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LAMARTINE, CHATEAUBRIAND ET L'ITALIE
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DI
CHARLES DEJOB
Mesdames, Messieurs,
On a souvent reproché aux Français, dans notre siècle, d'ignorer systématiquement les langues étrangères. Ce reproche, ils ne l'ont mérité qu'un moment. Nulle part pendant deux cents ans l'espagnol et l'italien n'ont été plus à la mode que chez nous; jusque dans le premier tiers de ce siècle, la France a été un des pays où, je ne dirai pas seulement on écoutait, mais où l'on imprimait le plus de livres italiens; et depuis un certain nombre d'années les étrangers qu'on envoie chez nous en mission pour examiner la manière dont nos lycées enseignent l'anglais et l'allemand, confessent dans leurs rapports qu'il est difficile de mieux faire. Il y a toutefois un degré auquel nous n'atteindrons probablement jamais: hors de France, dans certains salons, une même personne parle allemand à un interlocuteur, anglais à un autre, français à un troisième: peu de Français seront polyglottes à ce point là. Mais faut-il le regretter? Apprendre, non pas seulement à lire mais à parler plusieurs langues vivantes, c'est prélever sur sa jeunesse pour apprendre des mots bien des mois qu'il vaudrait peut-être mieux employer à approfondir sa propre langue et à penser ou à sentir; puis n'est-il pas bien difficile à un auteur de se former un idéal s'il est pour ainsi dire, tourmenté par les génies divers de plusieurs nations qui se le disputent? Ecrire sous la dictée d'une Muse, c'est fort bien; mais écrire sous la dictée de trois ou quatre Muses qui nous parlent à la fois, c'est moins commode. En revanche, la France a toujours été un des pays où l'on trouve le plus d'hommes voués à l'étude des littératures étrangères et employant leur existence à écrire, non pas des articles sur des feuilles volantes et à propos de productions courantes dont tout le monde parle aujourd'hui et dont personne ne parlera dans vingt ans, mais des volumes sur l'art ou la poésie des autres nations; et le grand public s'y intéresse si fort aux chefs-d'œuvre durables de l'étranger, qu'il se presse au pied des chaires où on les commente: il y a environ cent ans, Ginguené, le spirituel et perspicace historien de votre littérature, en inaugura l'enseignement à l'Athénée; cet enseignement, transféré depuis à la Sorbonne, y a brillé du même éclat entre les mains de Fauriel, d'Ozanam, de M. Mézières et de M. Gebhart. Enfin la France est un des pays où les écrivains célèbres, les penseurs, viennent le plus volontiers en aide aux savants pour faire aimer les nations qui méritent d'être aimées. Tout le monde sait que Stendhal a pour ainsi dire passé sa vie à persuader aux Français que Milan, Florence, Rome, Naples étaient les plus délicieux des séjours: et j'ai eu occasion de montrer qu'à une époque où tous les voyageurs du Nord de l'Europe exprimaient le plus profond dédain pour l'Italie contemporaine, le grand astronome Lalande, Roland le futur conventionnel, surtout Mme de Staël, prédisaient de la façon la plus claire votre glorieux relèvement.
Je voudrais rechercher aujourd'hui les sentiments de Châteaubriand et de Lamartine à l'égard de l'Italie.
Au premier abord, il semble que Châteaubriand n'a pas dû vous être très-favorable. Je ne parle pas de quelques réclamations passagères qu'il s'est attirées. Giustina Renier-Michiel a éloquemment réclamé contre l'épithète de ville contre nature qu'il avait appliquée à Venise après son premier voyage, et Silvio Pellico s'est plaint avec raison de ce que Châteaubriand avait confondu les piombi de 1830 avec ceux de 1820. Ce sont là des détails; mais un ancien émigré, un légitimiste qui avait longtemps été ultra, pouvait-il s'intéresser au véritable bien de l'Italie moderne? L'homme qui a entraîné Louis XVIII à restaurer en Espagne le pouvoir absolu de Ferdinand VII pouvait-il avoir quelque sympathie pour les patriotes italiens?
Pourtant ne nous arrêtons pas aux apparences!
D'abord Châteaubriand connaissait fort bien vos classiques, qu'il cite assez souvent dans le texte. Dans le Génie du Christianisme, il ne parle pas toujours de Dante comme il faudrait: mais songez qu'il l'écrivait du vivant de Saverio Bettinelli; combien de gens, même en Italie, malgré tout le parti que Monti venait de tirer pour sa Bassvilliana de l'imitation du poëme sacre, continuaient à juger la Divine Comédie sur la foi des Lettere Virgiliane! Baretti, qui, pour faire pièce à Voltaire, a réussi à comprendre Shakespeare, n'a jamais réussi à comprendre Dante. Du moins Châteaubriand reconnaît-il que Dante n'a point de maître dans le pathétique et le terrible; et plus tard, dans son Essai sur la littérature anglaise, il avertit que Shakespeare, dont nos romantiques étaient idolâtres, a eu moins à faire que Dante pour fonder la littérature nationale. Son appréciation sur le Tasse, pour qui vous savez que la France a toujours eu un faible malgré le mot de Boileau dont on exagère étrangement le sens, est très-pénétrante; il appelle la Jérusalem Délivrée un chef-d'œuvre de composition, et, quand il la blâme, c'est en homme que le poète a conquis à son sujet, et qui voudrait collaborer avec lui pour atteindre la perfection. Enfin il a pieusement suivi le convoi funèbre de cet Alfieri dont, par un hasard qui au fond n'en est pas un, les Français furent les admirateurs décidés à une époque où les Italiens se partageaient encore sur son compte.
