Читать книгу De l'esprit de conquête et de l'usurpation - Benjamin de Constant - Страница 4
ОглавлениеPréface.
L’ouvrage actuel fait partie d’un traité de politique, termine depuis long tems. L’état de la France et celui de l’Europe sembloient le condamner à ne jamais paroître. Le continent n’étoit qu’un vaste cachot, privé de toute communication avec cette noble Angleterre, asyle généreux de la pensée, illustre refuge de la dignité de l’espèce humaine. Tout à coup, des deux extrémités de la terre, deux grands peuples se sont répondus, et les flammes de Moscou ont été l’aurore de la liberté du monde. Il est permis d’espérer que la France ne sera pas exceptée de la délivrance universelle, la France qu’estiment les nations qui la combattent, la France, dont la volonté suffit pour obtenir et donner la paix. Le moment est donc revenu, ou chacun peut se flatter d’être utile, suivant ses forces et ses lumières.
L’auteur de cet ouvrage a cru néanmoins que les circonstances n’étoient pas favorables à l’examen d’une foule de questions abstraites. Il a extrait seulement ce qui lui a paru d’un intérêt immédiat. Il auroit pu accroître cet intérêt par des personnalités plus directes. Mais il a voulu conserver avec scrupule ce qu’un profond sentiment lui avoit dicté, quand la terre étoit sous le joug. Il a éprouvé de la répugnance à se montrer plus amer ou plus hardi, contre l’adversité méritée que contre la prospérité coupable. Si les calamités publiques laissoient à son ame la faculté de s’ouvrir à des considérations personnelles, il lui seroit doux de penser, que lorsqu’on a voulu travailler, sans contradicteurs, à l’asservissement général, on a trouvé nécessaire d’étouffer sa voix.