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French Edition Published by TEKTIME

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Chapitre 1

Micah était au lit, tellement recouvert de bandages qu'il commençait à ressembler à une momie. Il ne put empêcher un sourire affectueux de lui monter aux lèvres devant Madame Tully qui caquetait comme une mère poule, en secouant la tête de temps à autre. Il ne se plaignait pas non plus de la dose d'antalgique qu'elle lui avait administré dans le bras. Il se voyait distinctement dans le miroir de la commode de l'autre côté de la pièce et essaya de hausser un sourcil avant d'abandonner l'idée, sous la douleur instantanée que cette tentative provoqua.

On lui avait déjà confirmé qu'Anthony était mort, mais il ne pouvait s'empêcher de souhaiter que le loup-garou alpha soit encore en vie pour qu'il puisse torturer ce salaud à son tour, de la même façon dont lui-même avait été torturé. Dans l'histoire qu'on lui avait racontée, le mafieux avait eu droit à une mort rapide. Micah ne lui aurait pas donné de mort rapide, si cela n'avait tenu qu'à lui.

« Je crois que, vous autres métamorphes, allez finir par m'achever », grommela Madame Tully entre ses dents.

Les métamorphes... les jaguars et les couguars, tenaient une place particulière dans son cœur. Elle avait soulagé chacun d'eux de leurs maux et avait été très proche de leur mère.

« Regarde un peu l'état dans lequel tu t'es mis, le sermonna-t-elle.

Micah regarda le plafond d'un air boudeur, soudain pris de vertige en regardant le ventilateur tourner continuellement.

— Ce n'est pas de ma faute si j'ai été kidnappé et torturé.

Madame Tully lui donna une petite tape du bout des doigts sur le front.

— Je ne suis pas de votre avis, jeune Skywalker. Si ce que j'ai entendu est vrai, tu t'es opposé à cet affreux loup-garou, et c'est pour cette raison que tu as été kidnappé.

— Alors vous êtes en train de me dire que je n'ai que ce que je mérite ? Se scandalisa Micah, en ignorant les grand sourires qu'affichaient les autres personnes réunies dans la pièce.

— N'interromps pas tes aînés, répliqua Madame Tully avec un regard sévère. Je n'avais pas fini. Comme je le disais... tu as tenu tête à ce chien galeux, et je dois bien dire que ce n'était pas trop tôt.

Micah lança un regard significatif à Quinn, avec un petit sourire qui disait clairement « Je te l'avais dit ». Il n'était pas prêt à pardonner son frère. Il avait prévenu Quinn au sujet d'Anthony et on lui avait vivement intimé de se retirer. Il espérait que son grand frère était content à présent, parce qu'à présent il pouvait à peine tenir debout.

— Arrête ça tout de suite ! grommela Madame Tully en lui donnant une autre tape sur la tête.

Ce geste ne fit qu'empirer sa migraine tenace et il ferma les yeux sous la douleur.

— Eh, j'ai mal là, gémit-il.

— Ce sera bien pire si tu continues à entretenir cette rivalité fraternelle, répliqua Madame Tully en adressant le même regard sévère à Quinn. Il faut que j'appelle ma petite-fille pour lui dire où je suis. La pauvre chérie va se faire du souci si je ne suis pas à la maison pour répondre au téléphone.

Madame Tully n'attendit pas que quelqu'un lui indique où trouver le téléphone. Ce n'était pas la première fois qu'elle venait chez les Wilder. Elle faillit trébucher lorsqu’elle remarqua Michael assis tranquillement dans un fauteuil, dans un coin sombre de la pièce. Cela ne ressemblait pas à ce charmant vampire d'être aussi sombre et soucieux. Quand la porte se referma derrière elle, tous les yeux se tournèrent de nouveau sur Micah.

« C'est bon de te voir enfin de retour à la maison, là où est ta place, dit Steven avec un sourire affectueux, en tentant néanmoins de dissimuler son inquiétude.

Bien que Micah fût de retour, quelque chose lui disait que son frère n'était pas encore tout à fait hors de danger. Micah était pâle et ses yeux, un peu trop brillants à son goût.

Micah lui rendit son sourire mais il commençait à se sentir somnolent.

— C'est bon d'être sorti de cet enfer.

— Tu t'es montré vraiment imprudent cette fois, intervint Quinn de l'endroit où il était assis, près de la fenêtre, les bras croisés. Tu aurais pu mourir dans cette cave si nous n'avions pas lu ce message que tu as envoyé à Alicia.

Micah parcourut la pièce des yeux à la recherche de sa petite sœur avant de froncer les sourcils.

— En parlant d'Alicia, où est-elle ? Je m'attendais à la voir ici.

— Elle reste chez une amie le temps que ça se tasse, répondit Kat.

Elle jeta un regard à Quinn, curieux de savoir jusqu'à quand il allait attendre avant d'appeler sa sœur pour lui dire de rentrer.

— Pourquoi n'est-elle pas rentrée avec nous lorsque nous sommes partis de chez Anthony ? interrogea Micah. J'étais certain qu'elle...

Il s'interrompit en posant les yeux sur Quinn, reportant le blâme sur lui pour l'absence d'Alicia, pour la simple et bonne raison qu'il en mourait d'envie.

Nick secoua la tête mais au fond de lui, il était mal à l'aise. Il évita de regarder Michael, sachant que le vampire avait effacé la mémoire de tout le monde à l'exception de lui-même et de Micah.

— Mec, tu as dû recevoir trop de coups sur la tête… Alicia n'était pas chez Anthony.

— Mais elle était là, insista Micah. Je l'ai vue de mes propres yeux. »

Il lança un regard irrité à Nick mais ce dernier ne fit que hausser les épaules et secouer la tête.

Son regard passa d'un visage à l'autre, et il comprit que personne ne confirmerait le fait qu'Alicia se trouvait avec eux dans le domaine du loup-garou. Il se rappelait d'elle dans la cave... il lui tenait la main. Elle pleurait et cela le rongerait jusqu'à ce qu'il puisse enfin la revoir, afin de s'assurer de son bien-être. Il ne savait pas ce qui le faisait le plus souffrir... de la voir pleurer ou d'avoir failli se faire tuer. Il promena de nouveau son regard autour de lui, notant le fait que l'homme qui se trouvait avec Alicia chez Anthony manquait également à l'appel.

Contrarié, il se renfonça contre les oreillers et décida secrètement de découvrir chez quelle amie Alicia passait son séjour. Il la rejoindrait et lui réclamerait la vérité de vive voix.

« Tu devais sûrement halluciner, dit tout bas Jewel.

Micah tourna les yeux sur la ravissante blonde avant de froncer les sourcils.

— Qui es-tu ?

— Voici Jewel Scott Wilder, annonça Steven en passant son bras libre autour des épaules de sa femme.

Madame Tully s'était déjà occupée de la blessure par balle de Steven et il portait son autre bras en écharpe pour le moment.

— C'est ma compagne.

— La Jewel Scott d'Anthony ?

Maintenant, Micah était encore plus perdu.

— Seulement dans l'esprit dérangé d'Anthony, répliqua Steven qui ne put s'empêcher cependant de serrer Jewel un peu plus contre lui.

Micah cligna des yeux d'un air perplexe et les dirigea vers Quinn pour qu'il lui confirme cette information, quand il vit Kat se blottir contre son frère aîné. Avec un soupir, il se demanda quelle dose de médicaments Madame Tully lui avait réellement administrée, parce que soit il perdait la tête, soit tout le monde perdait la tête. Il leva les yeux sur la seule personne de la pièce qu'il savait être raisonnable, c'est-à-dire Warren.

— J'ai joué les Rip Van Winkle ou quoi ? Je veux dire, quand je suis parti… Steven était encore célibataire et Quinn était aussi romantique que Dean.

Warren sourit.

— Quelques trucs se sont passés pendant ton absence. »

« Bon, j'ai passé mon coup de téléphone, annonça Madame Tully alors qu'elle revenait dans la chambre.

En réalité, elle n'avait pas appelé sa petite-fille. Elle avait avancé ce prétexte uniquement pour leur laisser un moment d'intimité avec Micah, avant de les chasser de la pièce.

— Maintenant... tout le monde dehors et laissez ce pauvre petit chat prendre un peu de repos.

Micah poussa un grognement à l'intention de la vieille femme.

— Je ne suis pas un chaton.

— Chéri, même ma plus jeune chatte pourrait te battre à plate couture, vu l'état dans lequel tu es en ce moment, et pourtant c'est une vraie froussarde : elle fuirait même devant son ombre, lui rétorqua Madame Tully.

À ces mots, elle sortit une seringue de la boite étrange qu'elle avait ramenée avec elle.

— Je ne suis pas sûr d'avoir besoin de plus de médicaments, soupira Micah.

Il avait beaucoup à rattraper. Le simple fait de ne pas encore avoir vu Alicia le mettait bien plus à la torture que ses os brisés.

— Et c'est pourquoi ce n'est pas toi le docteur.

Madame Tully était soulagée de voir qu'il possédait toujours ce sens de l'humour incongru... parce qu'une fois qu'il allait commencer à guérir, il allait sérieusement en avoir besoin.

Un grognement de douleur échappa à Micah, qui serra les dents lorsque l'aiguille de la seringue lui entra dans le bras, et il dut détourner le regard. Il détestait recevoir des ordres de quelqu'un d'autre et il ne pensait qu'à retrouver sa sœur. Tout le monde sortit de la chambre quand elle retira la seringue vide de son bras.

Madame Tully les regarda partir puis se tourna vers Micah, déjà endormi. Sa famille était heureuse de son retour, mais en vérité... elle s'inquiétait pour le couguar. Ses blessures étaient si graves qu'elle était surprise qu'il soit encore vivant.

Ses rotules avaient été brisées par les balles, et ses côtes cassées à force d'avoir reçu des coups répétés pendant une certaine durée. Il semblait aussi que son dos avait subi les morsures d'un fouet d'un certain type. Il était déshydraté, sous-alimenté, et une infection se répandait dans ses veines. Eusse-t-il été humain, elle lui aurait donné de la pénicilline, mais malheureusement… les antibiotiques des humains ne produisaient pas le même effet sur les êtres d'essence surnaturelle.

Bien que les animaux-garous guérissaient très vite... cela n'excluait pas qu'ils puissent être blessés à vie... ou mortellement. Elle considérerait qu'il avait de la chance s'il survivait à cette infection.

Elle jeta un coup d’œil à Michael, qui n'avait pas quitté la pièce et restait assis sans bouger dans son fauteuil. Madame Tully décida de le laisser seul. Elle pensait beaucoup à Michael et s'il désirait rester là, elle ne le forcerait pas à s'en aller. Lui aussi venait souvent la voir, mais surtout pour lui apporter les blessés, jamais pour ses propres blessures.

Avec un soupir, Madame Tully rangea son équipement et se releva. Après avoir fait un léger signe de tête à l'intention de Michael, elle quitta la chambre sans bruit.

Michael savait qu'il était temps de partir... il avait seulement attendu que sa colère se calme. Alicia était difficile à gérer, mais Damon n'aurait jamais dû l'attirer au beau milieu d'un affrontement armé de ce genre. Il pouvait encore se représenter le regard possessif qu'il avait surpris chez Damon quand il avait passé ses bras autour de la jeune femme, et se demanda si l'histoire allait se répéter.

Son regard se posa de nouveau sur ce qu'il restait de Micah, et la vision d'Alicia en larmes qui tenait la main de son frère revint le hanter. Une autre vision s'imposa à son esprit... celle de Dean lui prenant la main pour la poser sur Kane et préserver ce dernier de la mort. Entre lui-même et Dean... la blessure de Kane avait guéri sous leurs yeux à tous deux.

Michael n'y avait jamais réfléchi, mais il avait vu Syn accomplir ce genre de choses par le passé. Il y avait un épisode en particulier qui demeurait présent dans les souvenirs de Michael... il y avait si longtemps de cela qu'il avait complètement oublié.

Cela avait eu lieu au cours de l'une de leurs multiples excursions, où ils avaient fait la rencontre d'une enfant blessée. Il eut un sourire de tendresse en se rappelant la réaction de Damon et de Kane devant cette petite fille. Elle s'était cassé une jambe et elle avait plusieurs hématomes et bleus à divers niveaux de guérison.

L'enfant avait insisté sur le fait qu'elle s'était blessée en tombant, mais les trois hommes savaient très bien que rien dans la clairière n'aurait pu lui causer de telles blessures. Lorsque Damon s'était agenouillé devant l'enfant et avait tenté de la contraindre à leur avouer la vérité, Syn l'avait repoussé avec ces mots : « Tu ne peux pas traiter ainsi un enfant innocent. »

Ils lui avaient offert de l'aider à rentrer chez elle, mais avaient aussitôt perçu la peur qui avait envahie la fillette devant cette proposition. Cependant, ce n'était pas eux qui lui inspiraient cette peur, mais plutôt l'idée de rentrer qui accélérait les battements de cœur de cette petite fille. Bien qu'elle n'ait rien dit, Michael avait compris que ses parents étaient à l’origine de toutes ses blessures... et pas seulement de sa jambe cassée.

Syn n'avait rien dit à l'enfant à ce propos, et avait séché ses larmes. Au lieu d'aborder le sujet, il l'avait interrogée sur d’éventuels frères et sœurs, et elle avait répondu qu'elle n'en avait pas. Elle s'était mise ensuite à parler de sa grand-mère qui vivait dans les montagnes, et ses yeux avaient brillé de cet amour qu'elle lui vouait, en tant que petite-fille.

Pendant son récit, Syn avait posé une main directement sur la blessure à la jambe de la petite fille. Lorsqu'elle avait fini son histoire, non seulement sa jambe était guérie, mais tous les hématomes avaient disparu de son corps. C'est à ce moment-là que Syn avait réellement choqué Michael. Lorsque Kane avait soulevé l'enfant dans ses bras et commencé à jouer avec elle, Syn s'était rapproché de lui et de Damon.

En regardant Damon, il avait dit :

« Tu ne dois jamais falsifier les souvenirs d'un esprit enfantin... excepté pour cette fois. Elle n'a pas à se rappeler la maltraitance qu'elle a subi, mais elle doit se rappeler de leur mort. Ses yeux étaient devenus si froids pendant qu'il ajoutait : Par le feu.

Sur ces paroles, Syn avait tourné les talons et emprunté le chemin qui, de toute évidence, menait jusque chez la petite fille.

Kane ne cacha pas son désir de garder la petite fille et de l'élever... il avait toujours eu un faible pour les enfants. Ils aimaient tous les enfants, mais Kane les surpassait à ce niveau-là. Il aurait acheté un magasin de jouets entier rien que pour eux s'il lui en avait pris l'envie... et c'était arrivé... à quelques reprises. Néanmoins, Syn avait insisté sur le fait d'agir correctement, puis avait ramené l'enfant à sa grand-mère bien-aimée.

Quand le soleil s'était levé le lendemain matin, la rumeur avait aussitôt circulé dans tout le village qu'une maison avait brûlé dans les environs. Les restes d'un homme et d'une femme avaient été retrouvés mais leur enfant, une petite fille, avait disparu.

Les quatre hommes avaient rapidement quitté le village à cheval, se dirigeant vers ce qui est maintenant connu sous le nom des Alpes Suisses. Après avoir conduit la fillette dans ce qu'il restait de sa famille, Syn avait confié une lettre à la grand-mère ainsi qu'un sac de pièces d'or, tout en échangeant quelques mots avec elle. La vieille femme avait souri et serré Syn affectueusement contre elle avant de prendre sa petite-fille dans ses bras.