Mais ce sont principalement les beautés naturelles de l'Italie qu'il nous a comme révélées. Chose curieuse, et qui montre combien, en dépit d'Horace, la plume est quelquefois supérieure au pinceau pour la propagation des idées! Parmi les peintres qui ont le mieux fixé sur la toile le charme du ciel italien, tout le monde place nécessairement deux Français, Claude Gellée dit le Lorrain et Nicolas Poussin, et ils ont tous deux vécu il y a deux cents ans; toutefois, la beauté de ce ciel n'est proverbiale en France, à tous les degrés de la population, que depuis que Châteaubriand et Lamartine l'ont décrite. Châteaubriand a visité plusieurs fois l'Italie: dès le premier voyage il est ravi; il vante les chemins excellents de la Lombardie, ses auberges «supérieures à celles de France, presque égales à celles de l'Angleterre;» il donne sur les fouilles de Pompei un excellent conseil qu'on a fini par juger tel: laisser les objets là où on les trouve, protéger par un toit les édifices qui les contiennent, mais conserver à chaque chose sa signification en lui conservant sa place1, surtout il a senti à ravir l'attrait de la campagne romaine et du golfe de Naples. Voici comment il peint le premier des deux tableaux:
«Rien n'est comparable, pour la beauté, aux lignes de l'horizon romain, à la douce inclination des plans, aux contours suaves et fuyants des montagnes qui le terminent… Une vapeur répandue dans le lointain arrondit les objets et dissimule ce qu'ils pourraient avoir de dur ou de heurté dans leurs formes. Les ombres ne sont jamais lourdes ou noires; il n'y a pas de masses si obscures de rochers et de feuillages, dans lesquelles il ne s'insinue toujours un peu de lumière. Une teinte singulièrement harmonieuse marie la terre, le ciel et les eaux; toutes les surfaces au moyen d'une gradation insensible de couleurs, s'unissent par leurs extrémités, sans qu'on puisse déterminer le point où une nuance finit et où l'autre commence. Vous avez sans doute admiré dans les paysages de Claude Lorrain cette lumière qui semble idéale et plus belle que nature. Eh bien, c'est la lumière de Rome.»2
Voici pour Naples:
«Des fleurs et des fruits humides de rosée sont moins suaves et moins frais que le paysage de Naples sortant des ombres de la nuit. J'étais toujours surpris, en arrivant au portique, de me trouver au bord de la mer; car les vagues dans cet endroit faisaient à peine entendre le léger murmure d'une fontaine. En extase devant ce tableau, je m'appuyais contre une colonne et, sans pensée, sans désir, sans projet, je restais des heures entières, à respirer un air délicieux. Le charme était si profond, qu'il me semblait que cet air divin transformait ma propre substance, et qu'avec un plaisir indicible je m'élevais vers le firmament comme un pur esprit.»3
Ce qui a principalement aidé à graver ces éloges du sol de l'Italie dans la mémoire des Français, c'est qu'ils se rattachent souvent à ce que j'appellerai la philosophie de Châteaubriand. Vous savez que la grandeur de Châteaubriand tient avant tout à la profondeur avec laquelle il a ressenti le prodigieux ébranlement de 1789. Toutes les révolutions postérieures ne sont que des jeux auprès de celle-là, non seulement à cause des luttes intestines qu'elle a déchaînées, de l'énergie qu'il a fallu à la France pour rejeter hors de ses confins l'Europe entière acharnée à la destruction de la liberté, mais parce que toutes les révolutions ultérieures ne portent que sur l'extension du principe victorieusement établi par les hommes de 89, la souveraineté des nations. A cette date, un monde s'est englouti, un autre monde est sorti du chaos. La notion du roi sacré par l'Eglise, père de son peuple et propriétaire de son royaume, de l'Eglise maîtresse des consciences, des intelligences et dispensatrice privilégiée de la charité publique, de la noblesse tantôt opulente, tantôt pauvre, mais toujours riche d'honneur, parce que sa fonction propre est de mourir pour la patrie, toute cette conception, très-imparfaite assurément, mais brillante et longtemps glorieuse, s'est abimée. Châteaubriand accepta, en partie du moins, le monde nouveau, mais ne cessa jamais de pleurer la grandeur du monde disparu. De là, cette habitude de méditer sur le néant de l'homme qui tourne quelquefois à la manie, mais qui lui inspire souvent des pages dignes de Bossuet. Or l'Italie le conviait éminemment à des méditations de cette nature. Avant lui, la plupart des voyageurs ne cherchaient dans Rome que l'antiquité ou la Renaissance, ou bien ils opposaient à la Rome d'autrefois la Rome de leur temps, pour mépriser celle-ci ou la plaindre. Au contraire, Châteaubriand qui professe, en véritable Breton, qu'un roi n'est jamais plus grand que quand il a perdu sa couronne, vénère dans la Ville Eternelle la splendeur qu'elle ne possède plus. Il la place, dans son imagination et dans son cœur, à côté de ces Bourbons dont il ne méconnaît pas les fautes, dont il n'adore pas les caprices, mais que le malheur a transfigurés pour lui:
