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XXX

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L’histoire de l’homme, c’est celle des vérités que l’homme a délivrées.

Je ne veux pas, comprends-moi bien, considérer, ce disant, les vérités comme un petit nombre d’éluesdont la délivrance ou mieux l’élection serait une façon de reconnaître leur droit de résine sur nous-mêmes. De sorte que leur liberté à elles s’achèterait au prix de la nôtre.

Non. — Laissons même ce mot de Vérité — qui ferait croire trop aisément que le despotisme de certaines Idées est légitime. Disons, non Vérités,mais Idées. — Et appelons Idée tout rapport perçu; si tu veux, métaphoriquement, la réfraction dans le cerveau de l’homme d’un rapport effectif. Le nombre des Idées est infini comme le nombre des rapports, ou presque.

Il me plaît, pour ne pas me supprimer toute raison d’être et d'aimer être — de considérer l’humanité comme l’effectua-tion des rapports possibles. — La presque infinité des rapports possibles assure à l’humanité une presque infinie durée. Les rapports effectués constituent l’histoire du passé. —C’est là une chose faito et, plus ou moins bien jouée, il n y a plus à y revenir — d’ailleurs on ne le pourrait point. Pour la moindre idée d’aujourd’hui, il a fallu la presque infinité des rapports joués hier. On en est donc enfin débarrassé!

C’est ainsi que peu à peu l’humanité sc délivre. Mais si peu qu’elle ne s’en aperçoit point.

Et pourtant ne t’en va pas croire au progrès sinon pour ceci que:

N’importe quelle marche, fut-ce celle d’une écrevisse, ne peut s'imaginer qu’en avant, et même quand tu tourneraistoutes tes faces vers lui, le passé ne s’en irait pas moins dans le passé. Ce qui est fait n’est plus à refaire; le pléonasme est impossible ici.

Mais croire que l’humanité trouve un but en dehors d’elle-même et qui ne soit point par elle-même projeté, serait folie et course après son ombre. Le progrès de l’homme n’est qu’en lui-même et n’a pas la signification victorieuse que tu crois.

Ossa sur Pélion s’effondre et le ciel ne s’escalade pas, — où l’on ne trouverait point d’ailleurs les Vérités en petit nombre, assises sur des trônesoù nousaurions des coins pour nous asseoir.

Les dieux, s'ils étaient, verraient notre interminable la heur comme les enfants sur les plages s’amusent des relatifs progrès des values. L’une vient; ô progrès! elle monte; elle envahit, elle submerge tout — elle laisse une écume et passe; l’uutre succède et monte un peu plus haut — ô progrès! c’est une marée; la marée se retire; le lendemain elle gagne encore quelques pouces de plages — ô progrès! où n’ira-t-elle pas demain? Mais après-demain l’équinoxe est déjà passé et la mer décroît — mais travaille encore et pourtant lentement ronçe la terre.

Le temps et l’espace sont les tréteaux que pour s’y jouer les innombrables vérités ont déployés à l’aide de nos cerveaux, — et nous y jouons comme des marionnettes volontaires, convaincues, dévouées et voluptueuses. Je ne vois pas qu’il y ait là de quoi s’attrister, car moi je me plais au contraire à cette conviction de mon rôle, et ce rôle, somme toute, si tout le motive, c’est bien un chacun seul qui l’invente.

Tu apprendras à considérer l’humanité comme la mise en scène des idées sur la terre.

Oeuvres complètes de André Gide: Romans

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