Quoique Syn ne l'ait jamais mentionné, ils savaient tous les quatre qu'il était le seul et unique responsable de la mort des parents de la fillette. Aujourd'hui encore, Michael en avait des frissons quand il s'attardait un peu trop longtemps sur cet épisode. Les principes moraux de Syn le poussaient à refuser l'idée de laisser un enfant souffrir d'un tel sort et, s'il pouvait y changer quelque chose... il en saisissait l'occasion. Syn se contrefichait de savoir quel parent était concerné ou de ce qu'ils pouvaient représenter. Il pensait que les parents qui maltraitaient leurs enfants ne méritaient rien de moins que ce qu'ils leur faisaient endurer.

Lorsque Michael avait questionné Syn sur le don de guérison qu'il avait employé sur l'enfant, Syn lui avait adressé un sourire plein de patience.

« Le pouvoir réside en ton âme immortelle. En termes d'immortalité… tu es encore un enfant, et l'essentiel de ton pouvoir est en sommeil. Au fur et à mesure que le temps passera, ce pouvoir va grandir. Quant au pouvoir que tu possèdes… seule ton âme peut choisir. Si le don de guérison est ce que ton âme privilégie, alors tout ce que tu as à faire est de le désirer avec assez de force. »

Posant à nouveau les yeux sur le couguar blessé, il comprit. Voir Alicia pleurer avec un tel chagrin était une motivation plus que suffisante pour le pousser à désirer la guérison de son frère avec assez de volonté. Michael se releva lentement et se dirigea vers Micah. En s'approchant, il put parfaitement sentir l'odeur de l'infection qui s'insinuait dans le corps du couguar. S'il arrivait quelque chose au couguar, il savait qu'Alicia serait malheureuse, et il ne voulait pas voir Alicia pleurer.

Michael étendit la main sur la poitrine de Micah et invoqua les sensations qu'il avait éprouvé lorsque lui et Dean avaient touché Kane. Se focalisant sur son besoin de voir Alicia sourire, il sentit ce besoin le traverser et affluer en celui dont il savait qu'il la rendrait heureuse. Micah se mit à briller doucement et Michael attendit de voir s'il pourrait voir son âme comme il avait pu voir celle de Kane. Passé un petit moment, il réalisa ce qu'était la puissance de Dean... et non la sienne.

Si quelqu'un s'était trouvé en sa présence dans cette chambre, il aurait pu constater le changement. Les yeux de Michael s'étaient mis à luire d'un pur éclat améthyste et sa propre âme était devenu peu à peu visible, se superposant à sa forme physique.

Michael pouvait sentir une partie de lui-même se couler au plus profond de l'être du couguar... jusque dans son sang. Il poussa un soupir de soulagement lorsque l'odeur de l'infection s’atténua peu à peu dans la pièce. Sous tous ses bandages, il ne pouvait voir assez clairement pour en être vraiment sûr, mais il réussit à voir les ecchymoses et coupures sur le visage de Micah guérir avant de complètement s'effacer.

Écartant sa main, Michael recula d'un pas hésitant. Levant une main à ses yeux pour se débarrasser de la sensation de vertige, il fut surpris de découvrir des larmes piégées entre ses cils et sur sa joue. Il s'immobilisa un moment en se souvenant qu'il avait également pleuré lorsque Dean lui avait pris la main pour la poser sur le corps de Kane.

Était-ce cela que Syn entendait quand il parlait de désirer une chose avec assez d'ardeur pour qu'elle se réalise ? Devait-il le souhaiter de tout son cœur et de toute son âme pour que cela se produise ?

Michael baissa les yeux sur ses mains et poussa un soupir. Comme il aurait aimé que Syn soit là pour répondre à ses nouvelles questions. Syn était réveillé maintenant, mais d'après ce qu'il se rappelait, Syn ne restait jamais longtemps au même endroit... et passait toujours entre les mondes. Il avait interrogé Syn un jour sur ce qu'il cherchait, mais Syn n'avait fait que lui sourire, avec ce fameux regard lointain dont il avait le secret, avant de répondre : « Certains secrets sont faits pour être gardés. »

Peut-être qu'il l'apprendrait assez tôt... pour le moment, il allait rentrer se reposer. Guérir le couguar lui avait pris de l'énergie et il avait besoin de se reposer pour reprendre des forces. Posant de nouveau le regard sur Micah, Michael décida qu'il avait une dernière chose à faire pour brouiller les pistes et réunir les frères.

Posant une main sur la joue de Micah, il murmura son nom, poussant le couguar à être suffisamment conscient pour entendre ce qu'il allait lui dire. Lorsque Micah battit des paupières, Michael lui communiqua l'information qui lui permettrait de tenir secret l'endroit où se trouvait Alicia, jusqu'à ce qu'il puisse la rejoindre.

*****

Trevor arrêta la voiture devant le Moon Dance avant d'en claquer la porte. Voir Envy blessée lui avait volé dix ans de sa vie… ou du moins en avait-il l'impression. La voir se faire tirer dessus avait seulement confirmé le fait qu'il avait eu raison de la tenir à l'écart de la vérité sur le monde surnaturel, et de sa propre implication dans cet univers qu'il connaissait depuis si longtemps. En gardant certains secrets, il l'avait préservée du danger.

« Bienvenue à la maison, grogna-t-il sans les regarder.

Sortant de derrière le volant, Trevor contourna la voiture pour ouvrir la porte à Envy mais Devon le devança.

Devon adressa un regard noir à Trevor alors que ce dernier les suivait à l'intérieur de la boite de nuit, mais sans rien dire cependant. Devon détestait le fait qu'il devait à Trevor d'avoir sauvé Envy... mais il détestait encore plus le fait que ce soit Trevor à qui il doive cette faveur.

— Tu n'as pas à venir avec nous, finit par dire Envy, qui essayait d'apaiser la tension qui régnait entre les deux hommes. Elle fit même un petit sourire à Trevor et un hochement de tête pour lui indiquer qu'elle ne disait pas cela par méchanceté, mais au contraire, appréciait vraiment son aide.

Le regard de Trevor se radoucit quand il croisa celui d'Envy.

— Je me sentirais mieux en sachant que l'on veille bien sur toi.

Envy se crispa intérieurement... c'était tout ce qu'il ne fallait pas dire.

— Serais-tu en train d'insinuer que je ne suis pas capable de protéger Envy ? intervint Devon en stoppant net, alors qu'ils atteignaient les marches menant à leurs quartiers.

— Pas en autant de mots, répliqua Trevor en suivant Envy à l'étage.

Devon écarquilla les yeux et se précipita derrière Trevor pour le pousser ensuite contre le mur.

— Alors explique-moi ça, le Nounours.

Trevor haussa les épaules, toujours contre le mur.

— Tu peux être sûr d'une chose, Chat-du-Tonnerre… tu crains !

— Va au diable ! grogna Devon d'un air féroce.

— Je sens que je vais assister à un genre de cartoon du samedi matin grâce à vous deux, grommela Envy en se massant les tempes. Et si vous arrêtiez tous les deux de répandre de la testostérone partout sur votre passage et que vous vous comportiez gentiment, pour changer ? Je me tape une sacrée migraine, mon bras me fait terriblement mal, et la dernière chose dont j'ai besoin, c'est que vous vous battiez pour le prix du meilleur mâle. Elle se tourna vers Trevor avant de poursuivre : Soit tu te tais, soit tu rentres chez toi, et là je me contrefiche de connaître ton choix.

Devon affichait un petit sourire sûr de lui jusqu'à ce que Envy tourne son regard irrité sur lui.

— Quant à toi… j'ai le droit de te refuser, mon chaton. Continue comme ça et tu seras condamné à miauler devant la barrière de l'allée. »

Tabatha patientait depuis un moment quand elle entendit Devon dire à Trevor d'aller au diable. Elle ouvrit la porte juste à temps pour voir Envy les envoyer paître tous les deux et ne put s'empêcher de glousser. Au moins, elle n'était plus seule.

« Les garçons ont encore déconné ? demanda Tabatha.

— Tu n'as pas idée, rouspéta Envy en entrant dans le bureau de Warren avec à sa suite un Trevor et un Devon enfin silencieux.

Envy fit glisser sa veste de ses épaules et Tabatha regarda d'un air choqué le bandage tâché de sang qui enveloppait le bras de son amie. L'épisode où elle et Envy étaient retenues en otage par Raven et son gang de suceurs de sangs resurgit dans son esprit, mais elle se força à bloquer cette désagréable vision.

— L'un de vous peut-il aller chercher le kit des premiers secours ? demanda Tabatha, qui regarda Envy pour être sûre qu'elle n'était blessée qu'à l'épaule.

— J'y vais, répondit Devon en allant dans la salle de bain attenante de Warren.

— Que s'est-il passé ? s'enquit Tabatha en défaisant le bandage de son amie et en découvrant l'endroit où la balle avait éraflé son bras.

— On m'a tiré dessus, grondé dessus, j'ai failli être griffée et presque semé une explosion, dit Envy avec un grand sourire, mais son sourire s'évanouit dès qu'elle remarqua l'expression sur le visage de son amie. Je vais bien, je te le promets, s'empressa-t-elle d'ajouter.

Ignorant Envy, Tabatha fusilla Devon du regard quand il revint dans la pièce.

— Où étais-tu passé quand Envy s'est fait tirer dessus ? Elle ne put réprimer ce reproche. C'est ma meilleure amie et tu es censé prendre soin d'elle !

Trevor rit intérieurement, ravi que quelqu'un d'autre que lui décide enfin de passer un savon plus que nécessaire à Devon.

— Je me battais pour nos vies, dit Devon pour sa défense. Je ne pouvais pas l'atteindre, mais Winnie l'Ourson ici présent l'a sortie de là.

— C'est après que Hello Kitty l'ait laissée s'éloigner », acheva Trevor en essayant de retenir un large sourire de lui monter ses lèvres à la pensée que Devon puisse encore croire qu'il était un ours-garou... si seulement Devon connaissait la vérité sur ce qu'il était vraiment.

Son envie irrépressible de sourire s'envola lorsqu'il reposa le regard sur Envy. Si Devon connaissait la vérité, alors Envy la connaîtrait aussi, et il était fatigué d'être pris en flagrant délit de mensonge par la jeune femme.

Tabatha et Envy échangèrent toutes deux un regard résigné et Envy prononça silencieusement un « Aide-moi », sachant que Tabby comprendrait aussitôt cet appel à l'aide muet.

« Eh Trevor, tu peux me ramener chez moi ? demanda Tabatha, qui essayait de sortir Trevor de la pièce avant que Devon ne lui refasse le portrait... ou avant de voir Envy exploser.

Trevor soupira et enfonça ses mains dans ses poches.

— Bien sûr, laisse-moi le temps de sortir et de démarrer la voiture. »

Une fois que Trevor soit parti d'un air maussade, Envy adressa à Tabby un regard empli de soulagement.

« Merci !

Tabatha sourit.

— Ne me remercie pas, parce que maintenant vous m'en devez une, tous les deux.

— Je te donnerai tout ce que j'ai ! s'exclama Devon avec un grand sourire.

— Et est-ce que cela inclue Envy ? insista Tabatha, ses yeux pétillants.

— Pas même une chance, répondit Devon avec un clin d’œil.

Tabatha fit une moue déçue.

— Bon, alors c'est beaucoup moins drôle. »

Envy gloussa quand Tabatha quitta la pièce en se pavanant avec ostentation et en affectant de claquer la porte avec colère au passage.

Chapitre 2

« Pose-moi par terre, espèce de suceur de sang psychopathe ! hurla Alicia en griffant le dos de Damon, jetée sur son épaule.

Au moment où elle avait compris qu'ils ne se dirigeaient pas vers le Night Light, elle avait voulu l'arrêter... mais de toute évidence, vouloir et passer à l'action étaient deux choses différentes.

— Je veux voir Micah !

— Michael m'a demandé de te ramener ici et c'est ici que tu resteras, déclara Damon d'un ton sans réplique alors qu'il traversait tranquillement la chambre d'Alicia.

Il la jeta sur le lit et grimaça lorsqu'elle le gratifia de longues griffures dans le dos. En grondant il ajouta :

— Je ne pense pas que ton mec sera si déçu que ça si tu tardes un peu à rejoindre le côté... de son lit.

Alicia s'impatienta et tenta de s'échapper du lit mais Damon fut immédiatement au-dessus d'elle, une main fermement posée sur chaque épaule. Damon baissa les yeux sur la jeune femme, tentant de la faire ployer sous son influence vampirique, avant d'éclater finalement :

— Merde, reste là, j'ai dit !

— Je ne suis pas un chien, je suis un chat, espèce de...

L'esprit d'Alicia se vida soudain l'espace d'une seconde lorsqu'elle le fixa du regard, en observant la façon dont ses cheveux tombaient en cascade autour de ce visage si parfait. Elle sentit une pointe de désir se réveiller au creux de son ventre. Baissant les yeux sur ses lèvres, elle suivit sa tactique habituelle pour ne plus avoir envie de l'embrasser... elle opta pour l'agressivité.

— Tu n'es pas mon chef !

Alicia le frappa à la poitrine mais regretta aussitôt son geste lorsque Damon plissa les yeux sous la douleur et se baissa un peu plus sur elle.

— On ne t'a jamais donné de fessée quand tu étais petite ? grogna Damon qui commençait à transpirer.

Il s'écarta de la jeune femme pour s'étendre sur le dos à côté d'elle.

— Tu aimerais bien, rétorqua Alicia d'un air renfrogné, qui se demandait comment il se faisait qu'il l'ait portée à travers toute la ville comme un homme de Neandertal, et qu'à présent il semblait sur le point de s'évanouir parce qu'elle l'avait frappé.

— Est-ce que tu te sens bien ? demanda-t-elle, soudain préoccupée, sans pour autant souhaiter se sentir coupable pour sa petite vengeance.

Damon ouvrit les yeux pour se retrouver nez à nez avec un stupide ourson en peluche. Il plissa ses yeux couleur d'améthyste en lisant le nom sur le collier qu'il portait... « Micah »... pitoyablement prévisible.

— Je suis simplement bien… et toi ? répondit-il en se hissant en position assise, curieux de savoir pourquoi il se compliquait la vie à se laisser impliquer dans des histoires humaines... surtout avec des humaines : ils n'apportaient que des tracas.

Se remettant debout, il se dirigea vers la porte avec l'espoir de ne pas avoir fait quelque chose d'aussi nul que de s'évanouir.

— Si tu essaies de quitter cette maison avant le retour de Michael, je vais te faire manger cet ours en peluche. »

Alicia fixa la porte d'un air assassin jusqu'à ce qu'il ait disparu, puis haussa un sourcil devant son ours en peluche innocent.

« D'accord, je sais bien ce que j'ai fait… mais toi, qu'as-tu fais pour le mettre en rogne ? »

Elle leva les yeux au ciel et tendit la main vers la lampe pour l'allumer. Damon s'était tellement hâté de la jeter sur le lit qu'ils n'avaient même pas pris le temps d'allumer la lumière. Elle allait s'emparer de l'ours en peluche quand elle se figea sur place, quelque chose attirant son attention sur le lit. Là où Damon était étendu quelques instants plus tôt, il y avait une trace de sang toute fraîche. Elle tendit la main vers la tâche et s'apprêtait à la toucher quand elle finit par la retirer.

