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Comme parent et alyé

Du duc Bourbonnois à present48.

Note 47: (retour) Pag. 148-150.

Note 48: (retour) Page 383.

Enfin, ce duc Bourbonnois à présent est encore l'auteur de la chanson de la page 235, et de trois rondels (pag. 386, 391, 425), où il est appellé Bourbon49. C'est probablement à ce duc Jean, et en qualité de collaborateur, que Villon empruntait de temps en temps six écus.

Note 49: (retour) Plusieurs de ces rondels ou chansons portent au titre le nom de Bourbon, et sont, par conséquent, postérieurs à l'année 1456. Je m'éloigne donc encore ici de l'opinion émise (p. 425-427) par M. Aimé Champollion qui attribue ces poésies à Jean Ier, duc de Bourbon, mort en 1433.

Hugues le Voys, Pierre Chevalier, Étienne le Gout, Montbreton, Vaillant, n'étaient pas, je crois, gentilshommes; mais à coup sûr, ainsi que le lecteur pourra s'en convaincre facilement, ils n'étaient pas poëtes non plus. Les deux rondels de Guillaume Cadier50 et de Robertet composés en l'honneur de Charles d'Orléans51, les trois rondels de Guiot et de Philippe Pot, sont mauvais. Jean, duc de Lorraine, fils du roi Réné, a fait sept rondels; celui de la page 345 annonce de l'esprit et de la finesse. C'est à ce même duc de Lorraine qu'Antoine de la Sale a dédie le roman du Petit Jehan de Saintré.

Note 50: (retour) Charles d'Orléans nomme ce Guillaume Cadier dans une ballade, p. 148.

Note 51: (retour) Page 424.

Philippe de Boulainvilliers a mis dans le recueil une chanson et un rondel, deux pièces délicieuses qu'on croirait échappées à la plume de Charles d'Orléans; on peut ranger hardiment sur la même ligne les trois rondels et la chanson de Fraigne.

Deux rondels d'un style élégant et pleins de sentiments gracieux portent au titre: Madame d'Orléans; l'abbé de la Rue avait attribué ces deux pièces à Bonne d'Armagnac52, seconde femme du duc d'Orléans, et qui probablement ne fit jamais un vers de sa vie. Nous nous empressons de les restituer à leur véritable auteur, Marie de Clèves.

Note 52: (retour) Essai hist. sur les Bardes. etc. t III, p. 323.

La ballade de Gilles des Ourmes, Je meurs de soif aupres de la fontaine, ressemble à celle de Villon sur le même sujet; la chanson de la page 210 est fine et spirituelle; disons-en autant du rondel de la page 414; celui de la page 349, signé Gilles, est probablement du même auteur. Nous lisons deux ballades et deux rondels de Berthault de Villebresme; la ballade de la page 168, dont chaque vers commence par le mot tost, semble être la continuation de celle de Pierre Chevalier (p. 167), qui offre la même singularité. Les deux Caillau ont composé onze pièces, tant ballades que rondels. Jean est incontestablement supérieur à Simonnet; les rondels des pages 278 et 381 sont fort jolis, surtout le dernier. Benoît d'Amiens ne vaut pas à beaucoup près Jean Caillau. Mais de tous ces poëtes, le plus fécond était, sans contredit, Fredet.

Fredet paraît pour la première fois à la page 169; il écrit une lectre en complainte à Charles d'Orléans, qui répond par une autre complainte, laquelle est suivie d'une nouvelle lettre de Fredet. Les deux poëtes se plaignent et se consolent mutuellement; le premier est tourmenté par Amour et le second par Soussy; ces trois pièces sont froides et dénuées de tout intérêt poétique. Fredet et Charles d'Orléans échangent encore Deux rondels (pages 251, 252) qui ne valent pas mieux que leur complainte; mais bientôt les vers s'animent et se colorent. A la page 279 Fredet dit les grandes douleurs qu'il endure, et Charles d'Orléans (page 280) promet de l'aider de toute sa puissance; en effet un peu plus loin (page 335) le prince dit à son protégé: Vostre fait que savez, va bien. Nonobstant ces bonnes paroles, voici Fredet qui déplore les mauvais tours qu'on lui joue, et appelle la mort à grands cris (page 335). Que voulait Fredet? quels tours lui avait on joué? c'est ce que le livre ne dit pas; mais à la page 336 nous lisons un rondel de Charles d'Orléans où perce le dépit du prince et toute la mauvaise humeur du poëte; il faut remarquer cette pièce, quoique très-faible; elle est la seule de son genre dans le recueil. La pique des deux poëtes amena sans doute une rupture, car à la page 350 Charles d'Orléans se plaint de la longue absence de Fredet, mais d'une façon toute bienveillante; ce rondel, qui a douze vers, est un petit chef-d'oeuvre d'esprit, de bonhomie et de gaieté; la réponse (page 350) nous apprend que Fredet était marié, ce qui fournit à Charles d'Orléans le sujet d'un nouveau rondel (page 351), aussi caustique, aussi piquant qu'un chapitre de Rabelais ou une scène de Molière.

