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CHAPITRE I

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Table des matières

Comment juger d’une architecture nouvelle?

§ 1.

Comment en jugerons-nous? Avec notre goût. Car, pour juger d’une forme nouvelle, nous devons nous garer de deux suggestions: l’une que nous fournit la pure habitude, l’autre que nous inspire le raisonnement pur; la première ayant façonné notre goût, jusqu’à le rendre hostile à toute forme nouvelle, et le second nous faisant défier de cette habitude, jusqu’à l’abdication complète de notre goût. Les deux manières de juger sont fatales, car elles entravent également l’indépendance du seul sentiment qui nous permette d’éprouver la beauté: le sentiment esthétique, alors que la raison ne doit servir qu’à écarter du sujet les entreprises de la raison même et assurer le libre exercice du goût.

En effet, parce qu’une forme imprévue éveille en nous d’autres idées que l’usage du monument auquel l’artiste vient de l’employer, il ne faut pas la condamner comme laide. Et, par exemple, ce n’est point parce qu’un musée ressemblerait de loin à un chapiteau d’alambic ou une porte monumentale à un appareil de chauffage, qu’il faudrait, dès l’instant, les condamner. Ce n’est point davantage parce que de minces piliers, faits d’une matière nouvelle et supportant une énorme voûte, ne nous fourniront plus l’impression de stabilité que nous donnaient les larges assises de pierre, qu’il faudrait dire que toute beauté est perdue. L’habitude n’est pas une loi.

Mais, d’autre part, parce qu’une forme, bien que laide, nous paraîtrait s’approprier exactement aux besoins de la vie moderne, comme fait une gare de chemin de fer, il ne faudrait pas en conclure nécessairement qu’elle est belle. Une forme peut être nouvelle à la fois et belle. Mais elle peut être nouvelle, exactement appropriée à un besoin moderne, représentative d’une foules d’idées sociologiques,—et laide sans plus.

Dans les deux cas, ce dont il faut se méfier, c’est l’abus du raisonnement. Ce qu’il faut suivre, c’est l’impression esthétique, et non pas ce que cette impression a de surtout intellectuel, comme l’association des idées dans notre tête, mais ce qu’elle a surtout de sensible, comme l’association des formes devant nos yeux. Ce qu’il faut en croire surtout, c’est notre impression.

Or, ce qui provoque d’abord l’impression des yeux, ce n’est pas une notion intellectuelle, ce n’est pas l’idée de l’appropriation à un usage, ce n’est pas l’idée de signification structurale, ce n’est pas même l’idée de stabilité: c’est l’élégance, le rythme, la silhouette totale, apparue; c’est, si l’on peut ainsi dire, la tache heureuse que fait un monument sur la ville et sur le ciel.

Si cette tache n’est pas heureuse, si, aux yeux, les lignes décisives sont lourdes ou étriquées, ou monotones, vainement prouvera-t-on que l’édifice est solide, approprié à sa destination, révélateur de sa fonction, suggestif d’idées; il pourra plaire à l’esprit, il ne plaira pas au sentiment esthétique. A l’inverse, si la tache est heureuse, le monument peut être archaïque, exotique, mal approprié au sol et au ciel; il peut, vu de son pied, n’offrir que des profils tristes, des reliefs masqués les uns par les autres, et pourtant, s’il est contemplé de loin, produire sur la ville et dans le ciel une tache heureuse, une apparition révélatrice.

Le Sacré-Cœur de Montmartre est un exemple. Peu de projets furent assaillis de critiques plus vives, plus unanimes, plus légitimes. D’abord, cette église n’était guère qu’une coupole, sans nef qui y conduisît. D’en bas, on ne pouvait apercevoir sa façade, mais seulement son porche,—ce qui ne donnait l’idée que d’une grande chapelle. Il n’y avait point de lumière au dedans, et point d’ombres, accusant les reliefs, au dehors. D’ailleurs, pourquoi cet art exotique et vieillot du «Bas-Empire»? Pourquoi, sur la Ville Lumière, ce pastiche énorme d’une obscure bâtisse de Périgueux? Toutes ces critiques semblaient très justes, et si l’on va regarder le colosse de près ou du bas de la Butte, elles n’ont rien perdu de leur vérité. Mais puisqu’on le voit de tant de points différents de Paris, de l’avenue Montaigne comme de la rue Solférino, des boulevards comme du haut de Meudon, c’est sans doute son effet lointain et total qu’il faut considérer.