Se levant du lit, Alicia sortit sur le balcon et s'avança vers les autres portes-fenêtres donnant sur la chambre de Damon. Ce qu'elle y vit alors lui déchira le cœur.

Damon claqua la porte de sa chambre et déchira sa chemise noire avant de la jeter à travers la pièce. Plusieurs balles qui s'étaient retrouvées prises dans la chemise heurtèrent le sol et les murs pendant le processus. Son corps les avait systématiquement rejetées de sa chair en un effort pour se guérir lui-même. Il inspira profondément avant de baisser les yeux sur les parties perforées et sanglantes de son corps, saisi de dégoût et de douleur. C'était les balles qui continuaient d'être éjectées qui empêchaient ses blessures de se refermer.

Voyant qu'une balle était à demi fichée dans sa poitrine, il en extrada le reste. Il s'agrippa à la colonne du lit si fort de son autre main que le bois commença à se fendiller et à craquer. S'il n'avait pas bu le sang de ce loup-garou un peu plus tôt, il serait déjà à genoux en train de hurler au meurtre à cette heure. En fait, il ne serait peut-être même pas sorti de cette demeure.

Le sang d'un être surnaturel possédait bien plus de force et d'énergie qu'un sang humain, mais il était évident que s'il voulait guérir plus vite, il lui faudrait trouver bien plus de sang. Personne ne l'avait jamais reconnu pour sa patience.

Avec un grognement, Damon laissa glisser d'entre ses doigts la balle qu'il venait de retirer et se dirigea vers le placard pour en sortir une autre chemise. Tout ce qu'il y trouva fut quelques chandails… il en retira un de couleur noire de son cintre et l'enfila avant de se diriger vers les portes du balcon.

Alicia avait mis sa main sur sa bouche, pour éviter au cri qui montait en elle de jaillir, quand elle découvrit toutes les blessures sur la poitrine de Damon. Certaines de ses blessures par balle continuaient de saigner et d'autres sortaient de sa chair toutes seules. Pas étonnant qu'il ait grimacé de douleur quand elle l'avait frappé. Elle sentit un éclair de douleur traverser sa propre poitrine. Comment avait-elle pu se montrer si cruelle ?

Elle commença d'ouvrir la porte mais se figea lorsque Damon se retourna et sortit un pull du placard avant de l'enfiler sans cérémonie. Elle eut vraiment envie de pleurer quand elle aperçut son dos ensanglanté, qui était en bien plus piteux état que son torse. Combien de fois l'avait-elle frappé sur le dos avant qu'ils n'arrivent jusqu'à sa chambre ? Alicia sentit ses genoux se dérober sous elle à cette pensée.

Quand il s'approcha des portes-fenêtres, elle glissa rapidement sur le côté et pivota, s'adossant au mur de briques entre les deux portes vitrées. Portant la main à sa propre poitrine qui, elle, ne portait aucune blessure, elle retint son souffle et pria pour qu'il ne sorte pas sur le balcon pour la surprendre à l'espionner.

Elle passa de la panique à la souffrance... puis à la colère et à la confusion. Damon lui avait menti au manoir du loup-garou… tout ce sang n'avait jamais été que le sien. Pourquoi ferait-il une chose pareille ? Pourquoi la protégerait-il pour ensuite ne pas lui dire qu'il était blessé ? Il aurait pu se faire tuer... et dans quel but ? Pour la sauver ?

Alicia écarquilla les yeux lorsque les portes du balcon s'ouvrirent tout à coup, et Damon bondit sur la rambarde massive de la terrasse qui donnait sur la rue en bas. Il s'y tint en équilibre mais, avant de prendre la tangente, il sentit sa présence derrière lui. Il pouvait percevoir toutes ces émotions émanant de l'aura de la jeune femme et poussa un soupir... il se sentait fatigué, blessé et guère désireux de se battre avec elle cette nuit.

« Michael a effacé leurs souvenirs concernant ta présence au domaine cette nuit. Si tu retournes voir Micah avant qu'ils ne t'aient appelée... tu vas détruire tout ce qu'il a fait pour t'aider. Si tu ne restes pas ici pour moi… fais-le au moins pour Michael. »

Sur ces mots, Damon se laissa tomber du balcon et atterrit sur la pelouse en-dessous.

Alicia laissa échapper un hoquet de stupeur et se rua vers la rampe de pierre, baissant les yeux sur sa silhouette qui se laissait chuter au hasard sur la terre ferme. Elle écarquilla les yeux puis s'agrippa à la rambarde en réalisant soudain que ce saut à l'aveuglette de Damon ne l'était pas autant qu'elle le pensait. Il tendit les bras, ce qui laissait penser qu'il attirait à lui les ténèbres environnantes, s'en revêtant comme d'une cape... puis il disparut avant de toucher le sol.

Alicia le chercha dans la pénombre, prête à saisir le moment où elle le distinguerait, mais il n'y avait plus rien à voir... pas même un bruit de pas. Elle se sentait désolée pour lui et pour la douleur qu'il s'était infligée en son nom, ce soir.

Elle referma ses bras autour de son corps, se sentant soudain plus seule que ce qu'elle avait prévu et regrettant désespérément son départ. Elle ressentait le besoin de lui dire à quel point elle était désolée... elle voulait le remercier et le frapper fort encore pour ne pas lui avoir parlé de ses blessures. Où allait-il ainsi ? Que faisaient les vampires lorsqu'ils étaient blessés ?

Il désirait qu'elle reste et fasse ce que Michael lui avait demandé. Avec un soupir, elle décida d'obéir pour une fois... mais elle ne le ferait pas pour Michael.

En s'éloignant du balcon, Alicia retourna dans sa chambre et s'assit sur le lit. Elle fixa le téléphone quelques instants, se demandant ce qu'elle ferait s'il se mettait à sonner. Devrait-elle répondre ? Et si ce n'était pas Michael ? Et s'il s'agissait de Warren ou de Quinn appelant Michael et qu'elle décrochait ?

Damon avait raison... elle leur devait suffisamment à tous deux pour faire au moins l'effort de patienter jusqu'au matin avant de prendre la moindre décision ou de faire quelque chose qu'elle n'était pas censée faire. Elle se souvint du ton employé par Michael en ordonnant à Damon de la ramener chez eux. Personne n'avait souhaité sa présence ici cette nuit, excepté Damon, peut-être... autre raison pour laquelle elle était reconnaissante envers ce dernier.

Pour faire passer le temps, elle se leva et revêtit une chemise de nuit légère. Repoussant les couvertures sur le lit, elle s'allongea et essaya de dormir. Elle ne tarda pas à avoir chaud même en ayant laissé ouvertes les portes du balcon qui laissaient entrer la brise fraîche de la nuit. Pendant presque une heure entière, elle se tourna et se retourna dans le lit avant d'essuyer son front moite de transpiration de la main.

Sa peau était plus chaude qu'elle n'aurait dû l'être alors elle rejeta les couvertures en une nouvelle tentative pour se rafraîchir. Frustrée, elle arrangea les couvertures de façon à en faire un grand oreiller pour son corps puis roula sur le côté, avant de le serrer contre elle et de lever une jambe par-dessus. Elle commença à se frotter contre l'amas de couvertures, appréciant la sensation naissante entre ses cuisses, puis l'étreignit encore plus fort.

Alicia ouvrit soudain les yeux, reconnaissant dans ces sensations les symptômes d'un état bien particulier. Elle avait lu sur le sujet et même vue l'une de ses amies à l'école traverser cette phase.

« Non… murmura-t-elle, paniquant à cette simple pensée. Par pitié, faites que je ne sois pas en chaleur. »

*****

Damon se précipita dans les ténèbres, à travers la ville, se dirigeant vers les plus sombres cloaques à la recherche de quelque chose ou quelqu'un pour apaiser sa soif de meurtre. Il tenta de ne pas penser à Alicia mais il lui semblait qu'à chaque minute passée en sa compagnie, il l'avait de plus en plus dans la peau. Ce qu'il y avait de plus étrange là-dedans... c'était qu'il aimait qu'elle soit là.

Il avait construit toute sa vie autour d'un sentiment de détachement et d'indifférence totale pour tout... ou pour quelqu'un. Il s'était également enorgueilli de s'être fait une règle de prendre ce qu'il voulait. Il la voulait, elle, et aussi qu'elle cesse de tenter le diable. Quand il s'était laissé tomber du balcon, il avait prié secrètement qu'elle soit assez intelligente pour ne pas le suivre. Par chance, la jeune femme commençait à en connaître un rayon sur l'auto-préservation.

Il avait enfin atteint son but : une zone délabrée de Los Angeles. Damon resta caché dans l'ombre du trottoir, un sourire malicieux aux lèvres quand il vit passer devant lui les voitures de police et aussitôt se cacher tous les promeneurs nocturnes. Dès que les flics étaient hors de vue, la lie de la société sortait de sa cachette et retournait à ses occupations habituelles.

Damon se moqua de deux femmes légèrement vêtues et continua de marcher lorsqu'elles tentèrent de l'aguicher. Peut-être que quelques semaines plus tôt, il les aurait vaguement regardées, mais maintenant... il ne voulait rien avoir à faire avec le sexe opposé. La simple idée de boire à la gorge de l'une de ces créatures lui donnait une légère nausée.

Tournant à un angle de rue, Damon remarqua deux voyous devant lui, qui regardaient dans sa direction alors qu'il se rapprochait. Maintenant, c'était bien plus qu'il ne demandait.

« Comment ça va ? l'aborda l'un des deux hommes, d'une voix grave.

Il avait les mains enfoncées dans les poches de son manteau, se préparant à effectuer un trafic de drogues.

Lorsqu'il entrevit le regard sauvage de l'homme à qui il venait de parler, il décida de laisser tomber, s'imaginant que cet inconnu avait déjà acheté sa came ailleurs.

Damon ne répondit pas et continua à marcher. Il savait ce qui allait se passer et il avait déjà hâte que ça se produise. Ces deux types étaient probablement des rois dans cette rue, avec leurs muscles bombés et leurs yeux sombres. Lui parvint l'odeur du sang séché sur leurs vêtements et il vit sans peine les phalanges couturées habituelles chez les brutes. Ouais, ils étaient sûrement des légendes de leur propre point de vue.

— Eh, le héla le deuxième voyou, mon ami t'a posé une question.

— Et mon silence aurait dû lui faire comprendre que je ne suis pas d'humeur à répondre, l'avertit Damon avant de tourner la tête vers eux.

Il leur fit un sourire diabolique, ses crocs luisant dans la faible lumière des réverbères, et c'est alors qu'ils virent ses iris rouge sang.

— Toutefois, un dîner aux chandelles avec vous deux me paraît tentant. »

Damon fondit aussitôt sur ses cibles, s'emparant du premier pour le drainer de son sang en moins d'une minute. Il transpira sous la douleur quand de nouvelles balles se remirent très vite à sortir de son corps et à tomber au sol en un bruit clinquant et sonore. Rejetant la tête en arrière, il éclata de rire avant de lâcher le corps de sa victime, qui s'affala à ses pieds.

L'écho des pas du second homme occupé à détaler attira son attention et Damon courut après lui, se nimbant une fois encore de l'ombre de la nuit pour ne pas être visible. La douleur et l'adrénaline avaient atteint leur maximum.

Il rejoignit l'imposant loubard et le poursuivit quelques instants, savourant l'exquis parfum de terreur qu'il exhalait. Lorsque l'homme se mit à ralentir sa course, Damon se contenta de glousser du sein de l'ombre, ce qui eut pour effet de pousser le malheureux à accélérer son allure. Oui, c'était ça qu'il lui fallait... débarrasser le monde d'un ou de deux humains répugnants, tout en prenant le sang dont il avait besoin pour guérir.

Se lassant rapidement de la chasse, Damon rattrapa l'homme et l'attira dans une ruelle. Les efforts de sa proie pour lutter étaient vaillants pour ne pas dire plus, mais face à la puissance supérieure de Damon... l'issue était inévitable.

Finalement, la lutte de l'homme pour sa vie cessa, et Damon le laissa tomber sur le bitume crasseux. Pendant que ce dernier se débattait, de petits sachets de poudre blanche étaient tombés de ses poches, suivi d'un gros paquet de billets et d'un revolver. Damon s'agenouilla à côté du corps et, en utilisant un coin de la chemise du mort, nettoya son visage de la plus infime preuve avant de s'emparer de l'argent pour le ranger dans sa poche arrière, puis de partir.

En atteignant l'issue de la ruelle, Damon enfonça ses mains sans ses poches et se mit à longer le trottoir, comme oublieux de l'univers tout entier. Maintenant que son besoin de tuer et de se nourrir était en partie satisfait, il pouvait choisir sa prochaine victime avec un meilleur goût.

Misery regarda toute la scène entre le vampire et les deux humains qu'il avait pris pour victimes. Elle désirait l'approcher mais était bien trop faible pour cela. En dépit de cela, elle se contenta de la peur qui émanait des deux humains quand le vampire les saigna à mort. Elle s'était délecté de leurs morts.

Sa rencontre avec Kane plus tôt dans la soirée l'avait contrainte à employer toute l'énergie qu'elle avait emmagasinée depuis qu'elle son évasion de la chambre sous le cimetière. Quand elle avait combiné sa puissance au sang de Kane, cela l'avait presque entièrement consumé. Créer des failles dans les murs dimensionnels de ce monde était une entreprise fastidieuse qui requérait bien plus d'énergie qu'elle n'en avait pour le moment. Elle pouvait sentir les battements de cœur du Mal au sein de cette zone de Los Angeles, et savait qu'elle avait réveillé quelques faibles démons qui sommeillaient là.

Elle avait besoin d'être plus forte afin de réduire l'épaisseur de ces murs, assez pour que les démons de l'autre côté le sentent et prennent l'avantage. Si ces démons avaient assez de puissance... ils pourraient achever de se frayer un passage de l'autre côté et la rejoindre dans ce monde-ci.

Alors que sa démonstration n'avait pas été suffisante pour atteindre son but, le Mal dans cette ville continuait de croître, et il s'écoulerait peu de temps avant qu'elle ne puisse enfin élever sa puissance jusqu'au niveau visé. Une fois ce niveau atteint... elle essaierait à nouveau d'affaiblir les murs de cette dimension. L'aura de ce vampire n'était pas aussi savoureuse que celle de Kane, mais la ressemblance et le potentiel de ce rituel de sang était incontestablement présent.

Ce vampire... bien qu'il trahissait un côté sadique qui plaisait à Misery… sa puissance était complètement différente de celle de Kane. Elle savait déjà comment exploiter la véritable énergie de Kane, mais plus elle avait regardé dans l'âme de celui-ci, plus elle y avait lu la dangereuse vérité. Le pouvoir que ce dernier possédait ne pouvait être libéré qu'en protégeant une personne qu'il aimait. C'était un pouvoir sans valeur puisque que la créature avait supprimé une telle émotion.

Après avoir étudié le vampire quelques instants encore, Misery décida qu'il valait mieux qu'il demeure dénué de tout sentiment d'amour, parce que s'il puisait un jour dans une telle émotion… son pouvoir serait sans limites.

