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Chapitre 2

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Tabatha entra dans le Silk Stalkings et regarda autour d'elle. Elle cherchait Kriss... et espérait l'y trouver. Il avait disparu depuis quelques jours et n'avait même pas appelé... et il l'avait évitée encore plus longtemps que ça. Il lui manquait et elle commençait à s'inquiéter. S'il était parti pendant un certain temps par le passé, il l'avait toujours appelée pour lui dire qu'il allait bien.

Le simple fait de le voir lui enlèverait cette peur tenace que Misery l'ait mangé ou enfermé dans une cave quelque part.

Une fois assise à l'une des tables hautes, elle ne quitta pas la scène des yeux, avec l'espoir que Kriss y apparaîtrait pour faire sa performance. Ce ne fut que presque une heure plus tard qu'elle réalisa l'heure et comprit que Kriss serait déjà monté sur scène à l'heure qu'il était. Un serveur passa à côté d'elle et elle lui toucha le bras pour retenir son attention.

« Avez-vous besoin de quelque chose, Mademoiselle ? demanda-t-il.

Tabatha sourit.

— J'espérais que vous pourriez m'aider. Je cherche Kriss Reed. Pouvez-vous me dire à quelle heure il passera ?

Le serveur soupira et secoua la tête.

— Vous êtes la sixième demoiselle à me demander où il est, cette semaine. Malheureusement, il a arrêté de travailler ici depuis un moment, et personne ne l'a revu depuis.

Tabatha reçut la nouvelle comme un coup en plein visage. Un sentiment de désespoir la prit au ventre et elle baissa la tête pour cacher les larmes qui montaient... elle avait perdu son meilleur ami.

— Vous allez bien ? s'inquiéta le serveur à voix basse.

Tabatha leva les yeux vers lui et sourit, séchant ce qui menaçait de ruiner son mascara.

— Ouais, ça va. Mais pourriez-vous me servir un Malibu à l'ananas ?

Le serveur la regarda d'un air interrogateur avant de pousser un soupir et de retourner au bar. Il avait reconnu Tabatha comme étant l'une des plus proches amies de Kriss et en déduisit que ce dernier avait quitté la ville sans la prévenir. C'était tellement dommage... elle semblait être une gentille fille et le départ de Kriss l'avait de toute évidence blessée.

Tabatha sortit son poudrier de sa pochette avec ostentation et vérifia son maquillage. Il était parti sans même dire au revoir... il lui avait promis qu'il ne la quitterait jamais, quand ils étaient partis en Floride avec Devon et Envy. Ils s'étaient même rapprochés depuis son enlèvement... ils avaient été si proches.

— Et voilà, annonça le serveur en posant le verre devant la jeune femme.

Tabatha abaissa son poudrier et leva un visage souriant vers lui.

— Allez-y et commencez à faire l'addition... je vais rester ici un moment.

Le serveur acquiesça et passa entre les tables pour s'assurer que tout se passait bien chez ses autres clients, vérifiant de temps à autre que la nouvelle arrivée ne s'oubliait pas dans l'alcool.

Tabatha vida rapidement son verre et le reposa sur la table. Pourquoi s’inquiétait-elle, d'ailleurs ? Kriss était un ange déchu... il avait mieux à faire que de s'occuper des mortels... et encore moins de ceux qui étaient ses amis. Seigneur, ce qu'elle détestait être d'humeur boudeuse et colérique en même temps... cela la perturbait.

Une nouveau verre fut posé devant elle et elle le but tout aussi rapidement. Environ six verres plus tard, elle était de bonne humeur et pompette. En parcourant la scène du regard, elle fit la moue à la vue d'un nouveau danseur qui arriva sur la scène avec un string argenté et des ailes. Elle se demanda où était passé son Gourou attitré, sur l'épaule de qui elle aimait pleurer quand elle en avait besoin, et plissa les yeux sur le danseur, le détestant pour se moquer inconsciemment d'elle.

