Читать книгу L'Escalier De Cristal - Alessandra Grosso - Страница 9
Оглавление1 CONSOLATION ET PROBLÈMES ALTERNATIFS
C'était juste mon cher grand-père, tendre dans sa vieillesse, terrible dans sa jeunesse. Il avait toujours été un gars difficile, méchant, acéré et, à certains égards, c'était le macho italien typique.
Jeune homme, il avait été aux cheveux noirs, avec des yeux noirs d’espagnol, une peau au teint olive brûlée par le soleil, de larges épaules de paysan. Il n'était pas grand, à peu près comme moi, mais beaucoup plus fort. Nous n’avions que les mêmes mains, des mains longues et fuselées, des mains que les Britanniques définissent d’un panetier, boulanger, et en effet, ça avait été son travail pendant sa vie. Il se levait avant le chant du coq pour travailler dur et n'avait pas besoin de la radio: en fait, il avait une voix de baryton chaleureuse et pleine, une voix qui te tient compagnie et te rassure en chemin, et tout au long de mon voyage dans mes rêves je l’avais rencontré.
Notre rencontre avait été rassurante. Il avait posé sa longue main calleuse sur mon épaule et murmuré de ne pas s’inquiéter, que tout se calmerait et qu’il me comprenait, me réconfortait et savait à quel point mon voyage avait été difficile. Déjà, tout au long de mon parcours émotionnel, il y avait des mauvaises herbes et des épines, et mes pieds étaient pleins de cloques. Moralement j'étais très déprimé.
Il savait ce que je traversais. Il avait été un chef du maquis, il s'était battu contre l'oppression de Mussolini. Il aimait la liberté et c'est juste ce nom qu'on lui avait donné: il s'appelait Libéro. Il était libre, il était aériforme; il était devenu un esprit maintenant, après qu'une crise cardiaque l’avait pris soudainement et rapidement en 1996.
Si vite que je n'avais pas eu le courage de le voir à la morgue.
Cependant il était devant moi maintenant, comme je me souvenais de lui: toujours olivâtre, toujours actif et soucieux de voir sa nièce devenir rapidement une jeune femme.
Oui, une femme, en moi je deviendrais une femme. Je me sentais innocente et naïve, mais je savais que beaucoup de choses m'arriveraient pas encore, que la vie était longue et pleine de craintes, d’ennuies.
On dit que pour chacun de nos talents, Dieu nous donne un fouet. Le fouet est donné pour l'auto-flagellation et ce dernier a un nom: pour moi, il s'appelle la culpabilité.
Les sentiments de culpabilité m'avaient toujours causé des cauchemars et, en fait, le fait d’ avoir toujours été très compréhensive au cours de ma vie avec les enfants m'avait conduit au cauchemar suivant aux yeux ouverts.
Les pupilles voyait un enfant se matérialiser et qui me poursuivait, mais ce n'était pas un enfant souriant: il avait des ongles et des dents, des crocs pouvant mordre et me déchirer. La petite créature pourrait me déchirer. Il pleurait, mais ses larmes étaient presque une aboiement horrifiant, et j'en étais terrifiée, je transpirais et tremblais. J'avais toujours été émotive, en fait j'étais bien représenté dans la description du feeler, dans ce cas-ci effrayé.
Les feeler sont émotifs et empathiques. Ils aiment la vie tranquille, les sourires et les enfants; souffrant de sentiments de culpabilité, ils se retirent à coques en eux-mêmes.
Je ne pouvais pas me replier sur moi-même parce que l'enfant en colère me poursuivait et pleurait, hurlant comme le vent hurlant.
J'avais peur de faire face à la bête et à mon innocence que je n'avais pas préservée. Je n'avais pas sauvé ce que j'aurais dû sauver et ma conscience me persécutait et poursuivait, et je ne pouvais rien faire d'autre que de m'échapper, encore une fois.
Je n'aurais pas eu le cœur de frapper un enfant, alors je courais, mais je me retrouvait à courir avec des bottes à talons hauts inconfortables. Celles-ci me donnaient une douleur sourde à chaque pas, me déchiraient la peau et me faisaient rapidement des cloques. Elles étaient un tourment sans fin.
Puis je tomba sur mes coudes et commença à avancer avec encore plus d’efforts sur le plancher de bois brun foncé, glissant et hostile, aussi froid que les yeux de l’enfant qui suivait. Je savais que je les méritais, ces yeux, je n'avais pas assez défendu les enfants dans la vie, je ne les avais pas assez aimés et à travers ce dernier monstre, ils revenaient me rendre visite. Une visite amère mais constructive: je devais payer le prix de mes erreurs et j'étais prête à les reconnaître.
Après cette poursuite, une autre vision bouleversante apparut: une petite fille qui rebondissait contre les murs et je ne pouvais pas l’empêcher de se faire mal. Elle était glissant, couverte d'huile et changeait de direction. Elle était imprévisible.
C'était exactement la confusion que j'avais à l'intérieur.
Je ne savais pas s'il fallait la protéger ou me sauver du monstre qui me poursuivait toujours, le bébé hurlant se demandant pourquoi, essayant de me prendre et de m'appeler MAMAN.
