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VIII
LES PRISONS DE PARIS.—EXÉCUTION DES PEINES. GRACES.
ОглавлениеIl peut intéresser de constater la population des prisons de Paris:
Le département de la Seine possède huit prisons à Paris et une à Saint-Denis, qui va, comme dépôt de mendicité, être transférée à Nanterre.
Elles peuvent enfermer (en cellules ou dortoirs), 7,612 détenus.
Le dépôt de la Préfecture de police contient 95 cellules (hommes), 96 (femmes); il a été construit, en 1857, une infirmerie pour les aliénés, quatre salles communes, pouvant recevoir 400 hommes et 100 femmes.
La Conciergerie, appropriée en 1854, renferme 75 cellules et 250 places pour les prévenus de contraventions.
La Petite-Roquette, construite en 1835, pour les jeunes détenus, peut recevoir 515 individus.
La prison de la Santé date de 1864; on y compte 800 cellules et 817 places en commun.
Mazas fut construit en 1846, et possède 1,230 cellules.
La Grande-Roquette date de 1836; on y envoie les repris de justice, les condamnés pour rupture de ban, les condamnés à mort. On y compte 259 cellules et 200 places en dortoirs.
Saint-Lazare date du quinzième siècle; elle sert de maison d'arrêt, de correction et de prison administrative pour les femmes. Le chiffre des détenues est de 1,158 à 1,500, suivant les événements et les saisons.
La prison de Sainte-Pélagie date de 1651; elle reçoit les condamnés pour délits de presse, les récidivistes; 817 lits, 54 cellules, le reste en dortoirs.
La maison de mendicité (Saint-Denis, bientôt à Nanterre) contient 1,200 pensionnaires.
Un autre dépôt de mendicité pour le département de la Seine existe à Villers-Cotterets (Aisne).
Les peines ne reçoivent pas, en général, leur complète exécution; pour un tiers d'entre elles, les motifs de commutation, partielle ou totale, sont tirés de la nature même du fait, des antécédents des inculpés, des influences recommandables, dont ils sont l'objet; enfin, il faut le dire aussi, des limites imposées au budget, toujours en accroissement, des prisons et établissements pénitentiaires; un fait remarquable se produit aussi, c'est que pour échapper au régime rigoureux et silencieux des maisons centrales, des réclusionnaires y commettent des crimes, afin d'être dirigés sur la Nouvelle-Calédonie, qui leur ouvre les perspectives d'un avenir plus doux, d'un travail moins pénible, moins continu et aussi des chances fréquentes d'évasion31.
Une réforme devra donc être, sur ce point, introduite dans l'échelle des peines qui, en l'état actuel, ne répondraient plus à une gradation nécessaire, pour l'intimidation32.
Nous ne sommes plus au temps où Rodogune pouvait dire:
Comme reine à mon gré, je fais justice ou grâce.
Les souverains eux-mêmes doivent compte à leurs sujets de l'exercice du pouvoir et ils sont justiciables, devant l'opinion et devant l'histoire.
L'attentat d'Orsini (14 janvier 1858) avait, par des bombes métalliques, jetées, sous la voiture de l'Empereur et de l'Impératrice, devant l'Opéra, atteint 166 personnes, frappées de 511 blessures mortelles ou graves.
A la suite du procès, suivi devant la Cour d'assise de la Seine, et malgré l'éloquente plaidoirie de Me Jules Favre, Orsini, Pièri, Gomez furent condamnés à la peine de mort et Da Silva à la peine des travaux forcés à perpétuité, en laquelle fut, sur la demande de l'Impératrice, commué aussi l'arrêt concernant Gomez.
Lors de la discussion, qui eut lieu aux Tuileries, au Conseil des ministres, auquel avaient été appelés les membres du Conseil privé, le général Espinasse, ministre de l'intérieur et de la sûreté générale, combattit et entraîna l'opinion de ceux qui voulaient une commutation de peine, pour Orsini et Pièri, en se fondant sur ce motif que: l'Empereur n'ayant pas été frappé, n'avait pas ici le droit de gracier des meurtriers étrangers, qui avaient, dans un guet-apens, fait couler le sang de citoyens Français; cet avis prévalut.
Le nombre des condamnations à mort augmente dans tous les départements, comme pour en témoigner ici hautement la situation effrayée. Le jury veut33, espère une répression nécessaire, attendue. En même temps, les grâces suivent plus nombreuses, presque toujours inexplicables et toujours inexpliquées (Assises du Rhône [parricide], de la Seine, du Nord, de la Gironde, de la Haute-Vienne). Empoisonnements, assassinats ayant suivi ou précédé d'autres crimes, commis par des repris de justice, dans des circonstances horribles, toujours graciés. Pourquoi? Mystère?
Il paraît qu'il n'y a plus de Pyrénées, car, en Espagne, le nombre incessant des grâces accordées en 1880, aux condamnés à mort, inquiète aussi les populations.
Les bandits y puisent un encouragement croissant, dans cette indulgente faiblesse du gouvernement débile.
La loi d'amnistie, récemment votée et exécutée, a été une mesure essentiellement politique, et le gouvernement, qui l'a présentée, avec ce caractère, a pu, à peine jusqu'à présent, bien apprécier si les effets ont été en rapport avec le but, par lui rapidement poursuivi et obtenu des Chambres.
S'il nous faut parler du régime cellulaire, appliqué chez des nations voisines, en Angleterre, en Belgique, notamment dans les Prisons de Louvain, nous devons dire que l'élévation des dépenses qu'il entraînerait (4000 fr. en moyenne par cellule), n'a pas jusqu'ici permis de l'étendre en France, à beaucoup de prisons, bien que la durée des peines ainsi subies, dans l'isolement, ait été diminuée dans une certaine proportion. Des colonies agricoles, tentées en Corse, n'y ont pas réussi, pour diverses causes, dans lesquelles l'insalubrité du sol a été invoquée. Sur le continent, malgré les intelligents efforts de l'administration, il faut reconnaître que l'enfant de Paris, fait plutôt pour la vie de l'atelier, se plie difficilement à la vie des champs34 plus salubre pourtant.
Là aussi les sociétés de patronage, pour les libérés, doivent être d'un précieux et continuel secours, afin de surveiller, d'employer et de ramener au bien des natures mobiles et ignorantes.
Dans cette tâche immense et bien complexe, parce qu'elle comprend l'humanité, avec ses faiblesses, il faut que tous se mettent résolument à l'œuvre, parce qu'il s'agit de conjurer un péril commun et menaçant.