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PRÉFACE

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Cet Auteuil de mon enfance, — de mon enfance et de sa jeunesse, — qu’évoque Jacques Blanche, je comprends qu’il s’y reporte avec plaisir comme à tout ce qui a émigré du monde visible dans l’invisible, à tout ce qui, converti en souvenirs, donne une sorte de plus-value à notre pensée, ombragée de charmilles qui n’existent plus. Mais cet Auteuil là m’intéresse encore davantage comme un même petit coin de la terre observable à deux époques, assez distantes, de son voyage à travers le Temps.

Entre ces jours anciens et ceux de maintenant, Auteuil, sans qu’il ait eu l’air de bouger, a traversé plus de vingt années, pendant lesquelles Jacques-Émile Blanche a conquis la célébrité comme peintre et écrivain, alors que moi, dans les jardins voisins et au bord des mêmes vieux

«Fontis», je n’ai attrapé que la fièvre des foins. Tout ce que, dans des pages qui sont des merveilles d’intelligence et de mélancolie, Jacques Blanche dit à propos de Manet, — de Manet que ses amis trouvaient charmants, mais ne prenaient pas au sérieux, ne «savaient pas si fort», — je l’ai vu se produire pour Blanche. Ici le milieu n’était pas le même et son élégance donnait une forme différente au malentendu, au fond identique, qui existe toujours entre ceux dont les yeux sont pleins malgré eux de la peinture d’hier et les auteurs des œuvres qui seront dignes du passé parce qu’elles ont été placées d’avance dans l’avenir, des œuvres qu’il faudrait pouvoir regarder en se mettant à la distance des années qu’elles anticipent et avec cette adaptation de la sensibilité qui exige précisément «du temps».

Souvent, pendant que Jacques Blanche peignait, une belle dame couronnée de fleurs faisait arrêter sa Victoria devant l’atelier. Elle descendait, contemplait, croyait juger. Comment eût-elle pu supposer qu’un chef-d’œuvre naissait sous les doigts d’un homme si bien habillé, avec lequel elle avait dîné la veille, qui s’était montré un causeur si fin et passait pour si méchant. Le proverbe — par extraordinaire — est faux qui dit: «Il n’y a pas de grand homme pour son valet de chambre.» Et il devrait être retouché ainsi: «Il n’y a pas de grand homme pour ses amphitryons, il n’y a pas de grand homme pour ses invités.» Quant à la «méchanceté », pour ma part, je n’ai connu que l’invariable expansion d’un grand cœur et la sérénité d’un juste. Cette «méchanceté » ou soi-disant telle, ne fut pas inutile à Jacques Blanche et s’il y a eu dans cette réputation un peu de sa faute, alors répétons le Felix Culpa qui était cher à Renan. Le danger pour Blanche c’était que, élégant, spirituel, il dissipât sa vie dans la mondanité. Mais la nature qui invente au besoin des névroses Protectrices, de tutélaires infortunes, pour que le don nécessaire ne soit pas laissé en friche, voulut que ce renom de médisance le brouillât assez vite avec les gens qui l’eussent empêché de peindre, et, les jours où il eût peut-être mieux aimé aller à une garden-party, le rejetât de force dans son atelier avec la rudesse de l’Ange baudelairien: «Car je suis ton bon ange, entends-tu, je le veux.»

Si l’on savait mieux démêler «ces choses inconnues, où la douleur de l’homme entre comme élément», on verrait que nous devons beaucoup plus, dans la vie, aux choses qui nous ont été désagréables, qu’aux autres. Cette fois-ci c’est un proverbe qui le dit avec toute la force incluse en la plupart d’entre eux: «A quelque chose malheur est bon».

Je ne peux pas me rappeler exactement si c’est dans l’incomparable salon de Mme Straus, dans celui de la Princesse Mathilde ou de Mme Baignères que j’ai fait la connaissance de Jacques Blanche, vers l’époque de mon service militaire, c’est-à-dire à peu près à vingt ans. En tout cas, c’est dans ces trois salons que je le retrouvais le plus souvent, et une esquisse au crayon qui a précédé mon portrait à l’huile a été faite avant le dîner, à Trouville, dans les admirables Frémonts qui étaient alors la résidence de Mme Arthur Baignères et où montaient du manoir des Roches ou de la villa Persane, la marquise de Galliffet, cousine germaine de la maîtresse de la maison, avec la princesse de Sagan, toutes deux dans leur élégance aujourd’hui à peu près indescriptible, d’anciennes belles de l’Empire.

