Читать книгу The Original 1939 Notebook of a Return to the Native Land - Aimé Césaire - Страница 9
ОглавлениеCAHIER D’UN RETOUR AU PAYS NATAL
NOTEBOOK OF A RETURN TO THE NATIVE LAND
[1]
Au bout du petit matin bourgeonnant d’anses frêles les Antilles qui ont faim, les Antilles grêlées de petite vérole, les Antilles dynamitées d’alcool, échouées dans la boue de cette baie, dans la poussière de cette ville sinistrement échouées.
[1]
At the end of first light burgeoning with frail coves the hungry Antil-
les, the Antilles pitted with smallpox, the Antilles dynamited by alcohol, stranded in the mud of this bay, in the dust of this town sinisterly stranded.
[2]
Au bout du petit matin, l’extrême, trompeuse désolée eschare sur la blessure des eaux ; les martyrs qui ne témoignent pas ; les fleurs du sang qui se fanent et s’éparpillent dans le vent inutile comme des cris de perroquets babillards ; une vieille vie menteusement souriante, ses lèvres ouvertes d’angoisses désaffectées ; une vieille misère pourrissant sous le soleil, silencieusement ; un vieux silence crevant de pustules tièdes
[2]
At the end of first light, the extreme, deceptive desolate eschar on the wound of the waters; the martyrs who do not bear witness; the flowers of blood that fade and scatter in the empty wind like the cries of babbling parrots; an aged life mendaciously smiling, its lips opened by vacated agonies; an aged poverty rotting under the sun, silently; an aged silence bursting with tepid pustules
[3]
l’affreuse inanité de notre raison d’être.
[3]
the dreadful inanity of our raison d’être.
[4]
Au bout du petit matin, sur cette plus fragile épaisseur de terre que dépasse de façon humiliante son grandiose avenir—les volcans éclateront, l’eau nue emportera les taches mûres du soleil et il ne restera plus qu’un bouillonnement tiède picoré d’oiseaux marins—la plage des songes et l’insensé réveil.
[4]
At the end of first light, on this very fragile earth thickness exceeded in a humiliating way by its grandiose future—the volcanoes will explode,* the naked water will bear away the ripe sun stains and nothing will be left but a tepid bubbling pecked at by sea birds—the beach of dreams and the insane awakening.
[5]
Au bout du petit matin, cette ville plate—étalée, trébuchée de son bon sens, inerte, essoufflée sous son fardeau géométrique de croix éternellement recommençante, indocile à son sort, muette, contrariée de toutes façons, incapable de croître selon le suc de cette terre, embarrassée, rognée, réduite, en rupture de faune et de flore.
[5]
At the end of first light, this town sprawled—flat, toppled from its common sense, inert, winded under its geometric weight of an eternally renewed cross, indocile to its fate, mute, vexed no matter what, incapable of growing according to the juice of this earth, encumbered, clipped, reduced, in breach of its fauna and flora.
[6]
Au bout du petit matin, cette ville plate—étalée…
Et dans cette ville inerte, cette foule criarde si étonnamment passée à côté de son cri comme cette ville à côté de son mouvement, de son sens,
[6]
At the end of first light, this town sprawled—flat.…
And in this inert town, this squalling throng so astonishingly detoured from its cry like this town from its movement, from its meaning, not even
sans inquiétude, à côté de son vrai cri, le seul qu’on eût voulu l’entendre crier parce qu’on le sent sien lui seul ; parce qu’on le sent habiter en elle dans quelque refuge profond d’ombre et d’orgueil, dans cette ville inerte, cette foule à côté de son cri de faim, de misère, de révolte, de haine, cette foule si étrangement bavarde et muette.
worried, detoured from its true cry, the only cry one would have wanted to hear because it alone feels at home in this town; because one feels that it inhabits some deep refuge of shadow and of pride, in this inert town, this throng detoured from its cry of hunger, of poverty, of revolt, of hatred, this throng so strangely chattering and mute.
[7]
Dans cette ville inerte, cette étrange foule qui ne s’entasse pas, ne se mêle pas ; habile à découvrir le point de désencastration, de fuite, d’esquive. Cette foule qui ne sait pas faire foule, cette foule, on s’en rend compte, si parfaitement seule sous ce soleil, à la façon dont une femme, toute on eût cru à la cadence lyrique de ses fesses, interpelle brusquement une pluie hypothétique et lui intime l’ordre de ne pas tomber ; ou à un signe rapide de croix sans mobile visible ; ou à l’animalité subitement grave d’une paysanne, urinant debout, les jambes écartées, roides.
