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PRÉFACE
ОглавлениеA MA SŒUR JULIE * * *
Nous voilà déjà loin, ma sœur, de ce temps, heureux pour nous entre tous, où nous confondions nos ébats enfantins, sous les regards de notre mère chérie.
Ma pensée se reporte toujours, avec un joyeux attendrissement, vers ces charmants souvenirs qui me représentent nos premiers pas dans la vie.
Ne te semble-t-il pas qu’à cette époque tout paraissait plus beau, plus gai, plus séduisant qu’aujourd’hui?
Le soleil était-il plus brillant, le printemps plus fleuri, l’air plus doux et le monde meilleur?
Je ne sais!
Mais, quand je recherche ces lointaines impressions, je n’y trouve que grâce, beauté, sourires, tendresse, délicieuses joies et bonté !
L’enfant, il est vrai, moissonne avec une incomparable facilité les éléments qui le charment et l’émerveillent; tandis qu’il sème sous ses pas, avec une implacable insensibilité, la douleur et la destruction.
Je ne puis songer, sans un vrai remords, aux tortures que nous infligions si cruellement aux jolis joujoux vivants qui avaient le malheur de tomber entre nos mains!
Chacune de nos promenades à Nalis devait compter comme un jour néfaste parmi les habitants en miniature qui en peuplaient les champs, les arbres et les cours d’eau.
Nos instincts barbares semblaient naître de notre admiration même pour cette luxuriante nature.
Nos convoitises et nos caprices ne connaissaient ni la mesure, ni la pitié : saccager était un jeu infiniment attrayant pour nous.
Nos courses folles ne respectaient pas plus l’épi doré prêt à nous donner du pain, que l’éblouissante prairie qui émerveillait nos regards.
Et, pendant que le délicat sainfoin, rose et vert, gémissait sous nos piétinements, les insectes, aux ailes chatoyantes, fuyaient devant nous, le grillon se taisait, l’oiseau épouvanté ne chantait plus et le poisson se cachait au fond de l’eau.
L’alarme était donnée dès nos premiers forfaits; et, chacun tremblant pour sa chère couvée, le silence de la terreur succédait bientôt au joyeux concert.
Cette anxiété dans l’air aurait dû réprimer nos élans malfaisants, en nous montrant la vie, la sensation, la souffrance, puis la mort, sous nos cruelles étreintes!
Mais non, ce n’était là que le prélude d’une série de mauvaises actions.
Les libellules, les grillons, les scarabées, les sauterelles et les lézards étaient impitoyablement entassés dans une boîte, où ils périssaient dans un douloureux étouffement.
Les cigales, attachées au bout d’un long fil, étaient brusquement lancées en l’air pour les forcer à voler; mais elles retombaient sur le sol meurtries et mutilées. Et, un supplice succédant à l’autre, nous les grattions pour provoquer leur chant; mais elles n’exhalaient plus alors qu’une plaintive agonie!
Les jolis papillons, aux ailes multicolores, étaient d’autant plus martyrisés, qu’ils charmaient davantage nos regards; et c’est avec une joie atroce que nous leur percions le corps d’une épingle, pour les fixer sur un papier!
Puis, grimpant sur les arbres, nous répandions l’effroi et le désespoir parmi des nids charmants, fruit d’un travail patient, pénible et intelligent. Et nos mains profanes arrachaient bien vite les pauvres petits à la touchante tendresse et à la délicate sollicitude qui seules pouvaient les faire vivre!
C’est avec une allégresse sauvage que nous avons détruit des milliers de ces ravissants chefs-d’œuvre de la Création!
C’est avec une joie féroce que nous avons dérobé ces précieux trésors de l’amour maternel, sans nous soucier des cris déchirants qui remplissaient l’air au-dessus de nos têtes folles.
Nous n’eûmes jamais l’idée de nous demander ce qu’avaient fait ces charmantes et douces créatures pour mériter ces affreux tourments. Et pourtant nous eussions, certes, protesté avec épouvante si, par un semblant de représailles, on avait essayé de nous infliger le moindre de ces supplices.
