Читать книгу Le Visage de la Mort - Блейк Пирс - Страница 6
PROLOGUE
ОглавлениеLinda se carra dans son siège, essayant de trouver une position confortable sur les vieux coussins usés. Le siège, qui avait supporté le poids d’innombrables employés de station-service au cours des quinze ou vingt dernières années, était en aussi bon état que le reste de l’endroit.
Elle avait un siège au moins. Et la télévision, même si elle était minuscule et si vieille qu’elle parvenait à peine à discerner les visages au milieu des interférences sur l’écran.
Linda soupira et tapota plusieurs fois le côté de la télévision afin d’essayer de rendre l’image plus nette. Elle attendait que sa série favorite commence et elle voulait au moins pouvoir distinguer quel personnage était lequel.
Au moins, il était peu probable qu’elle soit dérangée. Cette partie de l’ouest du Missouri n’était pas vraiment très fréquentée et elle restait parfois des heures sans voir le moindre clients. Il n’y avait aucun résident à plusieurs kilomètres à la ronde et la route avait été supplantée par une nouvelle autoroute qui permettait aux gens d’atteindre leur destination sans avoir à faire trop de détours. Ce n’était probablement plus qu’une question de temps avant que la station ne ferme, alors Linda profitait de sa tranquillité tant qu’elle le pouvait encore.
Le générique de sa série retentit, toujours aussi rassurant et familier malgré le son de mauvaise qualité qui lui donnait un côté métallique. Linda se tortilla de nouveau contre le dossier, essayant de se mettre le plus à l’aise possible, et prit un paquet de chips du présentoir derrière elle.
— Oh, Loretta, dit le personnage à l’écran. Comment as-tu pu me faire ça ? Ne sais-tu pas que nous sommes…
Le dialogue fut noyé par le carillon de la cloche au-dessus de la porte. Linda sauta sur ses pieds, trébuchant presque dans sa tentative pour donner l’impression qu’elle était attentive. Elle fourra d’un air coupable le paquet de chips ouvert sur une étagère sous le comptoir.
— Salut, dit le client en souriant.
Il semblait amusé, mais amical, presque comme s’ils partageaient une blague entre eux deux.
— Euh, est-ce que je pourrais utiliser vos toilettes ?
Il était plutôt agréable. C’était un homme mince à l’apparence d’un jeune garçon. Il devait avoir trente ans grand maximum. Linda l’apprécia immédiatement. Elle avait une espèce de sixième sens en ce qui concernait les clients. Elle savait toujours au premier coup d’œil s’ils allaient lui causer des ennuis ou non.
— Désolée, mon chou, dit-elle. Les toilettes sont réservées aux clients.
— Oh, dit-il.
Il fouilla la pièce du regard. Il y avait un présentoir de bonbons bon marché près du comptoir qui servait à attirer les enfants qui chercheraient ensuite à attirer l’attention de leurs parents.
— Je vais acheter ces bonbons.
Il prit un paquet de bonbons en sucre dur et le jeta délicatement sur le comptoir, juste devant elle. Il fouilla dans sa poche pour en sortir quelques pièces et le compte exact suivi le paquet.
— Et voilà, monsieur, dit Linda en poussant une des clés des toilettes vers lui. Les toilettes sont juste derrière le bâtiment. Vous n’avez qu’à sortir et faire le tour.
— Oh, merci, dit l’homme, prenant la clé et la tapotant contre son pouce tout en regardant le parking. Mais, euh. Est-ce que cela vous dérangerait de me montrer où c’est ?
Linda hésita. Sa série avait commencé et elle en avait déjà raté une bonne partie. Et bien qu’elle trouvât cet homme parfaitement gentil et normal — même beau, si elle avait eu dix ou quinze ans de moins — un petit doute tenace la taraudait. Devrait-elle vraiment abandonner le comptoir et lui montrer les toilettes ? Partir seule, dans le noir, avec un inconnu et hors de vue de la route ?