Un mot effrayant pour moi, bien que j'aime les enfants, je n'ai jamais envisagé sérieusement d'être une mère et de fonder une famille pour moi-même. Je l'ai toujours vue comme une chose lointaine dans le futur, loin de moi, limitant ma personnalité et aussi, je déteste devoir l'admettre, destructeur pour le corps féminin si délicat. Tendre sont les enfants qui ont besoin de soins, et chaque fois que je voyais les filles de mes amis faire leurs premiers pas, je me promenais pensivement, craignant que la peste en service ne casse quelque chose ou ne se blesse d'elle-même; puis il y a des enfants et des enfants. Il y a des enfants qui ne sont pas nés normaux.
Je veux dire, nous avons tous notre individualité, mais il y a des enfants qui abusent des animaux et c'est un premier signe inquiétant. Beaucoup de tueurs en série abusaient des animaux alors qu'ils étaient enfants, et c'est le cas de l'enfant qui me pourchassait dans cet endroit sale, cette cabane boisée pleine de cellules.
Je sentais de sa violence, de la façon dont il cassait les choses, qu'il n'avait pas reçu d'amour, mais je sentais aussi que la semence du mal lui était inhérente: il avait été maltraité et maintenant il aimait maltraiter. C’est le mal qui se répandait comme une maladie qui n’avait pas de chance, qui te chassait et qui aurait fini par te détruire lentement en te touchant. Il était pénible et toujours présent. Je ne pouvais plus continuer à fuir, je devais réagir, mais je ne sentais toujours pas mes jambes suffisamment fortes, même si, tôt ou tard, une décision devait être prise.
La décision était vitale, je ne pouvais pas laisser l’enfant me détruire, mais je devais aussi arrêter la petite fille qui continuait à glisser et à rebondir contre les murs.
Je devais étudier un plan, une stratégie pour rendre le monstre inoffensif et la sauver.
Pendant ce temps, j'avais aussi mal aux épaules: c'était ma réaction habituelle au stress.
La tension nerveuse, par exemple, avant les examens universitaires, m'amenait à contracter les muscles de l'épaule avec des résultats négatifs pour les omoplates et les muscles cervicaux.
Cependant, je devais faire quelque chose, je devais vachement faire quelque chose.
Je bougeai pour que l'enfant ne claque pas contre le mur mais contre moi; J'espérais qu'après un certain temps d'inertie, elle s'arrêterait. Les cordes déchirées qui la brandissaient étaient disjointes, en partie écorchées et non entières; Cependant, elles étaient résistantes. Je essayai de les couper avec le canif pris dans mon sac, mais elle avait tendance à me manquer et était très visqueuse à cause de l'huile épaisse et impénétrable. Une substance huileuse semblable au bitume.
Il faisait nuit et cette entreprise me causait des ennuis. Je me sentais observée par l'enfant qui me poursuivait, je sentais les frissons dans mon dos et je craignais la mort à chaque instant, dans chaque souffle du mien ... L'enfant était ma conscience et ne me donnait pas la paix.
La conscience est ce qui vous empêche de dormir la nuit et vous oblige à observer un plafond toujours le même pendant longtemps.
Elle nous fait marcher passé et futur en un instant, on voit toute la vie en un instant et ensuite on doit décider, on doit décider en fonction de votre conscience.
Et je décidai: j'aurais essayé de sauver l'enfant. Je pouvais mourir, je pouvais être déchirée mais je devais passer le test; Je devais changer et être plus forte.
La force est également apprise chemin faisant et je voulais que ce soit comme ça pour ma vie, je ne voulais pas m'enfuir avant que ce soit strictement nécessaire. Quelque chose en moi était en train de changer et finalement, peut-être, c'était juste comme ça. C’est un désir de paix et de justice qui me paradoxalement poussait à lutter, un mélange de bonté et de dignité inhérent aux bons guerriers des histoires qu’on me racontait pendant mon enfance. C'était la non-acceptation du mal, jamais et sans aucun compromis, car des compromis pour trop de bonté j'en avais trop pris et j'avais fait recours à l'évasion, à l'humiliation et à un sentiment déprimant de faible estime de moi. Je ne voulais plus de dépression, je voulais la combattre. Je voulais sauver la petite fille qui traînait parce que, dans ce pendule d'incertitudes, je voyais moi-même, en équilibre entre une décision et l'autre, confuse et peu sûre.
Je devais agir instinctivement lorsque l'enfant arriva à mi-chemin. J'aurais essayé de couper la corde, le problème était: avec quoi?
J'aurais pu essayer avec le canif avec lequel je coupais la viande séchée ou des branches entières des baies que j'aimais tant. C'était un petit canif et il était très malmené ... mais je devais agir rapidement et avec précision, car j'avais un autre monstre non loin de moi.
Je me jetai la tête baissée, pensant qu'elle pourrait être ma fille et que j'avais le devoir moral de la sauver, ou du moins d'essayer. Le canif coupa rapidement la première partie de la corde parce qu'elle était mince, puis il s' arrêta.
Plus j'essayais, moins je pouvais couper.
