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IV

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L'Émir n'épuisait pas sa satisfaction de l'éblouissement du jeune chrétien:

– Songe, lui disait-il, aux milliers de roses qu'il fallut presser pour obtenir une goutte d'un tel parfum! Ses mère et grand'-mères ont toujours vécu dans le sérail des rois; si haut que la mémoire remonte, elle a pour aïeux les chefs qui commandaient à Damas, à Homs, à Hamah, et l'Asie ne peut rien fournir de mieux. C'est une réussite qu'après nous, plus jamais, aucun homme ne reverra. Mais de la roseraie où Allah fit cette vendange, une douzaine d'autres jeunes femmes que je possède exhalent le parfum. Je puis te les montrer. Écoute, reste avec nous, je t'en donnerai une à respirer.

Guillaume avoua qu'il ne pensait plus à partir.

Alors l'Émir l'embrassa et lui dit:

– Ami chrétien, rentre dans ta maison, et dès ce soir tu verras venir celle que l'on a choisie pour toi, une toute jeune beauté qui n'a pas encore éprouvé la vie, mais en qui la sagesse habite.

Guillaume ressentait bien quelque remords de laisser repartir ses compagnons et de demeurer en païennerie, mais sa mission était remplie, la paix signée. Chose étrange, sa foi n'avait jamais été plus vive que dans ce moment. «Voilà seulement, se disait-il, que je me fais une idée de ce que sont les anges. Il n'est rien de difficile que je ne sois prêt à exécuter pour prendre place dans la vie éternelle auprès de cette Sarrasinoise qui, j'ignore comment, ne peut pas manquer de mériter d'être sauvée.»

Il méditait ainsi, quand une chaise à porteurs s'arrêta devant sa maison et qu'un grand nègre en tira à bout de bras et lui porta jusque sur son divan une charmante fille, rieuse et courtoise, sans rien lui dire que:

– Isabelle, de la part de l'Émir.

Quand ils furent seuls, celle-ci lui fit son compliment:

– Dans le sérail, on m'appelle la savante. Je serai donc Isabelle, pour votre plaisir, – Isabelle la savante, pour vos plus hautes joies. Il m'est permis de vous l'avouer, c'est une meilleure que moi qui m'envoie. Celle dont je viens veut que ma voix, mon visage et mes complaisances vous servent, et qu'en les accueillant vous y trouviez un gage de sympathie. Je la quitte et je peux à chaque heure la rejoindre. Je pense que vous autoriserez qu'entre elle et moi jamais il n'y ait de secret, et vous ne direz pas que je vous ai trahi, si je lui confie nos propos, nos actions et lui donne un regard sur notre intimité.

– Mais d'elle, Isabelle, ne puis-je rien savoir?

– Et pourquoi donc, Seigneur?

– Je pourrai l'entendre, la voir, m'avancer dans son amitié?

– Elle en a le désir et en créera les moyens. Elle demande que vous lui soyez entièrement attaché d'esprit, et que vous laissiez tout autre soin que de lui plaire. Elle ne perdra pas de vue votre fortune et la conduira avec plus d'application que vous-même. Personne ne peut lui résister. C'est une abeille, petite et pleine de miel, qui vole avec un terrible aiguillon.

– Je crains de mal entendre et de m'égarer dans des ruses de filles cruelles qui se moquent d'un étranger.

– Votre crainte même, elle l'a prévue. Tout ce qui vous trouble, elle sait que vous êtes en train de me le dire. Elle m'a donné ses instructions. «Prends-le dans tes bras, m'a-t-elle commandé, et murmure-lui à l'oreille que nous avons modifié le proverbe. Le proverbe affirme qu'entre la coupe et les lèvres il y a la mort. Mais nous disons qu'entre la coupe et les lèvres, il y a Isabelle, – Isabelle qui vient passer avec toi des nuits de plaisir en causant de tes amours impossibles.

Un jardin sur l'Oronte

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