— Un dernier avant que je m'en aille ? lança-t-elle au serveur qui restait près d'elle depuis son arrivée.

Le serveur lui fit un doux sourire et secoua la tête.

— Je crois que vous avez assez bu. Voulez-vous que j'appelle un taxi ?

— Non, répondit Tabatha en se relevant et en attrapant son sac. Je veux que vous disiez à Kriss qu'il m'appelle, s'il se souvient de qui sont ses amis.

Bien sûr, elle ne le pensait pas, mais sur le moment elle était tellement en colère contre Kriss... blessée qu'il n'ait pas pris assez en compte leur amitié pour au moins l'avertir de son départ... ou de son enlèvement. En ouvrant son sac, elle sortit son porte-monnaie et essaya de payer les verres qu'elle avait bus mais le serveur secoua de nouveau la tête.

— Votre addition a déjà été payée, dit-il. Maintenant, rentrez chez vous et reposez-vous... je suis sûr qu'il vous rappellera bientôt.

Tabatha sortit ses clefs de voiture de son sac et les laissa tomber par terre.

— Merde ! siffla-t-elle, car elle voulait s'en aller avant de faire quelque chose de stupide, comme par exemple de pleurer en public.

Elle se baissa pour les ramasser, mais une main sortie de nulle part se referma dessus et s'en empara. Le regard de Tabatha remonta de la main jusqu'au bras, puis du bras jusqu'à l'épaule de l'inconnu. Elle écarquilla les yeux quand son regard s'arrêta sur le beau visage de Kane.

— Allez viens, ma belle, dit-il en voyant la façon dont les lumières explosaient comme du verre brisé dans ses yeux au bleu clair. Elle était sur le point d'éclater en sanglots. Il n'était pas le seul à être d'humeur morose ce soir-là, semblait-il. Laisse-moi te ramener chez toi, proposa-t-il.

La lèvre inférieure de Tabatha se mit à trembler alors qu'elle levait les yeux vers lui et elle se laissa aller contre son bras en sentant la force qu'il possédait. Son harceleur grandeur nature était venu pour elle, et pour une fois... elle en était heureuse.

Kane fit un signe de tête au serveur par-dessus celle de Tabatha et la fit sortir du night-club. Il jura intérieurement, car il savait pourquoi elle avait choisi d'entrer dans celui-ci. Elle voulait retrouver cet enfoiré d'ange déchu qui se cachait d'elle.

Kriss se fichait-il de savoir ce que sa négligence avait comme conséquences sur Tabatha ? ou bien s'était-il ajouté à la liste des ennemis potentiels de Tabatha en abandonnant son titre de meilleur ami ? Kane passa un bras autour des épaules de la jeune femme et resserra son autre bras autour d'elle quand elle faillit tomber de ses hauts talons.

— Est-ce que tu l'as vu ? l'interrogea Tabatha en levant les yeux sur le visage de Kane.

Kane secoua tristement la tête.

— Non, je ne l'ai pas vu.

Il se retint de lui dire que la dernière fois qu'il s'était cogné à Dean, il portait sur lui l'odeur de Kriss... le déchu se portait bien.

— Il est parti, enchaîna Tabatha en séchant d'un geste enfantin la larme qui avait réussi à lui échapper. Et si Misery l'avait mangé ?

Kane essaya de ne pas éclater de rire devant sa question, due à son état d'ébriété mais aussi à sa sincérité.

— Misery trouve que le déchu a un goût répugnant, dit-il en répétant les propres mots de Misery.

— Alors pourquoi n'a-t-il pas dit au revoir ? insista Tabatha, les yeux baissés alors qu'ils marchaient vers la voiture.