«Figurez-vous quelque chose de la désolation de Tyr et de Babylone, dont parle l'Ecriture: un silence et une solitude aussi vastes que le bruit et le tumulte des hommes qui se pressaient jadis sur ce sol… Vous apercevez ça et là quelques bouts de voie romaine dans des lieux où il ne passe plus personne, quelques traces desséchées des torrents de l'hiver: ces traces vues de loin ont elles-mêmes l'air de grands chemins battus et fréquentés, et elles ne sont que le lit désert d'une onde orageuse qui s'est écoulée comme le peuple romain. A peine découvrez-vous quelques arbres, mais partout s'élèvent des ruines d'acqueducs et de tombeaux, ruines qui semblent être les forêts et les plantes indigènes d'une terre composée de la poussière des morts et des débris des empires… On dirait qu'aucune nation n'a osé succéder aux maîtres du monde dans leur terre natale… Déchue de sa puissance terrestre, Rome, dans son orgueil, semble avoir voulu s'isoler…; comme une reine tombée du trône, elle a noblement caché ses malheurs dans la solitude. Il me serait impossible de vous dire ce qu'on éprouve lorsque Rome vous apparaît tout à coup au milieu de ces royaumes vides et qu'elle a l'air de se lever pour vous de la tombe où elle était couchée. Tâchez de vous figurer ce trouble et cet étonnement qui saisissaient les prophètes lorsque Dieu leur envoyait la vision de quelque cité à laquelle il avait attaché les destinées de son peuple.»4
Oui, me direz-vous; mais que pense-t-il des habitants de ces ruines majestueuses, de cet auguste désert? Messieurs, voici sa réponse dès l'année 1803 et quand il n'a encore fait que traverser l'Italie.
«Quant aux Romains modernes… je crois qu'il y a encore chez eux le fond d'une nation peu commune. On peut découvrir parmi ce peuple trop sévèrement jugé un grand sens, du courage, de la patience, du génie, des traces profondes de ses anciennes mœurs, je ne sais quel air de souverain et quels nobles usages qui sentent encore la royauté.» Notez qu'il parle ici, non des Italiens du Nord, qui venaient de donner au monde Alfieri, Parini, Goldoni, où la veille encore Turin et Venise étaient les capitales d'Etats libres, où l'esprit public s'était éveillé avec Pietro Verri et Beccaria, mais de cette pauvre Rome si endormie alors et si infortunée depuis 900 ans qu'à l'époque même où les papes faisaient et défaisaient les rois, elle était en proie aux caprices alternatifs de ses barons et de sa populace. Jusque dans les traits des Romains modernes, Châteaubriand reconnaît la physionomie du peuple roi, et cela entre Marengo et Austerlitz, c'est-à-dire à une époque où il fallait à un Français beaucoup d'esprit et de cœur pour ne pas oublier que l'orgueil est le partage des sots.
Il se prononcera bien plus fortement quand il sera plus complètement informé. Voici un passage d'un rapport qu'il adresse au gouvernement français en 1828, en qualité d'ambassadeur à Rome. Ecoutez d'abord comme il s'exprime sur les Bourbons de Naples, qui pourtant comptaient alors en France sur les marches du trône la mère du comte de Chambord et la femme du futur Louis Philippe: «Il est malheureusement trop vrai que le gouvernement des Deux Siciles est tombé au dernier degré du mépris.» Ecoutez maintenant ce qu'il écrit sur la persécution de vos patriotes à une époque où le Spielberg n'avait pas encore rendu ses proies: «On prend pour des conspirations ce qui n'est que le malaise de tous, le produit du siècle, la lutte de l'ancienne société avec la nouvelle, le combat de la décrépitude des vieilles institutions contre l'énergie des jeunes générations, enfin la comparaison que chacun fait de ce qui est à ce qui pourrait être. Ne nous le dissimulons pas: le grand spectacle de le France puissante, libre et heureuse, ce grand spectacle qui frappe les nations restées ou retombées sous le joug, excite des regrets ou nourrit des espérances. Le mélange des gouvernements représentatifs et des monarchies absolues ne saurait durer; il faut que les uns ou les autres périssent, que la politique reprenne un égal niveau ainsi que du temps de l'Europe gothique… C'est dans ce sens et uniquement dans ce sens qu'il y a conspiration en Italie.»
