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CHAPITRE 5

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Lundi soir


Au volant de sa Prius, Ray dans le siège passager, Keri suivait la voiture de police qu’ils avaient appelée et qui transportait Denton Rivers au commissariat. Keri écoutait silencieusement Ray passer des coups de fil.

L’officier responsable du secteur Ouest du LAPD était Reena Beecher, mais c’était le supérieur de Keri et Ray, le lieutenant Cole Hillman, qui allait s’occuper de la situation et lui faire des rapports. Ray était en train de le mettre au courant des évènements. Cole Hillman, aussi surnommé « le Marteau » par ses subalternes, était chargé des personnes disparues, des homicides, des vols, et des crimes sexuels.

Keri n’était pas une grande admiratrice du « Marteau ». À ses yeux, le lieutenant Hillman semblait accorder plus d’importance à son petit confort qu’aux enquêtes à mener. Peut-être que son grade l’avait ramolli. En tout cas, il n’hésitait pas à s’en prendre aux agents qui avaient trop de dossiers non résolus, d’où son surnom, qu’il semblait adorer.

Pour Keri, c’était un hypocrite. Il s’emportait quand les enquêtes prenaient du temps, mais ne supportait pas non plus que les agents prennent des risques pour résoudre ces mêmes enquêtes.

D’après elle, un surnom plus approprié aurait été « connard ». Mais puisqu’elle ne pouvait se permettre de lui donner le petit nom qu’elle aurait voulu, elle se rebellait en ne lui donnant pas non plus le surnom officiel qu’il affectionnait.

Keri roulait à toute vitesse pour tenir le rythme de la voiture de police devant eux. À côté d’elle, Ray récapitulait le déroulement des évènements pour Hillman. Il exposait qu’un appel en fin d’après-midi était devenu un potentiel enlèvement de la fille d’un sénateur. Il décrivit les images de la caméra de surveillance du garant de caution Briggs, ainsi que leur visite au domicile des Briggs – en omettant quelques détails.

« L’agent Locke et moi-même sommes donc en train d’amener Rivers au commissariat pour l’interroger davantage, finit d’expliquer Ray.

– Attends un peu, dit Hillman. Qu’est ce que fait Keri Locke sur ce dossier ? C’est bien au-dessus de son niveau de compétences, Sands.

– C’est elle qui a pris l’appel, lieutenant. Et c’est elle qui a découvert toutes les pistes qu’on a pour le moment. Nous sommes presque arrivés. Je vous tiendrai au courant.

– Bon, je vais arriver bientôt, moi aussi. Je dois appeler le capitaine Beecher, elle voudra être avertie.  J’ai convoqué tout le monde pour une réunion générale dans quinze minutes. »

Il raccrocha sans plus de cérémonie. Ray se tourna vers Keri et fit : « On va être éjectés du dossier dès qu’on leur aura fait un compte-rendu détaillé, mais au moins on aura progressé un peu. »

Keri se renfrogna. « Ils vont faire n’importe quoi, dit-elle.

– Tu n’es pas la seule enquêtrice valable dans le périmètre, tu sais.

– Je sais, il y a toi, aussi.

– Merci, camarade, pour ce compliment légèrement condescendant.

– De rien. Mais Hillman ne m’aime pas.

– C’est pas dit. Je pense juste qu’il te trouve un peu, comment dire… impétueuse, pour un agent avec si peu d’expérience.

– Peut-être. Ou alors, c’est juste un connard. C’est pas grave, je ne l’aime pas non plus.

– Pourquoi ?

– Parce que c’est un gratte-papier flagorneur et que ses démarches n’ont aucune originalité. En plus, quand on se croise dans le couloir, il ne me regarde jamais au-dessus de la poitrine.

– Ah. Eh bien, je dois dire que si tu vas en vouloir à tous les flics qui font ça, il ne restera que des connards. »

Keri le regarda d’un air entendu. « Exactement.

– Je vais essayer de ne pas me vexer, rétorqua-t-il.