Kane ne répondit pas alors qu'il aidait Tabatha à s'installer dans son véhicule et contournait le véhicule pour prendre la place du chauffeur. Se déchaînèrent dans son esprit des images de lui-même en train d'arracher ses douces ailes satinées du dos de Kriss, mais Kane les ignora. La vengeance pouvait attendre... pour le moment, il devait ramener son ange gardien personnel sain et sauf à son appartement avant que la porte tournante de son esprit ne s'ouvre sur le retour de son mauvais penchant.

Tabatha resta silencieuse pendant le trajet, le bleu des lumières du tableau de bord éclaboussant d'une douce lueur l'intérieur de la voiture, comme pour autoriser la jeune femme à regarder celui qui conduisait. Elle n'avait jamais vraiment été du genre à refuser un défi et, bien qu'elle tenait l'alcool mieux que personne... les verres l'aidaient à effacer une peur bien enracinée.

Elle tourna lentement la tête et regarda franchement Kane dans les yeux.

— Pourquoi Misery a dit que je t'appartenais ?

Kane tourna aussitôt la tête vers son interlocutrice pour lui lancer un regard dur. Elle n'était pas censée se rappeler l'épisode de cette nuit-là... il l'avait retiré de ses souvenirs. Comment diable pouvait-elle se rappeler de quelque chose qu'elle était supposée avoir oublié ? Après avoir observé le reflet des phares sur son visage, il reposa les yeux sur la route et fit une embardée juste à temps pour éviter de rentrer dans une voiture qui arrivait en face.

Elle agrippa la poignée de la portière dans un mouvement instinctif quand elle observa la réaction du vampire à sa question, mais finit par changer d'avis. Elle n'était pas assez saoule pour se jeter d'une voiture en marche. Le frisson de peur qui remontait le long de son échine ne fit qu'abaisser son courage au niveau de la stupidité.

— Décide-toi, répliqua Tabatha avec un grand sourire, avant de se reprendre et d'éprouver l'envie de se donner des baffes.

« Merde, pensa-t-elle. C'est ça imbécile, vas-y, énerve le gars aux dents pointues. »

— Tu te souviens de cette nuit-là ? demanda Kane avant de pouvoir s'en empêcher.

— Et alors ? rétorqua-t-elle avant de hausser les épaules. Grande nouvelle, je me souviens. Bon ... l'essentiel, en fait. Peut-être n'es-tu pas aussi doué pour hypnotiser les gens que tu le crois.

— Peut-être que la prochaine fois je ne serai pas aussi gentil, l'avertit Kane, avant de constater qu'elle frissonnait à ces paroles sinistres.

Tabatha plissa les yeux devant l'expression stoïque que le vampire affichait. Comment osait-il insinuer qu'elle bluffait ?

— Bon, avant que tu n'essaies de me laver le cerveau encore une fois, et si tu me donnais la réponse à la devinette de Misery ? interrogea-t-elle en croisant les bras, consciente qu'elle reportait sur Kane sa colère causée par l'abandon de Kriss... une fois encore, peut-être que Kane le méritait.

Pour elle, c'était Kane qui avait mangé Kriss.

— Soit tu m'expliques ce qu'elle a insinué, soit je jure de porter autour du cou un gros cœur de vache bien juteux pour attirer Misery et lui poser moi-même la question.

Elle lâcha un hoquet de surprise et se retint rapidement au tableau de bord quand Kane braqua brusquement, faisant une embardée jusque de l'autre côté de la route, sur le bord du trottoir. Il pila et glissa sur le remblai, faisant faire à la voiture un 180 ° complet avant de s'arrêter.

Kane planait au-dessus d'elle avant que la voiture ne s'arrête. Tabatha ne put s'empêcher de lever les yeux sur son visage et d'admirer les lignes puissantes de sa mâchoire... ainsi que la couleur améthyste de ses yeux. Son regard glissa sur sa bouche parfaite, et elle se demanda si elle était froide comme la glace ou brûlante comme le feu.

