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MADAME LA MARQUISE

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Vous connaissez que j’ai pour mie

Une Andalouse a l’œil lutin,

Et sur mon cœur, tout endormie,

Je la berce jusqu’au matin.

Voyez-la, quand son bras m’enlace,

Comme le col d’un cygne blanc,

S’enivrer, oublieuse et lasse,

De quelque rêve nonchalant.

Gais chérubins! veillez sur elle.

Planez, oiseaux, sur notre nid;

Dorez du reflet de votre aile

Son doux sommeil, que Dieu bénit!

Car toute chose nous convie

D’oublier tout, fors notre amour;

Nos plaisirs, d’oublier la vie;

Nos rideaux, d’oublier le jour.

Pose ton souffle sur ma bouche,

Que ton âme y vienne passer!

Oh! restons ainsi dans ma couche,

Jusqu’a l’heure de trépasser!

Restons! l’étoile vagabonde

Dont les sages ont peur de loin,

Peut-être, en emportant le monde,

Nous laissera dans notre coin.

Oh! viens! dans mon âme froissée,

Qui saigne encore d’un mal bien grand,

Viens verser ta blanche pensée,

Comme un ruisseau dans un torrent!

Car sais-tu seulement, pour vivre,

Combien il m’a fallu pleurer?

De cet ennui qui désenivre,

Combien en mon cœur dévorer?

Donne-moi, ma belle maîtresse,

Un beau baiser, car je te veux

Raconter ma longue détresse,

En caressant tes beaux cheveux.

Or, voyez qui je suis, ma mie,

Car je vous pardonne pourtant

De vous être hier endormie

Sur mes lèvres, en m’écoutant.

Pour ce, madame la marquise,

Dès qu’à la ville il fera noir,

De par le roi sera requise

De venir en notre manoir;

Et sur mon cœur, tout endormie,

La bercerai jusqu’au matin.

Car on connaît que j’ai pour mie

Une Andalouse a l’œil lutin.

1829.

Premières poésies, 1828-1833.

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