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AVANT-PROPOS
ОглавлениеLE 15 septembre dernier, 1918, l'on célébrait à Québec l'anniversaire de la victoire de Courcelette, remportée le 15 septembre 1916 par le 22e bataillon canadien-français. Sur les terrains de l'Exposition, devant un auditoire de quatre mille personnes groupées dans le grand amphithéâtre, plusieurs orateurs ont tour à tour rappelé et célébré le souvenir de Courcelette. M. l'abbé Camille Roy, entre autres, a prononcé les paroles suivantes, qui nous paraissent les plus appropriées que nous puissions inscrire en tête de ce modeste travail, humble monument que nous avons voulu élever à la gloire impérissable du 22e bataillon canadien-français:
“Le 22e bataillon canadien-français a pris pour devise, au moment de sa formation, la devise même de notre province de Québec: “Je me souviens.” Le 22e est donc le bataillon du souvenir. Et c’est ce qui a fait à ses officiers et à ses soldats cette âme de bravoure, cette vertu conquérante qui fit paraître là-bas, en terre de France, les énergies traditionnelles et tous les beaux élans de notre race.
“Oui, messieurs, c’est parce que les soldats du 22e se sont souvenus qu’ils ont toujours été aussi grands que tous leurs sublimes devoirs. Se souvenir est vraiment une force, quand, à se souvenir au moment du sacrifice, on revoit en des visions lointaines, mais encore si douces, le pays natal, la terre sacrée qui porta nos temples et nos berceaux, qui offrit à nos regards la parure immense de ses paysages, de ses montagnes, de ses plaines, de ses forêts, de son fleuve royal, et cette parure plus précieuse qui est le champ paternel et le foyer modeste mais très cher, dont on emporte partout la bienfaisante image.
“Mais, laissez-moi l’ajouter: se souvenir est une force encore plus grande, se souvenir est une force irrésistible, quand on est fils d’une race comme la nôtre, et que les souvenirs du sol et de la famille s’augmentent de toutes les gloires du passé; quand on porte dans ses veines un sang qui est si riche de noblesse séculaire, et que l’on est soi-même la minute vivante d’une si grande histoire.
“Notre race se soude, par ses origines, à celle qui répandit sous le ciel de l’Europe la lumière de son verbe, la puissance de son génie et l’éclair de ses épées. Issus et détachés de la France, qui fut, entre toutes les nations, capable d’héroïsme, nous avons continué, sous le ciel nouveau de l’Amérique, l’apostolat de sa pensée et les batailles de sa chevalerie. Lutter pour la justice, lutter pour le droit des gens et pour le droit de Dieu, ce fut notre tâche historique, et c’est notre gloire, qui fut parfois douloureuse.
“Nulle part un Canadien français ne peut donc oublier ni son auguste lignage, ni ce patrimoine de vertus. Mais il s’en souvient, il doit s’en souvenir, semble-t-il, avec une ferveur plus émue, quand un jour, obéissant aux inspirations de sa piété, et conduit par tous les instincts profonds de sa vie, il se trouve là-bas, en terre de France, face aux barbares qui l’on souillée, et qu’aux champs où bataillèrent ses aïeux, il fait lui-même les batailles de la justice et de l’humanité. Devenu tout à coup semblable à ces chevaliers errants qui s’en allaient hors frontières redresser des torts et occire les mécréants, il se jette dans la mêlée ardente avec cette fureur joyeuse qui est le redoutable sourire de l’âme française.
“Voyez plutôt, le 15 septembre 1916, à 5 heures et demie, par un soir lumineux et doux, s’élancer vers Courcelette les 800 du 22e bataillon. Ordre leur avait été donné d’aller y déloger les Allemands. Ils s’en vont en pleine campagne, à travers champs d’abord, sous les canons de l’ennemi qui les voit s’avancer et ouvre sur eux le feu de ses batteries. Une pluie d’obus s’abat sur les assaillants. Mais ces 800 auront à vaincre près de 2000 Bavarois et Prussiens; et ils les vaincront. Pied à pied ils reconquièrent le terrain perdu. Le chemin sanglant se jonche de morts et de blessés; de nouveaux héros surgissent là où d’autres sont tombés, et ils continuent de monter en une poussée irrésistible vers le village convoité. Ils pénètrent dans la place jugée imprenable par les officiers allemands; ils en chassent l’ennemi; ils en nettoient tous les quartiers, et ils les défendent des contre-attaques furieuses des vaincus. Pendant quatre jours ils se battent comme des lions, ou plutôt comme des Français! N’ayant plus de munitions à eux, ils prennent à l’ennemi ses engins de guerre, et les font servir à leur victoire. Et les 118 hommes et 7 officiers valides qui restent font 1200 prisonniers. Deux cent cinquante des nôtres furent tués et des centaines blessés; mais tous, morts, blessés et survivants ont accompli l’une des plus belles actions dont fut témoin, en ce mois de septembre, le front de la Somme. Et le général commandant la seconde division canadienne pouvait écrire au lendemain de ces journées fameuses que “dans toute l’armée britannique, aucun bataillon ne surpassait le 22e canadien-français.”
Après ces éloquentes paroles, qui illustrent mieux que tout ce que nous aurions pu dire nous-mêmes de la bravoure et de la noblesse d’idéal du 22e bataillon, il ne nous reste plus qu’à essayer de raconter, bien imparfaitement mais avec un grand désir de lui rendre justice, quelques-uns des épisodes les plus glorieux ou les plus intéressants de la belle carrière qu’a parcourue le 22e bataillon canadien-français pendant le cours de la grande guerre.
LE COLONEL F.-M GAUDET, C.M.G.
Qui a levé le 22e Bataillon et l’a conduit en France.