Nous ne pousserons pas plus loin cet examen des collaborateurs de notre poëte. Seulement nous ferons remarquer que tous s'efforçaient d'imiter le maître, et que ceux-là réussissaient le mieux qui, comme Fraigne, Boulainvilliers et Jean Caillau, en approchaient le plus. Il nous reste maintenant à parler de quelques pièces comprises dans le recueil, et dont les auteurs sont inconnus.

L'attribution des poésies qui portent au titre un nom d'auteur doit être mise, par cela même, hors de toute controverse. Les poésies non signées peuvent se diviser en deux catégories: les unes, et c'est l'immense majorité, appartiennent à Charles d'Orléans; les autres, et c'est l'exception, appartiennent à ses collaborateurs; il suffira d'indiquer ces dernières.

Onze ballades commencent par le vers: Je meurs de soif auprès de la fontaine; cinq de ces ballades ne sont pas signées53. Les poëtes du château de Blois, et ceci en offre un exemple, choisissaient ordinairement une pièce de vers qui servait de thème commun; or, il est peu probable que Charles d'Orléans ait composé pour sa part les cinq ballades non signées. Quelles sont celle ou celles qui lui appartiennent? Nous nous bornerons ici à consigner notre doute, car dans ces concours poétiques l'originalité de l'auteur disparaît, pour ainsi dire, derrière la rigueur de programme.

La ballade de la page 166 (Du regime quod dedistis) n'est certainement pas de Charles d'Orléans, car elle sert de réponse à la précédente (Bon régime sanitatis), qui est signée par lui. Nous avons vu plus haut Charles d'Orléans et Fredet échanger deux rondels à propos du mariage de ce dernier; or, je serais tout disposé à voir dans les deux ballades une continuation de la même polémique; d'autant plus que cette réponse non signée est tout à fait dans la manière de Fredet, et j'ajouterai même qu'elle ressortait de la situation. On pourra m'objecter que Fredet n'était pas prince, et que le mot se trouve dans l'envoi de la ballade de Charles d'Orléans; mais nous ferons remarquer que Villon appelait prince son ami Garnier54; ce sont fictions de poëte.

Note 53: (retour) Voyez l'Envoi de la ballade de Villon à Garnier. OEuvres de Villon, édit. de M. Prompsault, p. 310-311.

Note 54: (retour) Il nous est impossible de partager sur les Envois l'opinion de M. Aimé Champollion, qui a retranché des poésies de Charles d'Orléans les six ballades suivantes (nous citons les pages de notre édition): En la forest de longue actente, p. 105; Portant harnois rouillé de nonchaloir, p. 108; Dieu vueille sauver ma galée p. 109; Amour qui tant a de puissance, p. 158; L'autre jour je fis assembler, p. 165, et Bon regime sanitatis, p. 166 (cette dernière porte au titre dans les manuscrits le nom de Charles d'Orléans, et c'est probablement par une omission involontaire que l'éditeur ne l'a pas comprise dans son volume). Ces six ballades se terminent par un envoi adressé à un prince; et comme Charles d'Orléans était prince, M. Aimé Champollion a conclu que ces poésies avaient été composées pour lui et non par lui; mais ici le nouvel éditeur nous semble avoir attaché au mot prince une signification trop absolue et trop rigoureuse. Nous avons déjà vu que cette locution était employée chez les poëtes de ce temps comme une formule toute de convention. Bien plus, Charles d'Orléans avait autour de lui et dans sa famille de vrais princes auxquels il pouvait dédier ses poésies: qu'on ouvre notre volume aux pages 120 et 121, on y Trouvera des ballades signées par Charles d'Orléans, et adressées dans l'envoi à un prince. La ballade de la page 100 (Comment voy je les Anglois esbahys) composée, en 1453, par Charles d'Orléans, à l'occasion de la conquête de la Guienne et de la Normandie, porte au titre de l'envoi le mot prince (le nouvel éditeur a supprimé ce titre dans plusieurs ballades). Ainsi une ballade avec l'envoi à un prince peut venir aussi bien de notre poëte que de ses collaborateurs. J'attribue sans hésitation à Charles d'Orléans les six ballades citées plus haut, car je crois y découvrir des traces non douteuses de sa manière. La ballade de la page 105 est une charmante poésie, et toutes offrent de ce beautés délicates et élégantes qui ont, du moins à mes yeux, l'autorité d'une signature.