Or, cet effet est une révélation. On ne voit plus, au-dessus de la montagne de maisons grises, qu’un léger nuage blanc et violet, nuage d’où ne tombe nul orage, mais, seul et rare, le grondement d’une cloche. Le critique ne perçoit, si bien qu’il regarde, qu’un floconnement de coupoles qui assaillent le ciel, l’une montant sur l’autre, la dernière enfin atteignant son but, et recouvrant tout de sa splendeur. Bien au-dessus des coupoles de la contemplation et de la guerre, au-dessus des observatoires fixés sur les terres, et des tourelles errantes sur les mers où s’embusquent les plus prodigieux appareils d’observation ou de destruction qu’ait produits le génie humain, s’élève maintenant la coupole du Salut. Et l’on sent que cette forme est bien celle qui convenait ici. Au sommet d’une ville qui pyramide, ce n’est point un nouvel élan qu’il faut, mais une couronne. Des plaines, il est bon que les flèches s’élancent vers le ciel comme une prière. Mais des hauteurs il est mieux que les coupoles s’abaissent comme une bénédiction.

De même, la «tache heureuse», c’est le mérite du Petit Palais et de la perspective entière des Champs-Élysées aux Invalides. Certes, il n’y a rien dans ces monuments de nouveau, ni de puissant. Le «Grand» Palais se prolonge, çà et là, dans un développement si peu compréhensible qu’il paraît des deux le plus petit. Sa colonnade se juche sur un soubassement si haut et se tapit sous une masse de verre si énorme, que les colonnes, réduites à un rôle purement ornemental, ne jouent plus le rôle de supports où leur élégance se déploierait. Le style est tellement composite, que tout en satisfaisant l’œil à peu près partout, il ne frappe et ne s’impose nulle part. Quelques ornements se dressent inutilement, telles ces fioles gigantesques et inexplicables qu’on voit plantées deux par deux, çà et là, sur le haut de l’édifice. Dès qu’on s’éloigne, l’énorme ballon de verre, allongé sur la pierre comme un aérostat, plus pesant aux yeux qu’un toit de pierre ou d’ardoises, écrase, opprime et aplatit jusqu’à terre le pauvre édifice. Et des chevaux féroces, projetés en éventail sur chacune des portes latérales, s’épuisent en efforts désespérés pour quitter ce monument auquel un sort inexplicable les a, momentanément, attachés.

Mais, quand on aura fait ces critiques et cent autres, il n’en restera pas moins que, vus des Champs-Élysées, les deux palais sont ce qu’il fallait qu’on vît. Ils forment l’allée nécessaire, plantée de colonnes ioniques, qui conduit l’œil aux pylones qui marquent les limites du fleuve. Ce sont les jalons indispensables pour creuser l’horizon vers le dôme. La «tache» que fait chacun de ces deux palais est si heureuse qu’on ne la remarque déjà plus. Il semble qu’ils aient toujours été là. Quand on entre dans le Petit Palais de M. Girault, on éprouve cette impression de paix. On l’éprouve aussi sous la colonnade intérieure qui égaie l’hémicycle, devant les trois miroirs où se reflètent les marbres neufs, et où l’on voit, quand un souffle ride l’eau, les génies qui se tiennent sur le portique, remuer, au gré des reflets, leurs ailes d’or.... Le succès du Petit Palais, c’est le triomphe de l’éclectisme, mais c’est aussi le signe évident que notre architecture n’excelle qu’aux recommencements et, qu’au milieu de tant de choses neuves, il n’y a pas une nouveauté.