Kane était plus qu'en colère et il avait envie d'étrangler la jeune femme pour avoir seulement pensé à une telle chose. En se mordant la langue, il attendit d'y sentir le rapide et petit flot de sang, avant d'emprisonner la bouche de Tabatha en un baiser brûlant. En temps normal, il aurait tué pour avoir le cran d'agir ainsi... et une fois encore, elle aurait dû être sobre, pour que ce baiser compte. En l'embrassant aussi passionnément à ce moment-là, il désirait seulement lui faire oublier ces idées dangereuses que l'alcool lui avait mises dans la tête.

Chaudes, ses lèvres étaient chaudes, et cette sensation créait un doux tourbillon de plaisir qui descendait jusqu'au cœur de son être, entre ses cuisses. Tabatha éprouva soudain la peur qui lui avait fait défaut un moment plus tôt. Elle la submergea de ses vagues vengeresses, au point de lui faire dresser les cheveux sur la tête, et à ce moment très précisément, la panique la prit au ventre. Son esprit se concentra sur cette terreur et elle la repoussa de toutes ses forces. Malheureusement, cela eut le même effet qu'une fourmi tentant de soulever une maison.

Kane sentit les mains de la jeune femme pousser contre son torse, mais si ce baiser devait être le dernier, alors il allait le savourer encore un moment. Il mêla son souffle à celui, chaud, de la jeune femme tandis qu'il rendait le baiser plus tendre, pour de nouveau l'approfondir.

Tabatha fut assaillie par la saveur douce et salée du sang de Kane, et le besoin tout-puissant de s'enfouir en lui prit le pas sur sa peur persistante. Ce besoin s'intensifia quand Kane passa une main sous ses hanches et la souleva de son siège, la pressant le plus possible contre lui, autant que le petit espace confiné de la voiture le permettait. Ses cuisses devinrent brûlantes et, avant qu'elle ne puisse s'en empêcher, une de ses mains vola de son torse à l'arrière de sa nuque, pour plonger les doigts dans ses cheveux de neige et les empoigner fermement.

Kane frissonna en la sentant passer ses ongles sur sa peau sensible, ce qui eut pour effet de lui faire tendre les hanches vers elle, et un grognement monta du fond de sa poitrine. Il la désirait... nom d'un chien, il la désirait tellement. Un klaxon de voiture beugla soudain dans leurs oreilles et Kane se rappela tout à coup où ils se trouvaient. Il dut rassembler plus de volonté qu'il ne l'imaginait pour libérer le corps de la jeune femme et se laisser presque retomber sur le siège côté conducteur.

— Déjà sobre ? demanda-t-il. Les muscles de sa mâchoire se crispèrent et ses jointures blanchirent quand il saisit le volant, luttant pour brider son désir.

Tabatha se couvrit la bouche de la main en réfléchissant à cette étrange question. Après quelques secondes de silence, elle hocha la tête, le visage sérieux.

— Ouais pourquoi, tu es quoi, du café instantané ?

— Et toi, tu es quoi ? se moqua Kane. Foutrement cinglée, voilà ce que tu es... à parler de cœurs de vache et de démons.

Tabatha écarquilla les yeux quand un flash de lumière aveuglante attira son attention en envahissant la rue. Elle lécha sa lèvre inférieure, pour goûter encore une fois sa saveur, puis baissa les yeux sur son corps afin de s'assurer que ses cuisses n'étaient pas vraiment en train de prendre feu. L'éclair de lumière zébra de nouveau le ciel, et elle se pencha en avant pour voir les nuages d’orage dans le ciel. N'en voyant aucun, elle reposa les yeux sur Kane et comprit qu'il était l'auteur de la tempête.

— Je pense que tu devrais te calmer. J'avais tort... tu n'es pas du café instantané, tu es un orage instantané..., dit-elle avant de se raidir sur son siège.

Elle ne l'avait pas remarqué tout à l'heure, mais quand Kane s'était penché sur elle, sa robe avait remonté pour dévoiler en partie la dentelle fleurie de sa culotte.

