Читать книгу L’alibi Idéal - Блейк Пирс - Страница 4
CHAPITRE PREMIER
ОглавлениеAccroupie, serrée et roulée en boule, Caroline Gidley utilisait l’intérieur de ses cuisses pour se réchauffer. Même si l’on était à la fin du printemps, il faisait froid la nuit, surtout dans les circonstances où elle se trouvait.
Il était fou qu’elle puisse même les considérer comme de simples « circonstances » mais, après quatre jours passés attachée dans une cage pour chiens uniquement vêtue de son soutien-gorge et de sa culotte et avec seulement une fine couverture pour se réchauffer, cette situation était devenue sa nouvelle normalité, d’une façon ou d’une autre.
Tout avait commencé de manière très banale. En sortant du travail, elle s’était dirigée vers sa voiture quand un homme lui avait demandé la direction de l’autoroute. Comme ils avaient été dans un parking public très fréquenté et qu’il avait paru très inoffensif et hésitant quand il s’était approché d’elle, elle ne s’était guère méfiée. Elle avait commencé à répondre en se tournant et en tendant le bras vers l’est.
Avant même qu’elle ait compris ce qui se passait, il lui avait bondi dessus et placé un tissu épais sur la bouche et le nez. En perdant conscience, elle l’avait vu ouvrir le coffre de la voiture garée à côté de la sienne. Quand il l’y avait poussée avant de le refermer bruyamment, elle avait eu une dernière idée avant de s’endormir.
Il s’est garé juste à côté de moi. Il a tout prévu.
Quand elle s’était réveillée, elle s’était retrouvée dans la cage, vêtue de seulement quelques sous-vêtements, les mains attachées devant par une corde élastique fine et serrée. Elle avait examiné ses alentours et rapidement déterminé qu’elle était détenue dans une sorte de bâtiment délabré. Des fils métalliques pendaient librement du plafond et quelques fenêtres étaient cassées. Il n’y avait pas d’éclairage intérieur et, comme le soleil semblait être en train de se coucher, sa capture devait remonter à plusieurs heures.
Presque comme si elle l’avait appelé, l’homme était entré par une porte épaisse en métal. Son cœur avait commencé à battre la chamade de manière presque audible. Elle avait senti l’odeur de sa propre peur. Elle avait essayé de ne plus y penser et de se concentrer sur son ravisseur.
Quand il s’était approché, elle avait remarqué plusieurs choses qui lui avaient échappé lors de cette première rencontre brève sur le parking. Il portait visiblement une perruque. Ses cheveux foncés épais faisaient penser Caroline à un musicien de heavy metal des années 1980. Sa barbe fournie était visiblement fausse, elle aussi, et le gros nez en mastic qu’il portait ne l’était pas moins. Elle avait même douté qu’il ait réellement besoin des lunettes teintées à monture épaisse qu’il avait sur le nez.
Quand il s’était approché, il avait souri et elle avait vu qu’il portait également des fausses dents. Son déguisement était tellement grotesque qu’elle avait soupçonné cet homme d’avoir voulu être ridicule.
– Bonjour, Caroline, avait-il dit avec un léger zézaiement dont elle avait attribué la cause aux fausses dents. C’est la seule fois que tu me verras. Dorénavant, tu auras les yeux bandés. Je ne t’ai pas bâillonnée, mais je le ferai si nécessaire. Si tu essaies de retirer ton bandeau à quelque moment que ce soit, je t’attacherai les mains derrière le dos au lieu de devant. Si tu essaies de t’évader, il faudra que je te … fasse du mal. Je préférerais l’éviter.
– Pourquoi faites-vous ça ? avait-elle demandé en essayant que sa voix ne trahisse pas sa terreur.
– Tu ne comprendrais pas. Les femmes comme toi, ça ne comprend jamais.
Alors, il avait sorti quelque chose de derrière son dos. C’était une sorte de pistolet à flèches.
– Je vous en supplie, avait-elle supplié, la voix cassée. Rien ne vous force à faire ça.