– Ne sois pas si sensible, Colosse d’Acier. »

Il resta silencieux pendant un moment. Keri sentait qu’il voulait dire quelque chose, sans savoir comment aborder le sujet. Finalement, il fit : « On va parler de ce que tu as fait, dans la maison ?

– Qu’est ce que j’ai fait ?

– Tu as attaqué un adolescent.

– Ah, ça. Je préfèrerais qu’on n’en parle pas. D’ailleurs, il me semble que tu as dit qu’il s’est cogné en trébuchant.

– S’il s’avère qu’il est innocent, et s’il porte plainte, les conséquences pourraient être graves.

– Je ne me fais pas de soucis.

– Moi, oui. Peut-être parce qu’on approche de l’étape des cinq ans. Tu as pu voir le Dr Blanc, récemment ? »

Le silence de Keri était éloquent.

« Peut-être que tu devrais », murmura-t-il.

Keri s’engagea dans le parking du commissariat, ce qui mit un terme à leur discussion. À l’intérieur, Keri se chargea de déposer plainte pour le vol du portable d’Ashley. Pendant ce temps, Denton Rivers était placé dans une salle d’interrogatoire. Avec ça, ils pourraient le garder plusieurs heures. Avec un peu de chance, ça leur permettrait d’en savoir plus.

Ensuite, Ray et Keri se rendirent dans la salle de réunion, où les responsables du centre d’appel attribuaient les missions aux équipes, au début de chaque garde. La réunion générale allait commencer. Lorsqu’ils arrivèrent, Hillman était déjà là, ainsi que six des agents les plus chevronnés du service, dont deux du bureau chargé des homicides.

Ray était dans son élément, au contraire de Keri. En voyant les regards converger sur elle, elle se sentit comme un insecte observé à la loupe.

Ne te laisse pas démonter. Tu as ta place ici.

Le lieutenant Cole Hillman se leva pour prendre la parole. Il avait atteint la cinquantaine récemment, mais les sillons qui barraient son front suggéraient que les choses qu’il avait du affronter dans le cadre de son travail l’avaient fait vieillir prématurément. Sa tignasse poivre et sel ne se dégarnissait que légèrement au niveau des tempes. Il avait un torse massif et une bedaine qu’il tentait de camoufler sous des chemises flottantes. Il était 19h passées mais il portait toujours un costume-cravate. Keri ne se souvenait pas l’avoir jamais vu porter autre chose.

« Avant tout, merci d’être venu dans de si bref délais, dit-il. Comme la plupart d’entre vous sait déjà, cette enquête concerne Ashley Penn, la fille du sénateur Stafford Penn. Même s’il n’était pas un proche ami du maire et du gouverneur de Californie, ce dossier serait une priorité. Mais puisqu’il l’est, nous avons vraiment la pression. On peut s’attendre à ce que nos amis du FBI fourrent leur nez dans ce dossier très bientôt, mais pour le moment, on va faire comme si ça allait rester notre exclusivité. D’après ce que j’ai compris, le sénateur n’est pas convaincu qu’il s’agisse d’un enlèvement. Il pense que c’est possible que sa fille soit en train de faire la fête avec ses amis. C’est effectivement possible. La vidéo la montrant rentrer dans le fourgon ne permet pas de trancher. Mais tant qu’on n’est sûr de rien, on va suivre toutes les pistes qui s’offrent à nous, compris ? »

La salle fut parcourue d’un murmure d’assentiment. Plusieurs agents hochaient la tête. Hillman poursuivit : « Apparemment, la rumeur s’est déjà répandue dans le lycée d’Ashley, le lycée de West Venice. C’est en train de prendre de l’ampleur sur les réseaux sociaux. On a déjà reçu un appel d’un journaliste inquisiteur. D’ici à demain matin, l’affaire fera probablement la une de tous les journaux de Californie. Je tiens donc à être clair : si les médias vous sollicitent, et ils le feront certainement, vous ne ferez aucun commentaire. Peu importe le journaliste, vous les redirigerez vers le responsable communications. Compris ? »

Un mauvais pressentiment

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