Comme mes parents passaient le printemps et le commencement de l’été à Auteuil où Jacques Blanche habitait toute l’année, j’allais sans peine le matin poser pour mon portrait. A ce moment la maison qui s’est construite en hauteur, sur l’atelier même, comme une cathédrale sur la crypte de l’église primitive, était répandue, en ordre dispersé, dans les beaux jardins; et après la séance de pose, j’allais déjeuner dans la salle à manger du docteur Blanche, lequel, par habitude professionnelle, m’invitait de temps à autre au calme et à la modération. Si j’émettais une opinion que Jacques Blanche contredisait avec trop de force, le docteur, admirable de science et de bonté, mais habitué à avoir affaire à des fous, réprimandait vivement son fils: «Voyons, Jacques, ne le tourmente pas, ne l’agite pas. — Remettez-vous, mon enfant, tâchez de rester calme, il ne pense pas un mot de ce qu’il a dit; buvez un peu d’eau fraîche, à petites gorgées, en comptant jusqu’à cent.» D’autres fois je rentrais déjeuner tout près de la maison des Blanche, chez mon grand-oncle, encore à une «étape», (comme dirait M. Bourget) moins avancée, que M. et Mme Blanche, ces deux «grands bourgeois » dont Jacques-Émile a laissé d’inoubliables portraits, qui font penser aux Régents et Régentes de l’Hôpital, de Hals. («C’est une opinion courante et presque banale que l’image de leur mère offre aux artistes une occasion sans seconde d’exprimer le tréfonds d’eux-mêmes», a dit Jacques Blanche, dans ce «Whistler» qui est la perle délicieuse et mélancolique, la verrerie la plus délicatement irisée de la présente collection.)

Cette maison que nous habitions avec mon oncle, à Auteuil au milieu d’un grand jardin qui fut coupé en deux par le percement de la rue (depuis l’avenue Mozart), était aussi dénuée de goût que Possible. Pourtant je ne peux dire le plaisir que J’éprouvais, quand après avoir longé en plein soleil, dans le parfum des tilleuls, la rue Lafontaine, je montais un instant dans ma chambre où l’air onctueux d’une chaude matinée avait achevé de vernir et d’isoler, dans le clair-obscur nacré par le reflet et le glacis des grands rideaux (bien peu campagne) en satin bleu Empire, les simples odeurs du savon et de l’armoire à glace; quand après avoir traversé en trébuchant le petit salon, hermétiquement clos contre la chaleur, où un seul rayon de jour, immobile et fascinateur, achevait d’anesthésier l’air, et l’office où le cidre — qu’on verserait dans des verres d’un cristal un peu trop épais, qui donnerait en buvant l’envie de les mordre, comme certaines chairs de femme, à gros grains, en les embrassant — avait tant rafraîchi que, tout à l’heure, introduit dans la gorge, il pèserait contre les parois de celle-ci en une adhérence totale, délicieuse et profonde, — j’entrais enfin dans la salle à manger à l’atmosphère transparente et congelée comme une immatérielle agate que veinait l’odeur des cerises déjà entassées dans les compotiers, et où les couteaux, selon la mode la plus vulgairement bourgeoise, mais qui m’enchantait étaient appuyés à de petits prismes de cristal. Les irisations de ceux-ci n’ajoutaient pas seulement quelque mysticité à l’odeur du gruyère et des abricots. Dans la pénombre de la salle à manger, l’arc-en-ciel de ces porte-couteaux projetait sur les murs des ocellures de paon qui me semblaient aussi merveilleuses que les vitraux — préservés seulement dans les exquis relevés et transpositions qu’en a donnés Helleu — de la cathédrale de Reims, de cette cathédrale de Reims que de sauvages Allemands aimaient tant, que ne pouvant la prendre de force ils l’ont vitriolée. Hélas! je ne prévoyais pas ce hideux crime passionnel contre une Vierge de pierre, je ne savais pas prophétiser, quand j’écrivis la «Mort des Cathédrales» .

Blanche dit bien gentiment de Manet, ce qui est vrai aussi de lui, Blanche, (et ce qui explique en partie le temps qu’on a mis à le faire sortir de la catégorie des «amateurs distingués»), qu’il était modeste, humain, sensible à la critique. Il faudrait pouvoir insister sur ces qualités familières généralement associées au talent et qui empêchent, pour une forte part, qu’il soit reconnu. Pour montrer que, (sans talent compensateur, hélas!) je comprends fort bien tout de même ce genre de caractère qui, sous une forme ou Une autre, est celui de tous les grands artistes étudiés par Jacques Blanche dans ce livre, je dirai en me laissant aller aux souvenirs de cet Auteuil de mon adolescence, que par nature et par éducation, il m’eût alors semblé du plus mauvais goût de faire état d’avantages ou de prétendus avantages, que des camarades avec qui je me trouvais ne possédaient pas. Que de fois, rencontrant à la gare Saint-Lazare des étudiants qui rentraient aussi à Auteuil, ai-je, en rougissant, dissimulé, pour qu’ils ne pussent pas le voir, mon billet de première et suis-je monté en troisième comme eux, avec l’air de n’avoir jamais connu de ma vie d’autres compartiments. Pour la même raison, je me cachais aux yeux des mêmes collégiens d’aller déjà, et du reste bien peu à cette époque, dans le monde, si bien que mon

