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PRÉFACE.

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APRÈS le plaisir de posséder des livres, il n’y en a guère de plus doux que celui d’en parler, et de communiquer au public ces innocentes richesses de la pensée qu’on acquiert dans la culture des lettres. Ce plaisir devient un besoin plus vif, et pour ainsi dire irrésistible, quand une mauvaise position de fortune, ou des événemens qu’il n’a pas pu prévenir, forcent un amateur passionné à se séparer de sa bibliothèque. Ainsi le sage Valincour? qui perdit la sienne par un incendie, avoit à coup sur le droit de dire: J’aurois bien peu profité de mes livres, si je n’avois appris a m’en passer. Mais il auroit été peu sincère, s’il n’a voit avoué qu’il se complaisoit encore dans leur souvenir, et que le titre seul d’un vieux volume qui lui avoit appartenu ne trouvoit pas son cœur tout-à-fait froid. Il en est de cette jouissance, quand on ne la goûte plus, comme de toutes celles de l’homme qui a parcouru un long espace dans la vie: elle laisse encore quelque chose de doux à la pensée, comme un plaisir qui nous est refusé par l’âge, et qui se retrace agréablement à la mémoire, même quand il ne vit que par elle. C’est là une de ces idées qui n’ont pas besoin d’être développées; il suffît d’avoir aimé pour la comprendre.

Mon intention, en écrivant ces notes semi-bibliographiques, semi-littéraires, comme une espèce d’appendice au Catalogue de mes livres, n’a pas été de recueillir les faits généralement connus qui s’y rapportent, et que les critiques, les bibliographes et les cataloguistes ont pris soin d’établir avant moi. J’ai, au contraire, évité autant que possible de me rencontrer avec eux dans ces renseignemens sur lesquels il n’y a pas deux opinions, et qui, piquans sans doute la première fois qu’ils ont été obtenus, sont devenus aujourd’hui intolérablement fastidieux. Je ne m’y suis arrêté qu’autant qu’ils prêtoient à mes observations particulières, ou un texte, ou une preuve, ou une illustration; et c’est dire assez que j’ai eu la prétention d’écrire du nouveau dans le plus ennuyeusement ressassé de tous les sujets qui peuvent s’offrir à la plume du philologue. Il en est résulté un inconvénient nécessaire que je ne dois pas dissimuler, quoique l’aveu que j’en fais soit aussi mal entendu que possible dans les intérêts d’une préface. Comme ce qu’il y a de plus connu dans l’histoire des livres, c’est à peu près tout ce qui méritoit d’être connu, il est bien difficile d’être neuf sur cette matière, à moins de s’exercer sur des questions obscures, et de disputer des noms et des livres obscurs à l’oubli qui les dévore trop justement. Le titre de mes articles prouvera que je n’ai pas su vaincre cet obstacle, et que si j’écris pour le néant, je me suis du moins franchement placé sur mon terrain. Cette considération, toute puissante qu’elle paroisse, ne m’a cependant pas détourné de mon but. Dans les trois générations que ma mémoire embrasse, celle qui finissoit, celle dont je fais partie, celle qui s’élève maintenant, j’ai vu vieillir, fleurir, se renouveler le goût de ces bonnes et curieuses études qui ont enchanté ma jeunesse, et qui promettent encore à ma vieillesse d’aimables et innocens loisirs. Il restera donc probablement une certaine quantité d’hommes à qui mes foibles travaux ne seront pas indifférens, et qui y chercheront, comme je l’ai fait dans ceux de mes devanciers, des notions qui ont plus de charmes qu’on ne pense, quoiqu’elles aient encore moins d’importance qu’on ne le dit. N’ont-elles pas cela de commun, au reste, avec les voluptés les plus enivrantes de l’homme? Ce n’est pas moi qui nierai l’attrait de ces romans dont personne n’a plus que moi subi l’empire: mais dans le temps même où j’aurois donné toutes les illusions de l’espérance, tous les rêves de la gloire et de l’ambition, pour les plaisirs de Saint-Preux, ou, mieux encore, pour les désespoirs de Werther, quelles délices impossibles à faire comprendre à celui qui ne les a pas goûtées, n’ai-je pas puisées dans vos pages si naïvement instructives, si aimablement doctes, si pleines d’excellentes choses de peu d’importance, ingénieux Beyer, laborieux Freytag, savant David Clément; et vous, Brunet, Peignot, Renouard; et toi, mon sage Weiss, toi qui, selon mon cœur, donnes des lois à tous, comme le Caton de Virgile, et que la nature bienveillante, qui t’avoit fait mon maître, a fait aussi mon compatriote, mon ami et mon frère!

Je n’ajouterai pas à ceci que parmi les notions que renferment ces Mélanges, il en est quelques unes cependant d’un intérêt plus général, et qui ne seront pas indifférentes à quiconque se mêle un peu de littérature; quelques autres qui s’adressent à un goût assez généralement répandu pour qu’on ne puisse pas les regarder comme absolument non avenues dans un siècle si littéraire et si savant, et, par exemple, ma théorie des éditions Elzeviriennes, que je crois nouvelle, convaincante et claire. Le lecteur en jugera: mais il me semble à propos d’expliquer pourquoi, en décrivant un livre, j’ai presque toujours décrit un exemplaire qui est encore ou qui a été autrefois le mien. J’ai remarqué que ces spécialités, qui donnent tant de prix à l’excellent Catalogue de M. Renouard, n’étoient pas dédaignées des amateurs. Je n’ai point la folle prétention d’imaginer que mon nom ajoute jamais beaucoup de prix à un volume que j’ai possédé; mais cette identité servira du moins à confirmer l’exactitude de mes observations bibliographiques. Je devois d’ailleurs rendre raison du motif qui avoit renfermé mes études dans un si petit cadre; c’est qu’elles se bornoient à mes livres, qui ont toujours été très choisis, mais qui n’ont jamais pu être nombreux.

Variétés littéraires et philosophiques

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