[7]
In this inert town, this strange throng that does not huddle, does not mix; clever at discovering the point of disencasement, of flight, of dodging. This throng that does not know how to throng, this throng, one realizes, so perfectly alone under the sun, like a woman one thought completely occupied with the lyric cadence of her buttocks, who abruptly challenges a hypothetical rain and enjoins it not to fall; or like a rapid sign of the cross without perceptible motive; or like the sudden grave animality of a peasant, urinating standing, her legs parted, stiff.
[8]
Dans cette ville inerte, cette foule désolée sous le soleil, ne participant
à rien de ce qui s’exprime, s’affirme, se libère au grand jour de cette terre sienne. Ni à l’Impératrice Joséphine des Français rêvant très haut au dessus de la négraille. Ni au libérateur figé dans sa libération de pierre blanchie. Ni au conquistador. Ni à ce mépris, ni à cette liberté, ni à cette audace.
[8]
In this inert town, this desolate throng under the sun, not connected with anything that is expressed, asserted, released in broad earth daylight, its own. Not with Josephine, Empress of the French, dreaming way up there above the nigger scum. Nor with the liberator fixed in his whitewashed stone liberation. Nor with the conquistador.* Nor with this contempt, nor with this freedom, nor with this audacity.
[9]
Au bout du petit matin, cette ville inerte et ses au-delà de lèpres, de consomption, de famines, de peurs tapies dans les ravins, de peurs juchées dans les arbres, de peurs creusées dans le sol, de peurs en dérive dans le ciel, de peurs amoncelées et ses fumerolles d’angoisse.
[9]
At the end of first light, this inert town and its beyond of lepers, of consumption, of famines, of fears crouched in the ravines, of fears perched in the trees, of fears dug in the ground, of fears adrift in the sky, of piled up fears and their fumeroles of anguish.
[10]
Au bout du petit matin le morne oublié, oublieux de sauter.
[10]
At the end of first light the morne* forgotten, forgetful of exploding.
[11]
Au bout du petit matin le morne au sabot inquiet et docile—son sang impaludé met en déroute le soleil de ses pouls surchauffés.
[11]
At the end of first light the morne in restless, docile hooves—its malarial blood routs the sun with its overheated pulse.
[12]
Au bout du petit matin l’incendie contenu du morne, comme un sanglot que l’on a bâillonné au bord de son éclatement sanguinaire, en quête d’une ignition qui se dérobe et se méconnaît.
[12]
At the end of first light the restrained conflagration of the morne, like a sob gagged on the verge of a bloodthirsty burst, in quest of an ignition that slips away and ignores itself.
[13]
Au bout du petit matin, le morne accroupi devant la boulimie aux aguets de foudres et de moulins, lentement vomissant ses fatigues d’hommes, le morne seul et son sang répandu, le morne et ses pansements d’ombre, le morne et ses rigoles de peur, le morne et ses grandes mains de vent.
[13]
At the end of first light, the morne crouching before bulimia on the outlook for tuns and mills, slowly vomiting out its human fatigue, the morne solitary and its blood shed, the morne bandaged in shade, the morne and its ditches of fear, the morne and its great hands of wind.
[14]
Au bout du petit matin, le morne famélique et nul ne sait mieux que ce morne bâtard pourquoi le suicide s’est étouffé avec complicité de son hypoglosse en retournant sa langue pour l’avaler ; pourquoi une femme semble faire la planche à la rivière Capot (son corps lumineusement obscur s’organise docilement au commandement du nombril) mais elle n’est qu’un paquet d’eau sonore.
[14]
At the end of first light, the famished morne and no one knows better than this bastard morne why the suicide* choked with a little help from his hypoglossal jamming his tongue backward to swallow it; why a woman seems to float belly up on the Capot River* (her chiaroscuro body submissively organized at the command of her navel) but she is only a bundle of sonorous water.
