Читать книгу Tout Est Dans Le Jeu - Carol Lynne - Страница 10
ОглавлениеChapitre Deux
Après un arrêt plus que satisfaisant, Nate s’endormit immédiatement, sa tête reposant contre l’épaule de Rio, qui souriait en regardant cette petite boule d’énergie. Nate serait mort s’il savait qu’il était en train de baver sur sa chemise, parce qu’il se vantait d’être une vraie tapette. Rio pensait que c’était ce que Nate se disait, de toute façon. Toujours soigneusement guindé, même si ses cheveux bruns avaient toujours cette allure décoiffée… Rio savait que Nate passait au moins vingt minutes par jour à se coiffer chaque mèche jusqu’à ce que le rendu soit parfait. Passant un panneau routier, il lui donna un coup de coude.
- Réveille-toi, bébé, on est à moins de cinq kilomètres !
Rio avait deviné ce qui s’était passé au moment où Nate avait ouvert les yeux et avait repéré la tache humide sur le T-shirt rouge de Rio. Sa colonne vertébrale se raidit alors qu’il s’essuyait la bouche.
- Mais p’tain… mais t’as fait quoi, làs ? Tu m’as presque fait faire une hémorragie de fluides.
Rio éclata de rire. Et merde, pensait-il en secouant la tête. La vie n’allait pas être ennuyeuse avec Nate. Il fit un geste vers les montagnes.
- C’est joli, tu trouve pas ?
- Oui, mais, ces dernières heures, je n’ai vu que des montagnes, bailla Nate en se redressant sur son siège.
- Menteur, toi, tout c’que t’as vu ces dernières heures, c’est l’intérieur de tes paupières.
- Rhô ! C’est bon ! C’est pourtant vrai, tout ça, dit Nate en regardant autour d’eux. C’est pas mal du tout, ce coin ! Alors, il est où, notre nouveau chez nous ?
Rio le regarda en secouant la tête.
- Comment pourrais-je le savoir ? Ryan nous a demandé de le rejoindre au Commissariat.
- Ok. C’est juste que je posais une question toute simple, pas de quoi en faire tout un flan !
Nate se déplaça de son côté de la camionnette et croisa les bras, la lèvre inférieure dépassant de cette manière boudeuse qui lui était bien propre. Rio réussit difficilement à réprimer un sourire. De temps en temps, Nate lui rappelait un gamin de six ans. Depuis le sommet de la colline, la ville de Cattle Valley s’étendait devant eux. Elle ressemblait à un village de conte de fées niché dans l’ombre des monts Big Horn1. Rio siffla entre ses dents :
- Et merde ! Je n’savais pas qu’il y avait encore des endroits sur terre qui ressemblaient à ça !
Garant le véhicule sur le côté de la route, Rio admira la vue quelques minutes de plus. Les montagnes semblaient avoir leur première couche de neige.
- Il faudra que je m’achète des fringues. Ma garde-robe se compose principalement de jeans et de t-shirts.
- J’ai pas mal de vêtements d’hiver. Tu pourras m’en emprunter s’tu veux. Oh, mais ! C’est vraiiiiii… les yeux de Nate s’agrandirent et il mit sa main sur sa bouche en signe de surprise : t’es un géant ! Désolé, Rio !
Roulant des yeux, Rio décoiffa les cheveux de Nate, parce que c’était la seule chose qui attirerait son attention. Et de ça, il en était sûr.
- C’est bon, tu peux venir avec moi. Je doute fort que tes vêtements fantaisistes de citadin fassent l’affaire dans une ville de cette taille. On pourra s’équiper mutuellement de sous-vêtements en polaire et de chemises en flanelle.
Rio se mit à rire en voyant Nate frissonner.
- Méfie-toi de ce que tu dis, toi. Je suis sûr que les citoyens de Cattle Valley apprécieront un homme qui porte du cachemire, répondit Nate avec une voix de citadin guindé.
Secouant la tête, Rio remit la camionnette en marche et descendit la colline dans cette vallée pittoresque. Alors qu’ils traversaient la ville, il remarquait que la plupart des bâtiments semblaient neufs. À vrai dire, pas tout à fait : ils avaient l’air anciens, certes, mais il pouvait dire qu’ils avaient été construits au cours de ces quinze dernières années. « Pittoresque » serait le mot qu’il emploierait pour les décrire. La ville avait vraiment l’air d’appartenir à un studio d’Hollywood.