– Souviens-toi des règles, lui avait-il dit impassiblement. Si tu les respectes, tout ira beaucoup mieux pour toi.
Sans prononcer un autre mot, il avait tiré. Caroline avait senti une forte piqûre à la cuisse gauche. Alors, tout lui avait paru lourd. Ses yeux s’étaient fermés et le monde était redevenu noir.
Quand elle s’était réveillée la fois suivante, elle avait eu les yeux bandés, comme il l’avait promis. La vague initiale de panique qu’elle avait ressentie pendant ces premières heures avait fini par céder la place à l’espoir quand elle avait tenté de rassembler toutes les informations qu’elle avait pu. Elle avait mesuré le temps en se basant sur les moments où il lui avait apporté à manger, sur la chaleur relative qui régnait dans le bâtiment et sur les faibles éclats de lumière qui passaient par le bandeau.
À intervalles réguliers, il revenait. Ses chaussures résonnaient sur le sol en béton de la pièce vide. Malgré tous les efforts de Caroline, ce son lui provoquait de l’hyperventilation. Elle l’entendait déverrouiller le cadenas de la cage, faire glisser les barres de confinement, ouvrir la chatière en métal et poser deux bols par terre. Parce qu’elle avait les poignets attachés, Caroline était réduite à laper la nourriture et l’eau comme un vrai chien.
Il ne la laissait jamais aller vraiment aux toilettes. Pour faire ses besoins, elle devait retirer sa culotte et aller dans un coin de la cage. Parfois, il entrait dans la cage et les aspergeait, elle la cage, avec un jet d’eau, puis il repartait. Après le premier jour, elle avait compris qu’il valait mieux qu’elle enfonce ses sous-vêtements et sa couverture dans les trous de la cage au-dessus d’elle pour qu’ils se mouillent moins quand le jet d’eau la frapperait.
La routine devint si régulière que le moindre changement l’inquiétait. Lors d’un repas, il ne lui apporta qu’un bol et dit que, comme c’était du ragoût, ça satisferait tous ses besoins. Une autre fois, elle se réveilla, certaine qu’on était le matin, mais il n’était venu qu’à midi et elle avait craint qu’il ne l’ait complètement abandonnée.
Parfois, elle se demandait si les autres l’avaient abandonnée, eux aussi. Est-ce que ses amis et sa famille avaient remarqué sa disparition ? Si oui, avaient-ils averti la police ? Est-ce que quelqu’un la recherchait ?
Cependant, ce fut par cette nuit fraîche de fin de printemps, alors qu’elle essayait d’empêcher sa pitoyable couverture de glisser sur son dos en s’appuyant sur la paroi de la cage et qu’elle appuyait l’intérieur de ses cuisses contre ses bras pour arrêter de trembler, qu’elle remarqua un autre changement dans la routine.
Quand l’homme la quitta après avoir emporté les restes de l’eau et des haricots noirs en boîte qui avaient constitué son dîner, elle ne l’entendit pas verrouiller la cage avant de partir comme d’habitude. Il remit les barres de confinement en place mais reçut un appel sur son téléphone portable juste après ça. En s’éloignant pour y répondre, il laissa la porte de la cage déverrouillée.
Caroline attendit en pensant qu’il allait revenir terminer ce qu’il avait commencé mais, au bout de ce qu’elle estima être une heure, il lui parut clair qu’il ne le ferait pas. Comme elle était certaine qu’il la filmait avec une caméra de surveillance, ce fut avec une prudence extrême qu’elle baissa très légèrement son bandeau pour jeter un coup d’œil.
Il faisait sombre. La seule lumière venait de la demi-lune dont les rayons passaient par les fenêtres cassées. Dans l’obscurité, elle ne voyait pas d’équipement de surveillance, mais cela ne signifiait pas qu’il n’y en avait pas.
Aussi discrètement que possible, elle observa l’endroit de la barre de confinement d’en haut où le cadenas aurait dû être. Il s’y trouvait mais, comme elle l’avait supposé, il n’avait pas été verrouillé et pendait à la barre. Pour autant qu’elle puisse dire, pour sortir de la cage, elle n’aurait qu’à dégager le cadenas et faire glisser la barre de côté.
