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L’ARRONDISSEMENT PENDANT LA DOMINATION ROMAINE.

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Table des matières

Lorsque le voyageur, appuyé sur les ruines de la tour carrée qui domine encore le camp retranché dont la double enceinte de fossés couronne le sommet du terrier de Toulon, parcourt de son regard surpris le vaste horizon qui se déroule devant lui, il se prend à réfléchir, et sa pensée, remontant le courant des siècles, s’arrête à l’époque de la fière domination romaine. Remplaçant, alors, par les flots azurés de l’Océan, l’immense nappe de verdure qui se déroule à ses pieds; ravi du magnifique spectacle qu’il contemple, il cherche, à l’aide de ses souvenirs, à reconstruire cet ancien archipel, qui, plus d’une fois, a dû arrêter les regards et fixer l’attention du centurion tenant garnison dans le camp gallo-romain.

Ainsi ferons-nous; et debout, avec le lecteur, sur les débris de la tour carlovingienne, ayant à notre droite la Charente (Canentelos), à notre gauche la Gironde (Garumna), nous aurons en face de nous tout l’arrondissement actuel de Marennes, et nos yeux plongeant à travers les brumes de l’Océan, nous apercevrons dans les horizons lointains cette charmante Oleron (Uliarius), la plus belle assurément de toutes les îles que la France possède dans l’Atlantique.

La première fois que j’ai fait seul le travail que nous allons faire ensemble, je me suis rappelé cette poétique et délicieuse description des Cyclades que Barthélemy place dans la bouche d’Anacharsis:

Je voyais passer, comme dans un songe, tous ces navires à la proue dorée surmontée d’une couronne de laurier, et aux voiles de pourpre gonflées par le vent. J’entendais les théories d’Athènes, de Céos et d’Andros faisant retentir le rivage de leurs chants et montant en foule au temple offrir leur encens au divin Apollon.

Nous aurons quelque chose de semblable à dire, lorsque, après avoir topographiquement décrit l’arrondissement de Marennes, tel qu’il existait il y a dix-huit siècles, nous voudrons animer ce magnifique paysage, nous apparaissant entre le double azur de la mer et des cieux.

A nos pieds se trouve le village de Toulon, près duquel on s’accorde à placer le Portus santonum des Gallo-Romains. Il est évident, d’après Ptolémée, que ce port se trouvait entre la Gironde et la Charente et que c’est avec raison que MM. Fleury, Massiou et Lacurie, s’écartant des opinions émises jusqu’à ces derniers temps par divers auteurs qui placent ce port, les uns à La Rochelle, les autres à Brouage, ceux-ci à la presqu’île d’Arvert, ceux-là à La Tremblade, s’accordent à regarder le village de Toulon comme bâti sur les ruines de l’établissement maritime le plus important qu’eussent les Santons dans ces parages. Pour prouver cette assertion, nous ne pouvons rien faire de mieux que de transcrire ici les raisons qu’en donne le savant abbé Lacurie.

Ce port, dit-il, devait avoir des communications faciles avec les principales villes et surtout avec la métropole. Si donc nous trouvons en deçà de l’embouchure de la Gironde, des pans de mur antiques, répandus çà et là dans les campagnes, des bains, des tombeaux, des inscriptions, des médailles, de vieilles armes, des marbres, des briques, des tuiles; et si ces ruines peuvent se rattacher au souvenir d’une ville ancienne dont la tradition a gardé la mémoire et dont une porte existait encore en un temps peu éloigné de nous, suivant un titre du Pouillé de Sablonceaux; si surtout ces ruines, traversées par une voie antique, ont pu être baignées par les eaux, ne serons-nous pas en droit de conclure avec quelque vraisemblance que l’emplacement du Portus santonum n’est plus un problème? Or, le village de Toulon, dans le nord-est de Saujon, au pied du coteau de Saint-Romain-de-Benet, nous semble réunir les conditions que nous venons d’indiquer, et nous conclurons volontiers, avec MM. Massiou et Fleury, que là a dû se trouver le principal entrepôt du commerce des Santones, le Portus santonum de Ptolémée.