Damon pouvait sentir l'odeur des vampires sans âme tout autour de lui, et au fond des ruelles plus sombres. L'idée de débarrasser la ville d'une poignée d'entre eux lui traversa fugitivement l'esprit, mais il décida qu'il avait déjà fait sa bonne action du jour. S'ils voulaient s'abreuver du sang de la lie de l'humanité, qui était-il pour les en empêcher ? Ce n'était pas comme s'il ne venait pas de les imiter. Alors qu'il continuait de marcher, d'autres balles glissèrent de sa chemise et tombèrent au sol en tintant sur le trottoir, tels de vieux souvenirs oubliés.

Les petits poils sur le dos de Damon se dressèrent tout à coup et il arrêta sa progression, regardant d'un côté puis de l'autre... il était observé. Tournant la tête en arrière, il plissa les yeux en décelant une silhouette informe qui rôdait sur le toit de l'immeuble qu'il longeait.

Reculant dans l'obscurité, Damon s'y dissimula, détestant le manque d'intimité de cette ville avec toutes ces fichues espèces surnaturelles qui se baladaient partout. Avant de venir ici, il n'avait jamais croisé de métamorphe ou d'ange déchu. Dans son pays, les métamorphes avaient été massacrés au cours des âges sombres, et s'étaient montrés assez intelligents pour ne pas y retourner. Il n'avait jamais réalisé à quel point il était du genre territorial pendant son séjour dans un pays qu'il avait maintenu propre de tout intrus.

Il n'avait jamais été du genre à parcourir le monde comme Kane ou Michael… pas quand il s'était tellement amusé là où il s'était trouvé. Mais ce n'était pas un métamorphe qui était sur le toit... c'était un ange déchu, et pas un de ceux qu'il avait vu à l'église. Il devait sûrement être celui qui s'était enfui.

*****

Zachary poussa un soupir de soulagement lorsque le dernier des journalistes finit par se lasser et quitta la susdite « scène de crime ». Il retourna son attention sur les pompiers couverts de suie et grimaça avec apathie. Pauvres gars, ils n'avaient pas la moindre chance de garder cet incendie sous contrôle, même s'ils semblaient soulagés de constater qu'il ne se soit pas répandu au-delà des limites du domaine d'Anthony Valachi. Zachary sourit en voyant ce qu'il avait attendu.

Il avait tellement alimenté le brasier qu'il savait qu'il n'y aurait bientôt plus rien à brûler. Il avait fait cela pour deux raisons. La première était qu'il avait pitié des humains qui sacrifiaient leur vie au quotidien à jouer avec le feu, et la deuxième, qu'il devait détruire toutes les preuves que ces derniers n'avaient aucun besoin de trouver... incluant les cadavres à autopsier ou les os à analyser.

« On dirait que ça se calme, dit Chad en s'approchant de Zachary. Je suis étonné de ne pas voir Trevor ici.

— Oh il était là, répondit Zachary avec un petit sourire ironique. La dernière fois que je l'ai vu, il tirait ta sœur de ce guêpier pour que je puisse faire sauter l'endroit.

— Quoi ! hurla Chad, avant de se pencher plus près sur son coéquipier afin que personne ne puisse l'entendre. Je suis là depuis une putain d'heure et tu te pointes tranquillement maintenant pour me dire que ma sœur a failli se faire tuer ce soir ?

— La balle n'a fait que l'effleurer, répliqua Zachary, qui adorait bizuter le petit nouveau. Il se sentit un peu coupable lorsque le visage de Chad perdit toutes ses couleurs. Calme-toi, elle va bien, ajouta-t-il.

— Espèce de connard, lui lança Chad sans le moindre remord.

— J'ai connu pire, rétorqua Zachary avec un haussement d'épaules. Mais pour le moment, tu peux m'appeler patron. J'ai récupéré rapidement ton dossier donc c'est déjà une affaire conclue. Tu ne travailles plus pour le département de la police. Ils travaillent pour toi et tu travailles pour la CIA, selon eux. Et cette affaire va sous la juridiction de la CIA puisque c'était un coup de la mafia.

— Alors qu'est-ce que je suis censé faire, maintenant ? demanda Chad, qui se sentait un peu perdu et s'interrogeait sur la façon dont il pouvait mettre une raclée à un jaguar pour avoir de nouveau exposé sa sœur au danger.

— Savoure ta promotion parce que je te laisse gérer tout ça pour la nuit, répondit Zachary en lui tapotant l'épaule, avant d'ouvrir la portière de la voiture et de se glisser à l'intérieur de celle-ci.

Il compta jusqu'à trois avant que Chad ne tape sur sa vitre. En la faisant descendre, il haussa un sourcil.

— Qu'est-ce que je leur dis ? interrogea Chad.

— C'est là tout le génie de la chose. Tu n'as pas le droit de donner la moindre information, actuellement. »

Zachary éclata de rire avant de remonter sa vitre, et de rire encore lorsque Chad donna un coup de pied dans son pneu quand lui passa devant.

Son hilarité s'évanouit une fois seul avec ses pensées. Il savait que la plupart des loups de la meute était inoffensifs, et s'étaient seulement retrouvés sous le joug de leur alpha, mais concernant les autres, ils voudraient venger la mort d'Anthony Valachi. Certains désigneraient les sauveurs de Micah, mais d'autres pointeraient Steven du doigt, ainsi que la fiancée parjure. Dans les deux cas, ces désirs de vengeance mettraient le Night Light sur la liste des mafieux de la ville qui opéraient encore.

Sortant son portable, Zachary passa un coup de fil au membre de l'E.E.P. qu'il avait mis sous couverture au sein de la partie la plus dangereuse de la meute des loups-garous. Si ce qu'il pensait était juste et qu'il se préparait quelque chose, il serait avisé d'aller au Night Light et d'envoyer une ou deux menaces de mort, histoire de garder les couguars en mode alerte rouge, ou mieux encore... de les pousser à fermer le night-club pendant un bon bout de temps.

*****

Angelica contemplait la ville par la fenêtre, pensant au cauchemar qui l'avait réveillée. Voir toutes ces lumières et cette vie qui animaient la ville même en plein cœur de la nuit la réconfortait et il lui était difficile d'en détourner les yeux.

Elle n'avait encore jamais fait de cauchemar, jusqu'ici… pas un seul rêve, et c'était là ce qui la perturbait le plus. Elle frotta la marque toujours imprimée sur la paume de sa main, la rendant responsable de son cauchemar. Elle était si profondément plongée dans ses idées noires que lorsque la porte claqua derrière elle, elle faillit sauter au plafond.

Zachary avait ouvert doucement la porte, juste au cas où Angelica dormait. Quand il l'avait vue debout, perdue dans ses rêveries, il n'avait pu résister à la tentation et l'avait claquée brutalement. Sa réaction était encore meilleure que ce qu'il avait espéré.

« Si j'avais été un démon, tu te serais fait mordre, dit-il en souriant malicieusement avant de baisser les yeux sur le poignard qu'elle serrait si fort dans son poing que ses jointures avaient blanchi. Ou peut-être pas, rectifia-t-il d'un air préoccupé. Qu'est-ce qui a secoué ta cage ?

— Des cauchemars, dit Angelica avec honnêteté, en relâchant sa prise.

Inutile de mentir là-dessus... enfin, pas à lui. Elle inspira profondément et essaya de détendre ses épaules, avant de froncer le nez.

— Tu sens le toast brûlé.

— Envie de me gratter le dos ? la taquina Zachary en agitant les sourcils alors qu'il se dirigeait vers la salle de bain.

Angelica regarda par la fenêtre une fois encore avant de s'en éloigner. En entendant la douche, elle s'assit dans la causeuse et saisit son carnet de notes à côté de l'ordinateur avant de se mettre à dessiner l'homme qu'elle avait vu dans la chambre sous le cimetière. Puisqu'il était celui qui l'avait marquée, le cauchemar devait être également son œuvre. Elle commença par dessiner ses yeux et adoucit ses coups de crayon alors que le visage prenait forme sur le papier.

Zachary sortit de la salle de bain embuée en se séchant les cheveux avec une serviette. S'avançant derrière Angelica, il baissa les yeux sur le portrait de l'homme qu'il avait vu avec elle dans la caverne. Il regarda la façon délicate dont elle arrangeait les longs cheveux sombres de cet homme... comme si le vent continuait de souffler tout autour. Pour un démon, il était évident qu'elle le trouvait beau.

— Tu sens meilleur, commenta Angelica en levant le regard sur lui. Tapotant le dessin, elle demanda : Pourrait-on nous mettre en contact avec Dean pour que je lui montre ce dessin ?

— Je l'ai entrevu ce soir à la demeure du loup-garou alpha. Mais étant donné qu'il semble être un vrai courant d'air, il serait plus judicieux de montrer ce dessin à Kane, suggéra Zachary en sautant sur le dossier de la causeuse pour s'asseoir à côté d'elle, avant de lui prendre le dessin des mains et de l'étudier. Kane dit que Misery est une femme, ajouta-t-il.

— C'est bien ce qui me fait peur, soupira Angelica. Si ce n'est pas le même démon qu'ils ont libéré de la caverne… alors je crains que Misery ne soit pas le seul démon qui hante cette ville.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Demanda Zachary.

Au lieu de lui répondre, Angelica fit la seule chose qu'elle pensait ne jamais faire un jour. Se tournant d'un côté sur le coussin, elle s'approcha de Zachary et se pencha vers lui. Lorsque Zachary tenta immédiatement de l'embrasser, elle pencha la tête pour que son baiser atterrisse sur son front. Puis elle laissa le rêve affleurer à la surface de sa mémoire.

Zachary broncha alors que l'histoire changeait et qu'il se retrouvait au beau milieu de son cauchemar. Lorsque les images tremblantes s'effacèrent et qu'Angelica s'écarta doucement de lui, Zachary ouvrit les yeux et chuchota :

— Waouh… c'était un rêve bien agité.

Angelica acquiesça.

— Ouais, surtout pour quelqu'un qui n'a jamais rêvé, pas même une fois de toute sa vie. »

*****

Kriss avait cherché aux endroits où il imaginait trouver un ange déchu terrifié et emprisonné pendant longtemps, avant de penser à l'endroit où il aurait pu se cacher. Ce n'était pas exactement le déchu anonyme qu'il était occupé à chercher... mais Dean. Après s'être épuisé à chercher dans toutes les églises et petits coins de la ville que le mal avait épargné, il réalisa qu'il cherchait sûrement au mauvais endroit. Ce n'était pas comme s'il ne connaissait pas intimement sa proie.

Allant d'un bout à l'autre de la ville, Kriss finit par se diriger vers le cœur de la ville. En quelques heures, il fut récompensé : il entrevit la créature qui courait sur les toits et bondissait d'un immeuble à un autre.

Le suivant à distance, Kriss vit la silhouette lumineuse du déchu de même que ses ailes d'un blanc de neige invisibles à l’œil humain, mais pas au sien. Il pencha la tête sur le côté lorsque le déchu hasarda un regard par-dessus son épaule, comme s'il sentait qu'il était suivi.

Lorsque le déchu tourna son attention sur les rues en-dessous, Kriss eut la sensation qu'il n'était pas le seul à être en chasse ce soir-là.

« Mais qui est-ce que tu cherches ? » murmura Kriss entre ses dents en continuant de le suivre sur plusieurs autres pâtés de maisons.

Tournant à un angle de rue à sa suite, Kriss s'arrêta net lorsqu'il vit l'autre homme s'immobiliser tout à coup sur la corniche de l'immeuble... et lui faire face. Ce furent sa posture agressive et le regard féroce que lui jetèrent ses yeux argentés qui fit s'arrêter Kriss.

Pendant un instant, aucun des deux anges ne bougea. Kriss profita de ce moment pour concentrer ses pouvoirs sur l'autre et scruter son âme. Alors que l'image de son âme se précisait, Kriss s'attendit à voir le chatoiement argenté d'un sang pur, mais à sa grande surprise, il réalisa que l'âme de ce déchu était souillée. Il écarquilla les yeux, comprenant soudain que cet ange déchu était un hybride.

Ainsi, c'était cela qu'il avait perçu lorsque la créature avait surgi de l'église. Kriss tenta de déterminer si cet hybride était aussi maléfique que l'authentique démon avec lequel il avait partagé sa captivité. Il sentit que quelqu'un le bousculait et que sa vision était refoulée, et Kriss cligna des yeux. La seule autre personne qu'il ait jamais croisée et qui pouvait l'empêcher de lire dans son âme, c'était Dean.

Inspirant profondément avant d'expirer, Kriss décida qu'il n'y avait qu'un seul autre moyen de le découvrir. Au moment même où il s'avançait vers le déchu, celui-ci lui fit un sourire qui n'avait rien d'amical puis recula d'un pas, disparaissant de sa vue quand il se laissa tomber du toit.

Reconnaissant une invitation quand il en voyait une, Kriss poussa un grognement et dans un réflexe rapide, il fit le saut de l'ange par-dessus le toit en guise de poursuite. Avant qu'il n'atterrisse sur le bitume quatre étages plus bas, quelque chose lui rentra dans le flanc et il sentit des bras se refermer autour de lui.

« Non, siffla Dean en plaquant Kriss dans sa chute.

— Je croyais que tu voulais le retrouver et l'attraper, hurla Kriss, soudain pris de colère.

Il avait cherché Dean pendant des jours et savoir que Dean était manifestement assez proche de lui pour réaliser sa présence, sans être sorti de sa cachette pour autant, le mettait hors de lui.

— Ce n'est pas un lapin, le rembarra Dean alors qu'ils changeaient de direction et redescendaient sur le toit de l'immeuble. De plus, je l'observe depuis un moment, aimerais-tu savoir ce qu'il fait ?

— Quoi ? interrogea Kriss en fronçant les sourcils.

Dean s'écarta aussitôt de lui pour mettre de la distance entre eux.

— Il traque Misery, le démon qui l'a piégé dans la caverne.

C'est à cet instant précis que les nuages au-dessus d'eux s'écartèrent, permettant au clair de lune de les caresser de ses rayons et de créer des ombres mouvantes sur le toit, révélant au passage leur véritable nature. Dean dut détourner les yeux de la perfection qu'incarnait Kriss... il devait toujours détourner les yeux.

— Bon, peut-être qu'il nous laissera l'aider à se venger, suggéra Kriss. Ça fait longtemps, mais ensemble, nous pourrons sûrement lui faire mordre la poussière.

— J'en doute, répondit Dean en dirigeant son regard vers l'endroit où l'autre déchu avait disparu. Chaque fois que je me rapproche de lui, je peux sentir l'ampleur de sa haine et de sa peur.

Kriss tourna les yeux dans la même direction, connaissant enfin la vérité.

— Peut-être a-t-il une bonne raison de nous craindre.

Il faillit mentionner le fait qu'il s'agissait d'un hybride... et non d'un ange au sang pur, mais Dean le coupa.

— Cela ne fait rien parce qu'il ne nous fait pas confiance.

Dean recula jusqu'au bord du toit et baissa les yeux sur la ville.

Il savait que Kriss pensait avoir tout découvert. Ainsi ce déchu n'était pas de sang pur... il n'en était pas loin et c'était ce qui comptait. Dean avait lu dans son âme à plusieurs reprises ces derniers jours, et le mal qui d'ordinaire marquait de son fer plus d'hybrides que de démons n'y apparaissait pas. D'après Dean, cette absence de mal chez le déchu en question en faisait l'un d'entre eux. D'un autre côté... peut-être était-il temps de rappeler à Kriss ce petit fait historique.