Oh, Linda, pensa-t-elle pour elle-même. Tu essayes seulement de trouver un moyen de regarder ta série plus longtemps. Allez, tire-toi de ta chaise, lève-toi et fais ton travail.
— Bien sûr, dit-elle, cependant toujours quelque peu réticente. Suivez-moi.
Le soleil s’était couché voilà peut-être une demi-heure, il n’était donc vraiment pas surprenant qu’il eût besoin d’aide pour trouver les toilettes. Il était difficile de se repérer la nuit dans un endroit que l’on ne connaissait pas. Linda commença à le guider dans la bonne direction, marchant sur les mauvaises herbes qui poussaient dans le béton.
— Cet endroit est vraiment désert, hein ? dit-il.
— Ouais, répondit Linda.
C’était une chose un peu étrange à dire dans le noir, non ? Il avait peut-être lui-même un peu peur et avait besoin d’être rassuré. Non pas que l’isolement ne lui plût plus qu’à lui.
— On n’a pas vraiment beaucoup de clients ces temps-ci.
— J’ai toujours pensé que les stations-service en disaient beaucoup sur un endroit. Il y a des petits signes, vous savez. Des motifs que l’on peut remarquer. Comme la richesse d’une communauté ou quelle genre de nourriture est populaire.
— Je suppose que je n’y avais jamais vraiment pensé.
Au fond d’elle, Linda n’en avait que faire de son explication de la complexité des stations-service à travers le pays. Elle voulait atteindre les toilettes et retourner à l’intérieur aussi rapidement que possible, sans que rien de bizarre ne se produise. Mais elle ne voulait pas se montrer impolie et lui dire cela.
— Oh, ouais. J’aime visiter différentes stations-service. Certaines sont vraiment gigantesques, vous savez. Puis certaines sont petites, déglinguée et reculée, comme celle-ci. Et on peut aussi en apprendre beaucoup sur les gens qui y travaillent.
Un frisson descendit le long de l’échine de Linda. Il parlait d’elle. Elle ne voulait pas lui demander ce qu’il pouvait apprendre sur elle, ou ce qu’il savait déjà. Elle ne pensait pas que cela lui plairait.
— C’est un drôle de travail, ici au milieu de nulle part, continua-t-il. Vous devez passer beaucoup de temps seule. Si vous avez besoin d’aide, eh bien, il doit être difficile d’en trouver. Seul un certain type de personnes accepte ce genre de travail. De là on peut prédire toute sortes de choses concernant le comportement en se basant sur les motifs. Comme par exemple, jusqu’où quelqu’un serait prêt à aller pour servir un client.
Linda accéléra le pas sur le sol sombre ; elle ressentait à présent le besoin de s’éloigner de lui. Se faire dire à quel point elle était vulnérable n’était pas quelque chose qu’elle avait envie d’entendre en ce moment. Cela fit descendre un autre frisson le long de son échine, alors même qu’elle se disait combien elle se montrait stupide. Elle sentit le métal dur de la clé de la porte d’entrée dans sa poche et elle la glissa entre deux de ses doigts, là où elle pourrait lui servir d’arme.
Elle ne dit mot. Elle ne voulait pas lui faire dire quelque chose d’autre — ou lui faire faire quelque chose. Bien qu’elle ne pût pas dire ce à quoi elle s’attendait, elle était certaine qu’elle ne voulait pas que cela se produise. Ils traversèrent le parking vide — la voiture du client devait être garée à l’avant, près des pompes.
— Et voilà les toilettes, là-bas, dit Linda en désignant la porte du doigt.
Elle n’avait pas particulièrement envie d’aller plus loin. S’il y allait seul, elle pourrait retourner à son comptoir, où il y avait un téléphone pour appeler à l’aide et des portes qu’elle pouvait verrouiller.
Le client ne dit rien, mais il sortit son paquet de bonbons et l’ouvrit. Il ne la regardait même pas, mais il semblait soigneusement concentré sur sa tâche alors qu’il retournait le paquet pour le vider.
