la société va-t-elle condamner des assassins qui n'ont fait, en réalité, que se conformer aux lois homicides qu'elle édicte, et suivre les exemples sanglants qu'elle leur donne?… «Comment, pourraient dire les assassins, un jour, vous nous obligez à assommer un tas de gens, contre lesquels nous n'avons pas de haine, que nous ne connaissons même pas; plus nous les assommons, plus vous nous comblez de récompenses et d'honneurs!… Un autre jour, confiants dans votre logique, nous supprimons des êtres parce qu'ils nous gênent et que nous les détestons, parce que nous désirons leur argent, leur femme, leur place, ou simplement parce que ce nous est une joie de les supprimer: toutes raisons précises, plausibles et humaines… Et c'est le gendarme, le juge, le bourreau!… Voilà une révoltante injustice et qui n'a pas le sens commun!» Que pourrait répondre à cela la société, si elle avait le moindre souci de logique?…
.....