Caroline resta assise en silence et se demanda comment elle allait procéder. Si elle devait s’évader un jour, ce moment était le meilleur. Vu la façon dont s’étaient déroulées ses nuits précédentes, l’homme ne reviendrait pas avant le matin, au plus tôt. Cela lui laissait des heures pour essayer de s’éloigner et, espérait-elle, trouver de l’aide. Si elle voulait passer à l’action, c’était maintenant qu’il fallait qu’elle le fasse.
Elle pensa au sort qu’elle subirait si elle ne faisait rien. L’homme qui la détenait comptait clairement la tuer. Ce n’était qu’une affaire de temps. Combien de jours la garderait-il encore dans une cage, la nourrirait-il avec une gamelle de chien et la laverait-il au jet d’eau avant de perdre patience et de passer à une chose plus excitante ? Allait-elle vraiment rester roulée en boule en attendant que cela se produise ?
Avant même qu’elle ait consciemment pris sa décision, elle plongea les doigts entre les fils de la cage pour chien et s’efforça d’atteindre et de retirer le cadenas. Elle avait les doigts engourdis parce qu’elle ne les avait pas utilisés depuis longtemps et à cause des cordes élastiques qui lui serraient les poignets, mais elle finit par attraper et retirer le cadenas. Alors, elle saisit la barre de confinement du haut et la fit glisser vers la droite. Elle fit de même avec celle du bas. Alors, elle poussa. La porte s’ouvrit en grinçant. Pendant une seconde, elle resta assise là, figée, terrifiée, puis elle sortit de la cage.
Elle se tint debout pour la première fois en plusieurs jours et ce fut douloureux et difficile. Caroline poussa sur le sol avec les paumes engourdies de ses mains. Quand elle se leva en titubant, elle sentit les muscles de ses cuisses et de ses mollets se figer. Il lui fallut presque une minute avant qu’elle ait assez confiance en elle-même pour faire un pas. Quand elle fut presque sûre qu’elle n’allait pas s’effondrer, elle se dirigea vers la porte par laquelle elle avait vu l’homme entrer lors de la première nuit. Elle poussa fort, mais la porte était verrouillée de l’extérieur.
Elle s’enleva complètement le bandeau et regarda autour d’elle. Il n’y avait aucune autre porte en vue. Alors, elle aperçut une des fenêtres cassées. Elle était trop haute pour qu’elle l’atteigne en grimpant et elle ne pouvait pas courir puis bondir. Elle inspecta la pièce à la recherche d’une chaise, mais il n’y en avait aucune. Par contre, il y avait la cage.
Avec le peu de force qu’il lui restait, Caroline la traîna et la plaça juste sous la fenêtre. Il y avait des éclats de verre le long du rebord de la fenêtre et elle utilisa ses coudes pour les enlever. Alors, elle grimpa sur la cage en priant pour qu’elle supporte son poids. Elle tint bon.
Incapable de s’appuyer sur ses mains attachées, elle se pencha par la fenêtre en posant les avant-bras sur le rebord. Quand elle appuya, elle sentit quelques éclats de verre restants s’enfoncer dans sa peau. Elle essaya de les ignorer et préféra se demander si le sol était loin sous elle. Dans le clair de lune blafard, elle évalua la distance à environ un mètre cinquante.
Elle n’avait pas grand choix. Donc, elle appuya ses avant-bras sur le bord et poussa vigoureusement contre la cage avec ses pieds. La cage glissa et s’écarta quand Caroline bougea. Elle tomba. Son ventre et ses hanches heurtèrent le rebord et les morceaux de verre tranchants comme des lames de rasoir qui s’y étaient accumulés.
Heureusement, la plus grande partie de son poids avait atterri sur la partie extérieure du bord et elle chuta lentement dehors la tête la première. Elle atterrit sur son épaule droite avant de tomber sur le dos avec un bruit sourd. Ignorant la douleur violente, elle se releva et s’éloigna du bâtiment en chancelant, à la recherche d’une voie susceptible de ressembler à une route.