Loin de flatter ses compatriotes, il ajoutait que c'était seulement en ce sens que l'Italie était française: «Le jour où elle entrera en jouissance des droits que son intelligence aperçoit et que la marche progressive du temps lui apporte, elle sera tranquille et purement italienne.» Rien de plus honorable que cette loyauté, qui lui interdit de mettre la main sur le libéralisme naissant de l'Italie, de se prévaloir, pour le confisquer au profit de la France, du réveil que nos penseurs du XVIIIe siècle avaient provoqué chez elle. Loin aussi de renvoyer à une date qui n'arriverait jamais l'accomplissement de ses prédictions, il disait: «Si quelque impulsion venait du dehors, ou si quelque prince en deçà des Alpes accordait une charte à ses sujets, une révolution aurait lieu, parce que tout est mûr pour cette révolution.»5
Vous voyez, Messieurs, que si Châteaubriand a siégé avec M. de Metternich au Congrès de Vienne, ces deux hommes d'État ne jugeaient pas de la même façon les affaires de l'Italie.
Ma tâche devient en apparence plus délicate avec Lamartine: car son nom vous rappelle sur le champ quelques paroles un peu vives qui lui valurent tout près d'ici un coup d'épée. J'espère que tout à l'heure vous conviendrez qu'il eût été bien dommage que Gabriele Pepe tuât Lamartine, et cela non seulement parce que, en vérité, le prix des deux existences engagées dans le combat n'était pas tout à fait égal, mais parce que, si un jugement sévère, injuste même, sur une nation signifiait nécessairement qu'on la méprise ou qu'on la déteste, il faudrait effacer Dante, Alfieri, Foscolo et beaucoup d'autres, de la liste des patriotes italiens: peut-être reconnaîtrez-vous dans un instant que Lamartine a fait au moins autant pour l'Italie que son très honorable adversaire.
D'abord, par ses premières lectures, par ses amis de France, surtout par ses fréquents séjours au-delà des Alpes, il avait eu le loisir de la connaître; il en écrivait, il en parlait la langue. M. Mazzatinti a retrouvé une lettre de lui écrite en un italien fort satisfaisant à un Florentin; et j'ai lu, je ne sais plus où, qu'un jour dans sa vieillesse et devant des auditeurs qu'il savait évidemment capables de la comprendre, il feignit de lire une scène de mœurs napolitaines qu'en réalité il improvisait et où des pêcheurs de Mergellina s'exprimaient dans leur dialecte. Il n'avait pas passé douze ans en Italie, comme il lui est échappé un jour de le dire: mais, sans compter de courtes visites, il y avait passé une partie des années 1811 et 1812, de l'année 1820, et trois ans de 1825 à 1828; si les salons italiens avaient été assez lents à s'ouvrir pour lui, il s'était lié avec Niccolini, surtout avec Gino Capponi avec qui, vous le savez, il resta en correspondance, et il avait été mêlé à vos affaires par ses fonctions diplomatiques, à Naples d'abord, puis à Florence.
Lui aussi, ce fut la beauté physique de l'Italie qu'il commença par goûter; nul n'a exprimé avec plus de séduction le charme d'une promenade nocturne sur le golfe de Baia au milieu des chants que se renvoient les pêcheurs et des parfums terrestres dont la brise du soir embaume les eaux. Et, comme, pour la diffusion rapide des idées, la poésie a sur la prose le même avantage que la prose sur le pinceau, les vers de Lamartine décuplèrent chez nous en un moment les adorateurs de la nature italienne. Citons seulement quelques vers:
Maintenant sous le ciel tout repose, ou tout aime;
La vague en ondulant vient dormir sur le bord;
La fleur dort sur sa tige, et la nature même
Sous le dais de la nuit se recueille et s'endort.
Vois: la mousse a pour nous tapissé la vallée;
Le pampre s'y recourbe en replis tortueux,
Et l'haleine de l'onde à l'oranger mêlée
De ses fleurs qu'elle effeuille embaume mes cheveux.
A la molle clarté de la voûte sereine,
Nous chanterons ensemble assis sous le jasmin
Jusqu'à l'heure où la lune, en glissant vers Misène,
Se perd en pâlissant dans les feux du matin.