«manque de relations» excitait chez eux une véritable pitié et qu’ils n’eussent pas cru pouvoir me laisser apercevoir par les gens qu’ils considéraient comme élégants. Je me rappelle qu’une fois, comme je sortais de chez Blanche, je montai chez un de ces jeunes gens qui, probablement «recevait » ce jour-là sans que je le susse. En entendant la sonnette, il vint ouvrir lui-même croyant qu’il allait se trouver devant un de ses invités. Mais, en me voyant, il fut pris de la terreur folle que des personnes de ses relations pussent rencontrer un être qui avouait lui-même n’en avoir aucune, et avec l’agilité du kangouroo boxeur ou de l’ami qui dans un vaudeville précipite le mari hors de la chambre où il pourrait trouver sa femme avec un amant, il me fit descendre les escaliers, aussi vite je pense qu’un commandant de sous-marin fait quitter un navire torpillé à ses malheureux passagers, en me criant: «Excusez-moi, mon cher, votre présence ici est impossible, vous comprendrez tout d’un mot, j’ai à goûter les Dutilleul.» Je ne savais pas et n’ai jamais appris depuis qui étaient les Dutilleul et quelles déflagrations catastrophiques auraient pu naître de mon rapprochement avec ces personnes glorieuses. Le même soir, je devais aller à un bal chez la princesse de Wagram. Mon grand-père ne se soucia pas de m’emmener avec lui en voiture. Il quittait d’ailleurs trop tôt Auteuil, car s’il venait y dîner tous les soirs, il tenait à rentrer coucher à Paris. Il ne l’a jamais quitté un seul jour pendant les quatre-vingt-cinq ans qu’il a vécus (et cet exemple m’aide à comprendre mieux que tous les commentaires, la sédentarité bourgeoise à laquelle Jacques Blanche va vous raconter tout à l’heure que Fantin-Latour était si Passionnément, si maniaquement attaché), sauf au moment du siège de Paris où il alla mettre ma grand’mère en sûreté à Étampes. Ce fut le seul déplacement qu’il accomplit au cours de sa longue vie. En rentrant le soir à Paris, il passait devant le viaduc du chemin de fer, et la vue de wagons capables d’emmener les insensés chercheurs d’inconnu, au delà du «Point du Jour» ou de «Boulogne», lui faisait éprouver au fond de son coupé un sentiment d’intense Suave mari magno.

— «Et dire, s’écriait-il, en regardant le train avec un mélange d’étonnement, de pitié et d’effroi, et dire qu’il y a des gens qui aiment voyager!»

Mes parents trouvant qu’un jeune homme ne doit pas dépenser son argent inutilement, me refusèrent pour me rendre au bal de Mme de Wagram, non seulement la voiture familiale dont les chevaux étaient dételés depuis sept heures du soir, mais même un modeste fiacre, et mon père déclara qu’il était tout indiqué que je prisse l’omnibus d’Auteuil-Madeleine qui passait devant notre porte et s’arrêtait avenue de l’Alma où était l’hôtel de la Princesse. Comme «boutonnière» je dus me contenter d’une rose coupée dans le jardin, sans fourreau en papier d’argent.

Malheureusement, l’hôte des Dutilleul était précisément dans l’omnibus quand j’y montai. Il s’excusa, sur l’éclat qui les environnait, de la rude opération à laquelle il avait été obligé de procéder dans l’après-midi et se tordant de joie, par comparaison avec sa propre élégance, il me dit: «Alors, comme ça, vous ne connaissez Personne, vous n’allez jamais dans le monde, c’est très drôle!» Tout d’un coup le déplacement du col mon pardessus lui découvrit ma cravate blanche.

«Tiens! mais puisque vous n’allez jamais dans le monde, pourquoi êtes-vous en habit?» Je finis, après toutes les défenses possibles, par avouer que j’allais au bal. «Ah! vous allez tout de même au bal, mes compliments, ajouta-t-il sans plaisir. Et peut-on savoir quel est ce bal?» De plus en plus gêné et pour ôter, comme à un vêtement qu’on ne veut pas porter trop neuf, l’éclat qu’il y aurait eu dans le mot «Princesse», je murmurai avec humilité : «Le bal Wagram».

J’ignorais qu’il y avait pour les garçons de café et les «gens de maison» un bal qui se donnait salle Wagram et qui s’appelait le bal Wagram.

«Ah! elle est bien bonne», dit l’ami des Dutilleul, en reprenant sa gaîté, puis il ajouta sévèrement: «Mon cher, au moins on ne fait pas semblant d’être invité quand on est assez dénué de relations pour en être réduit à aller à des bals de domestiques, et payants encore!»