Ah! ma sœur, pourquoi le souvenir de ces délicieuses gamineries est-il attristé par la certitude d’avoir semé tant de douloureux drames en miniature?
N’y a-t-il point là le germe fatal des actions cruelles qui désolent trop souvent la société ?
Malheureusement la mère de famille, pour distraire l’enfant ou se débarrasser de sa turbulence, lui livre volontiers elle-même d’innocentes victimes. Songe-t-elle alors à se demander si ces funestes penchants qu’elle encourage ne vont pas grandir avec le petit malfaiteur inconscient, puis chercher insensiblement un aliment plus en rapport avec les forces de cette activité malsaine.
Ne serait-il pas tout à la fois moral et équitable d’arrêter ce vandalisme dès sa naissance?
L’intelligence, le cœur et la raison de l’enfant ne gagneraient-ils point à apprendre, en entrant dans la vie, la bonté et l’humanité envers les infiniment petits qui sentent, jouissent, souffrent et se dévouent à leurs chères familles, tout comme les meilleurs d’entre nous?
C’est là, du reste, une leçon aussi charmante qu’attachante pour le jeune âge. Quoi de plus intéressant et de plus instructif que l’étude de ces doux mystères si remplis d’infinies perfections et d’émouvantes surprises?
Et, à mesure que ces chefs-d’œuvre microscopiques nous sont dévoilés, combien nous regrettons d’y avoir si souvent et si aveuglément porté atteinte!
J’ai bien des fois cherché à compenser le mal que j’y ai semé moi-même dans mon enfance; et, quand l’occasion s’en présente, je deviens avec empressement la protectrice de mes anciennes victimes. Aussi ai-je saisi avec joie de cœur, une circonstance fortuite qui me permit, il y a quelque temps, de faire un peu de bien à un pauvre passereau:
J’étais assise au jardin du Luxembourg, quand un gamin ramassa furtivement un oiseau près de moi. C’était un infortuné pierrot que j’essayai aussitôt, mais vainement, de faire remettre en liberté. Je songeai immédiatement, avec pitié, aux persécutions qu’il allait endurer; et, tandis que le gamin se sauvait avec sa capture, je sortis vivement une pièce de ma bourse en criant: «Tiens, voilà de quoi acheter un joujou, et donne-moi ce malheureux. »
Mon marché fut accepté avec empressement.
J’examinai alors le pauvre petit dont le cœur battait violemment, et je jugeai bien vite que j’avais, dans les mains, un vieil infirme en miniature.
Le bec et les pattes me parurent rudes; les yeux et le plumage ternes. L’aile droite était brisée et ne tenait plus que par un tendon desséché ; ce qui me prouva que l’accident devait être déjà ancien.
Je déposai avec précaution mon estropié sur l’herbe, à l’endroit même où il avait été pris, et je m’éloignai de quelques pas pour voir la direction qu’il prendrait.
Je fus alors navrée en m’apercevant que ce malheureux marchait fort péniblement, et en traînant, dans la poussière, son aile cassée!
Il se dirigea directement vers un gros et vieil arbre, creux à l’intérieur, et s’y introduisit par une ouverture que formaient les racines. Il avait sans doute quitté un instant cette cachette pour trouver quelque nourriture.
Émue de pitié, j’allai chercher un morceau de pain que je revins émietter autour de lui. Puis je m’éloignai, attristée par cette douleur silencieuse, soufferte dans l’ombre et dans l’abandon.
Depuis combien de temps ce pauvre petit subissait-il cette lamentable existence?
Comment se nourrissait-il, ne pouvant plus se servir de ses ailes, et marchant si péniblement?
Quel affreux accident avait réduit cet infortuné à cette vie de misères?
J’en fus si impressionnée et si préoccupée toute la soirée, que je résolus de porter quotidiennement quelques miettes de pain à mon nouveau protégé. En effet, à dater de ce jour, je pris l’habitude d’aller, chaque après midi, au jardin du Luxembourg, et, tandis que les promeneurs ne pouvaient point me voir, je jetais furtivement, dans le tronc de l’arbre, la nourriture du petit infirme.