Le rondel de la page 245 (Je suis desja d'amour tanné), adressé comme le précédent à la doulce Valentine, doit être du même auteur, René, roi de Sicile, auquel nous attribuerons aussi le rondel de la page 248 (Se vous estiez comme moy).

La ballade de la page 111 (Yeulx rougis, plains de piteux pleurs), celle de la page 129 (Je n'ay plus soif, tarie est la fontaine), celle de la page 131 (Parfont conseil eximium) et celle de la page 157 (Visaige de baffe venu), me paraissent toutes provenir des élèves de Charles d'Orléans; péniblement rimées, triviales et dénuées de toute élégance, ces quatre ballades n'offrent pas un vers qui trahisse le style pénétrant, facile et correct du maître. Je rangerai dans la même catégorie le rondel de la page 406 (Prophétisant de vostre advenement), celui de la page 425 (Des droiz de la porte Baudet) et celui de la page 426 (Gardez vous bien de ce fauveau), celui de la page 410 (Les biens de Vous, honneur et pris) et les trois suivants. Le rondel de la page 324 (Se vous voulez m'amour avoir) serait plus naturellement placé dans la bouche d'un poëte féminin que dans celle de Charles d'Orléans.

Le petit poëme diffus, plein de vers barbares, intitulé: Le lay piteux (pages 429-436), et que deux manuscrits comprennent au nombre des poésies de Charles d'Orléans, me paraît d'une époque plus ancienne et n'est vraisemblablement pas de lui; à la page 430, ligne 10, on lit le mot arme pour ame; à la page 434, ligne 31, li pour le; à la page 436, ligne 24, m'ot pour m'a; ces formes grammaticales, dont les vers De Charles d'Orléans n'offrent pas d'exemple55, viennent nous raffermir dans notre conviction.

Note 55: (retour) A la page 390 de l'édition de M. Aimé Champollion, ligne 16, on lit le vers suivant: Abayer ne m'ot sonner. Il faut mot; voy. notre édition, page 399, vers 22.

Il y a bien encore quelques rondels sur lesquels nous ne sommes pas absolument fixés; mais nous avons dû nous borner ici à indiquer les pièces dont l'authenticité nous a paru la plus suspecte. Une lecture attentive des poésies de Charles d'Orléans et des membres de sa petite académie, est le meilleur guide qu'on puisse choisir pour démêler sûrement, dans cette espèce d'album poétique, ce qui appartient à celui-ci ou à ceux-là; toutefois il faut se défier de Fraigne et de Boulainvilliers, dont la manière se rapproche et égale parfois celle du maître. Maintenant on comprendra pourquoi nous avons publié le recueil dans son entier, pourquoi nous avons toujours fidèlement et exactement reproduit les titres de chaque pièce et pourquoi nous les avons laissées dans l'ordre indiqué par le manuscrit où elles sont les plus nombreuses. Tout cela est un enseignement nécessaire pour ceux qui voudront examiner des questions que nous n'avons certainement pas la prétention d'avoir résolues; d'ailleurs ces poésies s'éclairent les unes les autres et il y a ici trop d'obscurité pour ne pas saisir avec empressement la plus petite lumière. Le lecteur a maintenant les pièces du procès sous les yeux, il appréciera56.