D'ailleurs Lamartine, comme Châteaubriand, rapporta de l'Italie autre chose que des impressions, il en rapporta une doctrine; il y avait découvert pour son compte ce néant de l'homme que Châteaubriand y avait seulement approfondi. Trop jeune pendant la Révolution française pour en avoir, comme son prédécesseur, ressenti directement la secousse, c'est en contemplant du sein de toutes les joies de la vie les ruines de l'antiquité qu'il avait appris que tout change, tout passe, que nous passons nous mêmes «hélas, sans laisser plus de trace que cette barque où nous glissons sur cette mer où tout s'efface.» Il y avait encore appris, ou plutôt il s'y était enseigné à lui-même par un commentaire vivant du Tasse qui avait été le premier en date de ses poètes préférés, sans doute aussi par une réminiscence de Pétrarque, un nouveau style d'amour. Un a dit en France, et avec raison, que dès avant lui, la poésie spirituellement, sèchement galante qui n'avait que trop fleuri chez nous au XVIIIe siècle n'y régnait déjà plus, que l'amour commençait à y être une passion sincère et, par moments, mélancolique. Mais ce qu'on n'avait pas encore entendu chez nous, c'était l'hymne religieux de l'amour: c'était, non pas l'amour platonique, mais l'amour gravement, pieusement exalté, reconnaissant à la bonté divine qui prête un instant la beauté à la terre pour en sécher les larmes, mais qui la rappellera bientôt à lui pour nous empêcher d'oublier qu'après tout le ciel seul ignore les pleurs. Or ici Lamartine ne procède d'aucun Français, pas même d'André Chénier dont les vers les plus touchants demeurent païens. Certes nos classiques avaient admirablement dépeint les orages du cœur; mais pour eux, la religion était une chose, l'amour en était une autre, et ces deux ordres d'idées n'avaient rien à voir entre eux: dans la tradition française, Dieu ne connaissait que le devoir, il ordonnait la continence aux célibataires, la fidélité aux époux: quant à l'amour honnête, il le permettait, mais il ne s'en occupait pas. Lamartine au contraire procède de l'amant de Laure et du chantre de Tancrède. Il ne les imite pas; il est moins homme de lettres qu'eux dans le bon comme dans le mauvais sens; son élocution est moins travaillée; la nature lui offre autre chose qu'un pré fleuri, une claire fontaine et un chœur d'oiseaux saluant le mois d'avril.
Mais, pour les avoir relus sous le ciel qui les a inspirés, pour avoir respiré le bonheur qu'exhale la terre dont les habitants appellent tout ce qui enchante grazia di Dio, il a, comme eux et plus expressément encore, monté la poésie amoureuse sur le ton des cantiques.
Celui qui, le cœur plein de délire et de flamme,
A cette heure d'amour, sous cet astre enchanté,
Sentirait tout à coup le rêve de son âme
S'animer sous les traits d'une chaste beauté,
Celui qui, sur la mousse, au pied du sycomore,
Au murmure des eaux, sous un dais de saphirs,
Assis à ses genoux de l'une à l'autre aurore
N'aurait pour lui parler que l'accent des soupirs,
Celui qui, respirant son haleine adorée,
Sentirait ses cheveux soulevés par les vents,
Caresser en passant sa paupière effleurée,
Ou rouler sur son front leurs anneaux ondoyants,
Celui qui, suspendant les heures fugitives,
Fixant avec l'amour son âme en ce beau lieu,
Oublierait que le temps coule encor sur ces rives,
Serait-il un mortel ou serait-il un dieu?
Et nous, aux doux penchants de ces verts Elysées,
Sur ces bords où l'Amour eût caché son Eden,
Au murmure plaintif des vagues apaisées,
Aux rayons endormis de l'astre élyséen;
Sous ce ciel où la vie, où le bonheur abonde,
Sur ces rives que l'œil se plaît à parcourir,
Nous avons respiré cet air d'un autre monde,
Elvire!.. et cependant on dit qu'il faut mourir.
Lisez superficiellement les Méditations, vous vous demanderez pourquoi telle ou telle pièce porte pour titre un site napolitain: vous n'y trouverez point de ces descriptions qui mettent les objets sous les yeux; Lamartine regarde beaucoup moins que Victor Hugo, mais il sent davantage; livrez-vous à lui et les émotions qu'il éveillera en vous ranimeront celles que deux de vos poètes vous ont jadis données. Le tour n'est plus le même: il y a déjà un orateur caché sous le poète des Méditations: mais l'accent révèle la parenté du cœur.
De même, cherchez à reconnaître le site de l'abbaye de Vallombrosa dans la pièce où Lamartine l'a chantée: vous n'y réussirez pas. Mais il fallait peut-être la splendeur d'une contrée où la solitude fait à peine sentir son poids, où presque partout, dès qu'on s'élève au-dessus du sol des villes, on aperçoit les deux spectacles les plus sublimes, le mer et la montagne, pour découvrir à un jeune Français déjà répandu dans les salons parisiens les trésors cachés de la vie monastique, cette joie mystérieuse que le vulgaire admire sans la comprendre, pour lui faire goûter ce plaisir du recueillement qui ne suffit point pour vivre parmi le monde, mais qui suffit pour vivre avec le ciel et avec soi-même.
Mais en comprenant, en aimant l'Italie, aurait-il méconnu, dédaigné les Italiens?