Plusieurs passes conduisaient au port des Santones. Nous allons indiquer les deux principales:

La première était suivie par les navires faisant le cabotage avec les villes maritimes du Nord. Ils entraient dans le golfe par le vaste bassin de Brouage, entre les îles de Hiers et de Beaugeay, longeaient celles de Saint-Just et de Saint-Sornin, côtoyaient le promontorium santonum (presqu’île de Brouë), puis traversant entre l’île de Saint-Sornin et la côte de Cadeuil, là où est maintenant le village de Saint-Nadeau, arrivaient au port gallo-romain, après avoir franchi la nappe d’eau remplacée de nos jours par la partie basse de la commune du Gua.

Cette passe, la plus sûre, paraît aussi avoir été la plus fréquentée, si l’on en juge par les constructions élevées par les Romains, à l’extrémité du promontorium, pour en protéger ou défendre l’entrée suivant les circonstances.

La seconde passe, moins importante, était aussi souvent sillonnée par les navires venant des ports nombreux de la Gironde, Blavia, Burgus, Burdigala, Blaye, Bourg et Bordeaux.

Lès galères romaines, après avoir côtoyé la presqu’île sur laquelle on trouve Saint-Sulpice, Breuillet et Saint-Augustin, doublaient le cap entre l’île d’Armotte et Saint-Augustin, ou bien, passant à l’est d’Oleron, sur Maumusson, alors moins dangereux qu’à présent, arrivaient dans le bassin de la Seudre, après avoir évité les écueils à fleur d’eau que présentait aux navigateurs l’île de Marennes. Longeant ensuite l’île d’Arvert, ils arrivaient au Portus santonum, à peu près comme se fait encore de nos jours la petite navigation de la Seudre qui remonte jusqu’au port de Ribérou.

Il est dans l’arrondissement de Marennes un autre point géographique qui a donné lieu à discussion, nous voulons parler du promontorium santonum que Ptolémée place entre le Portus et l’embouchure du Canentelos.

Quelques auteurs trouvent le promontorium à La Rochelle, d’autres dans l’île d’Oleron, au cap de Chassiron. La première opinion tombe d’elle-même devant l’affirmation de Ptolémée. Quant à la seconde, elle n’est guère plus probable, car, au rapport de Pline, l’île d’Oleron était séparée du continent bien avant la conquête, et nous pensons avec M. Lacurie qu’il faut rechercher le promontorium non dans une île, mais en terre ferme.

Si du haut de notre observatoire (le terrier de Toulon), nous jetons nos regards à notre droite, nous apercevons une immense presqu’île sur laquelle sont bâtis les bourgs de Saint-Sulpice, de Saint-Jean-d’Angle, de Saint-Fort et de Saint-Agnant. La configuration de l’extrémité de cette presqu’île ne nous permet pas d’y placer le promontorium, et ramenant, alors, nos regards sur le centre, nous voyons se dessiner en face de l’île de Saint-Sornin, et entourée d’une mer de verdure, une langue de terre dominant par sa position et sa hauteur, tout le bassin de Brouage. Sur ce cap avancé, se trouve, bâti sur des ruines romaines, un donjon du onzième siècle dont nous parlerons plus tard et connu dans le pays sous le nom de Tour de Brouë. Ce cap pourrait bien être le promontoire indiqué par Ptolémée entre le Portus et le Canentelos. Sa position géographique, son prolongement dans le golfe, son élévation, plus de 45 mètres au-dessus du niveau des eaux, tout, en un mot, a dû en faire un point de repère pour les Romains dont la navigation fort timide s’avançait peu en pleine mer et consistait, bien plus souvent, à côtoyer la terre en allant de cap en cap, qu’à prendre le large en perdant de vue le continent.

Du reste, cette opinion est aussi celle de M. Fleury, dont nous nous plaisons à transcrire ici quelques lignes sur le sujet qui nous occupe.

Les Romains, dit-il, pour passer de la Gironde dans la Charente, doublaient la presqu’île d’Arvert, pénétraient par le pertuis de Maumusson dans le golfe santonique, et touchaient le port gallo-romain; puis, continuant de cingler vers le nord, ils suivaient les sinuosités de la côte, passaient au milieu des îles qui formaient l’archipel que nous avons décrit et dessiné sur notre carte, et enfin, après avoir reconnu le point le plus saillant, le plus élevé, le plus apparent de toute la côte, le promontoire des Santones, notre Brouë d’aujourd’hui, ils donnaient dans la Charente, dont l’embouchure n’était pas certainement à Fouras, si nous consultons encore la configuration des terrains et leur nature...

