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CHAPITRE IV
VOYAGE À NANCY. – ITINÉRAIRE DE VAUCOULEURS À SAINTE-CATHERINE-DE-FIERBOIS

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Le duc Charles II de Lorraine, allié aux Anglais, venait de jouer un bien mauvais tour à son cousin et ami le duc de Bourgogne, en donnant en mariage Isabelle sa fille aînée, l'héritière de Lorraine, à René, second fils de madame Yolande, reine de Sicile et de Jérusalem, duchesse d'Anjou398. René d'Anjou, dans ses vingt ans, était un gentil esprit, amoureux de bon savoir autant que de chevalerie, bienveillant, affable et gracieux. Quand il ne faisait point de chevauchées et ne maniait pas la lance, il se plaisait à peindre des images dans des livres; il avait du goût pour les jardins fleuris et les histoires en tapisserie, et, comme son beau cousin le duc d'Orléans, il composait des poèmes en français399. Investi du duché de Bar par le cardinal duc de Bar, son grand-oncle, il devait hériter le duché de Lorraine après la mort du duc Charles, qui ne pouvait beaucoup tarder. Ce mariage était justement regardé comme un beau coup de madame Yolande. Mais qui terre a guerre a. Le duc de Bourgogne, fort mal content de voir un prince de la maison d'Anjou, le beau-frère de Charles de Valois, s'établir entre la Bourgogne et les Flandres, excitait contre René le comte de Vaudemont, prétendant à l'héritage de Lorraine, et la politique angevine rendait difficile la réconciliation du duc de Bourgogne avec le roi de France. René d'Anjou était engagé dans les querelles de son beau-père de Lorraine. Et précisément, en 1429, il faisait aux habitants de Metz la guerre de la Hottée de pommes. On la nommait ainsi parce que la cause en était une hottée de pommes entrée dans la ville de Metz, sans qu'on eût payé de droits aux officiers du duc de Lorraine400.

Cependant, madame sa mère faisait envoyer de Blois des convois de vivres aux habitants d'Orléans, assiégés par les Anglais. Bien qu'elle fût pour lors en mauvaise intelligence avec les conseillers du roi Charles, son gendre, elle se montrait vigilante à combattre les ennemis du royaume, qui menaçaient son duché d'Anjou. René, duc de Bar, avait donc des parentés, des amitiés, des intérêts tout à la fois dans le parti d'Angleterre et Bourgogne et dans le parti de France. Tel était le cas où se trouvaient la plupart des seigneurs français. Ses rapports avec le capitaine de Vaucouleurs restaient amicaux et fréquents401. Il est possible que sire Robert l'ait informé qu'il tenait à Vaucouleurs une jeune fille prophétisant sur le royaume de France. Il est possible que le duc de Bar, curieux de la voir, l'ait fait envoyer à Nancy où il devait se rendre lui-même vers le 20 février; mais, bien plus probablement, René d'Anjou se souciait moins de la Pucelle de Vaucouleurs, qu'il n'avait jamais vue, que du petit More et du fou dont s'égayait son hôtel ducal402

398

Le P. Anselme, Histoire généalogique de la Maison de France, II, p. 218. – Ludovic Drapeyron, Jeanne d'Arc et Philippe le Bon, dans Revue de Géographie, novembre 1886, p. 236. – S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, pp. LXVI, CXCIX.

399

Œuvres du roi René, par le comte de de Quatrebarbes, Angers, 1845, t. I, notice, pp. LXXVI et suiv. – Leroy de la Marche, Le roi René, sa vie, son administration, ses travaux artistiques et littéraires, Paris, 1875, 2 vol. in 8o, et Giry, compte rendu dans Revue Critique.

400

Dom Calmet, Histoire de Lorraine, t. II. col. 695, 703.

401

S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, pp. CXCVII, CLXXXVII, CLXXXVIII et 236. – Le registre des Archives de la Meuse, B 1051, conserve la trace d'une correspondance active du duc de Bar avec Baudricourt.

402

Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Dom Calmet, Histoire de Lorraine, preuves, t. II, col. CXCIX. – S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, pp. CXCVII et suiv.

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