- P’tain, murmura Nate. Il suffit de regarder les gens.
Rio suivit le regard de Nate. Des couples de même sexe marchant main dans la main le long du trottoir.
- Putain ! Ryan avait raison quand il disait que c’était une ville « gay-friendly2 ».
Rio s’arrêta à une station d’essence, qui se trouvait à la limite du quartier d’affaires.
- Pipi pressant, et comme je ne sais pas où est le Commissariat, j’vais aller là. Tu pourrais mettre de l’essence dans la camionnette ?
- Bien sûr, si tu me ramènes des bonbons.
- Marché conclu, dit Rio en sortant du camion.
Ses jambes étaient raides après le long trajet sur la I90. Il s’accrocha à la porte en essayant de faire sortir les muscles avant de rentrer dans le bâtiment. Le son du carillon le fit sourire. Il regarda autour de lui dans le petit espace jusqu’à ce qu’il trouve les toilettes. Après avoir fait ce qu’il avait à faire, il parcourut le rayon « malbouffe » et y choisit quelques barres chocolatées.
- Puis-je vous aider ? demanda une voix grave derrière lui.
Rio se retourna. L’un des plus grands hommes qu’il n’ait jamais vus se tenait dans l’embrasure de la porte, essuyant ses mains grasses sur un chiffon du magasin. Et, même s’il faisait presque froid dehors, sa peau couleur brun chocolat brillait de sueur. Quand il en eut fini avec ses mains, il plia le chiffon et l’essuya sur sa tête chauve et brillante.
- B’jour, lui dit Rio, en marchant vers lui. J’me disais que vous pourriez m’indiquer où je pourrais trouver le bureau du shérif ?
Les grands yeux bruns de l’homme se remplirent d’inquiétude.
- Un problème ?
- Non. Rio lui sourit tout en secouant la tête. Le nouveau shérif est l’un de mes compagnons. Nate et moi venons d’arriver en ville.
Une énorme main se tendit vers lui.
- Enchanté de te rencontrer. Tu dois être Rio. Je suis Darshawn Gilling, mais les gens d’ici m’appellent Gill.
La main extra-large de Rio fut vite avalée par la poignée de mammouth de Gill.
- Ravi de te rencontrer, Gill. Et oui, je suis Rio. Il pointa le menton du côté de la camionnette. Et ce p’tit sexy qui essaie de remplir la camionnette d’essence sans se salir, c’est Nate. Il posa les confiseries sur le comptoir en face de Gill. Il a un penchant pour le goût du sucré, comme tu peux le voir !
En gloussant, Gill enregistra les bonbons.
- On dirait que Nate a mis de l’essence sur la carte de crédit.
- Eh bien, comme ça, ça change un peu, dit Rio en souriant.
- Tu trouveras le shérif dans l’immeuble qui fait l’angle de Main et Bradley Street, lui indiqua Gill en souriant. D’ailleurs, je suis surpris que tu te sois arrêté pour demander. La plupart des gens ne le font pas.
- Ouais, eh bien, il fallait que je me vide la vessie, et quand tu as un partenaire stressé dans le véhicule qui te tuerait si tu te perds, tu apprends à t’arrêter et à demander.
Gill observait de nouveau Nate et se mit à rire.
- Quel sacré bonhomme !
- Oh, ça ! Je n’le fais pas dire ! J’espère que je ne t’aurais pas influencé à m’orienter dans la mauvaise direction. Nate est certainement très gentil, mais on a été enfermés dans la camionnette pendant trop longtemps.
Rio paya Gill et se dirigea vers la porte.
- Je suis sûr que l’on se recroisera, Gill. Ravi de t’avoir rencontré.
- Moi aussi, dit Gill.
* * * *
Nate essayait au mieux de remplir la camionnette d’essence tout en faisant comme s’il n’avait pas vu Rio rire avec Monsieur le Géant. Il sortit un mouchoir de sa poche arrière et s’essuya les mains. Comment était-il censé saluer un homme qu’il n’avait pas vu depuis deux semaines tout en sentant l’essence ? Il avait repéré Rio qui se dirigeait vers lui ; il décida rapidement qu’ils avaient assez de carburant. Après avoir rebouché le réservoir, il monta dans la camionnette et regarda Rio.