— Il tient bien plus du sang pur que de l'hybride, tu sais. Son âme est différente de la nôtre, mais le mal n'y réside pas... en ce moment, son âme est emplie de crainte, de défiance et de regret. J'espère que tu n'as pas changé au point de ne pas voir le bien en lui.

Il savait que Kriss n'avait jamais chassé des hybrides par malice et ne les avait jamais détruits sans avoir une bonne raison de le faire. Kriss avait été l'un des derniers déchus envoyés ici-bas, bien après que les guerres de démons se soient terminées... bannis dans ce monde pour se débarrasser de certains mâles de la population. Kriss ne le savait pas, mais Dean était bien plus âgé que cela.

Dean avait figuré comme l'un des meneurs de la rébellion qui avait mit fin à la guerre des démons... allant même jusqu'à envoyer certains anges au sang pur dans les enfers pour accomplir leur massacre démentiel des hybrides non démoniaques. Certaines choses représentaient un péché… peu importait la façon dont on les voyait.

Kriss eut un flash-back du moment où il voulait tuer Kane avant de découvrir une âme dévastée mais étrangement pure. Il n'avait jamais vu une telle curiosité. Si Kane avait été humain ou démon, avec une telle âme endommagée... il aurait été le Mal à l'état pur. Il devrait être le Mal à l'état pur. Cela le fit se demander si Dean avait raison... que peut-être il avait perdu sa capacité à jouer les juges et les jurés.

Vivre parmi les hommes aussi longtemps lui avait appris que les meilleures intentions étaient elles aussi à double tranchant. Il en avait conclu depuis longtemps que la mort s'appliquait pour la seule véritable forme de Mal et de laisser faire le reste.

— Combien de temps as-tu l'intention de le suivre ? interrogea Kriss avec curiosité.

— Jusqu'à ce qu'il comprenne que je ne suis pas une menace pour lui, répondit mystérieusement Dean.

Kriss pencha la tête et regarda Dean, remarquant que plusieurs balles avaient troué ses vêtements.

— Mais qu'est-ce que tu as fait ? Je sens sur toi une odeur de fumée et ce ne sont sûrement pas des mites qui ont troué tes vêtements.

— Laisse-moi te demander une chose, repartit Dean sans regarder Kriss. Es-tu vraiment ici pour moi ? Ou est-ce qu'il te fallait une petite distraction pour éviter soigneusement de te confronter à tes sentiments pour Tabatha ?

Kriss tendit la main vers Dean, lui saisit le bras et le força à se retourner pour lui faire face.

— Pourquoi faut-il toujours lutter avec toi ? demanda-t-il.

Dean retira son bras de la main de Kriss.

— Peut-être parce que je peux lire dans ton âme, là où tu ne vois rien. »

Kriss détourna les yeux et lorsqu'il les reposa sur l'endroit où se trouvait Dean, ce dernier avait disparu.

*****

Kane ouvrit doucement la fenêtre de la chambre de Tabatha et y passa la tête. Il l'avait observée à travers les fenêtres mais sentir son agitation ne lui convenait pas, et le fait qu'il ne pouvait lire dans ses pensées le rendait fou. Ne lui parvenait que les murmures étouffés des pensées de la jeune femme.

Il leva les yeux vers le plafond, se demandant qui avait eu l'idée brillante de faire d’elle la seule personne qu'il ne pouvait écouter quand il n'y avait qu'elle qu'il voulait sincèrement entendre. Kane resta blotti dans les ténèbres, s'adossant contre le chambranle de la porte de sa chambre ouverte, et l'observa lorsqu'elle s'éloigna du sofa pour atteindre l'objet qu'elle avait choisi pour se détendre.

Tabatha baissa le volume de la radio. Elle avait pensé qu'un bruit de fond l'aiderait à oublier cette impression de vide dans l'appartement, mais cela ne faisait que l'agacer. Son colocataire lui manquait.

Kriss avait déjà disparu pendant des semaines une fois, et elle savait qu'il pouvait se gérer tout seul, mais cela n'avait jamais cessé de l'inquiéter. Ce démon, et sa peau frissonna à ce souvenir, ce démon avait réussi à piéger Dean, même si cela n'avait duré qu'une ou deux heures. Il lui était difficile de s'avouer qu'il existait au-dehors des créatures capables de blesser Kriss.

Elle passa sa main sur son épaule puis sur sa poitrine, là où elle avait été touchée, ne sentant sous ses doigts rien d'autre qu'une peau douce et sans défaut. Elle repensa à sa ruse lorsqu'elle avait fait croire à Kane qu'il l'avait hypnotisée... elle était tombée dans son propre piège. Cependant, il lui avait ordonné de ne pas se rappeler d'avoir vu Misery... et elle s'en souvenait encore. Portant lentement ses doigts à ses lèvres, elle les effleura en priant pour se rappeler ce que Kane lui avait fait exactement.

Peut-être qu'elle avait été fascinée tout ce temps, mais pour une raison qui lui échappait, elle ne s'en rappelait qu'une partie. Il lui avait dit qu'il veillait sur elle... qu'il la surveillait. Tabatha sentit se dresser les petits cheveux sur sa nuque et la pièce lui parut rétrécir.

Retirant ses doigts de ses lèvres, elle chuchota :

« Kane, es-tu là ?

Kane agrippa le chambranle pour s'empêcher d'avancer vers elle, mais aucune force sur terre ne put l'empêcher de répondre :

— Oui.

Sa voix était hantée, ce qui poussa Tabatha à pivoter sur elle-même pour le chercher des yeux. Elle fut partagée entre la déception et la peur quand elle ne le vit pas derrière elle, comme elle s'y attendait.

— Suis-je donc si méchante pour que tu te caches de ma vue ?

Sa respiration s'accélérait sensiblement, et elle se demanda secrètement si elle jouait avec le feu.

Kane laissa la pénombre se disperser autour de sa silhouette, sans la quitter des yeux, lorsque le regard de la jeune femme tomba sur lui.

— Peut-être est-ce moi, le méchant dans l'histoire.

Tabatha déglutit. Il lui semblait un peu hostile, avec sa silhouette qui se découpait sur le seuil de sa porte... elle devait bien l'admettre.

— Peut-être que tu ne te sentirais pas si diabolique si tu avais toqué à la porte d'entrée, rétorqua-t-elle, curieuse de savoir depuis combien de temps il était dans l'appartement.

Sentant que ses genoux tremblaient un peu, elle se retourna et se força à rejoindre le sofa d'une démarche nonchalante pour s'y asseoir.

— M'aurais-tu invité à entrer ? demanda Kane avec curiosité en pénétrant dans la pièce.

Il remarqua la manière dont elle se retourna et remonta les pieds sur le canapé, les ramenant contre son corps en se laissant aller contre l'accoudoir rembourré du sofa.

— Je n'en suis pas sûre, répondit Tabatha. Est-ce la première fois que tu viens ici ?

— Non, avoua Kane, ne prenant pas la peine de lui mentir.

Pourquoi mentir quand il pouvait simplement lui faire oublier sa présence ?

— Alors je t'invite à entrer. Assis-toi, offrit-elle en désignant l'autre extrémité du sofa.

S'il était là pour lui faire du mal, alors ce serait déjà fait... n'est-ce-pas ? Elle regarda la façon dont il ralentissait ses mouvements en s’exécutant. C'était un mensonge... elle avait bien vu la vitesse avec laquelle il se déplaçait quand il le voulait. Il prenait garde à ne pas l'effrayer et ce détail la rendait encore plus nerveuse.

Kane haussa un sourcil interrogateur.

— Alors c'est comme ça que tu traites tes harceleurs ? demanda-t-il avec tout son sérieux. Tu les invites à prendre le thé et des petits gâteaux ?

Tabatha secoua la tête.

— Je ne bois pas de thé et je déteste les muffins. Je préfère un café et un bagel.

Kane lui fit un sourire triste.

— Comment peux-tu être sûre que je ne te ferai rien ?

— Si tu venais me faire du mal, tu l'aurais déjà fait, répondit Tabatha, exprimant tout haut ce qu'elle avait pensé quelques instants auparavant.

Après réflexion, elle s'empressa d'ajouter :

— Même si j'ai tendance à avoir des ennuis quand tu es dans les parages.

Kane se crispa en son for intérieur à ces paroles, en s'installant enfin à l'endroit qu'elle lui avait désigné à l'autre bout du canapé, puis se tourna vers elle et s'adossa contre l'accoudoir opposé. Il ramena sa jambe droite contre lui, genou plié, assis à l'indienne avec un bras replié sur le ventre.

— Alors dis-moi ma belle, pourquoi m'as-tu invité à entrer ici ? interrogea-t-il.

— Pourquoi es-tu là ? retourna Tabatha au lieu de répondre à sa question.

Kane sourit avec malice.

— Tu devrais savoir que c'est impoli de répondre à une question par une autre.

Tabatha fut momentanément décontenancée par la façon dont son sourire moqueur altérait légèrement les traits de son visage, le faisant paraître aussi menaçant et séducteur qu'elle s'imaginait qu'il était.

— C'est possible, répondit pensivement Tabatha. Mais c'est moi que tu surveilles, et je veux comprendre pourquoi.

Kane haussa les épaules.

— Parce que j'en ai envie.

Tabatha leva un regard irrité sur lui.

— Parce que tu en as envie ?

Kane pencha la tête sur le côté.

— Pourquoi un vampire ferait quelque chose ?

Tabatha ouvrit la bouche, la referma, et l'ouvrit encore, incapable d'articuler un son.

— Parce qu'il en a envie, répondit Kane à sa place.

Tabatha soupira.

— Écoute, si tu ne veux pas me dire la vérité alors je ne peux pas t'y forcer. Mais, si nous devons devenir amis, il faut que nous partagions au moins une vérité l'un avec l'autre.

Kane haussa les sourcils et sourit franchement.

— Ah, donc nous jouons à « Action ou Vérité », maintenant ?

Tabatha rougit en se remémorant les quelques occasions où elle avait joué à ce jeu au lycée... un souvenir plutôt embarrassant.

— Sans inclure « Action » et en répondant le premier, chuchota-t-elle.

Kane hocha la tête.

— Très bien. Puisque je suis celui qui te suit, nous jouerons selon tes règles.

Tabatha sentit un frisson lui parcourir l'échine devant sa facilité à reconnaître qu'il la surveillait vraiment.

— Pourquoi Kriss ne t'aime pas ? Il ne m'a pas dit pourquoi.

— Parce que tu ne lui appartiens pas, répondit Kane un peu trop vite.

— C'est une réponse, ça ? releva Tabatha.

— C'est ton tour, indiqua Kane.

Tabatha grommela.

— Bon, fit-elle avant de se crisper, car elle ne savait pas à quoi s'attendre de sa part.

— Aimes-tu les chiens ?

Tabatha cilla. Cette question n'était pas du tout prévisible. Elle se détendit et sourit affectueusement.

— Je les adore. Quand j'étais petite, nous avions un petit Yorkshire mais il s'est enfui. Je ne m'en suis jamais vraiment remise, en fait… Parfois, il me manque encore.

Kane lui retourna un sourire de son cru, un de ceux qui montaient lentement sur les lèvres, alors que leurs regards se croisaient.

— Il faut que tu rencontres mon Yorkie un de ces quatre, alors... il s'appelle Scrappy. »

Tabatha en eut des sueurs froides et bondit littéralement de son siège lorsque le téléphone sonna. Une fois debout, elle se rua sur l'appareil pour décrocher, priant pour que ce soit Kriss qui l'appelle. En décrochant, elle se retourna pour regarder Kane mais il était parti sans rien qui indiquât sa présence quelques secondes auparavant.

Elle fit une rapide recherche dans sa chambre, pour ne rien trouver. Avec un soupir, Tabatha pressa l'appareil contre son oreille.

« Allô ?

Elle grimaça aussitôt qu'elle reconnut la voix de Jason.

— Mais qu'est-ce qui t'es arrivé ? Tu disparais comme ça et tu ne m’appelles pas pour m'expliquer ? attaqua aussitôt Jason, qui faisait les cent pas. Merde, Tabby, j'étais malade d'inquiétude. »

Tabatha sourit dans le combiné. Quelque part, se faire crier dessus par Jason l'aidait à se sentir un peu plus normale. Elle réfléchit rapidement alors qu'elle commençait à lui expliquer ce qui s'était passé sans pour autant lui donner un seul détail en rapport avec le surnaturel.

Kane écarta les branches du buisson une fraction alors qu'il regardait Tabatha se détendre pour la première fois depuis que Trevor l'avait déposée chez elle. Il esquissa un sourire en l'écoutant dire la vérité à la personne au bout du fil et lui mentir éhontément en même temps. Son sourire s'évanouit et son expression se fit mélancolique. Qu'est-ce qu'il donnerait pour qu'elle lui sourie aussi spontanément. S'écartant de la fenêtre, il comprit qu'il était temps d'y aller... il pouvait sentir Kriss se rapprocher de lui.

« Attends une minute Jason, lança Tabatha en fronçant les sourcils, avec l'impression étrange d'être observée. Tournant la tête vers la fenêtre, elle se figea en voyant Kriss qui la regardait. Jason, je te parlerai demain, d'accord ? »

Elle se retourna et raccrocha le téléphone, mais quand elle voulut le regarder, Kriss était parti.

Chapitre 3

Madame Tully secoua la tête en sortant de la chambre de Micah, puis referma la porte derrière elle avant de se tourner vers le groupe réuni dans le couloir.

« Il va bien… il dort encore, mais il va bien.

— Alors il va complètement se remettre ? demanda Quinn d'un ton sceptique.

Madame Tully s'interposa entre eux et la porte.

— Je veux dire qu'il a l'air de s'être déjà complètement rétabli. Il semblerait qu'il n'a plus la moindre égratignure.

Elle recula d'un pas et étendit les bras devant la porte en guise de barrière lorsque plusieurs personnes de la famille tentèrent de la dépasser pour aller voir par eux-même.

— Non, dit-elle avec fermeté. Pour le moment, je ne veux pas qu'il soit perturbé. Il dort profondément et cela doit participer à l'accélération de sa guérison. Si vous le réveillez avant qu'il ne le fasse de lui-même, alors vous troublerez la magie qui œuvre sur lui.

— De la magie ? répéta Jewel, ébahie.

Elle commençait à comprendre d'où venait l'expression « On en apprend tous les jours ».

— Magie ou miracle… c'est la même chose, pour moi, répondit Madame Tully en souriant au nouveau membre de la famille couguar.

— Déjà guéri ? dit Steven sans y croire, avant de montrer son bras encore en écharpe. Ça fait toujours un mal de chien et je ne vois aucun signe de guérison nulle part.

— Ce n'est pas le moment d'être jaloux de la bonne fortune de ton frère, répondit Madame Tully en pointant la chambre de Steven. Peut-être que si tu écoutais ton médecin en restant au lit, ta blessure guérirait plus vite.

Steven se retourna pour regarder Jewel.

— Le lit me paraît être une bonne idée.

Jewel écarquilla les yeux et rougit sur une jolie gamme de dix rouges différents, ce qui fit sourire Steven d'un air malicieux.

Madame Tully se contenta de secouer la tête devant les deux jeunes mariés, consciente que l'amour était l'un des plus beaux miracles de guérison au monde. Il se porterait bien dans quelques jours... il serait épuisé, mais en bonne santé.

— Je m'assurerai qu'il ne soit pas dérangé, ajouta Quinn en lançant un regard plein de désir vers sa propre chambre où il avait laissé Kat en plein sommeil.

