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DE M. DE VOLTAIRE

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Mars 1737.

Je ne comptais pas assurément sortir de Cirey il y a un mois. Madame du Châtelet, dont l'âme est faite sur le modèle de la vôtre et qui a sûrement avec vous une harmonie préétablie, devait me retenir dans sa Cour que je préfère, sans hésiter, à celle de tous les rois de la terre, et comme ami, et comme philosophe, et comme homme libre: car

Fuge suspicari

Cujus octavum trepidavit œtas

Claudere lustrum

(Hor. L. II, od. IV.)

Un orage m'a arraché de cette retraite heureuse: la calomnie m'a été chercher jusque dans Cirey. Je ne suis persécuté que depuis que j'ai fait La Henriade. Croiriez-vous qu'on m'a reproché plus d'une fois d'avoir peint la Saint-Barthélemy avec des couleurs trop odieuses? On m'a appelé athée, parce que je dis que les hommes ne sont point nés pour se détruire. Enfin, la tempête a redoublé, et je suis parti par les conseils de mes meilleurs amis. J'avais esquissé les principes assez faciles de la Philosophie de Newton: madame du Châtelet avait sa part à l'ouvrage: Minerve dictait, et j'écrivais. Je suis venu à Leyde travailler à rendre l'ouvrage moins indigne d'elle et de vous; je suis venu à Amsterdam le faire imprimer et faire dessiner les planches. Cela durera tout l'hiver. Voilà mon histoire et mon occupation: les bontés de Votre Altesse Royale exigeaient cet aveu.

J'étais d'abord en Hollande sous un autre nom pour éviter les visites, les nouvelles connaissances et la perte du temps; mais les gazettes ayant débité des bruits injurieux semés par mes ennemis, j'ai pris sur-le-champ la résolution de les confondre, en les démentant et en me faisant connaître…

…Dans les lettres que je reçois de Votre Altesse Royale, parmi bien des traits de prince et de philosophe, je remarque celui où vous dites: Cæsar est supra grammaticam. Cela est très vrai: il sied très bien à un prince de n'être pas puriste; mais il ne sied pas d'écrire et d'orthographier comme une femme. Un prince doit en tout avoir reçu la meilleure éducation: et de ce que Louis XIV ne savait rien, de ce qu'il ne savait pas même la langue de sa patrie, je conclus qu'il fut mal élevé. Il était né avec un esprit juste et sage; mais on ne lui apprit qu'à danser et à jouer de la guitare, il ne lut jamais: et s'il avait lu, s'il avait su l'histoire, vous auriez moins de Français à Berlin. Votre royaume ne se serait pas enrichi, en 1686, des dépouilles du sien. Il aurait moins écouté le jésuite Letellier; il aurait, etc., etc.. etc.

Ou votre éducation a été digne de votre génie, monseigneur, ou vous avez tout suppléé. Il n'y a aucun prince à présent sur la terre qui pense comme vous. Je suis fâché que vous n'ayez point de rivaux. Je serai toute ma vie, etc., etc.

Correspondance de Voltaire avec le roi de Prusse

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