Note 56: (retour)

Les manuscrits que nous avons reproduits dans celle édition sont au nombre de six:

1. BIBLIOTH. DU ROI. (Lavall. No 193.) 269 feuil. vélin, in-8°. Le feuillet 1 porte les armes de la maison d'Orléans. L'écriture annonce la fin du quinzième siècle. Ce manuscrit, auquel plusieurs scribes ont travaillé, a appartenu au duc de la Vallière.

2. BIBLIOTH. DU ROI. (Fond. franc., No 7357-4.) 112 feuil. écrits sur Deux col. vélin, petit in-folio. Le feuillet 1 porte les armes de la maison d'Orléans et de Milan. Moins ancien que le No 1, le manuscrit No 2 représente le recueil le plus complet des poésies de Charles d'Orléans et de ses collaborateurs; il a appartenu à Henri II, à Catherine de Médicis, à Ballesdens et à Colbert. L'exécution du manuscrit No 2 est très-riche et très-soignée; mais les textes offrent la trace d'altérations nombreuses.

3. BIBLIOTH. DU ROI. (S.Germ. 1660.) Papier, petit in-folio. Les poésies de Charles d'Orléans, recueillies dans le même volume avec d'autres Opuscules, commencent au recto du feuillet 1 par ces mots: Cy commence le livre que monseigneur Charles duc d'Orléans a faict estant prisonnier en Angleterre, et finissent au recto du feuillet 59: Cy fine le livre, etc. Le manuscrit No 3 ne contient qu'une partie des poésies de l'auteur; mais dans le nombre se trouvent une ballade, le Lay piteux, deux rondeaux et deux chansons, qui manquent aux Nos 1 et 2.

4. BIBLIOTH. DE L'ARSENAL. 139 feuil. vélin, petit in-4º. Le feuillet 1 porte la signature du marquis de Paulmy. Le manuscrit No 4, moins complet que les Nos 1 et 2, plus ancien que ce dernier, nous a fourni quelques leçons utiles.

5. BIBLIOTH. DE L'ARSENAL. Papier, petit in-folio. Ce volume contient les poésies de divers auteurs; celles de Charles d'Orléans occupent cinquante-trois feuillets; elles se terminent par la souscription suivante; Cy fine le livre que monseigneur d'Orléans fist lui estant prisonnier en Angleterre, là où vous trouvères la lectre de Retenue, et balades, et complaintes, et la Requeste, et la Quictance, comme il bailla son cueur en gaige, et la lectre close et le dit de France, et le lay piteux, etc., etc. Le manuscrit No 5 offre les mêmes textes que le No 3; mais il est moins correct, et on y remarque une lacune considérable; le copiste a omis vingt-cinq ballades.

6. BIBLIOTH DE L'ARSENAL. Papier, in folio. Reproduction très-fautive du Manuscrit No 2. Cette copie, a été faite an commencement du siècle dernier, sur un texte vicieux et déjà altéré; mais une main érudite a jeté sur les marges du volume quelques notes qui ont dû appeler notre attention. Au folio 120 recto le critique anonyme écrit ces mois: Galois et Galoises dont j'ai parlé dans mes Mémoires sur la chevalerie, et un peu plus loin (folio 126 verso), il renvoie le lecteur à son glossaire au mot estradiot. Or, ce critique ne peut être que La Curne de Sainte Palaye, dont l'écriture fine et serrée se reconnaît d'ailleurs à la première vue. M. Aimé Champollion, qui, tout à l'heure, était sans pitié pour notre ami François Villon, n'a vu dans les remarques du célèbre philologue que des «notes dont le ridicule et la singularité sont le seul mérite(Notice prélim. xxxi.) Nous sommes moins difficile, nous avons lu les Observations de Sainte Palaye avec tout le soin que commande le nom de L'auteur, et nous y avons puisé des lumières pour rédiger le glossaire qui termine notre volume.

