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CHAPITRE VI

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La première partie de leur voyage se passa dans une disposition mélancolique qui leur convenait trop bien pour être un sentiment pénible; mais en avançant dans la contrée qu'elles devaient habiter, un intérêt, une curiosité bien naturelle surmonta leur tristesse, et la vue de la charmante vallée de Barton, la changea presque en gaîté. C'est un pays cultivé, agréable, bien boisé, et riche en beaux pâturages. Après l'avoir traversé pendant un mille, elles arrivèrent à leur maison: une petite cour gazonnée la séparait du chemin; une jolie porte à clair-voie en fermait l'entrée. La maison, à laquelle sir Georges avait donné le nom trop modeste de Chaumière, n'était ni grande ni ornée, mais commode et bien arrangée; le bâtiment régulier, le toît point couvert en chaume, mais en belle ardoise; les contrevents n'étaient pas peints en vert, ni les murailles couvertes de chèvrefeuille; elle avait plutôt l'air d'une jolie ferme ou petite maison de campagne. Une allée au rez-de-chaussée traversait la maison, et conduisait de la cour au jardin. De chaque côté de l'entrée il y avait deux chambres environ de seize pieds en carré, et derrière se trouvaient la cuisine et les escaliers; quatre chambres à coucher et deux cabinets dans le haut formaient le reste de la maison: elle était bâtie depuis peu d'années, et très-propre. En comparaison de l'immense château de Norland, c'était sans doute une chétive demeure; mais si ce souvenir fit couler quelques larmes, elles furent bientôt séchées. En entrant dans la maison, chacune d'elles s'efforça de paraître heureuse et contente, et bientôt elles le furent en effet; la joie avec laquelle leurs bons domestiques les reçurent, en les félicitant de leur heureuse arrivée dans cette jolie habitation, dont ils étaient enchantés, se communiqua à leur cœur. Au grand château de Norland ils étaient confondus dans le nombre des serviteurs; dans cette petite maison, plus rapprochés de leurs maîtresses, ils devenaient presque des amis. La saison aussi contribuait à égayer leur établissement, on était au commencement de septembre, le temps était beau et serein, ce qui n'est point indifférent. Un beau jour, un ciel pur et sans nuage répandent un charme de plus sur les objets qu'on voit pour la première fois; on reçoit d'abord une impression favorable qui ne s'efface plus dans la suite.

Raison et sensibilité, ou les deux manières d'aimer (Tome 1)

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