La seule énumération des portraits que Jacques Blanche fit vers cette époque (en exceptant le mien) suffit à montrer qu’en littérature aussi, c’était l’avenir qu’il découvrait, qu’il élisait, et elle est déjà, par là, une première explication de l’extrême valeur, du charme unique, que possède le présent volume. En effet, tandis que les peintres illustres alors — un Benjamin Constant, par exemple — ne faisaient le portrait que d’écrivains chargés d’honneurs, dépourvus de mérite, et aujourd’hui aussi oubliés que leur peintre, Jacques Blanche peignait les amis dont il était seul ou presque seul à célébrer le talent

«pour faire de l’originalité », disaient les gens du monde, ou peut-être par l’effet d’une méchanceté, qui, après avoir dénigré les grands hommes, trouvait un complément satanique de satisfaction à exalter les tenants de l’«École de l’Incompréhensible ». La vérité était que tout simplement Jacques Blanche possédait en lui, comme tous les hommes assurés de l’avenir, cette perspective du temps où il faut savoir se placer pour regarder les œuvres. Et de fait, après vingt années traversées par l’«Auteuil de sa jeunesse », les mêmes maîtresses de maison sont trop heureuses de placer à leur droite tel ou tel de ces amis que Jacques Blanche portraiturait et encensait alors, un Barrès, un Henri de Régnier, un André Gide. Jacques Blanche, comme Maurice Denis, a toujours professé pour Gide l’admiration qui convient et à laquelle il nous est bien permis d’ajouter de la tendresse. Quant aux natures mortes de Blanche dont c’était une plaisanterie dans certains salons, en ce temps-là, de dire:

«Il faudrait les mettre un peu plus en lumière, pour aujourd’hui seulement, parce que nous lavons invité en quatorzième ou en cure-dents. On les remettra demain à un endroit où elles ne se voient pas», elles sont à la place d’honneur aujourd’hui dans les mêmes salons. Et la maîtresse de maison explique d’un air délicat:

«N’est-ce pas? c’est d’une beauté rare; c’est beau comme le classique. Je vous dirai que j’ai toujours aimé cela, même au temps où cela m’obligeait à rompre des lances.» Et il serait peut-être injuste et un peu trop facile de dire que ces dames se contredisent ainsi parce que la peinture de Jacques Blanche est maintenant à la mode, mais qu’elles ne l’aiment pas davantage. Il est probable, au contraire, qu’elles l’aiment, puisque pour une œuvre d’art, être enfin mise à la mode, signifie qu’une telle évolution de l’optique et du goût s’est accomplie pendant une période plus ou moins longue, que les femmes de ce genre peuvent enfin aimer cette œuvre.

Le dimanche, Jacques Blanche se reposait, recevait des amis et «causait» quelques-unes des pages qui, écrites plus tard, sont réunies dans le volume pour lequel il m’a fait le grand honneur de me demander cette préface. Ces anciennes «causeries du dimanche», j’ai souvent dit à des amis quand il les eurent lues dans des revues, qu’à mon avis elles étaient vraiment les «Causeries du Lundi» de la peinture. Et je sais bien tout ce qu’une telle appellation renferme d’éloge. Je crois pourtant que je faisais un peu tort à Jacques Blanche. Le défaut de Jacques Blanche critique, comme de Sainte-Beuve, c’est de refaire l’inverse du trajet qu’accomplit l’artiste pour se réaliser, c’est d’expliquer le Fantin ou le Manet véritables, celui que l’on ne trouve que dans leur œuvre, à l’aide de l’homme périssable, pareil à ces contemporains, pétri de défauts, auquel une âme originale était enchaînée, et contre lequel elle protestait, dont elle essayait de se séparer, de se délivrer par le travail. C’est notre stupéfaction quand nous rencontrons dans le monde un grand homme que nous ne connaissons que par ses œuvres, d’avoir à superposer, à faire coïncider ceci et cela, à faire entrer l’œuvre immense (pour laquelle au besoin, quand nous Pensions à son auteur, nous avions construit un corps imaginaire et approprié) dans la donnée irréductible d’un corps vivant tout différent. Inscrire les polygones les plus compliqués dans un cercle ou trouver un mot en losange est un exercice d’une facilité enfantine auprès de celui qui consiste à réaliser, comme diraient les Anglais, que le monsieur à côté de qui on déjeune est l’auteur de Mon frère Yves ou de la Vie des Abeilles. Or, c’est cet homme-là, celui qui n’est que le compagnon de chaînes de l’artiste, que cherche (du moins en partie) à nous montrer Jacques Blanche. Ainsi faisait Sainte-Beuve, et le résultat, c’est que quelqu’un qui, ignorant de la littérature, du XIXe siècle, essayerait de l’étudier dans les Causeries du Lundi, apprendrait qu’il y eut alors en France des écrivains bien remarquables, tels que M. Royer-Collard, M. le comte Molé, M. de Tocqueville, Mme Sand, Béranger, Mérimée, d’autres encore; qu’à la vérité Sainte-Beuve a personnellement connu certains hommes d’esprit qui eurent leur agrément, leur utilité passagère, mais qu’il est fou de vouloir transformer aujourd’hui en grands écrivains. Par exemple Beyle, qui avait pris, on ne sait trop pourquoi, le pseudonyme de Stendhal, lançait des paradoxes piquants et où il y avait bien souvent de la justesse. Mais nous faire croire que c’est un romancier! Passe pour ses nouvelles! Mais le Rouge et le Noir et autres ouvrages pénibles à lire sont d’un homme peu doué. Vous eussiez étonné Beyle lui-même en parlant sérieusement de cela comme de chefs-d’œuvre. Encore plus eussiez-vous surpris Jacquemont, Mérimée, le comte Daru, tous ces hommes d’un jugement si sûr chez qui Sainte-Beuve rencontrait l’aimable Beyle et de l’opinion desquels, protestant contre l’absurde idolâtrie du jour, il peut se porter garant. Sainte-Beuve nous dit: la Chartreuse de Parme n’est pas l’œuvre d’un romancier». Vous Pouvez l’en croire, il a un avantage sur nous, il dînait avec l’auteur, lequel d’ailleurs, homme de bonne Compagnie s’il en fut, eût été le premier à vous rire au nez si vous l’aviez traité de grand romancier. Encore un gentil garçon, Baudelaire, ayant de beaucoup meilleures manières qu’on n’aurait pu croire. Et pas dénué de talent. Mais tout de même l’idée de se présenter à l’Académie, ça aurait eu l’air d’une mauvaise farce. L’ennui pour Sainte-Beuve est d’avoir ainsi des relations avec des gens qu’il n’admire pas. Quel brave garçon que ce Flaubert! Mais l’Éducation sentimentale sera illisible. Et pourtant il y a des traits «bien finement touchés» dans Madame Bovary. C’est au fond, quoi qu’on en pense, supérieur à Feydeau.