Le manuscrit n° 1, sans contredit le plus ancien et le plus correct de tous, est celui que nous avons suivi de préférence pour la transcription des textes. Le manuscrit n° 2, où les pièces sont les plus nombreuses, est celui que nous avons suivi pour la distribution et le classement des pièces. Ainsi notre Édition, à partir de la page 1, jusques y compris le rondel de Cadier, page 425, reproduit, dans leur ordre successif, les diverses poésies contenues dans le manuscrit n° 2 (il faut toutefois excepter une première strophe de la ballade de la page 116, qui, comme nous l'avons dit en note, appartient au manuscrit n° 1). Les trois rondels qui suivent celui de Cadier sont empruntés au manuscrit n° I, et le reste du volume, à partir de la ballade de la page 426 est tiré des manuscrits 3 et 5.

Les bibliographes signalent encore d'antres manuscrits des poésies de Charles d'Orléans. Quatre de ces manuscrits sont à Londres, un à Grenoble et un à Carpentras. Les manuscrits de Londres renferment, dit-on, quelques chansons qui manquent dans ceux de Paris: je ne sais si ces chansons appartiennent à notre auteur. Un des manuscrits de Londres est la traduction anglaise des Oeuvres de Ch. d'Orléans; cette traduction a été publiée en 1827, par M. Walson Taylor. Le manuscrit de Grenoble ne contient qu'une partie des poésies composées par Charles d'Orléans et ses collaborateurs: les textes offrent de fâcheuses lacunes; et une imperfection plus fâcheuse encore est l'absence du nom des auteurs en tète des pièces. Le manuscrit de Carpentras paraît être une copie des manuscrits déjà cités.

De tous ces manuscrits, ceux que nous avons décrits sous les n° 1 et 2 sont assurément les plus précieux, surtout le n° 1, qui semble réunir tous les Caractères d'un texte original. L'édition de Chalvet, qui a publié le manuscrit de Grenoble, nous a peu servi.

On lit dans les manuscrits n° 1 et n° 2, une ballade et huit rondels ou chansons en anglais; nous n'avons pas reproduit ces poésies qui intéressent peu la littérature française. Nous avons joint au volume un petit glossaire-index qui donne l'explication des termes les plus vieillis. Le recueil contient une carole en latin (p. 266), un certain nombre de poésies mêlées de latin et de français, et deux rondels (p. 361 et 390) où le français et l'italien se trouvent confondus; nous n'avons inséré dans le glossaire que des mots français D'ailleurs les termes empruntés aux idiomes étrangers n'offrent pas ici de difficultés sérieuses, il faut toutefois excepter le vers: Contre fenoches et noxbuze (p. 361 et 390), dont le sens est assurément fort obscur. Nous avons hésité entre diverses interprétations qui, après un examen attentif, nous ont paru trop peu certaines; ajoutons que Sainte-Palaye a écrit à la marge du vers cité: Mots que je n'entens pas. Quelques Fautes se sont glissées dans notre édition; au rondel dialogué de la page 355, les noms des personnages Soussy et Cusur ont été transposés dans les quatre premiers vers. On a imprimé au premier vers de la page 1 au pour ou. Quoique le poète ait dit lui-même dans un de ses rondels: Au temps passé, il faut néanmoins signaler cette petite infidélité; tous les manuscrits portent ou. Nous avons fait nos efforts pour donner un texte pur et correct, et nous prions le lecteur de nous pardonner les fautes qui, malgré des soins assidus, ont pu nous échapper, soit dans la copie des manuscrits, soit dans l'impression du volume.