— Allez, va-t-en, toi aussi », s'impatienta Madame Tully en le chassant.

En espérant qu'il s'écoulerait plusieurs heures avant que l'un des frères ne sorte faire une nouvelle pause. Elle se demanda secrètement qui était l'ange gardien de Micah et où elle pourrait le trouver. Une fois le couloir désert, elle jeta un autre coup d’œil à la porte de Michael avant de se diriger vers la sortie du night-club.

*****

Alicia sentit la main de Damon caresser son épaule nue et elle roula vers lui en voyant l'expression fiévreuse qui embrasait son regard améthyste pendant qu'il la caressait. Il était entièrement habillé... tout vêtu de noir. Les cheveux en bataille, il n'avait jamais été aussi sexy. Elle tendit la main vers lui et plongea les doigts dans les mèches sombres de ses cheveux. Ses lèvres à lui suivirent le mouvement de sa main, pour embrasser la zone sensible de son poignet, avant de sourire d'un air diabolique qui lui dévoila la pointe de ses canines.

Elle prit une profonde inspiration et s'écarta de lui en roulant sur elle-même... pour se retrouver dans les bras de Michael. Alors qu'elle ouvrait la bouche sous la surprise, étourdie, Michael se pencha sur elle pour lui réclamer un baiser, aspirant au passage le souffle ténu qu'elle exhalait. Ses mains s'étaient refermées sur celles d'Alicia et les clouait au lit moelleux, et il se mit au-dessus d'elle pour lui faire l'amour dans un baiser intense et passionné.

Elle sentit une main chaude sur sa cuisse... qui remontait lentement le long de son t-shirt. Elle savait que ce n'était pas Michael, parce que ses mains à lui n'avaient pas bougé. Quand Michael la libéra de son baiser et glissa jusqu'à son cou avec un murmure, elle tourna la tête sur le côté pour tomber nez à nez avec Damon, toujours là... occupé à les regarder avec des yeux troublants et à la caresser si intimement, comme si Michael n'était pas là.

Alors que les doigts de Damon glissaient jusqu'à son sexe, la passion de Michael culmina aussi, ce qui fit ployer Alicia sous lui au moment où elle tendait les hanches vers Damon… désirant lui faire atteindre son but. Au moment où Damon effleurait de bout des doigts ses lèvres du bas, Michael caressa le creux de son oreille de son souffle chaud et Alicia sentit la ronde infernale des spasmes et des picotements tournoyer en elle alors qu'elle jouissait de plus en plus fort.

Bondissant hors du lit, elle cligna des yeux un instant, discernant au début une silhouette qui l'observait des portes du balcon. Alors que sa vision se précisait, l'image s’effaça. Elle s'assit un moment pour tenter de reprendre son souffle après ce rêve, fixant le soleil qui à cette heure était assez haut dans le ciel.

Repliant les bras autour de son corps, Alicia réalisa combien sa peau était brûlante et à quel point elle était sensible au contact de la couverture qui suivait les mouvements de son corps. C'était comme une caresse sur sa peau très réceptive, et cela suscita une brusque réminiscence de son rêve, ce qui eut pour effet de la faire ramper loin de la couverture et de se tenir à côté du lit.

Elle baissa des yeux pleins de reproche sur la couverture innocente, comme si l'objet s'était conduit de façon insensée, avant d'essayer de se raisonner.

Peut-être s'était-elle trompée en pensant être entrée en période de chaleur, et peut-être ne traversait-elle qu'une petite fièvre à cause de ses blessures de l'autre nuit, derrière le Moon Dance, et que cela avait provoqué le rêve érotique. Elle aurait souhaité mieux se mentir. De toute façon, cela n'avait pas d'importance actuellement puisqu'elle avait mieux à faire que de s'y intéresser.

Elle reposa les yeux sur la porte vitrée, se demandant comment elle avait pu dormir autant alors qu'elle n'avait pas encore été rendre visite à Micah. Sortant quelques affaires de sa valise, elle quitta sa chambre en priant pour ne croiser personne, puis traversa le couloir menant à la grande salle de bain qu'elle avait découverte la nuit dernière.

*****

Micah ouvrit les yeux, avec l'impression d'avoir dormi des années entières. Son premier instinct fut de ne pas bouger, conscient que cela serait douloureux s'il le tentait, mais le souvenir de la nuit dernière lui inspira une réaction de type « combattre ou fuir » et avant qu'il ne puisse s'en empêcher, il était déjà assis. Parcourant la pièce des yeux, son regard s'arrêta sur son propre reflet, qui le lui rendit. Il n'avait plus de bandages… et plus de douleurs.

Glissant hors du lit, Micah s'approcha du miroir en se frottant les yeux, croyant halluciner. En tendant une main vers la commode, il heurta une photo dans son cadre, qui chancela et tomba du meuble. Grâce à ses bons réflexes, il rattrapa le cadre avant qu'il n'atteigne le sol et le leva devant ses yeux.

Il contempla la jeune fille qui fixait l'objectif avec des yeux bleus et brillants. Elle ne souriait pas mais cela ne distrayait pas le spectateur de sa beauté. Ses longs cheveux blonds tombaient en cascade autour de son visage mélancolique.

Il percevait la présence des autres autour de lui, mais il ne pouvait penser qu'à la seule personne qu'il voulait voir… Alicia. Et elle se trouvait chez Michael. Il n'était pas certain de savoir comment il le savait, mais il le savait. Michael était celui qui avait fait en sorte que personne ne se souvienne de la présence d'Alicia dans le manoir, la nuit dernière.

Reposant la photo sur la commode, Micah s'habilla en silence puis ouvrit la fenêtre. Atterrissant sur le bitume solide et dur au-dehors, il sentit ses muscles encaisser l'impact avec aisance puis s'immobilisa, curieux de comprendre comment il pouvait se sentir mieux à cet instant qu'avant d'avoir été jeté dans la petite salle des tortures d'Anthony. Décidant qu'il le découvrirait bien assez tôt, il partit dans la direction de la maison de Michael, afin de s'assurer qu'Alicia allait bien.

*****

Michael ouvrit les yeux, ne voyant rien d'autre qu'un ciel bleu, puis cligna des yeux. Il s'était encore endormi sur le toit de l'église. En s'asseyant, il plongea le regard dans la rue qui s'étendait sous lui, juste à temps pour apercevoir Micah qui s'approchait de sa porte d'entrée. Michael se figea. Le couguar marchait avec une grâce furtive que la plupart des animaux-garous ne pourraient que lui envier. Il ferma les yeux et remercia le dieu anonyme qui l'écoutait, avant de sursauter en entendant une voix surgir dans son dos.

« Le spectacle se passe là-bas… pourquoi sommes-nous ici ? » ironisa Kane avec un sourire.

*****

Damon passa une chemise noire sans prendre le temps de la boutonner. Passant sa main dans ses cheveux, il ouvrit la porte de sa chambre et s'appuya contre le chambranle de la porte pour parcourir le couloir des yeux. Il pouvait entendre tous les bruits qu'elle faisait sous le jet d'eau de la douche, mais cela ne l'intriguait pas autant que ceux qui lui avait échappé dans son sommeil quelques instants plus tôt. Il se demanda si elle savait que seul un mur en pierre peu épais séparait leurs deux lits.

Il grogna, interrompu dans ses pensées, quand il entendit quelqu'un toquer à la porte d'entrée au rez-de-chaussée. S'éloignant de sa porte, il se prépara à se débarrasser de l'indésirable aussi vite que possible. Ce ne serait pas la première fois qu'il effraierait quelqu'un qui se taperait l'incruste.

Ouvrant la porte à la volée, Damon haussa un sourcil surpris devant l'inconnu qui se tenait devant lui.

« Quoi ?

— Tu n'es pas Michael, observa Micah en fronçant les sourcils, reconnaissant l'homme qui était en compagnie de sa sœur la nuit dernière.

Il pensait que Michael vivait seul. Voir cet homme devant lui à moitié nu qui lui bloquait l'entrée donna à Micah la tentation de s'assurer que ce dernier ne venait pas de quitter le même lit que sa sœur.

— Oui, et toi non plus, dit Damon d'une voix atone.

Micah sentit la bête en lui pointer son museau.

— Où est Alicia ?

La façon dont l'homme prononça le nom d'Alicia éclaira Damon sur son identité. La nuit dernière, le visage du couguar était enflé, couvert de bleus et ensanglanté… il n'était autre que le rival au nez duquel il s'apprêtait à claquer la porte.

Damon regarda Micah de la tête aux pieds d'un regard critique, se disant qu'il n'avait vraiment pas besoin d'un mal de crâne.

— Elle est indisposée. Reviens demain.

Il essaya de claquer la porte mais l'homme imposant en face de lui fut plus rapide qu'il ne s'y attendait et se retrouva à l'intérieur de la maison le temps que la porte ne se referme.

— Je peux la sentir, gronda Micah qui commençait à éprouver un certain agacement. Alicia ! appela-t-il, dépréciant l'inconnu de minute en minute.

Il savait que ce type faisait partie des gens qui l'avait secouru la nuit d'avant, mais cela ne le mènerait pas très loin s'il ne se décidait pas à lui dire où était Alicia.

Micah se mit à monter les marches mais tout à coup, il retrouva Damon qui le surplombait, posté sur l'une des plus hautes marches, les yeux braqués sur lui. Leurs regards croisèrent le fer, et Micah fut la proie d'un accès de peur qui n'était pas du tout le bienvenu... jusqu'à ce qu'une jeune femme en serviette de bain ne choisisse ce moment pour dévaler l'escalier dans sa direction.

Alicia avait entendu Micah crier son nom et avait ressenti une telle excitation, qu'elle ne prit guère le temps de s'habiller, se contentant de saisir la serviette de bain la plus proche d'elle et de foncer dans la direction de sa voix. Alors qu'elle tournait à l'angle du couloir, ses yeux s'allumèrent en le voyant là devant elle, toujours l'air si… parfait.

« Micah », murmura-t-elle, sentant qu'elle allait fondre en larmes.

Au début, elle ralentit, mais plus elle s'approchait de lui, plus elle accélérait l'allure, jusqu'à lui sauter au cou sans retenue, manquant, dans son élan, de les faire tous les deux tomber dans l'escalier.

Damon se retourna au moment où il vit Micah ouvrir des yeux ronds sur quelque chose qui arrivait derrière lui. Il fut sans voix en la voyant débarquer ainsi, serrant sa serviette autour de son corps… avec ses cheveux trempés qui laissaient tomber des gouttes d'eau sur le parquet. Il croisa les bras et s'adossa au mur derrière lui, son regard sur Alicia qui passait devant lui pour rejoindre l'homme qu'elle aimait.

Damon baissa la tête, de façon à ce que ses cheveux dissimulent ses yeux. Son regard se tinta de colère quand elle bondit sur Micah et le serra dans ses bras, donnant un nouveau sens à l'expression « sauter sur tout ce qui bouge ». Les dieux durent le prendre en pitié puisqu'elle ne passa pas ses jambes autour de la taille de l'heureux élu... bien que voir cette serviette remonter n'aurait pas eu de prix.

Micah enlaça Alicia et la souleva de terre, pour la serrer tendrement contre lui. Il ferma les yeux et la tint ainsi pendant un moment. Le premier détail qu'il remarqua fut que sa peau était plus chaude que la sienne. Il enfouit son visage dans le creux de sa nuque, se demandant pourquoi sa température était si élevée.

Encore un point sur lequel il fallait blâmer Quinn. Il n'avait été absent que deux semaines et leurs frères l'avaient laissée tomber malade. Micah fronça les sourcils, ne se rappelant pas à avoir vu Alicia malade au manoir d'Anthony.

« Aurais-tu de la fièvre ? demanda-t-il en la laissant retomber sur ses pieds.

Il sourit en voyant qu'elle était toujours plus petite que lui, bien qu'elle se tînt sur une marche plus haute, mais alors ses yeux furent attirés par la morsure qui marquait encore son cou. Il fit glisser ses cheveux sur le côté pour mieux voir, mais avant qu'il puisse dire quoi que ce soit, elle le coupa.

— Tu es fou, répliqua-t-elle en essuyant les larmes qui troublaient sa vision. La nuit dernière, j'ai cru que tu étais en train de mourir… et maintenant ? Elle enveloppa sa joue de sa paume, prise d'une folle envie de l'embrasser. Comment peux-tu te tenir devant moi, plus grand que nature ?

La porte d'entrée s'ouvrit et Micah vit arriver par-dessus son épaule Michael et un homme blond, qui les regardaient tous trois.

Alicia se demanda si les dieux avaient décidé de se moquer d'elle lorsqu'elle réalisa seulement à ce moment-là qu'elle était presque nue. D'ordinaire, les métamorphes ne prenaient pas garde à ce genre de détails, autant que les humains, eux, s'en souciaient, mais elle pouvait encore sentir l'effet tenace de son rêve qui ne datait que de quelques minutes.

Croisant le regard de Michael, elle put y surprendre le feu ardent qui y couvait, puis retint son souffle quand il baissa les yeux sur ses seins.

Micah déplaça sa sœur de façon à ce qu'elle soit cachée du regard des hommes en bas des marches, faisant obstacle avec son corps. C'est à ce moment-là qu'il leva les yeux sur Damon, toujours en haut des marches. Son point de vue était bien meilleur que celui de tous les autres, à présent. À sa surprise, Damon n'était pas occupé à dévisager Alicia. Non, il dirigeait un regard courroucé sur les mains de Micah, toujours posées sur sa sœur.

Percevant la menace silencieuse, les pupilles de Micah prirent un éclat doré et se dilatèrent. Il avait le pressentiment de se trouver face à l'auteur de la morsure sur le cou d'Alicia.

Ce qui laissa le temps à Kane de remarquer la position figée de Michael, et d'en déduire que Damon allait commettre un meurtre. Kane réfléchit rapidement à un moyen de briser la glace.

« Alicia chérie… je crois que tu as oublié un détail important à l'étage, lui fit-il remarquer en souriant.

— Je ne vais nulle part, dit Micah sans quitter des yeux Damon. Va t'habiller pendant que je parle à Michael. »

Alicia lui posa un baiser rapide sur la joue avant de remonter l'escalier. Elle faillit manquer une marche en voyant Damon à seulement quelques pas d'elle. Sa chemise était ouverte et son pantalon était zippé, mais pas boutonné, ce qui le faisait tomber dangereusement bas sur ses hanches. Elle sentit ses joues s'enflammer encore plus alors que le rêve revenait la hanter, avec la soudaineté d'une pensée salace qui traverserait un esprit innocent.

Son regard croisa celui, sombre et menaçant, de Damon… où s'y mêlait une tension sexuelle palpable. Elle souhaita l'avoir imaginé, sentant le regard du vampire la suivre quand elle passa à côté de lui pour monter les marches.

Micah n'était pas le seul à avoir observé cet échange entre Alicia et Damon. Kane dut donner un coup de coude dans le dos de Michael pour que ce dernier tourne enfin son attention sur l'homme qui descendait l'escalier. Serrant la main du couguar, il indiqua le salon d'un signe de tête.

« J'imagine que tu as des questions à me poser.

— S'il n'en a pas, alors moi si », annonça Kane, prêt à rajouter de l'huile sur le feu.

Il s'était plaint auparavant d'entendre les pensées des gens, mais il y avait des moments comme celui-ci où il en était fort heureux.