Kane se massa la tempe du bout des doigts et ferma les yeux... il le devait.

— Contente-toi simplement de ça… reste loin de Misery.

— Est-ce que c'est comme ça que tu m'as guérie, dans le bureau de Warren ? chuchota Tabatha, qui savait en quelque sorte que le sang du vampire venait d'annihiler la moindre goutte d'alcool qu'elle avait absorbée ce soir-là.

Son humeur désinhibée lui manquait déjà, mais elle n'allait pas le traiter de rabat-joie, étant donné comme il était mal luné. Mais, elle devait bien l'admettre, s'il n'avait pas interrompu le baiser, ce contact physique aurait débouché sur autre chose.

Dire qu'il était instable psychologiquement aurait été un doux euphémisme, étant donné la façon dont il agrippait le volant. Après ce qu'elle était sur le point de faire... peut-être que tous deux se seraient retrouvés sur une pente glissante.

Quand il ne répondit pas mais se contenta de regarder droit devant lui en haussant les épaules, Tabatha se sentit de nouveau envahie par la colère.

— Bon, ramène-moi à la maison... ou mieux encore, dégage. Je peux conduire maintenant.

Tabatha fut brutalement projetée au fond de son siège quand Kane passa une vitesse et enfonça la pédale d'accélérateur, rebondissant sur le bord du trottoir et réintégrant la circulation... aussi diffuse fût-elle à cette heure de la nuit.

— Peut-être que tu devrais chercher dans quel nid d'oiseau Kriss se planque en ce moment pour le rejoindre, puisque vous aimez tellement me cacher des choses, tous les deux ! lança-t-elle en guise de sarcasme.

— Personne ne t'a jamais dit que ce n'était pas une bonne idée de provoquer un vampire ? demanda Kane d'une voix au calme trompeur, en refusant de la regarder.

— Je suis encore vivante, observa Tabatha.

— Pour l'instant », mentit Kane, avec néanmoins un sentiment de satisfaction lorsque le reste du trajet se fit dans un silence contrarié.

Tabatha était assise sur le siège passager, les bras croisés. Elle refusait catégoriquement de repenser au baiser et ne pensait surtout pas à quel point elle l'avait trouvé sexy quand il s'était penché sur elle... fâchée ou non.

Dès que la voiture fut garée dans l'allée, Kane soupira en se passant une main dans les cheveux quand elle bondit du véhicule et s'écarta de lui comme si elle avait été mordue. Il trouva cette situation plutôt ironique, considérant le fait qu'il l'avait déjà mordue auparavant. En sortant de la voiture, il la suivit en silence, conscient que ce n'était pas la bonne chose à faire.

Tabatha claqua la portière derrière elle et se précipita vers l'entrée de son appartement. Une fois la porte refermée derrière elle, elle se retourna et passa les secondes suivantes à fermer les quatre verrous et le pêne dormant de sa porte, avant d'allumer la lumière du salon.

« Pour l’instant, mon cul ! lâcha-t-elle en fixant un regard furieux sur la porte, se sentant enfin dans son bon droit.… jusqu'à ce qu'elle se retourne.

Tabatha hurla quand elle vit Kane assis tranquillement sur le sofa comme s'il était chez lui, puis elle lui lança son petit sac à main.

— Tu n'es pas invité ! Fulmina-t-elle, attendant de voir s'il allait disparaître.

C'était vraiment une bonne chose qu'il ne l'ait pas fait parce qu'elle aurait eu mal aux côtes à cause du rire hystérique qui se serait emparé d'elle.

— Putain, pourquoi es-tu encore là ? s'exclamat-elle en jetant ses hauts talons dans sa direction d'un mouvement du pied, enfin satisfaite quand il fut dans l'obligation de bouger sa jambe pour éviter une chaussure.