Retiré à Blois, Charles d'Orléans s'abandonna tout entier à ses goûts littéraires, et chaque jour voyait s'accroître le nombre infini de ses Poésies. Une promenade en bateau, la visite d'un parent, une partie de chasse, en un mot, les moindres accidents deviennent sous sa plume facile le sujet d'un rondel; de là aussi quelques passages du livre dont le sens nous échappe aujourd'hui. Jamais le front du poète ne fut plus serein, ni sa main plus ferme; nous recommandons au lecteur la ballade de la page 106 (Je cuide que ce sont nouvelles), et surtout celle de la page 112 (Ce que l'ueil despend en plaisir) où un certain Contentement de soi-même s'allie merveilleusement à une sensibilité qui n'a rien d'affecté. Le petit poème en ballades sur la Fortune (pages 113-116) offre aussi de grandes beautés, mais d'un ordre plus élevé. La ballade de la page 107 (N'a pas longtemps qu'escoutoye parler) est ravissante; l'auteur n'a peut-être jamais mieux fait. J'avoue qu'entre toutes les poésies de Charles d'Orléans, j'ai une préférence marquée pour celles de cette époque; le poète me semble ici avoir atteint toute la puissance et toute la maturité de son talent. Les majestueuses grandeurs de la nature viennent se refléter dans ses vers, et quelques-uns de ses rondels sur l'été aux tappis veluz57, sur l'hiver qui fuit58, sont des chefs-d'oeuvre déjà devenus populaires. Son humeur honnête et pacifique le Tenait éloigné des agitations; il enseignait sa petite académie, et c'est à peine si nous trouvons çà et là quelques anneaux qui le rattachent au mouvement politique de l'Europe. En 1442, Charles VII chargea le duc d'Orléans de conclure à Tours une trêve avec les Anglais; les deux premiers vers du rondel de la page 250 (Durant les trêves d'Angleterre) rappellent cette négociation. En 1447, Philippe Marie, duc de Milan, mourut sans laisser d'héritier, et Charles d'Orléans, comme fils de Valentine, réclama cette riche succession; aidé par le duc de Bourgogne, il leva une petite armée et en confia le commandement à Jean de Châlons. L'exécution fut de petit fruit, dit Olivier de la Marche. En effet, on sait que François Sforce, qui avait épousé une fille bâtarde du défunt, l'emporta sur ses rivaux et conquit le duché; après un voyage à Asti, Charles d'Orléans revînt à Blois. En 1458, il sortit de nouveau de sa retraite pour défendre Jean II, duc d'Alençon, son gendre et son collaborateur en rondels, accusé du crime de haute trahison59. Jean d'Alençon fut condamné à mort, mais le roi fit grâce.

Note 57: (retour) Page 422.

Note 58: (retour) Page 423.

Note 59: (retour) Ce discours prononcé par Charles d'Orléans; et que nous avons déjà cité page IX, a été conservé dans un manuscrit de là Bibliothèque du Roi (Fonds franc. n° 7357-4).

Quelques-unes des dernières poésies de Charles d'Orléans portent l'empreinte d'une décadence qu'on ne saurait dissimuler. Le poète a perdu par degré sa vive allure et ses fraîches inspirations; il rime toujours, mais son vers est décoloré, la sève des jeunes années a disparu, et sa plume se traîne péniblement sur des sujets peu propres à réveiller une muse épuisée; son imagination languit, s'éteint peu à peu et paraît comme affaissée sous le poids de je ne sais quelle douleur secrète; il dit tristement:

Le monde est ennuyé de moy

Et moy pareillement de luy60.

Et ailleurs:

Je ne voy rien qui ne m'annuye

Et ne scay chose qui me plaise61.

Note 60: (retour) Page 287.

Note 61: (retour) Page 377.

En 1462, la duchesse d'Orléans mit au monde un fils; mais ce bonheur domestique ne réjouit plus le poète, ni ses chants, qui portent la trace d'un sombre découragement et semblent annoncer une fin prochaine. En effet, Charles d'Orléans allait être entraîné une dernière fois sur la scène politique; le vieillard modeste, si plein de douceur et d'humanité, le poète plaintif, devait paraître, avant de mourir, en face de Louis XI.

Louis XI avait résolu de dépouiller le duc de Bretagne de son duché, et dans les états tenus à Tours, en 1464, Charles d'Orléans osa vanter les douceurs de la paix publique et faire au roi quelques timides remontrances que son grand âge eût dû lui faire pardonner. Louis XI, furieux, interrompit violemment ces humbles paroles et accabla l'orateur d'insultes et d'outrages. Le vieillard épouvanté s'enfuit de Tours précipitamment; arrivé à Amboise, il expira le 4 janvier 1465.

