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Lettre de Comtois à sa femme.

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Lyon, 12 août 18…

Ma chère épouse, la présente est pour te dire que j'ai quitté le service de M. le comte. C'est un homme quinteux qui ne pouvait me convenir, et je l'ai quitté sans regret, je peux dire. Il m'a fait une scène dans laquelle il m'a dit des mots, et cherché de mauvaises raisons. Mais je suis déjà replacé, et je n'ai pas été seulement une heure sur le pavé. Dans l'hôtel où nous logions, il s'est trouvé un gentilhomme qui cherchait un valet de chambre. Malgré que je ne le connaissais pas, et que je n'avais pas le plus petit renseignement sur lui, je me suis présenté pour voir au moins, à sa mine, si je pourrais m'en arranger. Son air m'est revenu tout de suite, et il paraît que le mien lui a plu aussi, car il s'est contenté de jeter les yeux dessus mon certificat en me disant:

—Je sais que le comte de Milly faisait cas de vous et que vous vous quittez à la suite d'une vivacité de sa part sur laquelle il ne veut pas revenir. Il m'a dit que vous écriviez lisiblement, que vous mettiez assez bien l'orthographe, et que vous aviez l'habitude de copier. Vous me serez donc utile et je vous prends pour le prix qu'il vous donnait: je ne me souviens plus du chiffre, rappelez-le-moi.

Là-dessus, me voilà engagé, car, puisque mon nouveau maître connaît mon ancien, chose que j'ignorais, ça ne peut être qu'un homme comme il faut, et, à sa garde-robe de voyage, éparpillée dans sa chambre, ainsi qu'à ses bijoux et à la manière dont les gens de l'hôtel le servaient, j'ai bien vite vu qu'il était passablement riche, ou qu'il savait vivre en homme du monde. J'ai bien demandé aussi dans la maison; mais on m'a dit qu'on ne le connaissait pas autrement, et qu'il se faisait appeler M. d'Argères tout court.

Ça m'a bien un peu contrarié, parce que c'est pour la première fois que je sers une personne sans titre. Mais j'ai dans mon idée que c'est une fantaisie qu'il a peut-être de cacher le sien, car je me connais en gens de qualité, et je t'assure que jamais je n'ai vu une plus belle tournure et de plus jolies manières. En outre, il paraît très-doux et fait l'avance de mes déboursés. Enfin, je pense que je n'aurai pas de désagrément avec lui. Nous avons quitté Genève, et, à présent, nous sommes à Lyon, d'où je t'écris ces lignes pour te dire que je me porte bien et que je ne sais pas encore où nous allons. Tout ce que monsieur m'a dit, c'est que nous serions à Paris dans deux mois au plus tard. Ne sois donc pas en peine de moi, et écris-moi des nouvelles de nos enfants et si tu es toujours contente de la maison où tu es. Je te ferai savoir bientôt où il faut m'adresser ça. Je ne te donnerai pas grands détails, mais tu les auras plus tard par mon journal, que j'ai toujours l'habitude de tenir, jour par jour, pour mon amusement et pour l'utilité de de ma mémoire.

Adieu donc, ma chère Céleste; je t'embrasse de toute l'amitié que je te porte, ainsi que ta sœur et notre petite famille.

Ton mari pour la vie.

Comtois.

Adriani

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