[15]
Et ni l’instituteur dans sa classe, ni le prêtre au catéchisme ne pourront tirer un mot de ce négrillon somnolent, malgré leur manière si énergique à tous deux de tambouriner son crâne tondu, car c’est dans les marais de la faim que s’est enlisée sa voix d’inanition (un mot-un-seul-mot et je-vous-en-tiens-quitte-de-la-reine-Blanche-de-Castille, un mot-un-seul-mot, voyez-vous-ce-petit-sauvage-qui-ne-sait-pas-un-seul-des-dix-commandements-de-Dieu),
car sa voix s’oublie dans les marais de la faim,
et il n’y a rien, rien à tirer vraiment de ce petit vaurien,
qu’une faim qui ne sait plus grimper aux agrès de sa voix,
une faim lourde et veule,
une faim ensevelie au plus profond de la Faim de ce morne famélique.
[15]
And neither the teacher in his classroom, nor the priest at catechism will be able to get a word out of this sleepy little picaninny, no matter how energetically they drum on his shorn skull, for starvation has quicksanded his voice into the swamp of hunger (a word-one-single-word and we-will-forget-about-Queen-Blanche-of-Castille,* a word-one-single-word, you-should see-this-little-savage-who-doesn’t-know-any-of-God’s-Ten-Commandments),
for his voice gets lost in the swamp of hunger,
and there is nothing, really nothing to squeeze out of this little brat, other than a hunger that can no longer climb to the rigging of his voice,
a sluggish flabby hunger,
a hunger buried in the depths of the Hunger of this famished morne.
[16]
Au bout du petit matin, l’échouage hétéroclite, les puanteurs exacerbées de la corruption, les sodomies monstrueuses de l’hostie et du victimaire, les coltis infranchissables du préjugé et de la sottise, les prostitutions, les hypocrisies, les lubricités, les trahisons, les mensonges, les faux, les
[16]
At the end of first light, the disparate stranding, the exacerbated stench of corruption, the monstrous sodomies of the host and the sacrificing priest, the impassable beakhead frames of prejudice and stupidity, the prostitutions, the hypocrisies, the lubricities, the treasons, the lies, the
concussions—l’essoufflement des lâchetés insuffisantes, l’enthousiasme sans ahan aux poussis surnuméraires, les avidités, les hystéries, les perversions, les arlequinades de la misère, les estropiements, les prurits, les urticaires, les hamacs tièdes de la dégénérescence. Ici la parade des risibles et scrofuleux bubons, les poutures de microbes très étranges, les poisons sans alexitère connu, les sanies de plaies bien antiques, les fermentations imprévisibles d’espèces putrescibles.
frauds, the concussions—the panting of a deficient cowardice, the heave-holess enthusiasm of supernumerary sahibs, the greeds, the hysterias, the perversions, the harlequinades of poverty, the cripplings, the pruritus, the urticaria, the tepid hammocks of degeneracy. Right here the parade of laughable and scrofulous buboes, the forced feeding of very strange microbes, the poisons without known alexins, the sanies of really ancient sores, the unforeseeable fermentations of putrescible species.
[17]
Au bout du petit matin, la grande nuit immobile, les étoiles plus mortes qu’un balafong crevé.
[17]
At the end of first light, the great still night, the stars deader than a smashed balafo.
[18]
Le bulbe tératique de la nuit, germé de nos bassesses et de nos renon-cements…
[18]
The teratical bulb of night, sprouted from our villainies and our self-
denials …
[19]
Et nos gestes imbéciles et fous pour faire revivre l’éclaboussement d’or des instants favorisés, le cordon ombilical restitué à sa splendeur fragile, le pain, et le vin de la complicité, le pain, le vin, le sang des épousailles véridiques.
[19]
And our idiotic and insane stunts to revive the golden splashing of privileged moments, the umbilical cord restored to its ephemeral splendor, the bread, and the wine of complicity, the bread, the wine, the blood of veracious weddings.
