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PRÉFACE

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Les trois pièces que renferme ce quatrième et dernier volume de petits romans et pamphlets historico-satiriques du XVIIe siècle ne font point partie du Recueil connu sous le titre d'Histoire amoureuse des Gaules; nous les y avons ajoutées, pour des motifs que nous avons le devoir de faire connoître ici.

D'abord, elles sont très-rares, et ce n'est pas sans difficulté que nous avons pu nous procurer les textes que nous avons suivis. La première, le Grand Alcandre frustré, a eu les honneurs d'une récente réimpression, donnée à petit nombre par les soins de M. Paul Lacroix; mais elle mérite d'être plus connue, sinon par les qualités d'un style qui trahit une plume peu exercée, du moins par la finesse ingénieuse et délicate des pensées, qui indique un homme de cour, et par l'intérêt même que présente ce petit roman. Si les deux autres ont trouvé place à la suite du Grand Alcandre frustré, ce n'est ni à leur style, ni à l'intérêt qu'elles présentent qu'elles doivent d'entrer dans cette collection; mais le titre en est très-familier aux bibliophiles, qui le connoissent par les Catalogues, et qui nous auroient su mauvais gré de ne pas en avoir reproduit le texte pour leur permettre d'en apprécier la valeur. L'une a cependant un mérite sur lequel nous ne saurions trop insister: c'est qu'elle est l'œuvre d'un pamphlétaire admirablement bien renseigné sur une des plus malheureuses périodes de notre histoire: aussi nous sommes-nous appliqué, avec le plus grand soin, à faire ressortir l'exactitude historique des faits consignés dans les Amours de Louis XIV et de Mlle du Tron: nous espérons que nos notes, par leur abondance et leur précision, dédommageront un peu le lecteur du caractère insignifiant de l'ouvrage. Dans les Entretiens qui composent ce factum, tous les mots portent; il n'est pas une ligne qui n'ait pu prêter, au temps où il parut, à de longs commentaires parmi les courtisans ou les bourgeois, et provoquer quelque raillerie ou quelque plainte. Ce sont ces commentaires, ces railleries, ces plaintes que nos notes ont eu en vue de faire revivre.

Quant au Tombeau des Amours de Louis le Grand, ce libelle forme en quelque sorte le couronnement de l'œuvre; c'est un résumé, mal écrit, mais assez complet, de l'histoire galante de la France sous le règne du grand Roi: nous l'avons, à ce titre, reproduit d'autant plus volontiers qu'il est très-rare et que s'il omet quelques faits, il en relève quelques autres dont on chercherait vainement la place ailleurs.

Il nous reste à parler du problème historique que soulève l'étude du Grand Alcandre frustré. On a dit:

Jamais surintendant ne trouva de cruelle.

Moins heureux que Fouquet, Louis XIV rencontra-t-il une autre Madame de Guercheville qui mérita son estime après avoir inspiré son amour, comme la célèbre marquise dont la résistance à la passion du roi Henri IV fut si célèbre en son temps? Si cette femme vertueuse a réellement vécu, qui est-elle?

Voici, sans plus attendre, quelle est selon nous la solution de ce problème: une femme a existé, qui a eu la réputation méritée par la marquise de Guercheville; mais il n'est pas impossible que cette réputation ait été usurpée.

Ce n'est pas sans de longues recherches que nous sommes arrivé à cette conclusion, si insuffisante qu'elle puisse paroître. Nous prions qu'on veuille bien revenir avec nous sur le chemin que nous avons dû suivre, non sans nous égarer bien souvent, pour fournir une réponse aux questions posées.

La femme vertueuse dont parle l'auteur seroit la comtesse de L…; son rang, peut-être l'emploi de son mari lui permettoient d'être toujours à la Cour, que le Roi fût à Versailles, à Saint-Germain ou à Fontainebleau. Or, en dépouillant les Lettres de Mme de Sévigné, les Mémoires de Saint-Simon, le Journal de Dangeau et les Etats de la France, il est facile de relever tous les noms des personnages de l'entourage du Roi faisant précéder du titre de comte un nom commençant par l'initiale L. Nous avons fait cette revue; aucun des noms que nous avons trouvés ne s'appliquoit à une femme réunissant à la fois toutes les conditions exigées pour satisfaire aux termes du problème: celle-ci étoit trop jeune, celle-là trop âgée; l'une s'étoit compromise avec quelque galant; l'autre étoit, en 1672, dans une position effacée d'où elle n'est jamais sortie.

Après toutes ces tentatives vaines pour arriver à la vérité, désespérant de la découvrir nous-même, nous avons adressé, par la voix de l'Intermédiaire, un appel à de mieux informés: on nous a répondu par le nom de Mme de Ludres, chanoinesse de Poussay; mais celle-ci, n'ayant pas de mari, n'était pas femme du comte de L…; elle ne fut pas toujours cruelle; elle ne conserva pas toute sa vie l'affection du Roi, et elle n'usa pas de son influence pour avancer sa famille. Une telle réponse ne pouvoit que nous encourager à continuer nos recherches.