La pierre n’aura-t-elle donc rien fourni d’imprévu dans cette immense poussée architecturale? N’y a-t-il rien qui donne une physionomie nouvelle au Paris de 1900?—Si. Mais ce n’est pas un legs de l’Exposition. Regardez plus loin vers le Sud et regardez plus haut vers le Nord. Deux monuments dont personne ne parlait plus et qu’on n’avait point invités à la fête, deux intrus gigantesques surgissent brusquement l’un dans la plaine, l’autre sur la colline et, ensemble, aux deux côtés de l’horizon, donnent à Paris un couronnement que nous ne lui connaissions pas. L’un est le dôme des Invalides, l’autre est le Sacré-Cœur de Montmartre. Entre les deux rives qu’ils ponctuent, la science a jeté le pont de la Paix. Ce dôme, ce faisceau de coupoles, ce pont qui permet d’aller des unes à l’autre, voilà ce que Paris n’avait pas encore vu et ce que le monde entier découvre aujourd’hui comme une vision nouvelle dans Paris. L’un nous était caché par les échafaudages, l’autre par le palais de l’Industrie. Les nuages se sont dissipés. Le palais où l’on vit tant de mauvaises peintures est tombé comme un mauvais rêve. A son dernier jour seulement, réduit à sa porte monumentale sous la pioche du démolisseur, il revêtit un instant la dignité d’une ruine. Il eut l’aspect d’un vieil arc de triomphe, tandis que dans l’atmosphère de février mêlée de pluie et de soleil, l’aiguille d’or des Invalides, soudain apparue, tournée vers les nuages derrière les décombres, droite, étincelante, sembla marquer une heure invisible, dans le ciel incertain de la patrie....

En bas, Gallia Victrix, en haut, Gallia pœnitens et devota: la vision est singulièrement antithétique et saisissante. Certes ces deux monuments furent assaillis de bien des colères philosophiques, le plus ancien, pour son souvenir qu’on trouvait insolent, le plus jeune, pour sa devise qu’on trouvait trop humble, comme s’il y avait quelque honte à faire, après les épreuves que l’on sait, un examen de conscience nationale et comme si, d’ailleurs, la foi qui poussa tant de millions de Français dans cette œuvre désintéressée, patiente, profonde, dans cet édifice dont la hauteur souterraine égale exactement la hauteur visible, n’était pas, quelque opinion qu’on puisse avoir sur son objet, une preuve de vie, et, autant que nos formidables exhibitions industrielles, un signe de force au manomètre d’une nation!

Et, d’autre part, est-il mauvais que l’apparition du dôme de Mansart nous rappelle ce qu’à ce manomètre la gloire jadis a marqué? Les choses ont leurs ironies plus encore que leurs larmes, et dans la hâte où nous sommes de leur donner des significations éternelles, nous courons le risque des prédictions d’almanach. On a construit ce pont à l’honneur de la Paix et le voici qui mène tout droit au Dieu de la Guerre. On a ouvert ce chemin pour aller commodément jusqu’à ce congrès pacifique des peuples, entre les mille drapeaux des nations flottant sur diverses épices, et il se trouve que c’est une trouée vers le casque flambant au soleil qui recouvre les mêmes drapeaux étrangers, seulement déchirés, ceux-là, et conquis dans les batailles. De son antre de vieilles pierres françaises taillées par les maçons du grand siècle, au fond de la cour d’honneur, ayant sous ses pieds le bronze historié de Wurtemberg et sur sa tête les étendards suspendus dans le sanctuaire, le «petit homme... tout habillé de gris» regarde droit à travers l’Exposition jusqu’au cœur de la ville qui lui était masqué.

On savait qu’il existait, sans doute, mais on avait oublié qu’il fût là, si près dans ces Champs-Élysées cosmopolites où tous les peuples du Nouveau-Monde pouvaient passer et repasser sans le voir. Mais, tout d’un coup, il paraît. Et comme une foule qui se range sur le passage d’un souverain, voici que tous ces palais de carton: palais des arts décoratifs et palais des manufactures nationales, palais des peuples nouveaux comme palais des peuples jadis vaincus, palais aigrettés comme des casques et chamarrés comme des chambellans, se sont rangés des deux côtés pour laisser voir au loin, tout au bout du sillon creusé par le respect, le dôme or et noir, le monument solide et hautain d’une gloire qui n’est plus. Et il semble qu’on entende retentir tout à coup, dans les Champs-Élysées inutilement affairés et gravement frivoles, le cri qui faisait ranger tous les courtisans dans les salles des Tuileries ou de Saint-Cloud: «l’Empereur!»