Quand on lit Christine de Pisan, Eustache Deschamps, Alain Chartier, Martin le Franc et leurs contemporains, on se demande où notre poète a puisé cette élocution facile, ce vers net, incisif et nerveux, ce sentiment exquis de l'harmonie et de la pureté du langage qu'on retrouve jusque dans ses poésies les plus négligées. Charles d'Orléans apparaît au premier âge de notre littérature dans tout l'éclat d'un génie original; il ne copie ni ne singe personne; c'est un homme toujours lui, qui ne pose jamais, et qui donne aux moindres idées, aux plus fugitifs détails, une forme admirable d'élégance et de distinction; rien de guindé, rien de prétentieux, ni de préparé à l'avance; on pourrait faire avec son livre son histoire de chaque jour; il dit toute chose, et s'embarrasse peu si on l'écoute; il écrit pour lui, comme un voyageur sur son album; maintenant choisissez ce qui vous plaît, vous trouverez partout l'homme simple et bon, imprégné d'un parfum aristocratique qui assouplit merveilleusement sa voix. Dans la jeunesse, il vous parlera de ses amours; dans la prison, de ses ennuis; dans le château, de ses pères, de sa philosophie songeuse. Ne lui demandez pas des souvenirs trop lointains, il vit au jour le jour, ne s'inquiétant, ni de la veille, ni du lendemain; c'est une nature insouciante, timide, un peu molle et qui ne retrouve réellement sa vivacité que dans le vers qui échappe à sa pensée. Né poète, la poésie a été l'occupation de toute sa vie; les ballades, les rondels qui tombaient chaque jour de sa plume sont devenus peu à peu, et peut-être sans qu'il s'en doutât, un véritable monument poétique dont l'influence s'est étendue au loin dans les siècles suivants. Mais pour achever cette esquisse trop imparfaite, appelons ici à notre aide l'imposante parole d'un de nos plus ingénieux écrivains: «Il y a dans Charles d'Orléans, dit M. Villemain, un bon goût d'aristocratie chevaleresque, et cette élégance de tour, cette fine plaisanterie sur soi-même, qui semble n'appartenir qu'à des époques très-cultivées. Il s'y mêle une rêverie aimable, quand le poète songe à la jeunesse qui fuit, au temps, à la vieillesse. C'est la philosophie badine et le tour gracieux de Voltaire dans ses stances à madame du Deffant.» Et ailleurs: «Le poète, parla douce émotion dont il était rempli, trouve de ces expressions qui n'ont point de date, et qui, étant toujours vraies, ne passent pas de la langue et de la mémoire d'un peuple. Sans doute, quelques empreintes de rouille se mêlent à ces beautés primitives; mais il n'est pas d'étude où l'on puisse mieux découvrir ce que l'idiome français, manié par un homme de génie, offrait déjà de créations heureuses62

Note 62: (retour) Tableau de la littérature au moyen âge, par M. Villemain, t. II, p. 228 et 234.

Le suc poétique, si je puis dire ainsi, exprimé par Charles d'Orléans, a été soigneusement recueilli par Villon et par Marot; le premier y a déposé sa franchise quelque peu cynique, et le second sa verve étincelante, son vers correct et les traditions des littératures grecques, et et latines qui renaissaient. Ces trois éléments combinés dominent toute la poésie du seizième siècle. Ainsi pour apprécier, sous tous ses aspects, le livre de Charles d'Orléans, il faudrait analyser ces trois individualités et montrer l'effet qu'elles durent produire confondues. Nous laissons ces questions de haute critique à une main plus habile; d'ailleurs nous avons dû renfermer cette notice dans les bornes restreintes et modestes d'une biographie littéraire; nous n'ajouterons plus qu'un mot. De graves historiens ont prétendu que le duc d'Orléans, prince du sang royal de France, était resté au dessous de sa mission; ils lui ont fait un crime d'avoir soutenu mollement le drapeau de la révolte et de la guerre civile, et ils lui reprochent ses vers, en quelque sorte, comme des lâchetés. Voilà, en vérité, de singulières accusations. Eh bien, sauf le respect que nous devons à ces historiens, je crois que si au lieu d'assassiner leurs parents, d'avilir une monarchie qu'ils devaient protéger, délivrer leur pays aux Anglais, Jean sans Peur, le comte de Saint-Pol et le connétable d'Armagnac avaient employé leur loisir à rimer des ballades dans leur château, je crois, dis-je, que nos pères de ce temps-là en eussent ressenti quelques bons effets. Historiens, rassure-vous, les chefs politiques ne manqueront jamais à vos récits; mais des poètes comme Charles d'Orléans, on n'en trouve qu'un dans une littérature; ainsi, pardonnez-lui ses poésies.

J. MARIE GUICHARD.


Poésies de Charles d'Orléans

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