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Edmond Rostand
Cyrano de Bergerac
Acte II – La Rôtisserie des Poètes

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La boutique de Ragueneau, rôtisseur-pâtissier, vaste ouvroir au coin de la rue Saint-Honoré et de la rue de l’Arbre-Sec qu’on aperçoit largement au fond, par le vitrage de la porte, grises dans les premières lueurs de l’aube.

À gauche, premier plan, comptoir surmonté d’un dais en fer forgé, auquel sont accrochés des oies, des canards, des paons blancs. Dans de grands vases de faïence de hauts bouquets de fleurs naïves, principalement des tournesols jaunes. Du même côté, second plan, immense cheminée devant laquelle, entre de monstrueux chenets, dont chacun supporte une petite marmite, les rôtis pleurent dans les lèchefrites.

À droite, premier plan avec porte. Deuxième plan, un escalier montant à une petite salle en soupente, dont on aperçoit l’intérieur par des volets ouverts ; une table y est dressée, un menu lustre flamand y luit : c’est un réduit où l’on va manger et boire. Une galerie de bois, faisant suite à l’escalier, semble mener à d’autres petites salles analogues.

Au milieu de la rôtisserie, un cercle en fer que l’on peut faire descendre avec une corde, et auquel de grosses pièces sont accrochées, fait un lustre de gibier.

Les fours, dans l’ombre, sous l’escalier, rougeoient. Des cuivres étincellent. Des broches tournent. Des pièces montées pyramident, des jambons pendent. C’est le coup de feu matinal. Bousculade de marmitons effarés, d’énormes cuisiniers et de minuscules gâte-sauces. Foisonnement de bonnets à plume de poulet ou à aile de pintade. On apporte, sur des plaques de tôle et des clayons d’osier, des quinconces de brioches, des villages de petits-fours.

Des tables sont couvertes de gâteaux et de plats. D’autres, entourées de chaises, attendent les mangeurs et les buveurs. Une plus petite, dans un coin, disparaît sous les papiers. Ragueneau y est assis au lever du rideau ; il écrit.

Scène I

Ragueneau, pâtissiers, puis Lise ; Ragueneau, à la petite table, écrivant d’un air inspiré, et comptant sur ses doigts.


PREMIER PÂTISSIER, apportant une pièce montée.

Fruits en nougat !


DEUXIÈME PÂTISSIER, apportant un plat.

Flan !


TROISIÈME PÂTISSIER, apportant un rôti paré de plumes.

Paon !


QUATRIÈME PÂTISSIER, apportant une plaque de gâteaux.

Roinsoles !


CINQUIÈME PÂTISSIER, apportant une sorte de terrine.

Bœuf en daube !


RAGUENEAU, cessant d’écrire et levant la tête.

Sur les cuivres, déjà, glisse l’argent de l’aube !

Étouffe en toi le dieu qui chante, Ragueneau !

L’heure du luth viendra, – c’est l’heure du fourneau !


(Il se lève.À un cuisinier.)

Vous, veuillez m’allonger cette sauce, elle est courte !


LE CUISINIER.

De combien ?


RAGUENEAU.

De trois pieds.


(Il passe.)


LE CUISINIER.

Hein ?


PREMIER PÂTISSIER.

La tarte !


DEUXIÈME PÂTISSIER.

La tourte !


RAGUENEAU, devant la cheminée.

Ma Muse, éloigne-toi, pour que tes yeux charmants

N’aillent pas se rougir au feu de ces sarments !

(À un pâtissier, lui montrant des pains.)

Vous avez mal placé la fente de ces miches.

Au milieu la césure, – entre les hémistiches !

(À un autre, lui montrant un pâté inachevé.)

À ce palais de croûte, il faut, vous, mettre un toit…

(À un jeune apprenti, qui, assis par terre, embroche des volailles.)

Et toi, sur cette broche interminable, toi,

Le modeste poulet et la dinde superbe,

Alterne-les, mon fils, comme le vieux Malherbe

Alternait les grands vers avec les plus petits,

Et fais tourner au feu des strophes de rôtis !


UN AUTRE APPRENTI, s’avançant avec un plateau recouvert d’une assiette.

Maître, en pensant à vous, dans le four, j’ai fait cuire

Ceci, qui vous plaira, je l’espère.


(Il découvre le plateau, on voit une grande lyre de pâtisserie.)


RAGUENEAU, ébloui.

Une lyre !


L’APPRENTI.

En pâte de brioche.


RAGUENEAU, ému.

Avec des fruits confits !


L’APPRENTI.

Et les cordes, voyez, en sucre je les fis.


RAGUENEAU, lui donnant de l’argent.

Va boire à ma santé !


(Apercevant Lise qui entre.)

Chut ! ma femme ! Circule,

Et cache cet argent !


(À Lise, lui montrant la lyre d’un air gêné.)

C’est beau ?

LISE.

C’est ridicule !


(Elle pose sur le comptoir une pile de sacs en papier.)


RAGUENEAU.

Des sacs ?… Bon. Merci.


(Il les regarde.)

Ciel ! Mes livres vénérés !

Les vers de mes amis ! déchirés ! démembrés !

Pour en faire des sacs à mettre des croquantes…

Ah ! vous renouvelez Orphée et les bacchantes !


LISE, sèchement.

Et n’ai-je pas le droit d’utiliser vraiment

Ce que laissent ici, pour unique paiement,

Vos méchants écriveurs de lignes inégales !


RAGUENEAU.

Fourmi !… n’insulte pas ces divines cigales !


LISE.

Avant de fréquenter ces gens-là, mon ami,

Vous ne m’appeliez pas bacchante, – ni fourmi !


RAGUENEAU.

Avec des vers, faire cela !


LISE.

Pas autre chose.


RAGUENEAU.

Que faites-vous, alors, madame, avec la prose ?


Scène II

Les mêmes, deux enfants, qui viennent d’entrer dans la pâtisserie.


RAGUENEAU.

Vous désirez, petits ?


PREMIER ENFANT.

Trois pâtés.


RAGUENEAU, les servant.

Là, bien roux…

Et bien chauds.


DEUXIÈME ENFANT.

S’il vous plaît, enveloppez-les-nous ?


RAGUENEAU, saisi, à part.

Hélas ! un de mes sacs !


(Aux enfants.)

Que je les enveloppe ?…


(Il prend un sac et au moment d’y mettre les pâtés, il lit.)

« Tel Ulysses, le jour qu’il quitta Pénélope

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