Mais, à notre grand déplaisir, après avoir épuisé toute la liste des noms en L… il nous fallut procéder par hypothèse, et supposer que cette initiale avoit été choisie précisément pour dépister le lecteur. Dès que le nom ne paroissoit pas en toutes lettres, ne pouvoit-on penser, en effet, que l'auteur avoit pris toutes ses précautions pour que même une initiale ne pût aider à découvrir ce qu'il vouloit cacher?

Nous donnons cette hypothèse: elle nous paroît plausible; mais nous admettons qu'on la repousse.

Quoi qu'il en soit, nos recherches n'auront pas été infructueuses: si nous n'avons trouvé aucune comtesse de L… ayant eu l'occasion de résister aux tendresses de Louis XIV, nous avons du moins rencontré une femme qui, à l'initiale près, réunit toutes les conditions que nous étions en droit d'exiger, et cette femme est la princesse de Soubise.

Mme de Soubise était femme de François de Rohan, prince de Soubise, capitaine-lieutenant des gendarmes de la garde ordinaire du Roi, qui était le second fils, et fils très-pauvre, d'Hercule de Rohan, duc de Montbazon. Veuf en août 1660 de Catherine de Lyonne, il épousa, le 17 avril 1663, Anne de Rohan-Chabot, «dame d'une vertu et d'un mérite très-distingués», dit Moréri, qui ne prodigue pas les éloges dans ses notices généalogiques. Née en 1648, Mme de Soubise avoit 24 ans à l'époque où se passe notre petit roman, et avoit eu déjà trois des dix enfants pour l'établissement desquels la bienveillance du Roi lui fut si utile. Mme de Sévigné, après avoir constaté les inquiétudes que les attentions du Roi pour la princesse causoient à Mme de Montespan, montre la favorite promptement tranquillisée; elle nous apprend aussi que Mme de Soubise, voulant échapper à la poursuite du Roi, se crut obligée de quitter la Cour et de se réfugier à la campagne: l'histoire de la comtesse de L… est toute semblable.

Mis ainsi sur la voie, nous nous sommes rappelé que Mme de Soubise avoit trouvé grâce même devant un des pamphlétaires de l'Histoire amoureuse (voy. t. III, p. 147); nous avons ensuite consulté Saint-Simon et Dangeau. Dangeau ne nous apprend rien, sinon que, du temps où il écrivoit son Journal, Mme de Soubise suivoit assidûment la Cour. Mais Saint-Simon nous renseigne plus complètement; de tout ce qu'il dit de la princesse, il ressort que Mme de Soubise fut en effet aimée du Roi, qu'elle conserva toujours sur lui un crédit dont elle usa largement dans l'intérêt de sa famille et d'elle-même, et qu'il ne fut porté aucune attaque sérieuse à la réputation que lui ont faite tous ses contemporains. Toutefois le duc ne pense pas que sa vertu ait été sans tache: mais à qui a-t-il fait cet honneur de croire que les faveurs ne s'obtenoient pas par des complaisances, dût-il, pour donner cours à sa malignité, rompre en visière à l'opinion publique?

C'est pour concilier à la fois l'estime unanime des contemporains avec la médisance de Saint-Simon que nous avons laissé place à un doute qui n'existe pas d'ailleurs dans notre esprit, et que, tout en admettant que la comtesse de L… peut être la princesse de Soubise, nous avons réservé l'opinion de ceux qui, après Saint-Simon, voudroient conserver des doutes sur sa vertu.

Ce n'est pas sans regret que nous avons fait cette part au doute; nous aurions aimé placer au moins dans notre galerie une femme sûrement honnête; mais l'histoire ne s'écrit pas avec le sentiment, et, si nous n'avons pas trouvé un juste dans Israël, nous l'avons du moins consciencieusement cherché.

Notre tâche est terminée. Le long travail auquel nous nous sommes livré pour dégager la valeur historique d'une série d'ouvrages où les esprits superficiels ne cherchoient que le scandale, nous a fait vivre dans la familiarité de la Cour la plus brillante du monde; nous avons découvert bien des misères sous son éclat menteur; mais ces vices honteux qui déshonoroient l'entourage immédiat du Roi, mais cette corruption générale des mœurs qui se dissimuloit mal sous la galante courtoisie des manières en existeroient-ils moins parce qu'ils ne seroient pas découverts? Et quand il n'y auroit pas d'autre conclusion à tirer de cette étude, ne seroit-ce pas déjà un résultat précieux que de pouvoir dire: le progrès de la morale a accompagné le progrès de l'instruction et le développement du bien-être général? N'est-ce rien que de pouvoir prouver, pièces en main, aux esprits chagrins, laudatores temporis acti, que nous valons mieux que nos ancêtres?

Il nous reste un mot à ajouter. Nous désirons appeler particulièrement l'attention sur la table qui termine ce quatrième volume. Tous les noms cités dans l'ouvrage y figurent, et nous nous sommes appliqué à joindre toujours aux noms de seigneurie les noms patronymiques et les prénoms. Des difficultés matérielles ne nous ont pas permis de donner à ce travail toute la perfection que nous aurions désiré; cependant, nous espérons qu'il rendra quelques services même pour la lecture d'autres ouvrages que les petits romans historiques de cette collection.

Ch. – L. Livet.

Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome IV

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