Messieurs, une opinion assez répandue de ce côté des Alpes veut que la sympathie de la France pour l'Italie date de 1859, ou même qu'à cette date encore un seul homme, le chef de la nation, il est vrai, ait véritablement souhaité la délivrance de votre nation. Ce qui est exact, c'est que pour que l'Italie entraînât la France avec elle, il fallait qu'elle eût eu le temps de donner à la masse de notre nation la preuve palpable, éclatante de sa volonté et de son héroïsme. Il fallait que le belliqueux Piémont, le premier prêt pour la lutte, eût osé affronter l'Autriche, il fallait que les bourgeois de Milan après une lutte de cinq jours eussent chassé leur garnison, que la jeunesse universitaire, professeurs en tête, se fût fait écraser à Curtatone et à Montanara, il fallait que le grand Manin eût prouvé une fois de plus qu'un homme peut quelque temps tenir tête à un empire, et qu'enfin les plus illustres débris de cette mémorable année, conduits par un instinct sûr, fussent venus porter chez nous le spectacle de leur courageuse pauvreté et de leurs indomptables espérances. Mais, dès l'instant où l'on sut en France que ce n'étaient pas seulement un Pellico, un Confalonieri qui voulaient au prix de ses jours la liberté de l'Italie, dès l'instant où il fut manifeste que toute la nation était disposée à mourir pour son indépendance, la France, qui respirait pourtant à peine de la sanglante guerre de Crimée, fut acquise à votre cause; il put y avoir quelque inquiétude chez certains politiques, mais les ennemis les plus irréconciliables de Napoléon III, les ouvriers de Paris qu'il avait fallu massacrer en décembre 1851 pour leur imposer le coup d'Etat, l'applaudirent avec transport à son départ pour l'armée. Jusque là au contraire, le gros de la nation avait attendu. Rien en effet n'était plus difficile pour un Français de la génération de 1830 que de comprendre pourquoi les révolutions de Naples, de Piémont, des Romagnes avaient été si vite comprimées. Figurez-vous un pays uni, centralisé depuis des siècles, ayant l'habitude de penser, d'agir en commun, et même, depuis cinquante ans, de se lever tout entier à la voix d'une ville qui formait comme les Etats Genéraux en permanence de la nation; figurez-vous ce peuple qui, grâce à cette union, a brisé un trône séculaire, qui a refoulé et puni sous sa première République la plus formidable invasion que le monde moderne eût encore vue, qui, quinze ans après une Restauration imposée pur une invasion plus formidable encore, a chassé à la face de l'Europe la dynastie restaurée, et a, pour coup d'essai de sa liberté reconquise, affranchi la Belgique. Comment comprendrait-il que l'Italie ne peut secouer le joug aussi aisément? Le paysan, l'ouvrier français savent-ils que l'Italie morcelée, humiliée depuis quatorze siècles ne peut tout d'un coup retrouver sa vigueur? Ils voient les Polonais ne succomber que sur des morceaux de drapeaux enlevés aux Russes. Ils ne se disent pas que les Polonais qui se battent si bien à Grochow, à Ostrolenka sont des soldats réguliers aussi aguerris que leurs adversaires; quand ils voient les tentatives des patriotes italiens avorter si vite, ils en concluent, à tort mais sincèrement, qu'à part quelques âmes d'élite, le peuple italien ne désire pas changer de condition.
Mais le langage de Lamartine à la Chambre française va nous montrer comment les penseurs de notre pays, ceux qui avaient vu l'Italie chez elle, préparaient la France à mieux juger des sentiments intimes de leurs voisins. Car non seulement il se déclare personnellement partisan de l'entière indépendance de l'Italie, non seulement il raconte avec fierté avoir été mêlé dans sa jeunesse aux négociations où Louis XVIII lui-même, tout légitimiste qu'il était par métier, et quoique surveillé par la Sainte Alliance, offrait aux libéraux de Naples et de Turin de les soutenir contre l'Autriche, pourvu qu'à la Charte espagnole de 1812 ils préférassent la Charte française de 1814 fort préférable en effet; mais nous allons le voir attaquer de front les préjugés qui rendaient alors la France moins sensible aux malheurs de l'Italie qu'à ceux des autres nations esclaves.