À son étonnement, Kane resta simplement assis là à la dévisager, avec cette expression exaspérante qui semblait un croisement entre l'amusement et la colère. Il se mit à étinceler et disparut un laps de seconde avant qu'elle ne se retrouve collée à la porte dans un grand fracas. Tabatha ne put bouger à cause de la façon dont il la clouait au bois derrière elle. Elle entendit l'orage gronder dehors et n'en fut que plus effrayée.

Kane se pencha légèrement vers elle, jusqu'à ce que sa joue frôle la sienne, puis huma l'odeur de peur et de colère mêlées que la jeune femme dégageait. C'était comme un aphrodisiaque, ce qui lui permit de se rappeler pourquoi il n'avait pas prise son âme sœur aussitôt retrouvée. Il luttait contre l'envie irrépressible de la prendre là, contre la porte... vite et violemment.

Les dieux les avaient peut-être liés, mais ils s'étaient trompés dans leur choix d’appairage. Pour son bien... ils devaient avoir tort. Quand il se recula suffisamment pour voir son visage, il fut satisfait de voir que sa colère et sa peur étaient toujours lisibles sur son visage.

Tabatha sentit les mèches de ses cheveux trembler sous chaque souffle qu'il exhalait alors qu'il la fixait de ces yeux pleins de feu. Elle fut fascinée à la contemplation de ses pupilles couleur améthyste qui se dilataient, et ressentit un frémissement de déception… elle ne voulait pas oublier.

— Avant que tu ne me la joues « Hocus Pocus »… dis-moi la vérité, murmura-t-elle. Jure-moi la pure et simple vérité.

— La vérité sur l'amour ? répondit Kane qui baissa le regard sur ses lèvres ainsi que la tête, pour effleurer sa bouche de la sienne... non pour un baiser mais quelque chose de bien plus intime. Je représente un bien plus grand danger pour toi qu'aucun démon ne le sera jamais. »

Tabatha cligna des yeux, gênée par la lumière du soleil qui filtrait par la fenêtre puis s'assit dans le lit. Elle ramena ses genoux sous son menton et les entoura de ses bras, jetant un regard irrité à la lumière du jour qui semblait presque la narguer. Grommelant entre ses dents, elle se mit à bouder et à dégager son visage de ses cheveux.

« Dangereux, mon œil, grogna-t-elle. Il est tellement dangereux qu'il m'a mise au lit avant de partir. »

*****

Zachary observait la carte affichée sur le mur, la tête penchée sur un côté. Ils avaient planté une punaise sur chaque endroit de la ville où était survenu un événement étrange ces derniers mois, pour essayer de voir si un motif prenait forme avec tous ces points. Ils avaient commencé avec quelques clous colorés mais, alors que leur parvenait de nouvelles informations, les punaises avaient commencé à faire apparaître un motif.

Angelica prit un marqueur noir et dessina un cercle autour des quartiers mal famés et leurs environs.

« Misery a opéré dans ce secteur, analysa-t-elle. Les autres occurrences que nous avons trouvées semblent être le fait d'autres démons qui prennent de l'assurance et sortent de leur cachette.

— Et au sujet de ce qui s'est passé au Love Bites ? demanda Trevor. Cela ne concorde pas vraiment avec son mode opératoire.

— Nous pourrions bien avoir besoin d'agrandir son périmètre sous peu, suggéra Chad. Et au sujet du cadavre que nous avons trouvé un peu plus tôt aujourd'hui ? »

Ils frissonnèrent tous en se remémorant la scène en question. Ils avaient reçu un appel de la police au sujet du corps d'un jeune homme qui avait été retrouvé, et la police avait pensé qu'ils devaient le voir. Un jeune homme d'environ vingt ans, qui portait les restes d'un tee-shirt avec le logo de l'université locale imprimé dessus.