Le plus drôle dans cette histoire, c'était que Damon ne soupçonnait pas du tout que Micah et Alicia étaient frère et sœur… bien qu'il accordait à Damon d'avoir noté le fait qu'elle entretenait un béguin pas si fraternel que ça pour son frère ignorant. Cependant, si le rêve qu'elle avait fait quelques instants auparavant constituait la moindre preuve… il ne serait pas difficile à Michael ou à Damon de lui faire changer d'avis.

Michael s'ébroua, tentant de se sortir de la tête la vision d'Alicia dans sa serviette de bain, afin de mieux se concentrer. Il voulait tout d'abord éclaircir certains points.

— Je ne m'attendais pas à te voir sorti du lit aussi tôt.

Kane entendit les battements du cœur de Michael s'accélérer et s'interrogea. En tentant de lire dans ses pensées, il fut déçu de n'y trouver qu'un silence complet. Super, son petit Michael avait des secrets.

— Moi non plus, répondit Micah en toute sincérité, avant de changer de sujet. Je croyais que tu vivais seul.

Kane leva les yeux au ciel en entendant Michael pousser un soupir de soulagement.

Encore à l'étage, Alicia se précipita dans la salle de bain là où elle avait laissé ses vêtements. Jaugeant d'un regard critique les vêtements qu'elle avait inconsciemment sortis du placard pour les porter, elle décida que ce n'était pas assez bien. Micah avait dit qu'il n'irait nulle part et elle le croyait sur parole, donc elle revint dans sa chambre pour se trouver une tenue plus jolie. Elle finit par se sécher les cheveux et à ajouter une touche de maquillage avant d'être satisfaite de son apparence.

Elle jeta un coup d’œil dans le miroir pour constater que ses joues étaient encore rouges et que ses yeux brillaient un peu trop. Faisant un geste de la main comme pour effacer ces observations, elle prétexta auprès de sa conscience qu'elle était simplement heureuse que son frère soit de retour et que, pour une raison mystérieuse, il ne soit plus blessé.

« Il vaudrait bien mieux que ce ne soit que ça », marmotta Alicia à demi-consciemment, essayant de deviner son premier diagnostic.

Se trouver sous le même toit qu'un groupe d'hommes attirants tout en étant en chaleur était bien la dernière chose dont elle avait besoin. Cela n'arrivait pas souvent, mais si une métamorphe femelle entrait en chaleur sans un mâle, alors la femelle avait deux choix… se barricader à l'écart de toute tentation et serrer les dents en attendant que ça passe, soit collectionner les amants d'un soir jusqu'à ce que ses chaleurs s'arrêtent. Ou du moins, c'est ce que les filles qu'elle avait laissées au pensionnat lui avait raconté.

« De toute façon, se dit Alicia en haussant un sourcil devant son reflet, que je sorte de cette maison est une bonne chose pour tout le monde. »

Rangeant toutes ses affaires dans sa valise, Alicia en conclut qu'elle ferait aussi bien de la descendre au rez-de-chaussée puisqu'elle repartait avec son frère. Sa liberté lui manquerait, mais un sourire tendre lui monta aux lèvres en se disant qu'elle serait auprès de Micah à nouveau. Toujours perdue dans ses pensées, elle quitta la chambre et tourna à l'angle du couloir pour descendre l'escalier, mais à la place elle se cogna à ce qui lui sembla être un mur de briques.

Damon tendit le bras vers Alicia et le passa autour de sa taille, l'attirant à lui pour l'empêcher de tomber dans l'escalier. De mauvaise humeur, il avait prévu cette petite rencontre pour la simple raison de prouver quelque chose… qu'il n'était pas le seul à éprouver cette attirance. Il voulait qu'elle l'admette avant que Micah ne l'emmène loin de lui.

Au moment où il la toucha, il entendit son pouls s'accélérer. Déjà convaincu d'être dans son bon droit, il fit glisser sa main jusque sous la couture de son haut et sur sa peau satinée, pendant qu'il la remettait sur ses pieds. Il devait bien reconnaître que Micah avait raison : elle avait peut-être de la fièvre.

Alicia ouvrit la bouche, haletante, et leva les yeux sur Damon, sentant chaque centimètre du corps de celui-ci pressé contre le sien et en se délectant de ce contact. Il était en colère contre elle… cela se voyait dans ses yeux. Et pourquoi ne le serait-il pas ? Elle avait tenté de le tuer... et en retour, il lui avait sauvé la vie. Elle devait à Damon bien plus qu'une simple dette, et ce n'était pas correct de partir comme ça avec Micah sans lui dire à quel point elle lui était reconnaissante.

Elle serait partie dans quelques minutes et se savoir bientôt seule lui donna le courage nécessaire pour faire ce qu'elle voulait faire. En se hissant sur la pointe des pieds, Alicia posa un doux baiser sur les lèvres de Damon, curieuse de savoir s'il ressentait la même chose qu'elle. Il sentait tellement bon, et sa peau était douce et tiède sous ses lèvres brûlantes.

« Merci, murmura-t-elle en se retirant.

— Pour quoi ? demanda Damon qui sentait qu'elle venait de le déstabiliser.

— Pour m'avoir sauvée encore une fois, répondit-elle en souriant.

Pendant un instant, Damon sentit s'envoler le poids lourd qui lui écrasait la poitrine… jusqu'à ce qu'elle s'apprête à partir et ne gâche tout.

— Et pour avoir contribué à me ramener Micah, ajouta-t-elle.

Alicia ramassa sa valise et allait dépasser Damon, quand à sa grande surprise Damon lui saisit les avant-bras et la poussa contre un mur pour l'y clouer. Il se pencha sur elle, distant d'un seul centimètre, et elle vit qu'il baissait ses cils noirs sur ses lèvres.

— Si c'est une récompense que tu me donnes, alors corsons un peu les choses. »

Damon pressa ses lèvres sur celles d'Alicia, lui montrant toute la différence entre le baiser qu'elle venait de lui donner et celui qu'il voulait qu'elle lui donne. Il s'assurait ainsi qu'elle ne se souviendrait que de celui-là pour les nuits à venir.

Damon s'attendait à ce qu'elle le repousse, ou qu'elle se débatte pour se libérer de son étreinte. Quand elle ne fit ni l'un ni l'autre, il approfondit son baiser en penchant la tête encore plus vers elle. À son grand étonnement, elle répondait à son baiser avec la même passion.

Ayant l'impression qu'elle lui retournait sa petite punition, il mit fin au baiser tout aussi vite qu'il l'avait commencé et s'écarta d'elle... pour prendre lui-même cette satanée valise, cette fois-ci. En se retournant, il descendit deux marches à la fois, l'abandonnant sur place dans une hébétude totale.

Il fallut un moment à Alicia pour réapprendre comment respirer. Elle n'avait pas été capable de se retenir quand il l'avait embrassée avec tant de fougue… elle en voulait plus. Elle en voulait encore plus. Merde. Qu'est-ce qui donnait le droit à Damon de l'exciter comme ça puis de la planter là ensuite ? Se frottant les tempes, elle lui accorda le bénéfice du doute. Si elle était en chaleur... est-ce qu'un vampire pouvait le sentir ?

« Non », dit-elle en réponse à sa propre question.

C'était un truc de métamorphe, ça. Elle en était certaine.

Damon était déjà arrivé dans le salon, se détendant sur le sofa à côté de Michael, quand Alicia prit son courage à deux mains pour descendre les rejoindre. Ou du moins il avait l'air détendu... non pas qu'elle le dévisageait. Elle détourna le regard quand il lui fit ce fichu sourire, puis tourna son attention sur Micah alors assis dans une grande causeuse confortable. Il était penché vers l'avant, en pleine conversation avec Michael.

Micah leva les yeux alors qu'Alicia s'avançait dans la pièce.

« Alors comme ça, j'ai entendu dire que tu avais adopté des missions suicides comme passe-temps. Tu sais, je n'était parti que pour deux semaines.

Il tapota le coussin à côté de lui et passa son bras autour des épaules d'Alicia quand elle s'y assit. Après ce que Michael venait de lui dire, il se demandait lequel d'eux deux s'était le plus exposé au danger... lui, ou Alicia.

Alicia acquiesça tout en tentant de ne pas croiser le regard de Damon. Elle s'approcha de Michael et sentit des papillons voleter dans son ventre. Elle prit enfin une décision : des trois vampires, Kane était le plus sûr… bien qu'elle doutait fortement que quiconque partage cet avis.

— Je dois vous remercier tous les trois.

Elle essaya de ne pas flancher lorsqu'elle sentit le regard furieux de Damon se poser sur elle. Se sentant un brin rancunière, elle lui sourit lentement pour lui laisser entendre qu'elle ne se laisserait pas intimider. Elle comprit vite qui remporterait ce petit duel de regards et finit par reporter son attention sur ce que disait Michael à son frère.

— La ville est dangereuse en ce moment, souligna Damon.

Il l'avait sauvée trois fois, alors qu'elle ne se souvenait que de deux. En ajoutant les secours de Michael et de Kane à la liste, il faudrait compter cinq morts d'évitées ces deux dernières semaines. Soudain, il se dit que ce n'était pas très sûr pour elle de les quitter.

— Je suis d'accord, répondit Micah dans un haussement d'épaules, en sentant que Damon était d'humeur à jouer les protecteurs.

Michael lui avait appris que Damon était son frère et qu'il était venu offrir son aide. Lorsque Micah l'avait questionné au sujet de la morsure qui marquait le cou d'Alicia, Michael lui avait confirmé qu'elle l'avait reçue en se faisant attaquer derrière le Moon Dance. Cela ne signifiait pas qu'il faisait déjà confiance à Damon. Quelque chose dans son sang lui disait que le vampire représentait un danger.

Resserrant son bras autour des épaules d'Alicia et espérant qu'il prenait la bonne décision, Micah redirigea son attention sur le maître de la maison.

— Et c'est pourquoi j'espère qu'Alicia pourra rester chez vous, les gars, pendant encore quelque temps. À l'heure actuelle, c'est l'endroit le plus sûr pour elle.

Il était merveilleux de constater comment une simple requête pouvait changer l’atmosphère de toute une pièce.

— Quoi ? fit Alicia, qui bondit loin de lui.

Comment expliquer à son frère que c'était peut-être cette maison qui à l'heure actuelle représentait l'endroit le moins sûr au monde pour elle... et cette ville encore moins ?

Damon haussa un sourcil en espérant qu'il s'apprêtait à assister à une horrible rupture. C'était un crétin, de toute manière. Quel homme sain d'esprit laisserait sa copine dans une maison pleine de mecs ? Ouais, il serait ravi de jeter cet abruti par la porte… ou par la fenêtre. Ce qui serait le plus commode… ou le plus à portée de main.

Sentant qu'elle s'était brusquement écartée de lui, Micah tendit le bras vers elle et lui prit les épaules, afin qu'elle se tourne face à lui.

— Alicia, tu sais que je t'aime de tout mon cœur, mais réfléchis un peu.

Il ignora le grognement qui venait du sofa.

— Nous venons d'attaquer les loups-garous et avons tué leur alpha. Celui qui sera assez stupide pour nous chercher vengeance viendra s'en prendre à notre famille. De plus, Michael me dit que tu as déjà été attaquée par des monstres.

Alicia envoya un regard fugace à Michael signifiant « merci beaucoup », avant de le tourner vers Kane qui ouvrit sa grande bouche :

— Tu sembles être un aimant à vampires sans âme, intervint Kane en réprimant un éclat de rire en voyant que Damon était en train de dénombrer les nombreuses façons dont il pourrait tuer Micah sans que personne ne le sache. Le pauvre couguar ne se rendait pas compte sur quel terrain miné il avançait. Sachant que Damon le ferait, il décida de lâcher la bombe.

— Tu as peut-être envie d'écouter ton frère, sur ce coup-là.

Alicia répondit à Kane par un grognement puis prit le temps de lancer un regard menaçant à Damon, le mettant au défi d'ajouter son grain de sel. Lorsque ce dernier lui renvoya un sourire insidieux presque diabolique, elle sut qu'il pourrait lui damer le pion sans problème. Elle se tourna immédiatement vers Micah, ne laissant pas à Damon suffisamment de temps pour lui riposter quelque chose.

— Si nous courons un tel danger, alors peut-être que nous devrions simplement partir ensemble et de ne dire à personne où nous allons.

Micah regarda Alicia en fronçant les sourcils, resserrant son étreinte sur ses bras pendant un instant, comprenant que quelque chose lui échappait dans cette conversation. Il chercha son regard et remarqua une fois de plus ses yeux qui brillaient de façon anormalement intense. En la relâchant, il posa le dos de sa main sur le front de la jeune fille, les yeux étrécis d'inquiétude.

Alicia repoussa sa main, se sentant vaincue et perdue dans ce monde rempli d'ennuis. Insinuer qu'il refusait d'affronter une situation était bien la dernière chose qu'elle souhaitait faire. C'était quelque chose que Micah ne ferait jamais et ils le savaient tous les deux. S'il découvrait pourquoi elle était si… chaude, alors elle serait chanceuse de voir ne serait-ce que la lumière du jour pendant des mois.

— Je resterai à une condition, concéda-t-elle.

— Laquelle ? demanda Micah en haussant un sourcil.

— Au Night Light, Quinn me collait aux basques des gardiens au point que j'ai dû me déguiser pour quitter le night-club sans être suivie. Si je reste ici, alors je vais et viens à ma guise… pas de baby-sitters. Elle ajouta d'une voix plus ferme : Je ne suis pas un bébé.

— Non, en effet, répondit Micah en baissant les yeux sur elle, un sourire malicieux au coin des lèvres, avant de tourner son regard vers Michael pour avoir confirmation.

— Accordé, approuva Michael. Si c'est la liberté qu'elle veut, alors elle l'aura aussi longtemps qu'elle vivra ici.

Damon resta muet parce qu'il n'était pas pour le fait de lâcher la bride à la jeune femme, mais personne ne devait avoir vent de ce détail. Il respira calmement, laissant ses muscles se détendre maintenant qu'elle ne partait plus et que le meurtre ne figurait plus sur la liste des faits à envisager. Son frère... Micah était juste son putain de frère.

Le portable de Michael vibra avec l'arrivée d'un texto. Après l'avoir lu, il leva les yeux vers Micah.

— On dirait que ta sœur n'est pas la seule reine de l'évasion parmi nous. »

Chapitre 4

La ruelle s'obscurcit un peu plus que le reste de la ville sur le passage de Misery, qui voulait examiner la fissure dans le mur dimensionnel qu'elle avait créée avec le sang de Kane. Elle aimait le fait que les humains ne puissent le voir, bien qu'elle fût sûre que certains parmi eux, dotés d'un sixième sens, éviteraient spontanément cette ruelle.

Laissant les ténèbres exploser autour d'elle, elle s'avança sous l'apparence de l'enfant qu'elle utilisait souvent, pour s'agenouiller à côté de l'ouverture. Elle n'osait pas la toucher par peur de se faire aspirer de l'autre côté, mais elle sentait à présent les démons se rassembler de l'autre côté. Ces démons pouvaient voir la fissure dans le mur dimensionnel et c'était là toute la finalité de sa création. Misery laissa suinter de son corps un peu du mal qu'elle portait en elle, sous la forme de tourbillons de fumée noire, et émit un ricanement en les regardant s'infiltrer dans la fissure.