- Est-ce que je vais devoir m’inquiéter pour toi, dans cette ville ?
- Hein ? fit Rio en lui remettant les barres de chocolat.
Nate lui montrait du doigt le bâtiment.
- Tu avais l’air super amical, avec ce type !
Rio sourit en secouant la tête. Il se pencha sur le siège et donna à Nate un baiser rapide.
- Personne ne pourrait prendre ta place, bébé. Et ça, tu le sais.
Nate roula des yeux.
- Bien sûr… alors maint’nant, t’as décidé d’être gentil et mignon avec moi...
Rio s’engagea dans la rue principale.
- Tu sais qui c’était ?
- Euh… le gars qui possède la station d’essence ? J’essaie juste de deviner.
Nate leva les mains en signe de reddition.
- C’était Darshawn Gilling.
- Le joueur de football ? Ici, à Cattle Valley ?
Nate était choqué. Impossible, Rio devait avoir eu une vision. Darshawn était comme le meilleur défenseur que le football avait vu au cours des vingt-cinq dernières années.
- J’te jure, c’était lui. Il n’a pas dit qu’il avait l’habitude de jouer, mais c’était lui ! Il a dit que tout le monde l’appelait Gill, ici. Un type sympa. Rio se gara sur le parking à côté du bureau du shérif. On doit appeler Ryan maintenant ?
Nate sourit. La dernière fois qu’ils avaient eu suffisamment de réseau pour parler à Ryan, Rio lui décrivait le fait que Nate était en train de lui tailler une pipe alors qu’ils traversaient le Dakota du Sud. Il avait donné les détails ce que Nate lui faisait, ce qui avait tellement excité Ryan qu’il leur avait dit de ne plus appeler avant d’arriver en ville.
- On fait quoi ? demanda Rio, la malice écrite sur le visage.
- On n’a qu’à faire comme si on avait accidentellement appuyé sur la touche de son numéro pendant qu’on est en train d’baiser, ou un truc du style. On ne sentira même pas sa présence !
Voyant Rio rire et hocher la tête, Nate appuya sur la touche du numéro enregistré et posa le téléphone sur la banquette. Nate décida de commencer en essayant de ne pas rire.
- Oh, ouais, vas-y ! Baise-moi ! criait-il en frappant ses poings ensemble.
Il fut surpris de voir à quel point ça ressemblait au bruit des boules de Rio qui lui claquaient sur le cul.
- P’tain, qu’est-ce qu’on est serrés ici, bébé. Serre-moi bien la bite. Rio émettait des petits gémissements, étouffant un rire. Oh, ouais, prends cette bite !
Nate émettait lui aussi des petits gémissements en commençant à ricaner silencieusement. Un coup sur la fenêtre les fit se retourner tous les deux du côté de la porte du conducteur : Ryan était debout à l’extérieur, tenant son téléphone en main tout en les regardant. Oh merde. Il les regardait avec de petits yeux rétrécis. Ce n’était pas bon signe. Attrapant le téléphone, Nate l’éteignit rapidement. Ryan fit un geste en direction de la fenêtre en secouant la tête. Dès que Rio avait reposé le sien, Ryan lui dit :
- Si un de mes adjoints ne m’avait pas dit qu’il vous avait vu arriver, j’aurais été vraiment énervé par un coup de fil comme ça. Il essayait d’avoir l’air méchant et bourru, mais Nate voyait clair dans son jeu. Suivez-moi. Je viens de prendre le reste de ma journée.
Ryan se retourna pour avancer en direction d’un gros SUV de shérif couleur marron et feu.
Nate observa Rio.
- Rhô lala ! Oh, il va nous faire payer pour ça, tu crois pas ?
Du moins, il l’espérait…
1 Les monts Big Horn sont un ensemble de montagnes qui forment un contrefort important des montagnes Rocheuses, dans le centre du Wyoming, au nord-ouest des États-Unis. Ils furent baptisées ainsi par les Amérindiens en raison du grand nombre de mouflons (Big Horn Sheep en anglais) qui y vivaient. La chaîne de montagnes, éternellement enneigée, culmine au pic Cloud (4 013 mètres d'altitude) mais elle se compose aussi de plateaux arides.
(Notes de la traductrice)
2 Favorable à l’homosexualité.