Par une journée de pluie, je l’aperçus le bec collé aux parois de sa cachette, pour y recevoir l’eau qui dégouttait des branches. Je me reprochai aussitôt de ne pas avoir songé que ce petit prisonnier souffrait, sans doute, de soif par un temps sec.
Le lendemain je lui portai un godet en métal que j’emplis d’eau fraîche et que j’installai solidement près de lui. Ce jour-là, l’humble nid fut en grande fête!
Non seulement le malheureux se désaltéra longuement, mais il se baigna avec délices, fit mille gentillesses avec son aile valide, et lava très coquettement sa tête, ses pattes et tout son plumage.
Ah! que de joie il récolta dans ce pauvre godet rempli d’eau fraîche!
Et son bon regard reconnaissant récompensa si largement ma peine, que ma satisfaction personnelle en fut au moins égale à la sienne.
Aussi je fus heureuse de renouveler chaque jour les petites provisions, autant les liquides que les solides.
Cette munificence, peu coûteuse, lui fit bien vite comprendre qu’il avait en moi un véritable soutien. Au bout de peu de temps, il n’était plus sauvage et je pouvais l’examiner de très près sans l’effaroucher. Je constatai même bientôt qu’il se sentait en parfaite sécurité auprès de moi. Le plus souvent, pendant que je lisais; assise sous son arbre, il en sortait furtivement et après s’être assuré que j’étais seule, il se traînait jusqu’à ma robe et s’y cachait prudemment dans un pli. Il reprenait ensuite les mêmes précautions pour regagner son triste refuge.
Il se tenait habituellement dans une large niche ronde, assez haut placée, et formée par la vétusté de l’arbre. Il y montait facilement par une pente, très douce, qui semblait créée par la maternelle prévoyance de la nature; son instinct de conservation lui avait dit, sans doute, que, recevant là plus d’air, de lumière, l’atmosphère qu’il y respirait était plus salutaire à sa pauvre existence, que l’humidité qui s’exhalait ordinairement du sol.
Il y demeurait, du reste, entièrement à l’abri des regards indiscrets qu’il évitait avec une habileté remarquable. Dès qu’il entendait dans son voisinage un bruit inaccoutumé, il se blottissait dans le coin le plus obscur de sa cachette, et n’y faisait aucun mouvement. Il devenait alors presque impossible de l’apercevoir, car son plumage brun et gris se confondait avec la nuance du bois. Moi-même, parfois, je ne parvenais pas à l’y découvrir, et je crus bien souvent qu’il avait tout à fait disparu; mais l’intéressant petit être pressentait ma présence, et quittant de lui-même l’ombre protectrice, il levait sa mignonne tête et me regardait avec confiance et reconnaissance.
Je n’essayai jamais de le prendre ni même de le toucher du bout des doigts, dans la crainte de détruire cette charmante sécurité que lui avait donnée mon excessive réserve à cet égard. Pourtant, quand l’hiver se fit sentir avec une rigueur exceptionnelle, je fus très tentée d’emporter chez moi cet infortuné, car je craignais chaque jour de le trouver mort de froid; mais la réflexion m’arrêta: Pour ces mignonnes créatures ailées, qui ont l’espace pour domaine, mieux vaut la mort que la prison, si adoucies qu’en soient les parois!
Mais, du moins, plus la saison devenait mauvaise et glaciale, et plus je mettais de zèle et de sollicitude à veiller sur mon cher protégé ; j’y tenais d’autant plus vivement que ce nécessiteux en miniature n’avait absolument que moi pour le secourir.
Quand j’arrivais auprès de lui, je le trouvais presque toujours fort affairé à piquer le bois, de son bec, tout autour de lui. Je ne fis pas grande attention d’abord à ce petit travail, qui me parut être, comme exercice et comme distraction, la dernière ressource de cet estropié, condamné par ses infirmités à une navrante et pénible inaction. Pourtant, la persévérance et l’application qu’il y apportait, finirent par exciter vivement ma curiosité.
