Читать книгу Les Pendules à l’heure - Блейк Пирс - Страница 9
CHAPITRE TROIS
ОглавлениеAssis sur le porche de sa maison, Scratch regardait les enfants aller et venir dans leurs costumes de Halloween. Il avait toujours aimé cette période de l’année. Aujourd’hui, la fête lui laissait un goût amer.
Combien de ces enfants seront vivants dans quelques semaines ? se demanda-t-il.
Il soupira. Probablement aucun. La date approchait et personne n’écoutait ses messages.
La balancelle sur laquelle il était assis craquait. Une pluie tiède tombait. Scratch espéra que les enfants ne prendraient pas froid. Il avait un gros sac de bonbons sur les genoux. Il commençait à être tard. Bientôt, les enfants rentreraient chez eux.
Grand-père n’en finissait pas de se plaindre dans la tête de Scratch, même s’il était mort depuis des années. Scratch était peut-être adulte, mais ça ne l’empêchait pas de penser, encore et encore, au vieillard.
— Regarde celui-là, avec une cape et un masque en plastique, disait-il. T’appelles ça un costume ?
Scratch aurait préféré qu’il se taise. Ils allaient encore se disputer.
— Il est déguisé en Dark Vador, Grand-père.
— Je m’en fiche bien ! C’est un costume de supermarché. Quand je t’emmenais faire du porte à porte pour Halloween, on fabriquait ton costume.
Scratch s’en souvenait. Une fois, pour l’habiller en momie, Grand-père l’avait enroulé dans des draps déchirés. Pour un costume de chevalier, il lui avait bricolé une armure avec du carton et du papier d’alu, puis il lui avait donné un balai en guise de lance. Grand-père était très créatif.
Pourtant, ce n’étaient pas de bons souvenirs. Grand-père passait son temps à râler en fabriquant ces costumes. Et quand Scratch rentrait… L’espace d’un instant, il se remit dans la peau de ce petit garçon. Grand-père avait toujours raison. Scratch ne savait pas pourquoi, mais ça n’avait pas d’importance. Grand-père avait raison et il avait tort. C’était comme ça.
Scratch avait été soulagé d’atteindre l’âge adulte. Maintenant, il restait sur le porche, pour distribuer des bonbons aux enfants. Il était content pour eux. Au moins, ils avaient une enfance heureuse.
Trois gamins surgirent. Un garçon était habillé en Spiderman, une fille en Catwoman. Ils devaient avoir neuf ans. Le troisième costume fit sourire Scratch. La petite fille d’environ sept était déguisée en abeille.
— Farce ou bonbon ! s’écrièrent-ils.
Scratch étouffa un rire et fouilla dans son sac de bonbons. Il les distribua aux enfants qui s’en allèrent.
— Arrête de leur filer des bonbons ! grogna Grand-père. Pourquoi tu encourages encore ces petits cons ?
Scratch défiait les ordres de son Grand-père depuis deux heures déjà. Il serait obligé de payer plus tard.
Grand-père marmonnait toujours.
— N’oublie pas : nous avons du travail à faire demain soir.
Scratch ne répondit pas. Il se contenta d’écouter la balancelle craquer. Non, il n’oublierait pas ce qu’il avait à faire. C’était un travail détestable. Mais il fallait que ça se fasse.
*
Libby Clark suivait son frère et sa cousine dans les bois, derrière chez elle. Elle n’avait pas envie de les accompagner. Elle aurait préféré être dans son lit.
Son frère, Gary, menait le groupe, armé d’une lampe électrique. Il avait l’air bizarre dans son costume de Spiderman. Sa cousine le suivait, dans son costume de Catwoman. Libby trottinait derrière eux.
— Allez, vous deux, les encourageait Gary.
Il se faufila entre deux buissons. Denise fit de même. Mais le costume de Libby était trop rembourré. Elle s’accrocha dans les branchages. Ça lui fit encore plus peur. Si son costume d’abeille était abîmé, Maman se mettrait très en colère. Libby se dégagea vivement et les rattrapa.
— Je veux rentrer, souffla-t-elle.
— Ben, vas-y, fit Gary.
Non, Libby avait trop peur de rentrer toute seule. Elle était allée beaucoup trop loin.
— On devrait peut-être rentrer, dit Denise. Libby a la trouille.
Gary s’arrêta et se retourna vers elles. Libby ne voyait pas son visage, à cause du masque.
— Qu’est-ce que t’as, Denise ? T’as la trouille, toi aussi ?
Denise éclata d’un rire nerveux.
— Non, dit-elle.
Libby comprit qu’elle mentait.
— Allez, venez, poursuivit Gary.