Ce point de vue est celui auquel Jacques Blanche se place souvent (pas toujours) dans ce volume. Quelle stupéfaction pour les admirateurs de Manet d’apprendre que ce révolutionnaire était

«ambitieux de décorations et de médailles», voulait prouver à ma grande amie Mme Madeleine Lemaire qu’il pouvait faire concurrence à Chaplin, ne travaillait que pour les «Salons» et regardait plus souvent du côté de Roll que de celui de Manet, Renoir et Degas. Or toutes proportions gardées, (puisque malgré tout le jugement d’un peintre sur un peintre est un jugement infiniment intéressant), ce point de vue-là c’est tout de même celui de la dame qui dirait: «Mais je peux très bien vous parler de Jacques Blanche; il dînait tous les mardis chez moi. Je vous assure que personne ne songeait à le prendre au sérieux comme peintre, et lui-même sa seule ambition, c’était d’être un homme du monde très recherché ».

D’un certain Jacques Blanche peut-être, mais pas du vrai. Ainsi le point de vue auquel se placent trop souvent Sainte-Beuve et quelquefois Jacques Blanche n’est pas le véritable point de vue de l’Art. Mais c’est celui de l’Histoire. Et là est son grand intérêt. Seulement tandis que ce point de vue-là Sainte-Beuve s’y tient pour tout de bon, ce qui fait qu’il classe souvent les écrivains de son époque à peu près dans l’ordre où aurait pu le faire Mme de Boigne ou la Duchesse de Broglie, Jacques Blanche ne l’adopte qu’un instant, en se jouant, Pour multiplier les contrastes, éclairer le tableau, faire revivre la scène. Mais bien au contraire les Peintres, comme les écrivains, qu’il a aimés, c’étaient ceux qui devaient être grands un jour, un jour que lui vivait par anticipation, de sorte que ses jugements resteront vrais et que ce livre écrit sur les peintres par un peintre qui les a vus travailler, qui peut nous décrire leur palette et les modifications qu’ont subies leurs toiles (donnant ainsi de leurs chefs-d’œuvre une gravure aussi émouvante que celles qui furent faites jadis de la Cène de Léonard, par Morgen, avant sa dégradation), mais par un peintre qui est aussi un étonnant écrivain, est à cause de celte dualité, unique. Fromentin? dira-t-on. Passons l’éponge sur le peintre; et avouons que l’écrivain, au moins dans les Maîtres d’autrefois, avec ses élégances à la George Sand. sinon à la Jules Sandeau, est inférieur à celui des Maîtres de jadis et de naguère. Jacques Blanche l’emporte surtout, c’est le point le plus intéressant pour les lecteurs, comme «connaisseur en peinture». Qu’on se rappelle que dans les Maîtres d’autrefois écrits pourtant plusieurs siècles après la mort de ces peintres hollandais, le plus grand d’entre eux, Ver Meer de Delft, n’est même pas nommé. Certainement, comme Jean Cocteau, Jacques Blanche rendrait justice au grand, à l’admirable Picasso, lequel a précisément concentré tous les traits de Cocteau en une image d’une rigidité si noble qu’à côté d’elle se dégradent un peu dans mon souvenir les plus charmants Carpaccio de Venise.