J’entendais des rires derrière moi et j'ai senti un frisson me submerger, un frisson me parcourant le dos et qui faisait trembler mes bras. Mes membres tremblais mais pas ma volonté, et je compris que l'enfant obscure était l'enfant qui me poursuivait et qu'à ce moment-là il apparait devant moi, ses yeux verts et terribles.
Il avait caché dans la corde de petites épingles.
Furieuse, je commençai à les enlever, en essayant d'équilibrer la rotation avec mon poids. J'étais désespérée, mais j'essayai encore et encore, en me frappant les mains et en jurant contre les morsures.
Et la corde céda. La petite tomba par terre mais au moins, je pourrais dire que son balancement éternel avait cessé.
Après avoir vu ces horribles yeux verts, j'étais confuse, mais je me forçai et j'e commençai à crier sur le monstre, je n'avais que ma voix. Je lui ai dit en montrant à la petite fille allongée sur le sol: "Voilà ce que tu as fait, il ne me reste plus rien, RIEN! Tu m'as tout pris parce que je sais que cet enfant aurait été lié à moi dans le futur. Maintenant tue-moi si tu veux ... fais ce que tu veux, quoi d’autre veux-tu , mon sang? "
Je le défiait comme une folle, mais il avait changé. Il me serra la main et me dit que j'avais bien fait, que j'avais réussi le test et que je j’étais sur le point de devenir plus forte.
La force, je l’avais endurcie en moi en la forgeant avec patience, comme les forgerons battent le fer et le moulent pour obtenir des épées et des objets très tranchants d'une valeur rare. Mais même ceux qui forgent, se pressent et s’engagent peuvent faire des erreurs, et c’est ça peut-être l’origine de chaque insécurité et de l’appel commun à toute l’humanité: un frisson et un souffle d’insécurité qui nous poussent à fuir ou à attaquer; capituler ou gagner.
Cette fois, j'avais gagné, mais le voyage devait se poursuivre et d'autres défis se seraient présentés à moi. D'un côté, j'avais hâte de me mesurer à eux, mais de l'autre, je ressentais toujours le frisson glacial de la peur envers l'inconnu. Cependant, je continuai avec mes bottes usées vers d'autres défis et d'autres territoires.
Les territoires tourmentés typiques de la toundra nordique semblaient être derrière moi , avec leur odeur épaisse de bouleau et leurs grands sapins hantés par la neige hivernale. Les arbres à feuilles persistantes, qui étaient tout autour de moi, se dissipèrent pour laisser place à un labyrinthe mystérieux.
Je me retrouvai soudainement près de ruines complexes qui avaient si tant d'années qu'il y avait de couches de lichens qui les recouvraient. Elles étaient en mauvais état mais elles traçai leurs contours. Si je voulais aller dans le labyrinthe, je devais suivre la direction de ces ruines; patiemment, avec ténacité et esprit de sacrifice, je devais plier ma volonté à celle du destin.
Seule, je traversais ce nouveau territoire hostile fait de sable, de petits espaces pavés et de mousse qui poussait entre les fissures des ruines antiques.
Dans ces ruines, il y avait des crânes abandonnés, certains avec leurs cheveux toujours coincés, leurs cheveux maintenant jaunis par le temps.
Soudain, un craquement suspect puis un crash. Une porte tournante apparut devant moi et je la poussai.
Et ce que je trouvai me lassa sans voix.
C'était moi. C'était moi, mais en quelque sorte différente.
C’était moi-même, c’était moi-même que je voyais et ne pouvais pas croire. Enfin, j'aurais quelqu'un à qui parler et à qui me confronter. Elle aurait pu me dire d'où elle venait, ce qu'elle faisait.
Elle me ressemblait dans toute chose, sauf qu'elle était habillée plus élégamment. Elle avait affronté de nombreux hauts et bas, comme moi, mais pas aussi dangereux. Étant dans un beau jardin, dans une dimension lointaine, elle était tombée et s’était trouvée sur la porte dimensionnelle que j'avais ouverte. Elle était ainsi passée d’un monde à l’autre, confuse et choquée par la nouveauté.
Maintenant nous étions deux dans ce monde parallèle, nous étions deux héroïnes dans la nuit, dans le froid glacial de ces ruines effrayantes. Nous étions deux mais toujours des jumelles, deux petites âmes dans la nuit, deux bougies allumées qui pouvaient s’aider ou décider de mourir en compétition.
La compétition féminine était quelque chose de mortel, ce qui avait amené les femmes à se prendre les cheveux par amour pour un méchant ou à perdre leur emploi pour celles qui n'avaient pas réussi à se faire bien voir auprès du patron; la compétition était aussi puissante et mortelle que des flacons de poison. Je ne pouvais que la craindre.
J'examinais soigneusement les attitudes de ma clone, ma jumelle, mais elle se montra toujours très affable et compréhensive. Il me suivait toujours et avait une attitude gentille et ouverte envers moi. Alors que nous nous aventurions de plus en plus loin dans les ruines, notre harmonie grandissait.
Ce bref moment de tranquillité, ce bref moment où je m’étais rendu compte que je n'étais plus seule, que je pouvais avoir un avenir, fut vite bouleversé.