Le petit groupe se remit en marche. Le sol est mou et glissant. Libby avait des mauvaises herbes jusqu’aux genoux. Au moins, il ne pleuvait plus. La lune se montrait entre les nuages. Il faisait de plus en plus froid et Libby était toute mouillée. Ça la faisait frissonner. Elle avait vraiment très peur.
Enfin, les buissons s’ouvrirent sur une clairière. Il y avait du brouillard. Gary s’arrêta.
— C’est là, dit-il. Regardez. C’est tout carré, comme s’il devait y avoir une maison. Mais y a pas de maison. Y a rien. Même les arbres ne poussent pas. Y a que des mauvaises herbes. C’est parce que c’est hanté. Y a des fantômes.
Libby pensa très fort à ce que disait Papa :
« Les fantômes, ça n’existe pas. »
Mais ça n’empêchait pas ses genoux de s’entrechoquer. Elle allait se faire pipi dessus. Maman ne serait pas contente.
— Et ça, c’est quoi ? demanda Denise.
Elle montra du doigt des formes sur le sol. On aurait dit des tuyaux recouverts de feuillage.
— Je sais pas, dit Gary. Ça ressemble aux trucs de sous-marins, pour voir ce qui se passe à la surface. Peut-être que les fantômes s’en servent pour nous regarder. Va voir, Denise.
Denise poussa un rire effrayé.
— Non, toi, vas-y !
— C’est bon, j’y vais.
Gary s’avança d’un pas prudent dans la clairière et s’approcha. Il s’arrêta à quelques pas, puis il se retourna vers sa cousine et sa sœur.
— Je sais pas ce que c’est, dit-il.
Denise éclata de rire.
— Tu regardes pas d’assez près !
— Mais si !
— Mais non ! T’es trop loin.
— Mais si, je suis assez près. T’as qu’à y aller, si t’es si maligne.
Denise ne répondit pas. Elle finit par s’avancer à son tour. Elle s’approcha un tout petit peu plus près que Gary, puis fit demi-tour.
— Moi non plus, je sais pas, dit-elle.
— C’est ton tour, Libby, dit Gary.
La peur de Libby lui remontait dans la gorge.
— Non, elle est trop petite, protesta Denise.
Gary poussa Libby dans le dos. Elle se retrouva dans la clairière. Elle essaya de faire demi-tour, mais Gary l’en empêcha.
— Non, non, dit-il. Denise et moi, on est allés. T’y vas aussi.
Libby avala sa salive. Elle se retourna vers les formes étranges, au milieu de la clairière. Elle avait l’impression que ces trucs la regardaient.
Elle pensa à nouveau à ce que disait Papa.
« Les fantômes, ça n’existe pas. »
Papa ne mentirait pas sur un sujet aussi important. Alors pourquoi avait-elle peur ?
Et puis, Gary l’avait énervée. Elle était plus en colère qu’effrayée.
Je vais lui faire voir, pensa-t-elle.
Sur des jambes flageolantes, elle s’avança courageusement vers le truc métallique.
Elle s’approcha. Le plus près possible. Plus près que Gary ou Denise. Elle en était très fière, mais elle ne savait toujours pas ce que c’était que ce truc.
Elle tendit la main pour le toucher. Ses doigts écartèrent les feuilles, en espérant qu’elle ne se ferait pas dévorer la main. Puis elle effleura le métal froid.
C’est quoi ? se demanda-t-elle.
Un bruit sortait de ce tuyau.
Elle approcha son oreille. C’était un bruit très faible, mais ce n’était pas son imagination. C’était réel. On aurait dit une femme qui pleurait.
Libby s’écarta vivement. L’espace de quelques secondes, la terreur la pétrifia sur place. C’était comme quand elle était tombée d’un arbre, une fois, sur le dos, et qu’elle en avait eu le souffle coupé.
Elle devait s’en aller, mais elle restait figée comme une statue. Non, elle allait ordonner à son corps de s’en aller.
Tourne-toi et cours, pensa-t-elle.
Elle en fut incapable pendant de longues secondes.
Enfin, ses jambes se mirent à courir toutes seules. Elle se précipita dans les bois, sans s’arrêter, effrayée à l’idée que quelque chose la poursuive et l’attrape par-derrière.
Quand elle arriva enfin à l’orée de la forêt, elle reprit son souffle.
— Qu’est-ce qui se passe ? s’exclama Denise.
— Un fantôme ! hoqueta Libby. J’ai entendu un fantôme.
Elle n’attendit pas de réponse. Elle se remit à courir aussi vite que possible. Sa cousine et son frère s’élancèrent derrière elle.
— Eh, Libby, attends nous ! cria Gary.
Ah non, pas question ! Libby ne s’arrêterait qu’à la maison.