Читать книгу L'éventail brisé - Arsène Houssaye - Страница 3
ОглавлениеA ÉMILE DE GIRARDIN Ce roman est dédié PAR SON AMI ARSÈNE HOUSSAYE.
L’éditeur de l’Éventail brisé ne saurait mieux faire que de reproduire ici ces pages, d’une critique de M. Francisque de Biotière sur le peintre ordinaire de la vie parisienne:
M. Arsène Houssaye est empêché par ses travaux historiques de continuer ses études de mœurs. On dit qu’il ne veut plus écrire de romans. Mais nous voulons qu’il conte toujours, parce qu’il est de ceux qui représentent le mieux le roman français, le roman parisien, sans se croire obligé de tacher ses pages avec du vin bleu.
Arsène Houssaye avait commencé par prouver sa science dans l’art d’écrire; mais quel peintre il est devenu! Quelle richesse de coloris, et quelles gammes souveraines dans les tons de sa palette! En le lisant, on ne saurait dire si on ne parcourt pas–tant l’illusion est grande–une galerie princière où les carnations opulentes de Rubens, ses draperies largement étoffées, son beau sentiment de la vie prendrait le relief sur les natures mortes, bahuts et cuivres repoussés de Vollon, cristaux, porcelaines, émaux, ivoires, damasquineries et perles enchâssées de Desgoffe. C’est une profusion et un luxe d’artiste-roi qui coudoie tous les styles, qui affronte tous les âges, parce qu’il en connait à fond le caractère, la grâce et l’harmonie.
Là, toutefois, ne s’arrête pas son beau talent. Il est encore un savant anatomiste. Il a fouillé tous les replis du cœur féminin, et plus d’un type qu’il a créé restera vivant parce qu’il a été pris sur nature. De ses modèles mondains et demi-mondains il a fait des figures sculptées d’un ciseau ferme et hardi, peintes d’un pinceau voluptueux et rayonnant. Sous l’épiderme rose et diaphane il a découvert les passions dans ce qu’elles ont de plus fiévreux, de plus exalté, de plus irrésistiblement fatal. Langueurs et syncopes, larmes et colères, fallacieuses caresses, sourires tentateurs, œillades provocantes, toutes les fibres félines ont été par lui analysées. On peut le dire, il a mis la femme à nu, non pas sur la table froide des anatomistes du naturalisme, mais au sein même de ses mièvreries de coin du feu, et de ses chatteries d’alcôve. Comme le praticien Balzac, il a fouillé les plaies saignantes, quand il l’a fallu, il a employé la rugination salutaire.
Ses héroïnes se meuvent, s’agitent frileuses et coquettes, ardentes et lascives, emmitouflées sous la dentelle, le velours et la soie. Elles sont pour nous autant de révélations surprises parmi ce monde étrange des grandes capricieuses et des hautes fantaisistes. Elles font la mode du jour, et règnent au théâtre, au Bois, un peu partout. Chanteresses qui captivent, endormeuses qui tuent d’un coup d’éventail. Fleurs éphémères, fleurs du mal, souvent, qui versent le poison dans l’amour, qui se pâment et s’étiolent sous un baiser adultère.–Jolis démons en robe à traine et placés sur le passage de l’homme pour l’amuser un instant et bientôt lui démontrer sa faiblesse.–Grandes dames ou grandes cocottes, il nous les montre belles et pécheresses,–impénitentes ou repenties.–Nous les reconnaissons filles d’Ève, et pour le romancier, c’est assez.
On a toujours dit qu’on apprenait la vie en vivant, mais pour apprendre la vie parisienne avec tous ses dessous de cartes, il faut lire les romans d’Arsène Houssaye. L’Éventail brisé, comme les Mille et une Nuits parisiennes, comme les Grandes Dames, sont des portes ouvertes à deux battants sur les mystères de Paris.
FRANCISQUE DE BIOTIÈRE.