Trouvait-il là des insectes ou des atomes que je ne pouvais point distinguer moi-même, mais qui étaient sans doute visibles pour sa vue, plus perfectionnée que la mienne?
Aiguisait-il son bec?
Y mettait-il un but instinctif quelconque?
Ou bien, ce constant mouvement soulageait-il ses souffrances d’infirme?
Je fus si désireuse de connaître l’explication de ce mystère, que je pris un jour avec moi une loupe, avec laquelle j’examinai très attentivement ce singulier travail de mon petit protégé. Mais mon but ne fut pas atteint, car je n’aperçus que des points, toujours des points qui ne m’expliquaient rien, et qui étaient piqués en quantité considérable dans le bois circulaire du tronc, dernier abri du pauvre passereau.
Je renonçai donc, mais avec regret, à découvrir le mot de cette énigne; cependant, comme j’avais journellement sous les yeux ces milliers de points qui m’intriguaient beaucoup, je me disais souvent qu’une circonstance fortuite m’en ferait peut-être connaître, d’un moment à l’autre, le but ou l’utilité.
Enfin, au mois de janvier, par une neige glaciale et abondante, je trouvai mon intéressant protégé inanimé. Il avait cessé de vivre et de souffrir, mais depuis quelques minutes sans doute, car son petit corps était encore tiède et souple. Son œil, à demi ouvert, sembla me dire un dernier adieu et un dernier remerciement, peut-être, car le malheureux m’avait bien des fois, et très éloquemment, prouvé de la vraie reconnaissance. J’essayai vainement de le réchauffer dans mes mains, son cœur ne battait plus, ses pattes étaient crispées, ses yeux définitivement éteints. J’enfonçai alors mon bras dans le plus bas creux intérieur de l’arbre, pour y ensevelir le pauvre petit.
Mais, ô surprise! en soulevant les fines bruyères qui lui avaient servi de litière, et sur lesquelles je venais de le ramasser, je vis un second passereau mort! J’en restai un instant stupéfaite et pensive; puis je mis les deux l’un à côté de l’autre et je les recouvris des mêmes délicates feuilles sèches que j’avais écartées.
Hélas! ce malheureux aurait dû recevoir depuis longtemps cette bienfaisante délivrance!
Je m’attendais chaque jour à cette triste issue, depuis le commencement de l’hiver; et certes, il était humain de la désirer!
J’avoue pourtant que si j’en ressentis du soulagement pour le petit infirme qui en bénéficiait, j’en eus pour moi-même un véritable serrement de cœur. Il me sembla que la disparition de mon cher protégé me laissait un pénible vide et que le bien quotidien que je lui faisais allait manquer à ma satisfaction personnelle.
Tant il est vrai que, même dans la joie intérieure que nous éprouvons à nous dévouer aux autres, une pensée égoïste domine encore l’abnégation que nous croyons y apporter. Nous nous réjouissons, sans doute davantage, des bons témoignages de notre conscience, que de l’adoucissement que nous avons offert à la douleur. C’est pour cela que nous aimons à retrouver sous nos yeux le souvenir de nos bienfaits..
Aussi, au moment même où mon cher passereau venait de disparaître pour toujours, je me mis à repasser dans ma mémoire tous les incidents qui avaient provoqué mes soins et ma sollicitude pour lui.
Je me sentais émue de pitié devant ce drame en miniature dont je ne connaissais que la dernière partie, et j’aurais voulu en pénétrer les péripéties depuis leurs causes premières jusqu’au lamentable esclavage du petit martyr.
Je restai longtemps assise près de l’infortuné que je venais d’ensevelir, lui donnant toutes mes pensées et toutes mes réflexions du moment, parce que tous ces instants étaient les derniers que je lui consacrais. Et, peu à peu, mon imagination fut si remplie de ce triste sujet, que je finis par y oublier que les heures s’écoulaient, que le froid augmentait d’intensité, et qu’il fallait regagner mon gîte...
Tout à coup, je me sentis enveloppée dans une atmosphère délicieusement tiède et agréable. En même temps, une douce clarté vint caresser mes paupières, très fatiguées par l’excessive blancheur de la neige qui m’entourait.