. Sur la manière dont Whistler, Ricard, Fantin, Manet préparaient leur palette, que de révélations, que peut-être lui seul pouvait faire! D’autre part, Blanche fait retourner un instant à leur existence périssable, tels qu’il les a connus, la table où s’asseyèrent les amoureux chez le père Lathuile, «le miroir à pied de Nana», «le môme meuble de chêne où tant de fleurs et de fruits peints par Fantin, achevèrent leur brève destinée»,

«le rideau de velours noir tendu, devant quoi le modèle de Whistler posait». Et ainsi, comme si nous entrions en relations avec la femme vraie d’après laquelle Flaubert peignit Madame Bovary, ou Stendhal le Sanseverina, faisons-nous la connaissance de chacun de ces objets de l’atelier que nous avons vus d’abord dans l’inaltérable beauté du chef-d’œuvre, chacun «tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change». Et sans doute le retour en arrière que nous fait faire Blanche est plus que piquant, inépuisablement instructif. Il montre l’absurdité de certaines formules qui ont fait admirer les grands peintres pour les qualités contraires de celles qu’ils avaient. (Opposez le Manet de Blanche à l’irréel Manet de Zola «fenêtre ouverte sur la nature»). Tout de même ce point de vue de l’histoire me choque en ce qu’il fait attribuer par Blanche (comme par Sainte-Beuve) trop d’importance à l’époque, aux modèles. Sans doute il est d’un bien agréable fétichisme de croire qu’une bonne partie du Beau est réalisée hors de nous et que nous n’aurons pas à la créer. Je ne puis aborder ici ces questions de doctrine. Mais je ne suis pas si matérialiste que de croire que les modes du temps de Fantin rendaient plus facile de faire de beaux portraits, que le Paris de Manet était plus pictural que le nôtre, que la féerique beauté de Londres est une moitié du génie de Whistler.

On peut trouver parfois dans les portraits que Blanche donne ici quelque justification à l’accusation de malice. Le portrait de tel peintre, de Fantin par exemple, prête à sourire. Mais, je le demande, un tel portrait, criant de vérité, d’originalité et de vie, ne louera-t-il pas plus efficacement le maître disparu (malgré les apparences d’irrespect qui ne peuvent tromper sur la sympathie si réelle de l’écrivain) que tant de pages uniformément dithyrambiques écrites par des critiques d’art qui ne connaissent rien à l’art? Ont-ils mieux servi, entretenu l’intérêt et la vie autour de la gloire de Fantin que Jacques Blanche quand, pour l’atelier de Fantin comme pour celui de Manet, il nous donne des détails sans prix? On peut ne pas trouver «aimables», dans le sens banal du mot, des précisions telles que celle-ci: «Fantin était d’une maladresse attendrissante dans l’arrangement d’un fond d’appartement ou le choix d’un siège. Ce réaliste scrupuleux épinglait derrière le modèle un bout d’étoffe grise, ou dressait un paravent de papier bis chargé de représenter les boiseries d’un salon. L’atelier de Fantin n’était pas plus subtilement éclairé que celui d’un photographe de jadis. Sa paresse et l’effroi qu’il avait de se transporter hors de chez lui le restreignaient encore. Il souffrait de ce plafond de verre qui d’un bout à l’autre de la pièce baignait également les personnages d’une lumière diffuse. La famille Dubourg m’apparaît telle que si M. Nadar avait prié ces braves gens de venir chez lui à la sortie de l’office divin, tout ankylosés dans leurs vêtements dominicaux». Si on faisait encore de ces devoirs ridicules qui ne sont plus en honneur que dans certaines écoles de jeunes filles et où Plante écrit:

«des enfers» à un dramaturge contemporain pour lui dire ce qu’il pense de sa nouvelle pièce, on pourrait «supposer» une lettre de Fantin, reconnaissant que Blanche, quand il parle de lui éveille souvent un sourire sur les lèvres du lecteur, mais ce même sourire plein de vénération qu’on a devant le portrait de Chardin par lui-même et où il apparaît coiffé d’un abat-jour. Surtout l’élève serait invité à faire ressortir que Fantin remercie Blanche d’avoir prolongé pour lui, ce qui doit paraître le plus précieux aux morts, la vie. D’ailleurs Blanche l’a dit: «Le jugement porté par des critiques ou par des amis me semble juste en peu d’occasions, plutôt exagéré en bien qu’en mal. Juger est un besoin impérieux de mon esprit, les liens les plus tendres de l’affection ne m’ont jamais fait changer en cela. Il faut dire ce qu’on pense. Telle est ma conception de l’honnêteté, à une époque de disputes et de troubles universels. On n’admet plus qu’un sentiment: l’admiration passionnée. Or vous n’avez Pas toujours l’occasion d’admirer vos contemporains, si votre idéal de beauté est élevé. Si j’ai blessé ou étonné certains compagnons de route, j’en suis chagrin pour eux, mais je me repose sur les plus judicieux, car il en est, ma foi, qui m’ont deviné et ne m’en veulent pas.»