Quelques instants après, la même chose se répéta mais cette fois-ci dans l'autre sens. Misery arqua le dos et ses yeux devinrent rouge sang lorsque les ténèbres fumantes et tournoyantes pénétrèrent dans son corps et son aura. De l'autre côté, ils attendraient que Misery leur fasse signe... puis ils attaqueraient le plus férocement possible de l'autre monde.

L'expression de Misery se fit malveillante. Elle s'était montrée prudente jusqu'à maintenant... sentant le déchu au sang pur traquer ses moindres mouvements. Pour l'heure, ce n'était pas le moment de se montrer imprudent, mais elle avait besoin de l'énergie nécessaire pour ouvrir le portail. Lentement, son expression se fit haineuse quand elle sentit une présence derrière elle.

Explosant en une nuée ténébreuse, elle prit sans tarder une nouvelle enveloppe en se collant, cadavre pourrissant, au démon qui l'épiait.

« Misery va te regarder de plus près, mon mignon.

Zeb ne flancha pas quand le bras décomposé de son adversaire resserra sa prise autour de son cou, et il baissa soudain les yeux sur la fissure.

— Bannirais-tu Zeb pour avoir offert son aide ? répondit-il, ses lèvres charnues se tordant en un rictus méprisant. Je sens une telle faim en toi. De quoi Misery a-t-elle si faim ?

— J'ai tout ce qu'il me faut avec les humains… pourquoi aurais-je besoin de ton aide à ce propos ?

Misery passa une main sur la tête aux cheveux clairsemés du petit homme gras, puis le relâcha pour enserrer aussitôt son corps bouffi.

— Pourquoi ne pas aller voir par toi-même ?

Zeb avait à peine fini de formuler l'invitation que les doigts osseux de Misery se frayèrent un chemin à travers la chair sous laquelle il se cachait.

Misery pouvait sentir la présence du démon sous l'enveloppe de chair humaine et sourit d'un air sadique en lisant dans son âme. Ce démon avait rôdé dans la ville très longtemps et s'était montré assez avisé pour faire profil bas. Elle sentait sa peur du déchu qui vivait là, et sa peur des autres créatures dont elle ne savait rien.

Zeb était un démon faible, inutile à la guerre. Il serait facile à éliminer, mais Misery pouvait détecter ses autres pouvoirs… des pouvoirs qu'elle exploiterait pour atteindre son but.

Ce démon pouvait détecter l'avidité chez un être humain et la magnifier dans des proportions délicieusement démoniaques. Elle vit certaines choses que Zeb avait faites récemment en fouillant dans ses souvenirs. Comme ce mari jaloux perdant son calme et tuant sa femme... cet employé en colère ramenant une arme avec lui sur son lieu de travail pour se venger... cet homme désespéré dévalisant une banque et se faisant tirer dessus alors qu'il passait la porte.

Zeb pouvait pousser n'importe quel affamé à manger, jusqu'à ce que son ventre éclate, ou rendre suicidaire un dépressif. Il pouvait aller encore plus loin comme de pousser un drogué ou un alcoolique à faire une overdose avec le poison de son choix... les poussant tous à perdre le contrôle de leurs désirs. Zeb rendait toutes ces personnes avides de leurs obsessions, les faisait tomber dans l'abîme de leurs secrets les plus sombres, et Misery pouvait se nourrir du mal qui en résultait.

« Misery t'utilisera, siffla-t-elle en retirant sa main de sous la chair de ce subalterne.

— Je sais », répondit Zeb dans un sourire, alors que le sang jaillissant de son corps le réintégra aussitôt sous forme d'une cascade s'écoulant à l'envers... et scellant la blessure.

S'il avait été humain, il aurait été un genre d'homme d'affaires. C'était en passant des marchés avec d'autres démons qu'il avait survécu si longtemps. S'il se ralliait à Misery et la nourrissait du pouvoir qu'elle désirait acquérir pour amener plus de démons au sein de la ville, il ne se ferait pas autant remarquer par le déchu.

*****

Chad contemplait la scène de crime avec horreur en maintenant son arme braquée sur l'homme qui était déjà menotté et emmené hors de la salle d'opérations. Le département de la police l'avait appelé parce que c'était la troisième fois qu'ils trouvaient quelque chose d'aussi étrange. Qu'est-ce qui pousserait un homme à commettre un tel acte ? C'était un médecin, bon sang … censé sauver des vies, et non les prendre.

« Je voulais juste voir à quoi cela ressemblerait, hurlait le médecin qui se débattait pour regarder encore son œuvre avant d'être emmené. Elle est parfaite, maintenant. »

Chad sentit la nausée monter et dut détourner les yeux du spectacle. Sur la table d'opération gisait le chef d’œuvre de l'homme fou. Il avait choisi une femme âgée et alitée dont le corps avait été abattu, et avait remplacé ses entrailles… par le cerveau, et les parties du corps d'une jeune femme qui avait été emmenée en salle d'urgence pour une otalgie, seulement deux heures auparavant.

Entendant une femme haleter dans son dos, Chad tourna la tête pour voir Angelica, Zachary et Trevor entrer dans la pièce, l'air préoccupé.

« J'allais justement t'appeler.

Trevor secoua la tête.

— Angelica a suivi notre démon toute la journée et nous nous sommes déjà rendus sur vos autres scènes de crime.

Angelica baissa les yeux sur la jeune femme qui avait été jetée au sol comme une poupée de chiffon vidée de sa mousse. Ils s'étaient trouvés à un pas derrière Misery et elle avait senti la puissance du démon grandir, mais ce qui la perturbait le plus était que même si Misery aurait pu s'en nourrir... elle n'avait pas pu provoquer cette fin horrible.

— Il est difficile de croire qu'un seul démon puisse causer un tel chaos, dit Trevor en restant le dos tourné à la scène de carnage.

Il ne s'était jamais occupé d'affaires impliquant des démons, et il souhaitait de tout son cœur que cette affaire-là ne différerait pas de son lot quotidien. D'une certaine façon, il se sentait désolé pour la perte de ce bon médecin, qui s'était sûrement trouvé au mauvais endroit au mauvais moment.

— Il n'y a pas qu'un seul démon, expliqua Angelica qui tentait d'ignorer les sueurs froides qui descendaient le long de sa colonne vertébrale. Et je crains que ce ne soit qu'un début. »

Zachary sortit son téléphone et quitta la pièce. Tout en composant le numéro de Storm, il patienta jusqu'à ce que l'appel fut redirigé vers le système de messagerie de l'E.E.P. Ce n'était pas la première fois qu'il laissait un message pour Storm aujourd’hui. Ce qui l'ennuyait le plus, c'était que d'ordinaire, leur patron impavide savait ce qu'il voulait avant d'appeler et se montrait souvent avant même qu'il n'ait fini de composer son numéro.

*****

Micah avait passé ces deux dernières heures dans le bureau de Warren à être mis au fait de tout ce qu'il avait manqué. Cela faisait beaucoup de choses à assimiler, mais le fait que leurs familles soient de nouveau réunies l'enchantait. Son regard glissa sur Quinn et Kat, comprenant qu'ils étaient maintenant unis.

« C'est bon de tous se retrouver, lança Quinn, devant le silence de Micah.

Micah se massa la tempe, curieux de savoir s'ils avaient tous complètement oublié l'existence d'Alicia. À sa grande surprise, ce fut le nouveau membre de leur famille qui la mentionna.

— Où est Alicia ? demanda Jewel à Steven, s'interrogeant sur la raison de son absence.

— Elle passe quelques jours chez une amie de son pensionnat, répondit Quinn avant d'ajouter : Ce serait peut-être mieux si nous lui trouvions une université où l'envoyer un moment.

Michael nota que les jointures de Micah blanchissaient en agrippant l'accoudoir du fauteuil dans lequel il était assis. Honnêtement, il comprenait tout à fait la colère de Micah. S'ils n'avaient pas passé tout ce temps à éloigner Alicia à bout de bras, peut-être qu'elle ne se serait pas attiré autant d'ennuis en tentant de faire les choses par elle-même.

— J'ai déjà discuté avec Alicia, répondit Micah en lançant un regard noir à son frère. Elle a passé des années à souhaiter rentrer à la maison, et la dernière chose dont elle a envie en ce moment est que nous lui disions qu'elle n'est pas la bienvenue ici. Elle en a eu plus que sa part, du vivant de Nathaniel.

— Ce n'est pas ce que je veux dire, et tu le sais, grogna Quinn pour se défendre. Elle a à peine dix-huit ans. Penses-tu réellement que le Night Light est l'endroit idéal pour sa sécurité, avec les ennuis qu'on se coltine en ce moment ?

— Non, et c'est pourquoi je l'ai déjà envoyée vivre chez Michael, répliqua Micah avec un sourire, qui savait que personne ne contrerait son raisonnement. Ainsi, elle sera toujours là et fera toujours partie de la famille, sans se trouver dans la ligne de mire de ce qui nous menace, heureusement. »

Le portable d'Envy choisit cet instant pour sonner, au grand soulagement de nombreuses personnes du groupe réuni dans la pièce. Elle s'en saisit immédiatement, essayant d'arrêter la musique qu'elle avait choisie pour reconnaître les appels de Chad. Elle donna un coup de coude dans les côtes de Devon qui fredonnait l'air en question.

« Je me suis battu contre la loi et la loi a gagné.

— Chad, dit-elle avec un petit sourire, pile à l'heure, comme d'habitude.

— Tu ne diras peut-être pas ça quand je t'expliquerai la raison de mon appel, rétorqua Chad en se passant la main dans les cheveux. Ç’a été une putain de journée.

Envy leva la main pour imposer silence à Devon et à l'espèce de karaoké affreux qu'il entamait.

— Qu'est-ce qui ne va pas ?

— J'entends Devon à l'arrière-plan. Mets le portable sur haut-parleur, soupira Chad.

Envy activa le haut-parleur.

— D'accord, mais il n'y a pas seulement Devon, toute la bande est là.

— Bien, répondit Chad, avant de leur faire un résumé des nouvelles du jour.

Une fois qu'il eut terminé, il ajouta :

— Trevor a ramené une experte en démons et elle veut parler à Dean au sujet du démon qui nous occupe, si tu peux lui passer le message. Je pensais aussi que peut-être tu pourrais mettre la main sur Kriss et voir ce que tu peux en retirer.

— Je le ferai, approuva Envy. Et, Chad… sois prudent.

La voix de Chad changea alors qu'il se rappelait un détail.

— Eh, Devon.

— Ouais ? répondit Devon, intrigué.

— Si tu laisses encore une fois ma sœur se faire tirer dessus, je te jure que je vais… »

Envy écarquilla les yeux et coupa aussitôt la communication, réduisant au silence la voix de son frère.

« D'a…ccord », fit Devon avec un sourire mitigé en entendant quelques rires étouffés autour de lui.

« Je ne veux pas dévier du sujet concernant Devon qui se fait sermonner, intervint Warren en secouant la tête, mais je vous annonce que j'embauche plus de métamorphes ici, au Moon Dance, et que Quinn est d'accord pour faire de même au Night Light. Maintenant que nous avons décapité le loup-garou alpha de la meute… et la tête de la mafia…

— Nous devons nous tenir prêts à remettre les deux à leur place, acheva Nick à sa place.

Le portable de Quinn sonna à son tour et il fit un petit sourire ironique à Devon.

— Bon, au moins tous les parents de Kat sont à deux pas les uns des autres.

En jetant un œil au nom de l'appelant, il nota que l'appel provenait du couguar qu'il avait engagé. Harley pouvait se charger de tout en son absence, alors il savait que c'était forcément important.

Levant une main pour imposer le silence à la bande, il répondit :

« Ouais Harley, qu'est-ce qu'il se passe ?

— Quinn, à moins que tu n'aies commandé un couguar mort à la place des cocktails que nous servons d'habitude, nous avons un problème. »

*****

Boris avait passé la matinée avec l'avocat d'Anthony à finir de remplir la paperasse qui faisait de lui le nouveau directeur d'un des plus bars les plus importants de la ville… le Love Bites. Quant au nouveau propriétaire… ils avaient tous deux décidé que le membre de la famille d'Anthony le plus proche serait la solution la plus avisée pour aller de l'avant, légalement et en toute logique. Titus Valachi était le plus fort et le plus impartial des loups que Boris ait jamais rencontré. Il avait haï son oncle et refusé de faire quoi que ce soit en rapport avec la mafia.

Boris sourit, conscient qu'il venait d'aider l'avocat à placer les avoirs au nom de Titus et hors d'atteinte de la moitié de la meute, sans que Titus ne le sache. Maintenant, tout ce qu'ils avaient à faire était de convaincre Titus de devenir le nouvel alpha avant que Lucca n'ait l'opportunité de revendiquer ce titre.

Quant au Love Bites, le précédent propriétaire avait cédé le night-club à Anthony seulement quelques semaines auparavant, et puisque l'avocat d'Anthony faisait partie de la meute, il prenait soin d'une bonne partie de la paperasse aussi efficacement que possible, au cas où les fédéraux gèleraient tous les avoirs d'Anthony.

Nombreux étaient les membres du clan à avoir travaillé pour Anthony, d'une façon ou d'une autre, mais depuis la mort de l'alpha, nombreux étaient les loups-garous à se retrouver sans travail. Ceux qui manquaient d'occupations n'apportaient jamais rien de constructif, et Boris entendait déjà parler de projets de vengeance contre les couguars, pour venger le meurtre d'Anthony.

La majorité des loups traînaient avec Lucca Romano, le protégé d'Anthony sur bien des aspects. C'était des loups qu'il ne voulait pas voir rôder dans les parages.

Lucca était fort. Anthony l'avait deviné, et avait accaparé Lucca sur une grande part des affaires de la mafia. C'était un premier dessein, et comme Anthony ne faisait pas totalement confiance à Lucca, il avait décidé de le garder près de lui et de le laisser à la tête d'une section en lien avec la mafia, qui le garderait assez occupé pour ne pas tenter de le renverser. Il y avait un problème… si Titus ne se mettait pas bientôt en avant, Lucca le ferait.

Gardant cela à l'esprit, Boris s'était montré exigeant dans son choix de certains loups de la meute pour aider à diriger le Love Bites. C'était une évolution, après avoir passé l'essentiel de son temps à punir quiconque avait contrarié Anthony dans la journée. Mais après tout, c'était bien ce qu'il était… l'homme qui distribuait les sanctions. Il fallait être le bras droit de l'alpha pour intégrer cette fonction, et la plupart des loups lui obéissaient sans trop réfléchir. Maintenant, il était le bras droit de Titus et c'était un endroit où il voulait rester.

Promenant son regard sur le bar, il écouta certains loups-garous s'amuser de la décoration gothique de l'endroit, mais Boris souligna le fait que le milieu Goth en ville était rempli à craquer de fils à papa amateurs du style vampirique et fétichiste que l'on voyait dans les films, et qu'ils étaient bourrés de fric. Ce qui sembla retenir leur attention. Ouais, c'était toujours pareil avec les loups... l'argent était le plus important.

Percevant la force d'un mâle alpha qui entrait dans le bar, Boris dirigea son regard vers les portes de son poste, à travers la vitre du bureau. Il sourit en reconnaissant Titus qui s'arrêta une fois passé les portes pour regarder autour de lui. Il devait admettre que l'endroit était un peu surprenant pour quelqu'un qui n'y était jamais entré. Il fut surpris que Titus soit arrivé aussi vite. Il était encore à Malte quand il l'avait appelé aux premières heures du jour.

Incandescence

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