Placé au milieu de cette baie et parmi toutes ces îles, comme une sentinelle avancée, élevé de plus de 40 ou 50 mètres au-dessus du niveau du marais, abrupt du côté battu par la mer et par l’impétuosité des vents régnants, dominant tous les caps, toutes les pointes de la côte voisine, et surpassant considérablement en hauteur les parties les plus élevées des îles citées, il serait absurde de supposer que les premiers navigateurs de cette époque eussent négligé d’en faire un point de reconnaissance pour assurer leur navigation déjà si incertaine et déterminer d’une manière précise leur position au milieu de ce bassin hérissé indubitablement d’écueils.

Tout cela est bien dit, paraît fort judicieux, et nous n’hésiterons pas, nous non plus, à considérer notre longue et étroite presqu’île de Brouë comme le promontorium santonum de l’époque gallo-romaine.

Au centre du golfe santonique, nous apercevons, indiquées par de fortes éminences, les îles nombreuses qui constituent son archipel. Ces îles sont au nombre de sept principales: les îles de Beaugeay et d’Arvert occupent par leur proportion le premier rang; puis viennent celles de Saint-Just, Saint-Sornin, Armotte, Hiers et Marennes. Cette dernière est à peine sortie des eaux, et ses points culminants, qui commencent à se couvrir de verdure, ne sont pas encore habités. Cinq de ces îles: Saint-Sornin, Saint-Just, Hiers, Marennes et Arvert, sont placées dans le golfe même formé par les presqu’îles de Saint-Augustin à gauche, et de Saint-Agnant à droite. Armotte, à l’extrémité nord-ouest de la presqu’île de Saint-Augustin, s’étend entre cette dernière et l’île d’Oleron qui s’avance du sud au nord-ouest dans l’Océan. L’île de Beaugeay se voit à l’extrémité nord de la pointe de Saint-Agnant et en face de l’île d’Oleron. C’est sur cette île que se trouvent maintenant Beaugeay, et dans son prolongement à l’ouest formé par un îlot et des attérissements, les communes de Moëze et de Saint-Froult.

L’étude du terrain suffit, assurément, pour donner une certitude au sujet de l’existence de toutes ces îles, dont nous venons de déterminer les diverses positions au sein du golfe des Santones; mais l’histoire vient aussi à notre secours, et nous n’avons garde de négliger ce puissant auxiliaire.

Ici nous laisserons parler M. Lacurie., qui, dans l’ouvrage que nous avons déjà cité, résume ainsi, en quelques lignes, les preuves nombreuses que l’histoire et la tradition, cette histoire parlée, apportent de l’existence des Cyclades saintongeaises.,

Les événements qui excitent, à certain degré, l’attention des peuples, échappent assez à l’oubli des siècles les plus reculés. A défaut d’historien, les générations en conservent encore, par des traditions, un souvenir plus ou moins confus. Aussi rien de plus ordinaire que d’entendre dire aller en Marennes, en Saint-Just, en Nieulle, en Arvert, etc., comme l’on dit aller en Oleron.

D’ailleurs, il est fait mention de l’île de Marennes dans un grand nombre d’anciens titres relatés dans l’arrêt rendu en 1661 par le Grand Conseil, sur les droits honorifiques de Marennes. L’île et le bailliage de Marennes, ainsi que l’île d’Oleron, sont concédés à Renaud de Pons, par Charles V et Charles VI, pour parfaire l’assiette de 2,000 livres qui lui avaient été accordées en 1370; en 1620, l’île et le bailliage de Marennes sont évalués par le Parlement à 489 livres 15 sols 6 deniers de rente. Pendant les guerres du seizième siècle, il est souvent parlé des îles de Marennes. Selon La Popelinière, en 1568, les catholiques attaquent les îles de Marennes..., les habitants des îles sont taillés en pièces..., les îles se rendent à Montluc.... En 1562, les protestants défendent le Pas de Marennes... D’après d’Aubigné, il y eut un combat au Pas de Marennes...; en 1585 on fortifie les Pas de Saint-Sornin, Saint-Just et Marennes qui sont trois îles..., là où le peuple en bonne intelligence pouvait se maintenir contre une armée turquecque. Une pièce de 1628, expédition de l’instrument ou du contrat de mariage de Willelm Rudel., comte de Blaye, et de Marguerite, nièce du comte Geofroy de Saintes, en 1040, parle de l’île d’Arvert rachetée d’une rente qui la grevait. Un titre de 1170 nous apprend que Richard, roi d’Angleterre, arrente à Jean Emery de la Pimpelière, l’île d’Aire pour 15 livres tournois; en 1611, l’île d’Aire échut ainsi que l’île de Marennes à Isaac Martel, dans le partage qu’Anne de Pons fit de ses biens; dans un factum de l’abbesse de Saintes, on voit qu’au temps de la fondation de son abbaye l’île d’Hiers était couverte de forêts. Cette île d’Hiers est l’île Hiero, brûlée par les Normands quand ils saccagèrent Saintes en 867. En 1634, le prince de Soubise concède aux habitants du village l’île de Lupin...

