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Maximilien Robespierre (1758-1794), Discours prononcé à l'Assemblée constituante les 27 et 28 avril 1791 (27 avril 1791)

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(La garde nationale avait été improvisée au 14 juillet 1789 sous le nom de garde bourgeoise. Son organisation première était très-imparfaite. Plusieurs décrets provisoires, rendus par l'Assemblée constituante, ne statuaient qu'incomplètement sur la formation et sur le service de la garde nationale, et laissaient désirer une organisation définitive. L'Assemblée ayant ordonné à ses comités de lui présenter un projet d'organisation, Rabaut-Saint-Etienne, rapporteur, donna lecture d'un projet, qui n'admettait dans les gardes nationales que les citoyens actifs. Robespierre prit la parole pour combattre le projet des comités.)

Une constitution militaire et nationale est la plus difficile de toutes les entreprises; car si elle n'est pas le plus ferme appui de la liberté, elle devient le plus dangereux instrument du despotisme. Avant tout il faut rechercher le véritable objet de l'organisation de la garde nationale: est-elle établie pour repousser les ennemis du dehors? Non; vous avez pour cela une armée formidable... Il est certain que partout où la puissance du chef d'une force militaire considérable existe sans contrepoids, le peuple n'est pas libre. Ce contrepoids quel est-il? Les gardes nationales. D'après ce principe fondamental, il faut organiser la garde nationale de manière que le pouvoir exécutif ne puisse abuser de la force immense qui lui est confiée, ni la garde nationale opprimer la liberté publique et le pouvoir exécutif. Ces deux points de vue doivent nous servir de guide dans la question qui nous occupe. Sous ce premier point de vue il faut organiser la garde nationale de sorte qu'aucune de ses parties ne puisse dépendre du pouvoir exécutif. Le prince et ses agents ne doivent donc pas nommer les chefs. Les chefs des troupes de ligne ne doivent donc pas devenir chefs des gardes nationales; le roi ne doit donc ni récompenser ni punir les gardes nationales.

Sous le second point de vue, il faut reconnaître comme principe général la nécessité d'empêcher que les gardes nationales ne forment un corps, et n'adoptent un esprit particulier qui serait un esprit de corps, et qui menacerait bientôt, soit la liberté publique, soit les autorités constitutionnelles. Pour y parvenir, on doit adopter toutes les mesures qui tendront à confondre la fonction de soldat avec celle de citoyen, diminuer autant qu'il sera possible le nombre des officiers, ne les nommer que pour un temps très-limité, ne pas étendre le commandement à plus d'un district, et établir que la marque extérieure des grades ne sera portée que pendant le temps du service. Ces décorations ne sont accordées que pour le service public, et non pour satisfaire un ridicule orgueil. Ces distinctions extérieures, qui autrefois poursuivaient partout les fonctionnaires publics, excitaient la vanité des uns, produisaient l'humiliation des autres, avilissaient le peuple, enhardissaient ses tyrans, détruisaient ainsi l'énergie publique, et corrompaient le caractère national. Défenseurs de la liberté! vous ne regrettez pas ces hochets du despotisme; votre dévoûment, votre courage, vos succès, la cause sacrée pour laquelle vous êtes armés, voilà votre gloire, voilà vos ornements. (On applaudit.) Pour parvenir à confondre le citoyen et le soldat, il reste encore une disposition à prendre. Elle est une obligation réelle, l'équité, l'égalité la réclament... (Ou entend un peu de bruit dans quelques parties de la salle. Montlausier: Ce que dit M. Robespierre, vaut sans doute la peine d'être écouté: ainsi, Messieurs qui causez, silence. On applaudit.) Tous les citoyens doivent être admis à remplir les fonctions de garde nationale. Ceux qui n'ont pas de facultés déterminées; ceux qui ne paient pas de certaines contributions, sont-ils esclaves? sont-ils étrangers aux autres citoyens? sont-ils sans intérêts dans la chose publique? Tous ils ont contribué à l'élection des membres de l'Assemblée nationale; ils vous ont donné des droits à exercer pour eux; vous en ont-ils donné contre eux? Ils ne l'ont pas voulu; ils ne l'ont pas pu; ils ne l'ont pas fait. Sont-ils citoyens? Je rougis d'avoir à faire cette question. Ils jouissent du droit de cité. Voulez-vous jouir seuls du droit de vous défendre et de les défendre. Reconnaissez donc et décrétez que tous les citoyens domiciliés ont le droit d'être inscrits sur le registre des gardes nationales. Ne calomniez pas le peuple en élevant contre lui d'injustes craintes. Le peuple est bon, il est courageux. Vous connaissez les vertus du peuple par ce qu'il a fait pour la liberté, après avoir travaillé avec tant de courage à la conquérir. Il demande le droit de remplir les devoirs qui seront imposés à tous les citoyens pour la conserver... (Lucas. J'entends par peuple tous les citoyens.) J'entends par peuple la généralité des individus qui composent la société; et si je me suis un moment servi de cette expression dans un sens moins étendu, c'est que je croyais avoir besoin de parler le langage de ceux que j'avais à combattre. Répondrai-je à une observation bien futile? On a dit que la partie du peuple qui ne jouit pas de l'activité, ne pourra supporter ni les dépenses, ni la perte de temps qu'entraînerait le service; mais l'Etat doit fournir aux frais nécessaires pour mettre les citoyens à même de servir; il doit les armer, et les solder, comme on fait en Suisse, quand ils quittent leurs foyers... Après avoir établi ces principes constitutionnels, il resterait à déterminer les fonctions des gardes nationales... (Plusieurs personnes demandent que la suite du discours de Robespierre soit renvoyée à demain.)