[20]
Et cette joie ancienne m’apportant la connaissance de ma présente misère,
une route bossuée qui pique une tête dans un creux où elle éparpille quelques cases ; une route infatigable qui charge à fond de train un morne en haut duquel elle s’enlise brutalement dans une mare de maisons pataudes, une route follement montante, témérairement descendante, et la carcasse de bois comiquement juchée sur de minuscules pattes de ciment que j’appelle « notre maison », sa coiffure de tôle ondulant au soleil comme une peau qui sèche, la salle à manger, le plancher grossier où luisent des têtes de clous, les solives de sapin et d’ombre qui courent au plafond, les chaises de paille fantômales, la lumière grise de la lampe, celle vernissée et rapide des cancrelats qui bourdonne à faire mal…
[20]
And this joy of former times making me aware of my present poverty,
a bumpy road plunging into a hollow where it scatters a few shacks; an indefatigable road charging at full speed a morne at the top of which it brutally quicksands into a pool of clumsy houses, a road foolishly climbing, recklessly descending, and the carcass of wood, which I call “our house,” comically perched on minute cement paws, its coiffure of corrugated iron in the sun like a skin laid out to dry, the dining room, the rough floor where nail heads gleam, the beams of pine and shadow across the ceiling, the spectral straw chairs, the gray lamp light, the glossy flash of cockroaches in a maddening buzz …
[21]
Au bout du petit matin, ce plus essentiel pays restitué à ma gourmandise, non de diffuse tendresse, mais la tourmentée concentration sensuelle du gras téton des mornes avec l’accidentel palmier comme son germe durci, la jouissance saccadée des torrents et depuis Trinité jusqu’à Grand-Rivière, la grand’lèche hystérique de la mer.
[21]
At the end of first light, this most essential land restored to my gourmandize, not in diffuse tenderness, but the tormented sensual concentration of the fat tits of the mornes with an occasional palm tree as their hardened sprout, the jerky orgasm of torrents and from Trinité to Grand-Rivière* the hysterical grandsuck of the sea.
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Et le temps passait vite, très vite.
Passés août où les manguiers pavoisent de toutes leurs lunules, septembre l’accoucheur de cyclônes, octobre le flambeur de cannes, novembre qui ronronne aux distilleries, c’était Noël qui commençait.
Il s’était annoncé d’abord Noël par un picotement de désirs, une soif de tendresses neuves, un bourgeonnement de rêves imprécis, puis il s’était envolé tout à coup dans le froufrou violet de ses grandes ailes de joie, et alors c’était parmi le bourg sa vertigineuse retombée qui éclatait la vie des cases comme une grenade trop mûre.
Noël n’était pas comme toutes les fêtes. Il n’aimait pas à courir les rues, à danser sur les places publiques, à s’installer sur les chevaux de bois, à profiter de la cohue pour pincer les femmes, à lancer des feux d’artifice au front des tamariniers. Il avait l’agoraphobie, Noël. Ce qu’il lui fallait c’était toute une journée d’affairement, d’apprêts, de cuisinages, de nettoyages, d’inquiétudes, de peur-que-ça
ne-suffise-pas,
de-peur-que-ça-ne-manque,
de-peur-qu’on-ne-s’embête,
puis le soir une petite église pas intimidante qui se laissât emplir bien-veillamment par les rires, les chuchotis, les confidences, les déclarations amoureuses, les médisances et la cacophonie gutturale d’un chantre bien d’attaque et aussi de gais copains et de franches luronnes et des cases aux entrailles riches en succulences, et pas regardantes, et l’on s’y parque une vingtaine, et la rue est déserte, et le bourg n’est plus qu’un bouquet de chants, et l’on est bien à l’intérieur, et l’on en mange du bon, et l’on en boit du réjouissant et il y a du boudin, celui étroit de deux doigts qui s’enroule en volubile, celui large et trapu, le bénin à goût de serpolet, le violent à incandescence pimentée, et du café brûlant et de l’anis sucré, et du punch au lait, et le soleil liquide des rhums, et toutes sortes de
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And time passed quickly, very quickly.
After August and mango trees decked out in all their lunules, September begetter of cyclones, October igniter of sugarcane, November purring in the distilleries, there came Christmas.
It had come in first, Christmas did, with a tingling of desires, a thirst for new tendernesses, a burgeoning of vague dreams, then with a purple rustle of its great joyous wings it had suddenly flown away, and after that its abrupt fall out over the village making shack life burst like an overripe pomegranate.