Il est constaté, dans un rapport de 1680, qu’au commencement du dix-septième siècle il se construisait encore des navires de 40 tonneaux au pied du promontoire de Brouë ; et, dans un Mémoire de 1727, M. Pétreilles, ingénieur à Brouage, relate la découverte d’une quille de bâtiment qu’il juge avoir été de 50 tonneaux, les débris avaient été découverts au pied du même promontoire.

Les deux presqu’îles et les îles dont nous venons d’établir l’existence étaient habitées avant la domination romaine, et nous en avons la certitude par les monuments druidiques qui existent encore. Il est donc constant que les presqu’îles de Saint-Agnant et de Saint-Augustin, les îles d’Oleron, de Beaugeay, d’Arvert, et celle d’Armotte, occupée maintenant par La Tremblade, ont été, bien avant la conquête, foulées par les peuplades qui nous ont légué, comme témoignage de leur séjour dans ces parages, ces antiques monuments que nous aurons plus tard l’occasion de décrire.

Mais c’est, surtout, lorsque les Romains eurent définitivement assis leur domination sur les nombreuses tribus santoniques, que les îles habitées par les vainqueurs se ressentirent des avantages de la civilisation qu’apportaient avec elles les armées romaines. C’est alors que les riches gallo-romains bâtirent leurs superbes villas dans les îles d’Oleron, d’Arvert, de Saint-Just et de Hiers. C’est alors que les galères romaines vinrent au Portus y chercher les diverses denrées qui servaient à l’alimentation du peuple-roi. Nos huîtres, au dire d’Ausone, après s’être engraissées sur les bords du golfe santonique, allaient couvrir les tables des Césars et des Lucullus; les blés, les vins de nos contrées et les lièvres de l’île d’Oleron, si estimés des Romains, n’étaient pas les seuls objets dont ils s’approvisionnaient chez nous. Ils prodiguaient dans leurs banquets l’arôme du fenouil-marin ou cristemarine, et faisaient un fréquent usage de l’absinthe santonique dont ils savaient apprécier la vertu. Le golfe, peuplé des poissons les plus exquis, était continuellement sillonné par les nombreuses barques de pêcheurs qui vendaient le produit de leur travail aux patrons des navires que les riches romains frétaient à grands frais, et dont les bateaux-réservoirs de nos jours peuvent donner une idée.

C’était donc un travail incessant, un mouvement continuel, non-seulement dans l’enceinte du Portus, mais aussi au sein de toutes les îles. Voyez-vous d’ici les lourdes trirèmes s’avançant lentement dans les passes du golfe, croisées à chaque instant par l’élégante embarcation du riche gallo-romain qui abandonne pendant quelques instants sa charmante habitation, pour aller soit au Portus, soit dans la capitale des Santons, y apprendre les nouvelles du jour? Quelles sont ces barques légères, grossièrement construites, remplies d’hommes et de femmes, qui se dirigent vers l’île de Beaugeay? Ces frêles nacelles semblent glisser sur l’azur des flots. Sur la première nous apparaît dans l’attitude du commandement un homme, une faucille d’or à la main; il est vêtu d’une robe de lin et son front est ceint de bandelettes sacrées: c’est le druide; il va, suivi de la tribu entière, réveillant par ses chants les échos endormis du rivage, offrir à Teutatès un sanglant sacrifice. Le gui sera détaché du vieux chêne et le sang humain coulera sur ces immenses tables de pierre qui sont encore un sujet de stupéfaction et d’effroi pour nos populations. Pendant que le sang humain fume ainsi sous les arbres séculaires de la forêt de Beaugeay, à Mediolanum, le prêtre de Jupiter capitolin offre au dieu une hécatombe de blanches génisses, et les citoyens romains se pressent en foule au sommet du capitole pour prendre part au sacrifice.