Quand ils étaient arrivés sur place, la police avait clôturé le périmètre sur environ une centaine de mètres tout autour. Chad avait trouvé cela étrange et était allé parler à deux de ses potes de l'équipe de police. Quand il revint vers son équipe, son teint avait considérablement pâli.

« Qu'y a t-il ? l'interrogea Zachary.

— Ils ont dit que nous devons le voir par nous-même… ça s'annonce aussi grave que ce que vous m'avez décrit de la scène dans le bus, l'autre jour.

Alors que tous les quatre s'approchaient, Trevor dut respirer par la bouche afin d'empêcher l'odeur de lui donner envie de rendre. Le pire, c'était qu'il pouvait sentir l'odeur âcre sur sa langue et c'était tout aussi répugnant. Zach lui donna un masque chirurgical qu'il avait sorti de la poche de sa veste... il en gardait toujours quelques uns sous la main pour des situations similaires. Quand ils virent le corps, même Zachary dut se détourner et respirer plusieurs fois un peu d'air frais.

Le corps avait été littéralement déchiqueté et toutes ses entrailles avait été sorties. Le pire, c'était qu'ils pouvaient tous observer que quelque chose en avait dévoré certaines parties alors que d'autres manquaient dans leur intégralité. De longues griffures marquaient le peu de chair qui avait été épargnée et les os étaient visibles, dont certains étaient brisés et saillaient.

Les orbites offraient un spectacle encore plus affreux et semblaient fixer quelque chose droit devant elles... les yeux avaient été retirés. Une partie du cuir chevelu avait été déchirée et le crâne perforé, le cerveau suintant encore lentement par le trou. La bouche était restée ouverte et pendait mollement dans le vide, dévoilant la langue également dévorée.

De larges portions d'entrailles avaient été sorties et laissées sur tout le corps, et le ventre était grand ouvert. Angelica se détourna de la scène et se recouvrit la bouche d'une main pour retenir la nausée qui montait… ce qui ne l'aida pas.

— Pauvre con, chuchota Zachary en s'agenouillant à côté du garçon. Cette dernière semaine avait été en proie à une activité démoniaque frénétique et il semblait qu'elle ne se relâchait pas. Quel est le rapport officiel ? demanda-t-il.

— La police dit qu'il s'agit de l'attaque d'un animal, répondit Chad.

Angelica secoua la tête.

— Ce n'est pas un animal qui a fait ça, observat-elle d'une voix rauque, en revenant vers la voiture. C'était la tombe. »

Zachary secoua la tête pour chasser cette réminiscence et détourna le regard de la carte pour se tourner vers Angelica.

« Que voulais-tu dire par « c'était la tombe » ?

Angelica fronça les sourcils.

— C'est tout ce que le corps m'a raconté. Les blessures sont presque trop datées pour que je puisse ressentir quelque chose. Je ne sais pas comment mieux le décrire, si ce n'est que c'est la tombe qui l'a tué.

Zachary s'éloigna de la carte et s'approcha de la table à café où était posé son ordinateur portable. Se connectant au système de l'EEP, il envoya un message à Storm pour l'informer des derniers événements… sa réponse fut immédiate.

— On dirait que Storm fait intervenir un personnage important de l'EEP, annonça Zachary aux autres, avant de faire une pause puis de lever les yeux vers ses collègues. Il a ramené le légendaire Ren… il est déjà là. »

Trevor frissonna de façon visible à la mention du nom de Ren. Ren avait toujours été le fantôme du groupe d'intervention… plus une légende qu'une personne réelle, parce que Storm était le seul à l'avoir rencontré. Il avait un jour demandé à Storm qui était le membre le plus puissant de l'EEP, et Storm n'avait même pas pris le temps d'hésiter avant de lui donner sa réponse. Mais si Storm envoyait son second aux commandes, alors cela signifiait qu'il envoyait également une armée à sa suite.

Zachary et Trevor comprenaient tous deux ce que cela signifiait… la guerre commençait.

Le Lien Du Sang

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