Читать книгу Le trésor de la cité des dames de degré en degré et de tous estatz - Christine de Pizan - Страница 8

¶ Cy devise comment la bonne princesse qui aymera & craindra nostre seigneur pourra resister aux temptations par divine insparation. Chapitre .iii.

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Table des matières

Toutes les choses dessusdictes ou les semblables sont les metz que temptation administre a toute creature vivant en ayse & delices / mais que fera la bonne princesse quant ainsi temptee se sentira Adoncques sauldra en place l'amour et crainte de nostre seigneur dieu jhesucrist qui luy chantera une autre leçon en disant en ceste maniere. Ha fole musarde mal advisee que as tu pensé en petit de heure avoyes oublié la congnoissance de toymesmes / ne scés tu pas bien que tu es une miserable et povre creature fresle debile & subjecte a toutes enfermetez a toutes passions maladies & autres douleurs que corps mortel peut souffrir / quel avantage as tu ne que ung autre / neant plus que auroit ung tas de terre couvert d'ung parement de celluy qui seroit soubz une povre flessoie. Ha dolente creature encline a pecher & a tout vice te veulx tu doncques mescongnoistre & oublier comment ce chetif vessel vuit de toute vertu qui tant veult d'honneurs & d'aises deffauldra & mourra en peu de terme sera viande aux vers / & aussi bien pourrira en terre que celluy de la plus povre femme qui soit & que la lasse ame n'en portera riens ne mais le bien ou le mal que le chetif corps aura commis sur terre / que te vauldront lors honneurs avoirs ne ton grant parenté desquelles choses en ce monde tu te aloses te yront ilz secourir en la peine ou tu seras si tu as mal vescu en ce monde / certes non Ainçoys tout ce dequoy tu auras mal use te tournera a ruyne Helasse dolente mieulx fust pour toy avoir usé ta vie en l'estat d'une trespovre femme que estre eslevee en tant d'estas qui seront / se tu ne t'en prens garde / la cause de ta dampnation. Car forte chose seroit d'estre entre les flammes sans brusler. Ne scés tu que dieu dist en l'evangile. que les povres seront bieneurez / et que le royaulme des cieulx est pour eulx. Et ailleurs il dist que neant plus que ung chamel chargié entreroit au pertuys de l'eguille n'iroit ung riche en paradis. O dolente tu es si aveugle que tu n'avises ton grant peril / mais ce fait le grant orgueil qui pour cause de ses vains honneurs ou tu te vois envelopé estaint en toy si toute raison que te semble il que tu ne cuydes mye seullement estre princesse ne grant dame / mais comme une droicte deesse en ce monde. Ha ce faulx orgueil comment le seuffres tu en toy et si scés par le raport de l'escripture dieu le hayt tant qu'il ne le peut souffrir. Car pour celle cause tresbucha il lucifer le prince des ennemys du ciel en enfer. Et certes aussi fera il toy se tu ne te gardes. O orgueil racine de tous maulx certainement je congnois que de toy viennent tous les aultres vices et ce puis je congnoistre en moymesmes / car pour cause de toy & non pour autre achoison je suis souvent embatue en ire desirant vengance / sicomme je pensoye nagueres. & me fais sembler que je doye estre redoubtee & prisee sur toutes les autres / & que je doye chascun supediter & que pource je ne doy riens souffrir qui me desplaise / mais tantost me venger tant soit le meffait petit. O vent perilleux en fleure de couraige boce plaine de venin & de pourriture la chair ou tu es fichee est en plus grant adventure que celle ou est la boce qui vient d'epidimie. Perverse creature tu desire vengeance pource que il te semble que es si grant que nul quoy que tu faces ne doit oser contredire ne groucier a tes vouloirs / mais ton aveuglee ygnorance conduycte d'orguelleuse arrogance te fait mecongnoistre comment toute personne soit grant ou petite qui mauvaisement use ses jours dessert que toute chose luy doye estre contraire si n'avises point en toy comment tu as desservy & dessers par la maniere que tu tiens que tu ne soyes point en la grace de maint. Par-*quoy n'est sans cause se plusieurs sont rebelles et contredisans a tes voulentés & opinions & ainsi ton tort tu n'avises point. Mais a tous propos quoy que tu faces te semble qu'il te laise a supediter toutes autres voulentes & oppinions Et si aucuns y regibent ou contredient tu les hés & pourpenses mal contre eulx & leur pourchasses en secret ou en appert sans adviser le mal & le tresgrant peril qui s'en pourroit ensuyvre a toy mesmes en ame & corps & a infinis autres / ou si tu ne leur pourchasse pource que tu ne peuz au moins leur portes tu mortel haine. En ce desloyal orgueil qui te fiche en la mer de perdicion ne te met il aussi en teste a cause des boubans pour le desirer de povoir accomplir ou tes vengences ou autres superfluités / comme tu amasseras tresors sans regard de conscience. Ha doloreux tresor c'est chose comme impossible que tu puisses estre amassé sans le prejudice de plusieurs & contre leur vouloir pour alouer maulvaisement a ton singulier vouloir. Saiches certainement & ne doubte du contraire que l'avoir acquis & amasse indeuement tu ne useras ja joyeusement. Car la ou tu l'auras assemblé en entente de l'employer en aucunes choses a ton plaisir dieu t'envoyera d'aultre costé tant d'adversité ou de maladies ou d'autre charges que il conviendra que ce mauldit tresor soit desploye & mis en usage doloreux tout au contraire de ce que