Voici comment, avant les Cinque giornate, à une époque où l'Italie ne s'était pas encore mesurée en bataille rangée avec ses tyrans, il répondait à ceux qui arguaient du calme apparent qui depuis 1815 régnait dans la Péninsule: «Sous ce calme apparent, ne l'oubliez pas, il y avait un abîme, et dans cet abîme couvait la plus incompréhensible de toutes les forces morales et matérielles, la nationalité morcelée, la nationalité comprimée de 26 millions d'hommes… Il suffit pour chacun d'entre nous dont l'œil est intelligent, dont le cœur est sympathique d'avoir traversé cette magnifique Italie pour sentir la vie sous la mort apparente, pour sentir cette éternelle protestation de la nationalité qui est la dernière arme d'un peuple… Nulle part cette protestation n'est aussi évidente qu'en Italie; nulle part, elle n'a des droits plus sacrés à la sympathie des peuples. Je ne crains pas de le dire, je ne serai démenti par personne: il n'y a pas une race humaine qui ait donné au sol qu'elle habite une consécration plus grande que celle que la race italienne a donnée pendant tant de siècles de gloire, de liberté, de vertu, à ce point géographique de notre globe»6. Puis il montre que l'on ne contentera pas l'Italie par la réforme de quelques abus, par un peu de bien-être. Mais d'autre part il nie que le statu quo y ait seulement pour ennemis les révolutionnaires dont l'Europe s'effrayait. Comme Châteaubriand, il proteste que l'agitation de l'Italie n'est pas le fait de quelques sectaires; mais ce n'est plus dans une dépêche confidentielle qu'il dépose cette protestation; il la produit du haut de la tribune, et il avait en un sens plus de mérite encore que Châteaubriand à ne pas se tromper; car dans l'intervalle Mazzini avait paru, et bien des hommes d'Etat personnifiaient en lui seul les aspirations de l'Italie. «J'affirme ici, s'écriait Lamartine, par la connaissance personnelle qu'une cohabitation de 12 ans m'a donnée, par la connaissance que j'ai du caractère, du génie, du libéralisme italien, que le mot même de radicalisme n'a pas de signification dans la langue, que c'est une injure qui n'est même pas comprise au-delà des Alpes, que le mouvement libéral n'est nullement un mouvement perturbateur… mais que c'est un mouvement de l'esprit humain et de l'indépendance des peuples, qui couve dans tous les siècles au cœur de l'Italie»7. Notez, Messieurs, ces derniers mots; ne fallait-il pas à un homme qui n'était point un érudit, un vif et intelligent amour de l'Italie pour deviner en quelque sorte les noms relativement obscurs des Italiens qui entre Pétrarque et Alfieri empêchèrent la prescription du sentiment national? Quant à la génération présente, il prouve son affirmation par l'énergie avec laquelle le pape refuse de céder aux Autrichiens un pavé de Ferrare, par nombre de faits précis empruntés à une brochure parue le matin même et qui semble bien émaner du Père Ventura, par des correspondances particulières qui attestent les espérances que les plus illustres patriotes de l'Italie plaçaient sur notre poète; il en extrait les touchantes anecdotes d'un archevêque, d'un curé de Milan qui protestent chacun à leur manière contre une répression brutale qui vient d'ensanglanter la ville, du comte Borromeo qui dépouille la Toison d'Or souillée du sang de ses compatriotes. Enfin, conjurant Guizot d'appuyer les revendications des peuples italiens, il affirme avec une confiance excessive peut-être mais généreuse la solidité des sympathies entre les peuples: «Les traités ne sont signés que par la main des hommes; mais ces sympathies mutuelles entre les peuples faits pour s'aimer, pour se soutenir, aspirer ensemble à la civilisation et à la liberté, ce ne sont pas des traités d'un jour, ce ne sont pas des traités signés par des diplomates; ce sont des traités préparés par la Providence, signés et contresignés par la main de la nature elle-même, non pas sur des parchemins comme ceux de 1815 qu'on nous a fait signer en tenant la main de la France captive sur un protocole, mais je le répète, de ces traités contresignés par Dieu et par la nature, qui durent autant que les siècles»8. Ces paroles produisaient un effet d'autant plus grand que, depuis dix ans, à force d'éloquence Lamartine avait conquis une grande autorité à la tribune et dans la nation. Personne ne songeait plus à le renvoyer dédaigneusement à la poésie, ou, comme aurait dit Musset, à lui jeter toujours sa lyre au nez. Dès avant que la révolution de 1848 l'élevât au pouvoir, il étonnait le monde politique par la hardiesse tantôt divinatrice tantôt imprudente de ses vues. Louis Philippe à qui l'on avait conseillé de l'appeler dans ses conseils avait répondu: «Lamartine, ce n'est pas un ministre, c'est un ministère; je le réserve.» Il apportait donc à l'Italie l'appui d'un véritable homme d'Etat et non d'un simple poète. D'ailleurs ses sentiments à son égard ne répondaient pas seulement à ceux des hommes qu'on allait appeler les républicains de la veille, mais à ceux des catholiques libéraux de notre nation que Silvio Pellico avait depuis longtemps, pour parler comme Racine, rangé du parti de ses larmes. Espérons qu'un jeune historien se laissera enfin tenter par un beau sujet que j'ai cent fois proposé de vive voix et par écrit chez nous et chez vous, l'histoire des réfugiés italiens en France de 1815 à 1859 et de la transformation de l'opinion des Français, durant cette période, touchant les affaires de l'Italie. J'ose affirmer que rien ne serait plus utile, plus glorieux pour les deux nations.