Après plusieurs minutes de recherche, elle en trouva une par accident quand ses pieds nus passèrent de l’herbe à la terre et au gravier. Elle baissa les yeux, à peine capable de distinguer la différence de couleur entre les deux surfaces. Cependant, elle fit de son mieux pour suivre la route, utilisant ses pieds plus que ses yeux pour se guider et essayant de résister à la panique.
Quand elle passa un coin à côté d’un flanc de coteau, elle se demanda où son ravisseur avait pu l’emmener. En effet, elle ne voyait aucun éclairage urbain. Soudain, elle en vit. Dès qu’elle eut quitté la colline, les lumières éclatantes du centre-ville de Los Angeles l’illuminèrent comme un phare de la taille d’une ville qui lui offrait à la fois un signal et du réconfort.
Elle avança, éblouie par ces lumières. Caroline habitait à West Hollywood, où il ne faisait presque jamais noir et où elle ne le remarquait que rarement quand ça arrivait. À présent, l’apparition soudaine de la ville lui donnait l’impression qu’elle venait de tomber sur une oasis après avoir vécu dans un désert. Elle se rapprocha d’un pas, laissant la terre derrière elle et sentant à nouveau l’herbe humide sous ses pieds.
Cependant, elle sentit soudain le sol se dérober sous elle. Elle se rendit compte trop tard qu’elle était allée au bord d’un autre flanc de coteau et qu’il s’effondrait sous ses pieds. Elle se retourna quand son corps tomba et essaya de tendre les bras pour attraper une racine ou une branche mais, avec les cordes qui lui liaient les poignets, c’était impossible.
Soudain, elle dévala le coteau, roulant sur elle-même et rebondissant sur des rochers et des arbres. Elle essaya de se mettre en boule mais ne put guère que grogner. À un moment, sa jambe droite heurta un tronc d’arbre et prit un angle peu rassurant.
Caroline ne sut pas combien de temps elle tomba mais, quand elle s’arrêta finalement, seule une douleur insoutenable lui garantit qu’elle était encore en vie. Elle ouvrit les yeux en prenant conscience du fait qu’elle les avait gardés fermés pendant tout le temps qu’elle avait dévalé la colline.
Il lui fallut plusieurs secondes pour s’orienter. Elle se rendit compte qu’elle était sur le dos et qu’elle regardait vers le haut de la colline d’où elle venait. Elle estima qu’elle avait dû tomber d’une falaise abrupte couverte de rochers, de buissons et d’arbres morts qui devait facilement mesurer vingt-deux mètres de hauteur. Elle pencha la tête à gauche et vit une chose qui, malgré toute la douleur qu’elle ressentait, la remplit de joie : des phares.
Elle se força à rouler sur le ventre. Elle savait qu’elle ne pourrait jamais appuyer sur sa jambe droite et encore moins se tenir debout. Donc, elle rampa, enfonçant les ongles dans la terre qui se trouvait devant elle et poussant avec sa jambe encore fonctionnelle. Elle réussit à emmener son corps à moitié sur la route, où elle roula sur le dos et agita désespérément ses bras attachés au-dessus de sa tête.
Les phares arrêtèrent de bouger et elle entendit s’arrêter le moteur du véhicule. Quand quelqu’un sortit du côté conducteur, Caroline vit des bottes avancer vers elle et eut une crainte aussi subite qu’horrible.
Et si c’était l’homme qui m’avait capturée ?
Un moment plus tard, ses craintes disparurent quand la personne s’agenouilla et qu’elle vit que c’était une femme qui portait ce qui ressemblait à un uniforme d’agent des parcs.
– Qu’est-ce que … ? dit la femme avant de sortir sa radio et de parler dedans en toute hâte. Poste principal, ici le Ranger Kelso. J’ai une urgence sur Vista Del Valley Drive dans le secteur six. Il y a une femme blessée allongée sur la route. Sa jambe droite comporte une fracture grave et ses poignets sont liés. Appelez les urgences. Je crois qu’elle a été enlevée, comme les autres.