§2.

Ce don d’une architecture nouvelle que la pierre nous refuse, le fer nous le promet-il? On s’en flatte d’ordinaire et l’on a écrit là-dessus de très belles pages. Jadis Boileau et Labrouste en fournirent de fort bonnes raisons et de fort mauvais exemples. A cette opinion Viollet-le-Duc se rangea aussi. Depuis eux, cette idée s’est répandue qu’une civilisation nouvelle, servie par de nouveaux matériaux, ne pouvait manquer de produire un style d’architecture nouveau. Et puisque le fer était d’hier, il devait donner des courbes, des voûtes, des lignes que l’Antiquité ni le Moyen Age n’avaient connues.

Dans ces inoubliables pages simplement définies par leur auteur, «les Cahiers d’un Étudiant à l’Exposition de 1889», où Melchior de Vogüé découvrit à tant d’âmes curieuses, inquiètes, la signification de l’évolution matérielle à laquelle nous assistions, l’éloge du fer retentit comme la diane et nous réjouit comme une aurore. Beaucoup de nos impressions confuses semblaient le corroborer.

Comme les monuments les plus simples que nous devions à son emploi dans les usages utiles de la vie nous paraissaient infiniment moins laids que nos prétentions architecturales; comme la Galerie des machines de Paris ou l’Ames Building de Boston étaient moins offensants pour la vue que le casino de Monte-Carlo ou que le Trocadéro, nous en tirions tous cette conclusion que le fer possédait par lui-même quelque vertu de «beauté abstraite et algébrique», que, dans tous les cas, la «force du besoin» clairement manifestée était sans doute un principe de beauté.

C’était partir d’une observation très juste, mais incomplète pour en tirer une déduction très contestable. Car, s’il est assez difficile, en architecture comme ailleurs, de déterminer quel est le vrai principe de beauté, il ne l’est pas d’apercevoir qu’il ne tient ni dans la force de l’algèbre, ni dans la force du besoin. On n’a jamais observé qu’une chose fût belle par cela seul qu’elle était nécessaire. Ce qu’on a observé maintes fois, c’est qu’une chose née du besoin et neutre au point de vue esthétique devenait laide, quand on la parait d’un ornement né de la fantaisie. Ce n’est pas la force du besoin qui est un principe de beauté: c’est la faiblesse du superflu qui est une raison de laideur. Là où le besoin se manifeste seul, il n’y a le plus souvent ni laideur, ni beauté. Il y a une sorte de neutralité esthétique. De grands murs nus ou quadrillés de briques apparentes et criblés de fenêtres égales peuvent être tristes: ils ne sont pas irritants comme des façades de petits théâtres chargés de tous les désordres grecs ou de toutes les intempérances de l’Orient. On vivra tristement devant ces maisons simples, mais non dans la colère. Elles sont comme de longues plaines endormies sous les neiges, qu’aucun accident ne trouble, que nul ornement n’égaie. Mais elles ne sont pas de mauvais goût. Le mauvais goût ne se révèle qu’avec l’accident, l’ornement, la prétention architecturale. Le mauvais goût suppose l’exercice d’un goût. Le laid ne commence qu’avec la recherche du beau.

Quand vous passez devant un monument agressivement inesthétique, supprimez par la pensée tous les ornements inutiles à sa solidité et indépendants de sa fonction, redressez toutes les courbes que rien ne suggère, abattez toutes les moulures que rien ne nécessite et le monument cessera d’être laid. Mais il ne deviendra pas nécessairement beau. En supprimant l’inutile, en serrant de près la logique de la construction, vous aurez certainement ôté la laideur. Mais vous n’aurez pas nécessairement conféré la beauté.