Mais revenons à Lamartine, ou plutôt élevons-nous au-dessus de notre sujet pour conclure par une considération plus générale à laquelle il nous conduit. Il y eut un temps où une nation pouvait raffoler de la littérature, de l'art, des modes d'une autre et demeurer profondément indifférente à ses destinées, la combattre, l'asservir. Il n'en est plus ainsi, du moins chez les nations généreuses. (Car chaque peuple a sa grandeur, mais il y en a dont la grandeur consiste dans la ténacité prévoyante, hardie, implacable, avec laquelle ils poursuivent leur perpétuel agrandissement). Aujourd'hui donc, du moins chez certains peuples, aimer la littérature ou l'art d'un autre nation conduit à l'aimer elle même. D'où vient ce changement? Serait-ce que l'amour de la patrie s'affaiblirait et que tout lecteur devient un dilettante? S'il en était ainsi, il faudrait, non pas féliciter, mais plaindre l'humanité. Le progrès ne consiste pas à niveler les frontières; c'est une duperie de ne pas aimer par-dessus tout son propre pays; car on ne vous rendrait pas partout la pareille. Le jour où les honnêtes gens s'entendraient pour laisser la nuit la clef sur leur porte, il y aurait toujours assez de voleurs pour les dévaliser; de même, la nation qui s'imaginerait que l'ère des guerres, des conquêtes même est close, serait certaine d'être bientôt envahie et partagée. Puis, toutes les vertus civiles sont suspendues en quelque sorte à la vertu militaire, et s'affaissent quand elle tombe; sans doute la vie civile offre des occasions d'exercer notre courage, mais on s'y dérobe quand le sacrifice dans sa forme la plus haute n'est plus pratiqué; l'histoire de tous les peuples qui ont renoncé à la gloire militaire le prouve. Mais, si un Châteaubriand, un Lamartine passent de l'admiration pour les grands écrivains et le sol de l'Italie à la sympathie pour ses aspirations, c'est que l'on commence à comprendre que la conquête, toujours à redouter, n'est point à louer, et que, prendre une province malgré elle à un peuple, c'est souffleter sur la joue de ce peuple le droit du genre humain. Pour peu donc que cette nation cesse d'être une inconnue pour nous, ses souffrances font brêche dans notre égoïsme, et nous ressentons l'outrage qu'au fond nous avons reçu en sa personne. Puis, nous comprenons que de nos jours un peuple asservi souffre plus qu'autrefois. Jadis une ville se résignait souvent sans trop de peine à passer d'une nation à une autre, parce que ce n'était au fond que changer de maître: le nouveau souverain n'exigeait pas toujours des tributs plus lourds que l'ancien, et, la conscription n'existant pas, ne demandait point à ses nouveaux sujets de se battre au besoin contre leurs frères de la veille. Berchet nous a éloquemment appris, dans Giulia, les tortures du conscrit obligé de revêtir un uniforme abhorré. – Mais, dira-t-on, dans les littératures modernes, les œuvres des classiques sont en partie nées dans des époques où l'homme de lettres, au moins dans son cabinet, oubliait qu'il avait une patrie: comment donc l'étude de ses œuvres, qui nous attache à lui, nous attacherait-elle à ses compatriotes, surtout à ses compatriotes d'aujourd'hui? – La réponse est dans les progrès de la critique. Autrefois on considérait un ouvrage comme une pure composition littéraire, sortie toute entière du génie de l'auteur et des principes de l'école à laquelle il appartenait; aujourd'hui nous considérons un auteur comme un homme qui exprime, sans y penser, tantôt les vertus ou les défaillances de sa génération, tantôt les traits dominants de sa race. Notre admiration pour lui excite par conséquent notre intérêt pour ses compatriotes. Nous goûtons comme nos pères l'incroyable dextérité avec laquelle Arioste nous fait passer d'une historiette à une autre, mais nous ne le rendons plus seul responsable de l'enjouement qu'il garde au milieu des malheurs de sa patrie; quand Machiavel conseille aux princes d'affecter toutes les vertus, mais de ne pas les avoir, nous plaignons l'Italie dont l'infortune ne laissait plus alors d'espoir que dans la cruauté, pour ainsi dire, économique d'un Cesare Borgia. L'étude des littératures étrangères est le meilleur préservatif contre les engouements de la mode et contre les velleités d'une injuste ambition; car, en même temps qu'elle nous fait admirer le génie des autres peuples, elle nous fait comprendre combien il est différent du nôtre et par suite quelle folie c'est que de vouloir l'imiter ou que de prétendre l'asservir. Si, par hasard, ce génie s'éloigne moins du nôtre parce que c'est celui d'une nation sœur, tout ce qui nous est permis, c'est de faire ce qu'ont fait Châteaubriand et Lamartine, à savoir de l'aimer.
1
V. son Voyage d'Italie.
2
Lettre à Fontanes du 20 janvier 1804, insérée dans le Voyage d'Italie.
3
Les martyrs, Ve livre.
4
Lettre précitée à Fontanes.
5
Mémoires d'outre-tombe, p. 121, 122, 123 du Ve vol. dans la récente édition Garnier.
6
Discours du 2 janvier 1848, p. 122-123 et 144 du Ve vol. de l'édition de ses Discours publiée par L. Ulbach en 1865.
7
Discours précité.
8
Discours précité.