Читать книгу Monographie du choléra-morbus épidémique de Paris - Auguste-Nicolas Gendrin - Страница 3
PRÉFACE.
ОглавлениеUne maladie dont tous les auteurs qui ont écrit sur les épidémies et les endémies de l’Inde ont parlé, le choléra-morbus, se manifesta avec une violence extraordinaire vers les bouches du Gange en 1817; il envahit bientôt dans sa marche épidémique, le royaume d’Aracan, tout le Bengale, et toute la partie de l’Inde qui s’étend du Delta du Gange au cap Comorin.
En 1818, cette terrible maladie dévastait en même temps les présidences de Calcuta, de Bombay, et de Madras, l’empire des Birmans, jusqu’à la presqu’île de Malacca et au pays de Camboye.
En 1819, elle avait étendu ses ravages dans le royaume de Siam, au Tonquin, à la Cochinchine, dans les provinces méridionales de l’Empire chinois et aux îles de France et de Bourbon.
En 1820, elle régnait aux îles Philippines.
En 1821, elle s’étendit dans les provinces septentrionales de la Chine, dans les îles du golfe Persique, en Arabie et dans une partie de la Perse et dans la Turquie d’Asie par Bassorah et Bagdad.
En 1822, elle n’avait point encore pénétré au-delà d’Erzeroum, mais elle était arrivée à Alep en Syrie, et elle ravageait toute la Perse.
En 1823, la plus grande partie de l’Arabie et la presque totalité de la Syrie étaient dévastées par ce fléau, qui atteignit l’Empire russe par Orenbourg. Dès ce moment, sa marche devint plus lente. Il n’avait mis que six années à venir de l’Inde en Europe, il en mit plus de sept à traverser l’Empire russe. Mais dès le commencement de 1831, il régnait en Pologne et il s’étendait rapidement en Hongrie, en Gallicie, en Prusse et en Autriche. Il arriva en Angleterre à la fin de 1831, atteignit Londres, et bientôt après se manifesta à Paris et à Calais en mars 1832.
On peut suivre pas à pas les progrès de cette terrible maladie de l’Inde en Europe dans plusieurs ouvrages. Il n’est point entré dans mon plan de donner son histoire générale, je ne me suis proposé que de tracer le résumé des observations cliniques que j’ai recueillies à Paris.
Lorsque le choléra-morbus s’est manifesté dans cette capitale, je remplissais depuis près d’une année les fonctions de médecin de l’Hôtel-Dieu par intérim, j’étais en cette qualité dans le cas d’observer rapidement beaucoup de malades de choléra-morbus; la quantité de ces malades devint bientôt si considérable à l’Hôtel-Dieu, que deux grandes salles de quatre-vingts lits chacune ne suffisaient plus pour les recevoir, dès le troisième jour de la manifestation de l’épidémie; le huitième jour, six cents lits destinés à ces malades se trouvaient remplis. Cette circonstance et la rapidité de la marche de cette maladie nécessitaient plusieurs visites de médecin par jour: j’en fis trois et même quatre dans le service qui m’était confié ; je me chargeai en outre de partager les fonctions de médecin résidant de l’hôpital, je passai ainsi la plus grande partie de la journée auprès des cholériques pour leur faire administrer les premiers soins dès leur arrivée à l’Hôtel-Dieu.
J’entre dans ces détails pour montrer avec quelle facilité j’ai pu multiplier mes observations et étudier en peu de temps le choléra-morbus épidémique, à tous ses degrés et sur un grand nombre de personnes, et comment j’ai pu constater promptement l’efficacité de divers moyens de traitement. Je déposais chaque jour, et plusieurs fois par jour, dans des notes toutes les réflexions que me suggérait l’observation clinique, et je recueillais les principaux faits. J’ai été toujours secondé dans ce travail pénible avec le plus grand zèle par les élèves attachés à mon service, et en particulier par M. Delaberge, mon interne, jeune homme d’une grande instruction et qui donne de belles espérances. Cet ouvrage n’est que le résumé de mes notes; écrit pour ainsi dire sous la dictée de l’épidémie, et dans les courts instants que j’ai pu dérober à mon sommeil, je le publie lorsque le fléau n’a pas cessé parmi nous, lorsque même il paraît reprendre de l’intensité après plus de trois mois d’un règne désastreux. Le style, l’ordre du travail, se sentent nécessairement du temps et des circonstances dans lesquelles je me suis trouvé ; mais, d’un autre côté, des observations consignées chaque jour, et vérifiées encore chaque jour, seront nécessairement plus exactes et présentées d’une manière plus vraie. C’est surtout ce mérite que je me suis efforcé de donner à cet ouvrage. Je l’ai écrit d’après ce précepte de Haller: Non aliud utilius consilium est, quam epidemias, morborum nempe vitas quasi scribere, et fideli naturæ imitatrice manu notare. (Hist. morb. Wratisl.)
A. N. GENDRIN.
Paris, ce 25 juillet 1832.