Et, d’autre part, que de belles lignes monumentales ou décoratives ne sont pas logiques le moins du monde et ne satisfont nullement notre raison, mais seulement notre goût, notre instinct tout physique, et sensoriel d’harmonie, de souplesse et de vigueur! Que de chefs-d’œuvre où l’ornement n’est pas une mise en évidence de la structure interne, mais une dissimulation! Que de riches courbes qui ne sont pas dérivées des qualités spécifiques des matériaux employés, mais imitées de formes créées pour d’autres matières, en d’autres temps et sous d’autres cieux! Voici le Baptistère de Florence: la forme ronde et cintrée de sa structure interne est-elle révélée au dehors par une construction circulaire? Point du tout; les murs sont plats et la figure hexagone, en sorte qu’on croit entrer dans une salle rectangulaire, et on trouve une rotonde. Voici le Saint-Marc de Venise: l’ossature est-elle visible? Non, elle est dissimulée sous un revêtement éclatant de mosaïque à l’aspect de métal. Voici l’architecture arabe: les arcs, les ogives découpés à profusion ne nous laissent pas de doute. Nous voyons bien que le poids est rejeté tout entier sur les côtés.... C’est faux! Il repose sur les poutres horizontales demeurées invisibles. Prenons la colonne dorique. Faut-il blâmer la forme du fût renflée à mi-hauteur, parce qu’elle est inspirée de l’écrasement des faisceaux de cannes primitivement employés, ou n’est-elle pas un charme de plus? Faut-il blâmer les plus anciens monuments de l’Inde, parce qu’ils reproduisent en pierre les poutres et les balustrades de bois et en imitent jusqu’aux joints? Ou les meubles du Moyen Age et de la Renaissance, parce que le bois y reproduit les formes architectoniques de la pierre? Où est la logique en tout cela? où l’appropriation de la forme à la matière? où l’expression de la structure intime par l’ornement?

Que de beaux édifices, enfin, dont l’aspect ne révèle nullement la fonction! Et quand, d’aventure, l’un de ceux qui la révélaient ne remplit plus la fonction pour laquelle il fut conçu, cesse-t-il pour cela d’être beau? La façade de l’hôtel des Invalides est-elle devenue moins belle depuis qu’elle recouvre des comités techniques d’inventions à la place de l’hospice héroïque qu’elle était censée annoncer aux yeux? Le palais des papes d’Avignon est-il moins beau depuis qu’il ne contient plus de papes, les pyramides moins belles depuis qu’elles n’ont plus leurs morts? Qui a jamais compris, en les voyant, à quoi peuvent servir les gopuras ou les terrasses superposées de l’Inde, et qui a hésité à les admirer? Quand s’élève, à l’horizon ou dans la forêt, une belle harmonie de pierre, ou de bois, ou de métal, qu’importe qu’elle serve à une église ou à un hôpital, à une caserne ou à un château, à une forteresse ou à un concert? ce n’en est pas moins une belle harmonie. Dire que, pour être belle, une forme doit annoncer et exprimer la fonction qu’elle remplit, c’est énoncer une de ces propositions respectueusement admises par la critique contemporaine pour leur aspect rigoureux, mais que rien ne vérifie et qu’on se passe de main en main comme une pièce fausse, de confiance, faute de l’avoir jamais regardée.

Quand donc nous aurons établi que le fer est utile, qu’il est logique, qu’il est nouveau, qu’il est approprié à nos besoins et à notre état social, et qu’il révèle immédiatement au dehors sa structure interne, nous n’aurons pas montré qu’il conférera nécessairement à nos monuments quelque nouvelle beauté. Il faudra encore qu’il ait certaines qualités que la raison perçoit moins clairement peut-être, mais que le sentiment éprouve et que les yeux démêlent: la grâce, l’élégance des courbes, la sûre et facile harmonie des droites, le jeu des ombres sous les reliefs, le balancement des pleins et des vides, l’ordre qui repose la vue parce qu’il est facile à percevoir, et la variété qui la sollicite parce qu’elle lui offre des multitudes de sensations à éprouver.

Les questions esthétiques contemporaines

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