C’est ainsi que vainqueurs et vaincus, conservant leurs antiques croyances, finirent par vivre en paix, après que la liberté eut, dans cette partie des Gaules, rendu son dernier soupir dans les plaines de la presqu’île de Saint-Augustin.

C’est, en effet, sur le territoire actuel de cette commune qu’eut lieu la célèbre bataille que Messala, général romain, livra 27 ans environ avant l’ère chrétienne; contre les Gaulois révoltés. Le poète Tibulle, qui prit part à ce combat, en parle quelque part en ces termes:

Non sine me est tibi partus honos, tarbella Pyrene

Testis et Oceani littora santonici.

...........................

Gentis Aquitan œceleber Messala triumphus.

Mais ces vers constatent le fait sans en préciser le lieu. Cette bataille aurait donc pu se donner sur tout autre point du littoral, et si nous la plaçons à Saint-Augustin, c’est que là existent encore les témoins irrécusables d’un grand combat livré par nos pères, sur le lieu même appelé de nos jours les Combots. Ces témoins sont trois immenses tombelles et quelques autres de moindres dimensions, qui attestent que deux armées, après s’être trouvées en présence, ont dû laisser un grand nombre de morts sur le terrain.

Les Gaulois furent-ils refoulés au fond de l’étroite presqu’île par l’habileté de Messala, qui les aurait ainsi acculés sur les bords de l’Océan pour qu’ils ne pussent lui échapper, ou bien est-ce une insurrection naissante qui fut, nul ne le sait, étouffée aux combots dans le sang des vaincus; mais là, assurément, expira la liberté de nos pères.

Nous venons de dire que les Romains habitèrent longtemps, non seulement à titre de conquérants, mais aussi en qualité de propriétaires attachés au sol, presque tout l’arrondissement de Marennes. Cette assertion est exacte, et les ruines romaines, si nombreuses, éparses dans les communes de Saint-Just, de Hiers, de Chaillevette, d’Arvert, de Dolus, etc., etc., en un mot sur presque tout le territoire de l’arrondissement, attestent non-seulement le séjour prolongé des Romains dans notre pays, mais aussi le luxe de leurs habitations et le raffinement d’une civilisation qui devait bientôt crouler sous les coups des barbares que le nord-est de l’Europe allait jeter sur l’empire décrépit des Césars.

Il ne paraît pas que les Romains aient doté notre arrondissement de nombreux établissements publics. Deux seulement nous sont indiqués par des ruines, nous voulons dire les constructions élevées à l’extrémité du promíontorium et qui devaient consister en ouvrages de défense, et la voie romaine qui conduisait du Portus à Saint-Augustin-sur-mer.

Cette voie desservait la presqu’île dont nous avons déjà parlé. Elle part de Saint-Augustin et vient se souder à Médis à la voie qui reliait le Portus à Novioregum (probablement le Talmont actuel).

Voici, du reste, le tracé qu’en donne l’abbé Lacurie dans sa notice sur le pays des Santones: Sortant du village de Toulon, la voie se confond avec la route de Saujon l’espace de 2 à 300 mètres, puis elle tire vers Pompierre, laissant sur la droite le domaine de La Grange. Elle traversait la Seudre sur un pont dont il reste encore des vestiges à Pompierre; de là elle coupe à travers les champs, tantôt cachée sous terre, tantôt visible pour des yeux même peu exercés, et gagne Médis, où des ruines nombreuses attestent une certaine importance. En cet endroit, elle tire vers Saint-Sulpice, suivant le versant nord-est du coteau, gagne Breuillet par les moulins de la Breuille, le Mottis et Grille; là, elle fait un angle très-obtus pour se perdre dans la forêt d’Arvert à la hauteur de Saint-Augustin-sur-mer.

Ce sont là, si nous ne nous trompons, les seuls travaux d’intérêt public exécutés par les Romains et dont il reste encore trace dans le pays. Mais, en abandonnant l’archipel saintongeais, ces fiers conquérants y ont laissé autre chose que des monuments; de nombreuses coutumes, conservées de génération en génération, sont ainsi arrivées jusqu’à nous, et le vêtement que porte le paysan de nos marais, espèce de tunique de toile blanche, étroite et descendant jusqu’à mi-corps, porte encore le nom de patrin.

Marennes et son arrondissement

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