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Préface
ou "Notes Explicatives"
ОглавлениеLa pièce que nous offrons aujourd'hui au public, "La Veillée de Noël", est née de l'idée que nous devions avoir chez nous assez de ressources pour créer de temps à autre des spectacles dignes de l'encouragement de nos compatriotes.
A cette première idée est venue s'associer celle tout à fait normale qu'il y a moyen de rire, de s'amuser, sans recourir à la farce banale, de mauvais goût, pour ne pas dire plus, tout en soutenant une thèse. Nous irons plus loin, puisque le théâtre doit être avant tout éducationnel, et nous donnerons une leçon d'actualité en faisant revivre les plus belles traditions qui ont été les poétiques fleurons de notre race naissante, et les compagnes nécessaires à sa vitalité dans l'épanouissement de ce jeune peuple, dont nous nous réclamons avec fierté, le peuple canadien-français, fier de son passé glorieux, de sa mentalité gauloise, de son affirmation comme nation, de ses espérances et de sa foi en l'avenir.
Cette pièce écrite sans prétention littéraire est le fruit de plusieurs années d'observation et surtout un exposé de coutumes et de caractères.
Avec Jacques, nous verrons le cultivateur modèle, fidèle à sa mission, heureux de son sort, l'homme pour qui la terre des ancêtres est un culte, une chose sacrée, pour laquelle il a un amour profond. C'est aussi le citoyen au gros bon sens, foncièrement droit et honnête, qui voit partout le bon côté des choses et ne veut que du bien à tous.
Ce serait une grave erreur de chercher dans sa femme, Marie, le type de la mère canadienne. L'auteur se réserve de lui rendre hommage dans une autre occasion, ses ressources infinies de tendresse qui jettent une pluie d'or sur les berceaux, s'infusant ensuite dans le cœur de l'enfant pour qui la première forme de la joie et du bonheur restera le sourire de sa mère. Nous aurions écrit ce rôle avec d'autant plus de ferveur, d'attrait, que nous comprenons, hélas! tout le vide que laisse dans l'âme le départ prématuré de celle qui nous a donné le jour. La lèvre qui s'entr'ouvre pour prononcer les syllabes sacrées de "Maman" ne sourira toujours qu'à demi si la première fois qu'elle a émis ce son divin, il a eu pour écho la voûte mystique d'un tombeau. L'orphelin garde en son cœur une teinte de mélancolie dont il tenterait en vain de se départir. C'est la loi du sang, de la vie. Qu'on nous pardonne ce souvenir personnel que nous fait dévoiler de tristes réalités, et continuons d'expliquer sommairement le rôle de Marie. C'est une bonne épouse. Elle a été la compagne assidue de son mari, Jacques. Cependant, comme trop de femmes canadiennes, et d'autres nationalités aussi, elle a voulu évoluer dans le sens moderne, la mode. Il n'a fallu que l'apparition d'un étranger, Henry Greenwood, pour changer sa mentalité et la faire sortir de son véritable rôle. Du reste, Jacques l'explique au premier acte et prend courageusement son parti.
Au cours de la pièce, on rencontrera aussi certains personnages symboliques, comme la ménagère du curé, le bedeau, les rentiers, etc, que nous avons essayé de dépeindre tels qu'ils sont réellement.
Avec les veilleux, nous assisterons à la mise en lumière d'une plaie, (le placottage), d'un défaut national: la médisance, la meurtrière calomnie, l'inconcevable jalousie. La charité qui a sauvé le monde est méconnue de ces gens bons, religieux, de mœurs irréprochables. Henri, Pierre, Alexandre, nous le feront toucher du doigt.
Glissons sur le tableau dont la naïve beauté nous fera revivre les plus belles heures de notre enfance. Des souvenirs charmants s'y rattachent.
Au deuxième acte, nous assistons au traditionnel réveillon. Il met en vigueur une vieille coutume, redonne la vie à d'anciennes chansons qui, après tout, en valent beaucoup de modernes au style bizarre, au goût douteux, quand, cédant à un sensualisme malsain, elles ne sont pas tout à fait mauvaises.
"La Veillée de Noël", c'est le retour à la terre, l'amour de la famille, quelques travers nationaux joyeusement soulignés.
A chacun d'en tirer une conclusion.
En écrivant cette pièce, nous n'avons eu qu'un but: doter le théâtre canadien d'une oeuvre du terroir, morale, éducationnelle, et faire revivre quelques traditions, en rendant un respectueux hommage au passé.
Camille DUGUAY.
N. B.—Cette pièce a été créée par "Le Cercle Dramatique de Drummondville", Drummondville, le 14 janvier 1926, au théâtre Archambault, devant 600 personnes. Cette première représentation était sous la direction de Mademoiselle Doria Lemaire.
C. D.