Les bonbons sphériques colorés s’éparpillèrent et rebondirent sur le béton. Linda poussa un cri perçant et fit un pas en arrière malgré elle. Qui avait déjà entendu parler de quelqu’un renversant des bonbons sur le sol comme cela ? C’était seulement pour lui faire peur ou quoi ? Linda porta une main à sa poitrine, essayant de calmer son cœur qui battait la chamade.
— Regardez ça ! rit le client en montrant les bonbons du doigt. C’est toujours la même chose, vous savez ? Rien n’est jamais aléatoire. On obtient toujours les mêmes séquences et fractales, et il s’y cache toujours quelque chose. Même si on essaye de ne rien voir, notre cerveau s’accroche à une séquence, tout simplement.
Linda en avait assez entendu. Ce gars était dingue. Elle était toute seule, dans le noir, comme il s’était donné le mal de lui faire remarquer. Elle devait s’éloigner de lui, retourner au comptoir. Retourner où elle serait en sécurité.
Linda prit le chemin le plus rapide auquel elle put penser. Elle fit rapidement les derniers pas jusqu’aux toilettes et en ouvrit la porte pour lui, la lumière au-dessus de la porte s’allumant automatiquement.
— Oh ! dit le jeune homme. Là, regardez. Sur votre main. Une autre séquence.
Linda se figea et baissa les yeux vers ses taches de rousseur qui étaient maintenant visible dans la lumière orange pâle. L’attention qu’il prêtait à sa peau était comme un insecte, quelque chose dont elle voulait instinctivement se débarrasser.
— Je dois retourner dans le magasin, lâcha Linda. Laissez simplement la clé quand vous aurez fini, juste au cas où il y aurait d’autres clients.
Elle commença à se hâter vers l’avant de la station-service, vers la porte et la sécurité du comptoir. Il y avait quelque chose qui clochait chez ce jeune homme ; quelque chose de très étrange en effet, et elle ne voulait pas passer une seconde de plus en sa compagnie — même si cela signifiait retourner chez la clé seule plus tard. Tous les poils de sa nuque étaient hérissés et son cœur refusait de se calmer.
Elle devrait peut-être appeler quelqu’un. Elle pensa à son ex-mari, assis chez lui à des kilomètres de là, probablement en train de se détendre devant la télévision. Ou son patron, qui, de ce qu’elle savait, pourrait être au Canada tant elle le voyait souvent. Prendraient-ils le temps de répondre ? Et s’ils répondaient, que pourraient-ils faire pour l’aider ?
La police, peut-être ? Non — c’était sûrement excessif.
Linda trébucha presque sur un bonbon qui avait roulé plus loin que les autres et essaya de faire plus attention à où elle mettait les pieds, vérifiant le sol devant elle. Son cœur battait la chamade et elle pouvait entendre ses propres pas qui étaient bien trop bruyants alors qu’elle se précipitait en direction de l’angle du bâtiment. Elle aurait voulu pouvoir faire moins de bruit, aller plus vite, simplement atteindre les portes.
Elle courait presque, le souffle court. Elle tourna à l’angle, envahie d’une sensation de soulagement à la vue des portes familières devant elle.
Mais quelque chose la retenait — quelque chose qui se resserrait autour de son cou.
Les mains de Linda montèrent instinctivement, saisissant le fil de fer fin et tranchant qui lui coupa les doigts alors qu’elle s’efforçait de l’attraper. Ses pieds essayèrent de faire avancer son corps sans but, son élan ne faisant que plus reculer sa tête. Elle devait atteindre les portes. Elle devait retourner à l’intérieur.
La panique lui voila la vision et l’atroce pression s’intensifia jusqu’à ce qu’elle ressente une rapide vague de soulagement, quelque chose de chaud et humide s’épanchant sur sa poitrine. Elle n’avait pas le temps d’essayer de comprendre, seulement de suffoquer et de sentir une sensation humide et poisseuse à l’endroit où s’était trouvé le fil de fer et de remarquer le sol sous ses genoux, et ensuite sa tête, et ensuite plus rien du tout.