Et pourtant quand il y a lieu d’admirer, avec quelle chaleur il admire. C’est une joie pour moi de trouver dans cet ouvrage (dont le présent volume n’est qu’un premier tome) d’enthousiastes éloges adressés à un homme que j’admire et que j’aime entre tous, José-Maria Sert. Quel plaisir et quelle sincérité animent les pages où Blanche le compare à Michel-Ange, à Tintoret. Chose étrange, j’aurais Pu vivre dans un autre temps que Sert, ou dans le même temps et ne le connaître pas. Mais nous nous connaissons. Il sait mon admiration pour lui, il ne m’a pas caché sa sympathie pour moi. Or, chaque fois que part sous bonne escorte une des magnifiques beautés captives qui, regrettant peut-être, dans leur exil prédestiné, la rue Barbet-de-Jouy, iront vivre leur vie séquestrée dans un palais ou une église d’Espagne, ou même s’envoleront sur la mer comme les Océanides, moi enchaîné à mon rocher, jamais je ne peux voir avant leur départ les nobles bannies. Il y a dans la vie d’autres incompatibilités que celles du temps et de l’espace; le mauvais Destin revêt les formes les plus étranges, encore à décrire pour les romanciers.

Dirai-je que dans ce livre de minutieuse vérité originale, créée, qui n’appartient qu’à Blanche même, il ne trahit pas, jusque dans son impartialité même, des préférences qu’on peut ne pas adopter? Ce ne serait pas vrai. Certes si le vénérable docteur Blanche revenait au monde, il aurait une joie où il entrerait un peu d’étonnement à entendre parler de son «Jacques» comme d’un peintre plus grand que les académiciens de son temps. Car au fond, comme tous les parents, même les plus intelligents, il devait dire de son fils l’équivalent de ce que disait du sien Mme Manet mère: «Il a pourtant copié la Vierge au lapin, de Tintoret, vous viendrez voir cela chez moi, c’est bien copié, il pourrait peindre autrement qu’il ne fait. Seulement, que voulez-vous! il a un tel entourage!» Mais la surprise du docteur Blanche serait plus grande encore de voir comme au fond son fils Jacques-Émile lui ressemble et le continue. C’est le tragique touchant des oppositions familiales que ce sont justement des qualités, des goûts analogues à ceux de nos parents, qui pour se découvrir, pour s’affirmer, entrent en lutte avec les leurs. De vieux oncles qui décident de donner un conseil judiciaire à leur neveu ont précisément fait les mêmes bêtises et de la même manière, mais s’imaginent que «ce n’était pas la même chose», de même que ceux qui luttèrent pour Delacroix, s’indignèrent ensuite contre Manet, contre les impressionnistes, contre les cubistes, se figurant eux aussi que «ce n’était pas la même chose». Or, dans deux des plus beaux morceaux de ce recueil, celui sur la vente Rouart et celui sur Cézanne, on se rend compte que Jacques Blanche était exactement le contraire de ce qu’il paraissait vers 1891. Il pousse le traditionalisme jusqu’à ne pas cacher son indulgence, au fond sa sympathie, pour l’appartement où M. Rouart avait accumulé les chefs-d’œuvre.

«Ces appartements si marqués de la touche du second empire, décelant un complet mépris de l’arrangement décoratif comme on le recherche maintenant... j’y menai un jour Fritz Thanlow. Il se croyait à l’avant-garde du goût du moderne. Entre Munich, Berlin et Copenhague, il s’était fait une conception de l’ameublement dont le salon d’automne de 1912 révéla les touchantes audaces. Il ne connaissait de la peinture que les œuvres exposées au Salon. Les rapports étaient donc embarrassants avec lui, dès qu’on souhaitait plus que de jouir paisiblement de son exquise cordialité.» «Blanche? vous n’aimeriez pas vivre dans cette maison! Comment! vous dites que M. Rouart est un homme de gout? Mais regardez ces meubles, ces tentures, comme chez un dentiste... les murs sont «prune», les étoffes sont chocolat, et ces lampadaires dorés. Non, Blanche, cela c’est de la province et du Louis-Philippe.» «La copie par Degas de l’Enlèvement des Sabines et le Poète de Delacroix firent déborder son amertume: «Si c’est cela de la peinture, je puis bien me pendre. Tout cela est brune!» Au fond comme on sent que Jacques Blanche préfère cette peinture-là, à la facture crayeuse des impressionnistes. Chez Manet, ce n’est pas le côté Monet, déjà démodé selon lui (mon goût personnel, si je m’y connaissais en peinture, me porterait à penser exactement le contraire, et j’ai vu chez Gaston Gallimard un Monet que je trouve le plus beau des Manet), c’est le côté Goya qu’il aime et Par qui Manet est rajeuni, «comme Musset par Shakespeare». Blanche déteste autant les théories littéraires des esthètes que leur goût décoratif.