(Séance du 28.)

J'ai établi hier les principes fondamentaux de l'organisation de la garde nationale; j'ai prouvé que tous les citoyens devaient y être admis, si l'on ne voulait diviser la nation en deux classes dont l'une serait à la discrétion de l'autre. J'ai prouvé qu'il fallait soustraire la garde nationale à l'influence du pouvoir exécutif, puisqu'elle doit servir au besoin pour nous défendre contre la force militaire dont ce pouvoir exécutif est armé. Maintenant j'applique ces principes au projet qui nous est présenté par les deux comités, et je trouve qu'il les viole entièrement; il fait de la garde nationale un corps qui peut devenir l'instrument du pouvoir exécutif. Il est vrai que pour cela le comité suppose le cas d'une invasion subite par une troupe étrangère. C'est ainsi que toutes les lois dangereuses ont été justifiées par des motifs honnêtes. C'est le fond du projet qu'il faut examiner. Ne voit-on pas que le gouvernement pourra faire naître facilement l'événement qu'a prévu le comité, avec l'influence qu'a le pouvoir exécutif sur la paix et la guerre. On dirait que les gardes nationales ne doivent être employées que pour faire la guerre aux ennemis du dehors, tandis que les principes veulent qu'elles ne soient employées que dans les cas extrêmes. Serait-ce un projet de circonstance qu'on a voulu nous présenter, ou bien un projet qui embrasse tous les temps!

Le comité a méconnu l'objet unique et véritable de l'institution des gardes nationales. Il place sans cesse la garde nationale dans les circonstances où elle doit faire la guerre sous les ordres du roi; mais n'est-elle pas faite aussi pour défendre la liberté contre les attaques du despotisme. Ce mot liberté n'a pas été proféré une seule fois dans tout le projet. Repousser les brigands, livrer à la justice les séditieux, voilà les seules idées que présente la partie du projet qui lise les fonctions de la garde nationale. Il semble qu'elle ne sera instituée dans les campagnes que pour soutenir la gendarmerie nationale et les troupes de ligne. Faire ainsi une armée subsidiaire pour combattre les citoyens, n'est-ce pas là l'oubli de tous les principes? Pourrons-nous soutenir l'idée de voir les paisibles habitants des campagnes présentés comme la partie de la nation qui a le plus besoin d'être contenue. Cette distinction est insultante. Ces détails sont inutiles. Il suffit bien d'avoir prouvé que la composition des gardes nationales présentée par le comité, est le renversement des principes de la liberté. Il interdit jusqu'au port d'armes aux citoyens non actifs. N'est-ce pas là créer un vaste corps armé pour asservir le reste de la nation? n'est-ce pas remettre le pouvoir politique et la force armée dans les mains d'une seule classe, et cette force armée à la disposition du pouvoir exécutif par des voies indirectes? Tous les citoyens ne sont-ils pas également enfants de la patrie? quels sont ceux que vous jugez incapables de porter les armes? Teniez-vous ce langage, lorsqu'ils se sont armés pour vous défendre, lorsqu'enfin ils ont fait la révolution? Mais, dira-t-on, le comité propose de maintenir dans la fonction de gardes nationales, ceux qui ont pris les armes depuis l'époque de la révolution, s'ils en sont jugés dignes. Et pourquoi leur faudrait-il subir un jugement nécessairement arbitraire? Est-ce parce qu'ils ne seraient pas favorisés par la fortune? Où étaient donc les comités au 14 juillet! S'ils avaient vu cette journée, ils n'auraient pas fait cette insulte à une partie respectable de leurs concitoyens. Je conclus à ce que l'assemblée décrète que tout citoyen domicilié a droit d'être inscrit sur le registre des gardes nationales.

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Discours par Maximilien Robespierre — 21 octobre 1789-1er juillet 1794

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