Cherchant aussitôt à me rendre compte de cette bienfaisante impression, je vis une vapeur extrêmement brillante et diaphane qui couvrait l’arbre sous lequel j’étais assise.
De ravissants feux follets aériens se jouaient dans les branches, devenues subitement transparentes comme le plus pur cristal; et de leur scintillement jaillissaient de merveilleux reflets multicolores. Ce foyer mouvant avait, pour aliment et pour centre, une longue colonne lumineuse, qui semblait. descendre du ciel: on eût dit une fine poussière d’or et:de diamants tombant en une légère pluie à travers les plus beaux rayons du soleil.
Tout cela miroitait dans le tronc même de l’arbre avec une éblouissante intensité.
L’humble cachette de mon pauvre passereau, tantôt encore si obscure et si triste, était maintenant inondée de clarté et ornée de délicates arabesques phosphorescentes. Ces fines ciselures de feu, loin d’effacer les points tracés par le bec de mon petit protégé, leur donnaient au contraire le relief et l’éclat de mignonnes pierres précieuses.
Peu à peu ces piqûres, élégamment disposées en guirlandes, prirent à mes yeux l’apparence de caractères alphabétiques. Il me parut ensuite qu’elles formaient des mots; puis des phrases entières, parfaitement lisibles.
Émerveillée de ma découverte, je m’imaginais sans peine que j’allais y trouver, dans tous ses détails, le complément de l’intéressante historiette qui venait de se dénouer si tristement sous mes yeux!
Et haletante d’admiration, de curiosité et d’étonnement, je me penchai vivement vers l’étrange phénomène.
J’étouffai un cri de joie, en constatant qu’il réalisait tout à la fois mes pressentiments et mes désirs; car je pus y lire d’un bout à l’autre; et racontées par lui-même, les joies et les peines qui avaient agité l’existence de mon héros ailé.
J’en dévorai la lecture sans songer à reprendre haleine et j’en terminai tout juste la dernière phrase, quand une grosse voix me fit tressaillir et lever en sursaut!
«Que faites-vous là si tard?» me cria-t-on brusquement,
«on va fermer les grilles du jardin.»
En même temps ma charmante vision s’était évanouie, et une profonde obscurité lui avait subitement succédé.
A cet instant la nuit me parut d’autant plus noire, que je conservais encore, intérieurement, l’image ineffaçable de mon éblouissant mirage. J’en cherchais même la trace au-dessus de ma tête, quand je m’aperçus que le ciel était déjà tout étoilé.
Interdite et frissonnante, j’abaissai mes regards devant moi, et je revis, alors seulement, la blanche nappe de neige que mes paupières alourdies ne m’avaient point permis de distinguer tout d’abord.
J’en eus un saisissement indéfinissable; car j’étais venue là au grand jour, et j’avais beau chercher dans mes souvenirs, je ne parvenais point à m’expliquer pourquoi je m’y trouvais encore durant la soirée!
Les heures avaient-elles couru, pendant qu’une somnolence involontaire m’immobilisait sur place à mon insu?...
Et ma ravissante apparition n’était-elle donc que le produit éphémère d’un rêve aussi fugitif qu’enchanteur!...
Toute confuse à la pensée d’avoir probablement sommeillé en public, je me sauvai sans perdre une seconde de plus; et, ayant franchi très lestement l’espace qui me séparait de la grille d’entrée, j’arrivai très essoufflée au boulevard Saint-Michel.
Je tâchai alors d’oublier mon petit mécompte pour ne plus songer qu’à mon étrange lecture. Ma mémoire, du reste, en conservait une si vive empreinte que, à l’aide de ma plume, il m’était facile d’en perpétuer le souvenir.
Avec un peu de bonne volonté, je pouvais m’imaginer que je l’écrivais sous la dictée même de mon regretté et cher passereau: Je me mis donc à l’œuvre!
Et, mon petit travail terminé, voici, avec toute l’exactitude possible, les Mémoires de mon littérateur en miniature.
A. DE B.