«M. Charles Morice, dans un questionnaire proposé à mes confrères, demandait ce que Fantin a apporté, ce qu’il emporte dans la tombe. Cette question parut un peu déconcertante. Elle ne Pouvait venir que d’un homme de lettres, pour qui les opérations intellectuelles du peintre restent toujours assez impénétrables. La nouveauté, l’invention, en peinture, se décèlent souvent en un simple rapport de ton, en deux valeurs juxtaposées ou même en une certaine manière de délayer la couleur, de l’étendre sur la toile. Qui n’est pas sensible à la technique, n’est pas né pour les arts plastiques, et telle intelligence très déliée passera à côté d’un peintre pur sans s’en douter.»

Aussi semblerait-il d’abord que Jacques Blanche dût adhérer à cette maxime de Maurice Denis (de Maurice Denis pour lequel je serais tenté de dire, que — comme aussi pour Vuillard — il n’est pas tout à fait juste): «Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. » Si, au contraire, Jacques Blanche proteste contre elle, c’est par excès de traditionalisme français. Et pour le montrer, nous voulons finir en citant quelques lignes des pages magnifiques qu’il écrit, à cette occasion, pour glorifier les vieux maîtres de notre pays: «Protestons contre la part infime qui reste dans les théories de M. Denis à la sensibilité, à l’émotion qui est tout de même le plus précieux de l’intelligence, à cette faculté de nous toucher qu’eurent Delacroix, Millet, Corot, ces colosses de l’histoire du XIXe siècle. La charge à fond contre le réalisme et la copie de la nature, si chère aux néo-impressionnistes, aboutirait à des formules où la raison seule interviendrait, au détriment du sentiment humain, de la sensibilité, à un art strictement ornemental et décoratif, à peine différent de celui des Persans et des Chinois. Ce serait la fin du tableau comme l’ont conçu les hommes de notre race. Fritz Thaulow n’avait pas assez de sarcasmes pour certaine fabrique de Corot, sous un divin ciel bleu d’août qui éclaire d’un éternel rayon le cabinet où j’écris ces lignes... Il consiste en un ciel aussi lumineux, aussi transparent qu’un Fra Angelico, il est fait d’on ne sait quelle matière précieuse, de turquoise peut-être. Sous cet azur immaculé, un peu de lumière inanalysable change en un écrin de plusieurs ors les pignons et les toits d’une sorte de caserne banale; quelques personnages sont assis ou se promènent sur la place provinciale où s’étendent de longues ombres limpides. Je juge les soi-disant connaisseurs à leur attitude en présence de mon Corot. Les Hollandais seuls et les Français du temps des frères Rouart ont fait vibrer cette corde-là. C’est une musique à la française, claire, mélodique, mais si discrète, si intime qu’elle risque de ne pas se faire remarquer. Aussi bien c’est cette «musique de chambre» qui sonnait si juste dans l’hôtel de la rue de Lisbonne.»

Il me semble que de telles pages, dont je ne donne ici que des extraits, mais que le lecteur trouvera intégralement dans ce volume, ne font pas seulement admirer Jacques Blanche comme écrivain, autant qu’on a fini par l’admirer comme peintre, mais le feront aussi aimer. Ainsi par exemple la fin du morceau sur Millet, qui sera aussi celle de cette préface: «Pour le Français de l’Ouest, jouissant du bienfait de la vie aux champs il n’est pas une minute de la journée, un moment de chaque saison, un geste ni une figure de Normand, il n’est pas un arbre, une haie, un instrument aratoire qui ne s’embellissent de la sainte onction et de la noble grandeur que J. -F. Millet leur a départies... Tant que nos semblables auront un cœur pour s’émouvoir des inquiétudes du paysan, de son labeur sur la terre exigeante, sous le ciel menaçant; tant que l’aube, midi, le crépuscule du soir auront un sens pathétique, comment Pourrait-on contester l’œuvre de Millet, touchante comme sa vie, synthèse, — plus que de ses modèles, si près eux aussi de la nature, — de la nature elle-même.»

Marcel PROUST.

Propos de peinture: de David à Degas

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