tu pensoyes. que feras tu doncques de ce maudit tresor l'emporteras tu quant tu mourras. Certes non ne mais autant que tu emporteras la charge de ce que malacquis & usé l'auras. Mais regarde de rechief ou t'a bouté & empaint ce maudit orgueil pource qu'il te fait acroire que tu passez les autres en grandeur & auctorité. il fait ton cueur & de frire de paour que autre te puisse actaindre & avenir en si hault estat que tu es. Pource que il te fait tousjours desirer a estre la plus grant & s'il advient que tu voyes ou saches personne plus ou tant auctorisee ou honnoré nulle peine ne pourroit estre plus grande que le dueil que ton cueur emporte & ce te faict devenir mesdisant ireuse & rancuneuse une autre infernalle flamete te met orgueil en couraige. C'est que tu dis a toymesmes tu n'as mestier de labourer ne de riens faire il ne te fault ne mais querir tes ayses gesir grant matinee / puis aprés disner & reposer visiter tes coffres a tes joyaulx & a tes paremens ce doit estre ton ouvrage. Et ainsi maleureuse forcenee creature que tu es te semble il que dieu qui a donné le temps a toute personne pour employer a bon usaige t'aye donné auctorité de le passer en oyseuse plus que ung autre. Ha meschante creature & tu as ouÿ prescher aultre-*fois que saint bernard sur cantiques dit que oysiveté est la mere de toutes truffes & la marastre des vertus. C'est celle qui mesmement l'omme fort & constant fait tresbucher en peché qui estaint toutes les vertus nourrist orgueil & fait le chemin d'enfer mais encore que advient il. Cestuy orgueil qui ainsi te fait querir tes aises / et iceulx aises qui tant nourrissent cel orgueil te font desirer les lescheries friandes en boires & en mengiers / non mye des choses communes ne de viandes acoustumees. car de ce es tu toute ennuyee / mais il fault que les queux pour te complaire & pour bien desservir leurs gages pourpensent saveurs saulces & mistions nouvelles pour plus plaire la viande a ton goust & ainsi des vins. Ha doloreuse fault il ainsi emplir ce sac qui est viande a vers & vassel de toute iniquité. Mais que en advient il quant il est ainsi emply que demande il se maistre dieu tout ainsi que la bouche qui est le nourrissement du feu lescherie & friandise & superfluités de vins & de viandes est le nourrissement de charnalité c'est ce qui enflame l'orgueil & qui fait encliner le courage a desirer en toutes voyes tout ce qui au corps peut deliter / & certes la chair ainsi nourrie ressemble le cheval lequel quant son maistre a bien tasché a l'engresser il est si dru et si mignot que quant il se cuide aider il ne le peut tenir & le maine maulgré qu'il en ait les voyes qui luy sont prejudiciables & a la fin par son regibement et par ses saulx luy rompt le col. Tout ainsi tue l'ame & les vertus le corps trop souef nourry & engressé de viandes lecheresses mais l'orgueil qui se fiche en ce gras nourrissement te faict tant desirer et vouloir superflux habitz joyaulx et paremens que a pou tu ne penses a autres choses ne quoy qu'il doye couster ne dont il doyve venir comment que tu les ayes a ton vouloir. Et avec cestuy vice & les autres inconveniens malhonnestes et infinis ou il te maine il te faict tant estre desdaigneuse et dangereuse a servir que a peine pourra l'en trouver joyel habit ou parement qui te puist souffrir ne ou on ne treuve a redire et ne sera ame qui te puisse faire ton gré & avecques toutes ces choses tu es si oultrecuidee & presumptueuse que il ne te semble mye que a peine dieu ny autre chose quelconques te peust grever. O miserable chetive & adveuglee creature comment peut avoir en toy tant de force cest oultrageulx orgueil que il te fait oblier les pugnitions de dieu nonobstant qu'il te seuffre si longuement demourer plungé en tant de deffaulx sans te payer de tes desertes / mais ne sçay tu que ung saint docteur dit que de tant que la vengence de dieu plus retarde a venir de tant est elle plus perilleuse quant elle vient / ainsi comme l'arc qui est le plus fort tendu de tant est la fleche plus perçant quant elle vient / as tu oublyé comme nostreseigneur pugnit par son orgueil nabugodonosor qui estoit roy de babiloine & si grant prince que il ne redoubtoit tout le monde semblablement le grant roy de perse anthiochus. & aussi l'empereur xercés & grant nombre d'autres qui tant estoyent grans & puissans que il n'estoit quelconque chose au ciel ne en terre que ilz redoubtassent & toutes voyes furent par vengence & voulenté de dieu par leurs desertes tant humiliez & ramenez a telz perplexités que il n'estoit au monde homme ne plus miserable ne plus infortuné que ilz se virent. Ha ne te souvient a ce propos que il est escript ou livre de eclesiaste ou .x. chapitre si que tu as oy dire a ton beau pere que dieu a destruyt les sieges des ducz orgueilleux & a fait seoir les debonnaires pour eulx & sechié les racines des arrogans & a planté les humiliez en leur lieu qui n'est autre chose a entendre fors qu'il confont les orgueilleux & exaulce les humiliez. Si t'est bien advenu si tu veulx estre confondue. O beau sire dieu a toy qui est une simple femmelette qui n'as force puissance ne auctorité si elle ne t'est donnee d'autruy / cuides tu pourtant si tu es voix envelopee en aises & honneurs suppediter & surmonter le monde a ton vouloir.

Le trésor de la cité des dames de degré en degré et de tous estatz

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