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L'ENLÈVEMENT

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Mon plan était tout tracé, et Paulo en connaissait une partie, il devait être mon complice dans son exécution.

Bien qu'occupé dans les luttes continuelles de ruses et d'embucades que nous avions à tendre ou à éviter dans une guerre indienne, pour surprendre et ne pas être surpris par l'ennemi; je me tenais cependant parfaitement au courant de ce qui se passait au village. Mes coureurs, d'après mon ordre, allaient fréquemment rôder autour de la demeure d'Octave, et me rapportaient qui s'y passait. Il avait acheté à un mille du village une charmante propriété, où il jouissait avec Marguerite du plus grand bonheur domestique. Une petite fille, alors âgée de trois ans, était venue mettre le comble à leur félicité. Cette enfant, par sa rare beauté et sa gentillesse, faisait les délices de ses parents qui l'aimaient avec idolâtrie.

Tous ces détails exaspéraient encore ma rage contre eux. Ils étaient si heureux, et moi si malheureux. Oh! le temps de les faire souffrir à leur tour, le père et la mère d'abord et leur enfant ensuite était venu. Car, dans ma fureur insensée, je tenais cette chère et innocente petite créature solidaire des tourments que j'endurais.

Je ne perdis donc pas de temps, et partis accompagné de Paulo. Peu de jours de marche nous amenèrent auprès du village. J'envoyai mon complice en exploration pour examiner les lieux, se rendre compte de la position, et prendre connaissance du personnel de la maison. Je lui enjoignis d'avoir bien soin de ne pas se laisser voir.

Le misérable ne manquait ni d'intelligence, ni d'adresse, aussi s'acquitta-t-il de sa mission de manière à lui faire honneur. Il avait su se glisser auprès de la ferme, compter le nombre de ses habitants, et apprendre parfaitement la topographie des lieux.

Nous nous rendîmes auprès de l'habitation d'Octave, pour guetter une occasion favorable et accomplir mon dessein.

Elle était située sur une légère éminence, et dominait un agreste et beau paysage. Une rivière profonde l'une certaine largeur dont le cours était rapide, coulait à quelques arpents de sa porte. Cette rivière était traversée au moyen d'un bac.

Nous étions aux beaux jours de juillet, c'est-à-dire que c'était le temps de la fenaison. Octave possédait de l'autre côté de la rivière, de vastes prairies.

Le soir du jour où nous arrivâmes, nous pûmes remarquer qu'il avait fait abattre une grande quantité de foin, qui devait être engrangé le lendemain. Or, il fallait pour cette opération un grand nombre de bras, et je compris que tous ceux de la ferme seraient mis en réquisition, Cette circonstance secondait parfaitement l'exécution de mes projets.

Pauvre Marguerite, si tu avais pu apercevoir le soir dont je parle, les yeux flamboyants où brillait une joie diabolique, les deux figures hideuses et sinistres qui du dehors épiaient les abords de ta maison, et jusqu'aux tendres caresses que tu donnais à ton enfant, tu serais morte d'épouvanté.

Le lendemain de cette soirée nous nous tînmes Paulo et moi dans le voisinage, surveillant avec le plus grand soin ce qui se passait.

Ce fut avec un indicible plaisir que nous vîmes Octave, Marguerite et tous leurs employés traverser la rivière pour s'occuper aux travaux des champs. Angeline, c'est ainsi que la veille je l'avais entendu appeler par sa mère, avait été confiée aux soins d'une vieille servante.

La journée se passa sans incidents. Marguerite traversa deux ou trois fois pour venir embrasser l'enfant. Vers cinq heures du soir, j'ordonnai à Paulo d'aller couper la corde qui retenait le bac. L'embarcation emportée par un courant rapide disparut bientôt de nos yeux, et alla se briser dans des cascades qui étaient à quelques milles plus loin. Au même moment, je remarquai que la veille servante était sortie et occupée pour un instant dans le jardin qui se trouvait à un demi arpent de la maison. Tout semblait concourir à assurer le succès de mes projets.

Je profitai de son absence pour entrer par une fenêtre qui était ouverte du coté opposé où elle se trouvait. L'enfant dans son berceau, dormait du sommeil doux et calme de l'enfance. On voyait avec quelle tendre sollicitude sa mère avait orné sa couche, et rendu son lit aussi douillet qu'il était possible. Sur les meubles et le berceau étaient dispersés les jouets. Au moment où j'entrai dans la chambre, la petite avait quelques-uns de ces beaux rêves dorés où elle causait avec les anges que sa mère lui avait représentés comme de petites soeurs, car sa figure était épanouie, et un sourire d'un ineffable plaisir errait sur ses lèvres. J'ai peine à me rendre compte aujourd'hui comment, malgré mon extrême scélératesse, je ne fus pas ému de ce touchant tableau. Pourtant avec fureur, la saisir dans mes bras, m'élancer vers la fenêtre, et gagner le bois qui était à deux arpents plus loin, ce fut pour moi l'affaire d'une minute, je ne pus pas toutefois m'évader tellement vite, que l'enfant éveillée soudainement en sursaut, jeta un cri qui fut entendu de la vieille servante et qui la fit accourir en toute hâte à la maison. Elle alla sans doute droit au berceau de l'enfant, car elle sortit aussitôt en poussant elle aussi un autre cri qui fut entendu des travailleurs sur l'autre rive.

Hélika: Memoire d'un vieux maître d'école

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