Christmas was not like other holidays. It didn’t like to gad about the streets, to dance on public squares, to mount the carousel horses, to use the crowd to pinch women, to hurl fireworks into the faces of the tamarind trees. It had agoraphobia, Christmas did. What it wanted was a whole day of bustling, preparing, a cooking and cleaning spree, endless jitters, about
not-having-enough,
about-running-short,
about-getting-bored,
then at evening an unimposing little church that would benevolently make room for the laughter, the whispers, the secrets, the love talk, the gossip and the guttural cacophony of a plucky singer and also boisterous pals and shameless hussies and shacks up to their guts in succulent goodies, and not stingy, and twenty people can crowd in, and the street is deserted, and the village turns into a bouquet of singing, and you are cozy in there, and you eat good, and you drink heartily, and there are blood sausages, one kind only two fingers wide twined in coils, another broad and stocky, the mild one tasting of wild thyme, the hot one spiced to an incandescence, and steaming coffee and sugared anisette, and milk
bonnes choses qui vous imposent autoritairement les muqueuses ou vous les fondent en subtilités, ou vous les distillent en ravissements, ou vous les tissent de fragrances, et l’on rit, et l’on chante, et les refrains fusent à perte de vue comme des cocotiers :
ALLELUIA
KYRIE ELEISON… LEISON… LEISON,
CHRISTE ELEISON… LEISON… LEISON.
Et ce ne sont pas seulement les bouches qui chantent, mais les mains, mais les pieds, mais les fesses, mais les sexes, et la créature tout entière qui se liquéfie en sons, voix et rythme.
Arrivée au sommet de son ascension, la joie crève comme un nuage. Les chants ne s’arrêtent pas, mais ils roulent maintenant inquiets et lourds par les vallées de la peur, les tunnels de l’angoisse et les feux de l’enfer.
Et chacun se met à tirer par la queue le diable le plus proche, jusqu’à ce que la peur s’abolisse insensiblement dans les fines sablures du rêve, et l’on vit comme dans un rêve véritablement, et l’on boit et l’on crie et l’on chante comme dans un rêve, et on somnole aussi comme dans un rêve avec des paupières en pétales de rose, et le jour vient velouté comme une sapotille, et l’odeur de purin des cacaoyers, et les dindons qui égrènent leurs pustules rouges au soleil, et l’obsession des cloches, et la pluie,
les cloches… la pluie…
qui tintent, tintent, tintent…
punch, and the liquid sun of rums, and all sorts of good things that drive your taste buds wild or dissolve them into subtleties, or distill them to the point of ecstacy or cocoon them with fragrances, and you laugh, and you sing, and the refrains flare on and on like coco palms:
ALLELUIA
KYRIE ELEISON … LEISON … LEISON,
CHRISTE ELEISON … LEISON … LEISON.
And not only do the mouths sing, but the hands, the feet, the buttocks, the genitals, and your entire being that liquefies into sounds, voices and rhythm.
At the peak of its ascent, joy bursts like a cloud. The songs don’t stop, but roll now anxious and heavy through the valleys of fear, the tunnels of anguish and the fires of hell.
And everybody starts pulling the nearest devil by the tail, until fear imperceptibly fades in the fine sand lines of dream, and you really live as in a dream, and you drink and you shout and you sing as in a dream, and doze too as in a dream with rose petal eyelids, and the day comes velvety as a sapodilla, and the liquid manure smell of the cacao trees, and the turkeys shelling their red pustules in the sun, and the obsessive bells, and the rain,
the bells … the rain …
that tinkle, tinkle, tinkle …
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Au bout du petit matin, cette ville plate—étalée…
Elle rampe sur les mains sans jamais aucune envie de vriller le ciel d’une stature de protestation. Les dos des maisons ont peur du ciel truffé de feu, leurs pieds des noyades du sol, elles ont opté de se poser superficielles entre les surprises et les perfidies. Et pourtant elle avance la ville. Même qu’elle paît tous les jours plus outre sa marée de corridors carrelés, de persiennes pudibondes, de cours gluantes, de peintures qui dégoulinent. Et de petits scandales étouffés, de petites hontes tues, de petites haines immenses pétrissent en bosses et creux les rues étroites où le ruisseau grimace longitudinalement parmi l’étron…
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At the end of first light, this town sprawled—flat …
It crawls on its hands without the slightest desire to drill the sky with a stature of protest. The backs of the houses are frightened by the sky truffled with fire, their feet by the drownings of the soil, they chose to perch shallowly between surprises and treacheries. And yet the town advances, yes it does. It even grazes every day further beyond its tide of tiled corridors, prudish shutters, gluey courtyards, dripping paintwork. And petty hushed-up scandals, petty unvoiced guilts, petty immense hatreds knead the narrow streets into bumps and potholes where the wastewater grins longitudinally through the turds …
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Au bout du petit matin, la vie prostrée, on ne sait où dépêcher ses rêves avortés, le fleuve de vie désespérément torpide dans son lit, sans turges-
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