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INTRODUCTION.

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Table des matières

Le moyen âge, qui suivit presque immédiatement le démembrement de l’Empire, la ruine du paganisme, les invasions, l’établissement du christianisme & des royaumes barbares, n’est autre chose que l’ordre social caractérisé par la formation des nations occidentales, le développement de l’Église & de la féodalité jusqu’au jour où l’esprit de réforme, le retour à l’antiquité, les grandes découvertes ont provoqué le mouvement de la Renaissance, aurore des temps modernes.

Dénigré par les uns comme une époque de ténèbres, de misère & de quasi-barbarie; exalté par d’autres, sous l’inspiration d’une religiosité romanesque, comme l’âge béni de la foi & de l’art, le moyen âge a-t-il été, en définitive, une période de progrès ou de décadence? Le penseur impartial, en cherchant avant tout à comprendre & à expliquer les faits se tiendra à égale distance de ces deux points de vue extrêmes. En admettant même que l’humanité poursuit une marche générale en avant, on doit reconnaître que le progrès n’est pas nécessairement continu; le flambeau de la civilisation a trop souvent subi des éclipses, & plus d’une fois on a pu se demander si la société humaine n’était pas sur le point de se dissoudre. Après la chute de la civilisation antique, l’humanité parut sans doute subir un recul vers la barbarie; mais ce mouvement cachait une période d’incubation qui, sur les ruines du monde ancien, au prix de longs & douloureux efforts, en enfanta un nouveau. Paraissant avec des forces rajeunies, il apportait, en dehors de toutes les traditions échappées au grand naufrage, le christianisme, puis les mœurs, les institutions, les idées des races nouvelles; ordre politique, social, économique, religion, arts, sciences, il transforma tout, & créa une littérature du caractère le plus original, où percent cependant partout des souvenirs ineffaçables de l’antiquité.

Le moyen âge n’acquiert sa signification réelle que dans un rapprochement avec l’antiquité. Qui songerait, qui réussirait même à rabaisser la puissance de Rome, la grandeur de la Grèce qui a enfanté la philosophie & les arts? Cependant lorsque le moyen âge ouvrit une ère nouvelle à l’Europe, le souvenir de toutes les grandeurs passées s’effaça devant les abus qui en étaient la base. L’Empire romain était comme un monde cristallisé dont tout idéal avait disparu. Assailli sur ses frontières par des nations jeunes, pleines de sève & de vitalité miné au dedans par le christianisme naissant qui attirait à lui la foule sans nombre des pauvres, des souffrants qui n’avaient rien à espérer de la société civile, il succomba.

L’empire avait mis des siècles à se constituer: il fallut dix autres siècles pour enfanter un monde nouveau. C’est ainsi que l’humanité se jette d’un extrême à l’autre sans pouvoir jamais se fixer sur le terrain moyen du juste, du vrai, du rationnel. Vint une réaction désordonnée, la longue nuit où toute notion du vieux droit disparut. A la centralisation succéda l’émiettement, presque la ruine du pouvoir; au devoir civique, une époque d’indépendance presque sans frein; à une philosophie savante une scolastique puérile; à des superstitions mortes, une ferveur religieuse qui s’égara dans l’ascétisme; à une législation méthodique, des lois de hasard & de circonstance, mal conçues, mal comprises, mal obéies; à des mœurs polies, des mœurs sauvages & sanguinaires. Seule la multitude resta le lendemain ce quelle était la veille: malheureuse sous l’empire, elle ne le fut pas moins sous la féodalité.

Pour relier & coordonner tous ces éléments épars il eût fallu une main forte: c’était précisément ce qui manquait le plus. Au Xe siècle les feudataires grands & petits se partageaient les débris de la puissance publique: toute idée de nation, de droit public avait disparu. Le seigneur féodal possédait tous les pouvoirs dans son domaine par le droit de l’épée: il y exerçait la haute & basse justice que symbolisait le gibet dressé à coté de sa demeure. Les dernières étincelles de lumière morale s’étaient réfugiées dans les retraites de l’Église; mais cette lumière même allait en s’affaiblissant, &, à la veille de l’an mille, la nuit était complète. Les pasteurs des peuples étaient aussi ignorants que le troupeau, & peut-être plus corrompus.

Faut-il donc voir là le progrès? Peut-être était-il indispensable à notre société de traverser ces épreuves du sein desquelles devait germer la semence de la civilisation moderne. Le réveil communal est là pour témoigner que l’âme humaine n’était pas morte; elle reparaissait d’abord dans la commune, bientôt ce devait être dans la constitution de la nation. Toujours, comme l’homme lui-même, le corps social est enfanté dans la souffrance & le sang.

A travers bien des péripéties, les provinces se groupaient autour d’un noyau central, & la royauté reprenait graduellement possession des pouvoirs souverains. Louis IX abolit les justices seigneuriales & le duel judiciaire; Philippe le Bel décréta la permanence du Parlement de Paris; Charles VII créa une armée & des finances; Louis XI porta un coup sensible à la féodalité. Ainsi naquit une nation, romaine par sa centralisation, gauloise par la vivacité de son esprit franque par sa passion d’indépendance, universelle par ses qualités civilisatrices.

La Rome impériale n’avait réalisé que l’unité politique; la Rome ecclésiastique ne chercha que l’unité religieuse. Vint un moment ou l’Église catholique parut sur le point de parvenir à la domination universelle. Mais irrémédiablement inféodée, pour la poursuite de ce but, au parti de la superstition, de l’ignorance & de l’oppression, elle se montra inférieure à la tâche qui était sa raison d’être; si bien que le moyen âge peut encore se définir: une tentative de théocratie avortée.

Cette unité, le monde ne la poursuivit pas moins par des voies différentes: il devait la réaliser un jour sous cette devise entrevue dès la fin du moyen âge, & formulée par la dévolution française: Justice & Liberté !

Études sur le Paris d'autrefois

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