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Les moines du moyen âge, dans le silence de leurs couvents, ont recueilli la plupart des vieilles légendes et des vieilles chansons qui, avant eux et jusqu'à eux, rappelaient le souvenir des anciens personnages célèbres de cette Gaule franque qui devait devenir la France. Ces légendes et ces chansons, altérées par le temps comme une monnaie par l'usage, ne laissaient guère deviner que quelques-uns des traits de ces rois, de ces guerriers, de ces évêques d'autrefois; mais les moines qui, en ce temps-là, ne savaient pas ce que c'est que la critique, acceptaient cela pour de l'histoire. Ainsi ont été écrites les Grandes chroniques de Saint-Denis; ainsi ont été composées les Gesta Dagoberti ou les Faits et gestes de Dagobert, qui sont les deux principales sources de la présente légende.

Les moines que Dagobert a protégés et enrichis (ceux de Saint-Denis particulièrement), lui ont gardé quelque reconnaissance. Ils ont eu soin de ne pas le traiter plus mal que les chansons ne le traitaient; ils ont même ajouté quelque chose à ces chansons. Par exemple, les miracles qui ont une couleur religieuse et que nous n'avons pas dû négliger.

Nous aurions voulu paraphraser plus largement la chanson populaire; mais il aurait fallu pour cela sortir tout à fait de l'histoire vraisemblable, et nous ne voulions pas faire ce sacrifice à des couplets qui ne datent pas de plus d'un siècle, et qui, privés de leur air, ne sont pas un chef-d'oeuvre d'espièglerie 2.

Note 2: (retour) Il y a comme cela cinq ou six chansons très-fameuses qu'il ne faut pas regarder de trop près si l'on ne veut pas qu'elles perdent leur charme. La chanson du bon roi Dagobert et du grand saint Éloi est peut-être celle qu'il faut se rappeler du plus loin. On ne s'explique même pas bien la fortune de ces couplets que le premier venu a écrits sans rimes ni raison et sans beaucoup d'esprit. Il faut que l'air sur lequel on les chante soit très-ancien et qu'il retentisse depuis quelques centaines d'années, matinal et sonore comme un chant de cor de chasse, dans la mémoire des générations. C'est l'air qui est gai et qui parle un langage; la chanson, sauf votre respect, est assez bête.

Nous nous en sommes donc tenu, à peu de chose près, au texte des deux ouvrages que nous indiquions tout à l'heure. Si nous avons emprunté un ou deux traits ailleurs, ç'a été pour que le tableau des moeurs du temps, même en une fable historique, eût une couleur plus marquée.

Il eût été facile de se laisser entraîner, si on eût voulu, à propos de saint Éloi ou de saint Ouen, à analyser et à fondre en un même récit toutes les historiettes que les écrivains religieux ont de tout temps composées en leur honneur. C'est par douzaines que se comptent les biographies, latines ou françaises, de ces bienheureux évêques. Nous n'avons pas été séduit par le luxe des merveilleuses actions qui s'y trouvent décrites et nous en avons cru l'exposition trop monotone. On remarquera peut-être dans ce récit un épisode ingénieux dont l'idée première ne nous appartient pas et qui a été mis en scène par un maître en l'art de conter (Alexandre Dumas: Impressions de voyage en Suisse): nous aurions bien voulu lui prendre aussi son style et nous lui offrons ici nos remercîments pour la gracieuse façon qu'il a de permettre aux gens d'entrer dans son pré.

Peut-être doutera-t-on de l'authenticité de quelques-uns des événements que nous disons puisés dans des vieilles chroniques? Nous ne nous opposons pas à ce qu'on en doute, et nous demandons seulement qu'on ait quelque indulgence pour une légende qui est écrite ici pour la première fois.





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