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LES PAPOFSKI SE DEVOILENT

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Pendant que Mme Papofski donnait à ses enfants des conseils de fausseté et de platitude, conseils dont ses enfants ne devaient guère profiter, comme on le verra plus tard, le général calmait Dérigny, qui était hors de lui à la pensée des mauvais traitements qu'auraient pu souffrir sa femme et son enfant sans l'intervention du bon général, auquel il raconta, sur son ordre, ce qui s'était passé entre ses enfants et ceux de Mme Papofski.

Le général: «Ne vous effrayez pas, mon ami; je connais ma nièce, je m'en méfie, je ne la crois pas; et si l'un de vous avait à se plaindre de Maria Pétrovna ou de ses enfants, je les ferais tous partir dans la matinée. Je sais pourquoi ils sont venus à Gromiline. Je sais que ce n'est pas pour moi, mais pour mon argent; ils n'auront rien. Mon testament est fait; il n'y a rien pour eux. Je ne suis pas si sot que j'en ai l'air; je connais les amis et les ennemis, les bons et les mauvais. Au revoir, ma bonne Madame Dérigny; au revoir, mes bons petits Jacques et Paul. Venez, Dérigny; le dîner doit être servi, c'est vous qui êtes mon majordome; nous ne pouvons nous passer de vous. Vous reviendrez ensuite dîner et causer avec votre excellente femme et vos chers enfants.»

Le général sortit, suivi de Dérigny, et se rendit au salon, où il trouva sa nièce avec ses quatre aînés, qui l'attendaient; les quatre autres, âgés de six, cinq, quatre et trois ans mangeaient encore dans leur chambre. Le général entra en fronçant les sourcils; il offrit pourtant le bras à sa nièce et la conduisit dans la salle à manger. Mme Papofski était embarrassée; elle ne savait quelle attitude prendre; elle regardait son oncle du coin de l'oeil. Quand le potage fut mangé, elle prit bravement son parti et se hasarda à dire:

«Ah! mon oncle! comme j'ai ri quand Yégor m'a fait votre commission; vous êtes si drôle, mon oncle! Vous avez dit des choses si amusantes!»

Le général: «Elles étaient trop vraies pour vous paraître amusantes, ce me semble, Maria Pétrovna. Ce que Yégor vous a dit, je le ferais ou je le ferai: cela dépend de vous.

—Ah! mon oncle, reprit en riant Mme Papofski, qui étouffait de colère et la comprimait avec peine, vous avez cru ce que vous a dit ce niais de Yégor; il est bête, il n'a rien compris de ce que je disais.»

Le général: «Mais moi j'ai bien compris et je le répète: Malheur à celui qui touchera à un cheveu de mes Français!»

Madame Papofski: «Mais, mon oncle, Yégor a dit très mal! J'avais dit que vous m'envoyiez vos bons Français pour voir fouetter une de mes femmes qui a été impertinente. Vous, mon oncle, vous ne faites presque jamais fouetter; vous êtes si bon! Alors je croyais que cela les amuserait de venir voir ça avec moi.»

Le général la regarda avec étonnement et mépris. Le mensonge était si grossier, qu'il se sentit blessé de l'opinion qu'avait sa nièce de son esprit.

Il la regarda un instant avec des yeux étincelants de colère, mais un regard jeté sur la figure inquiète et suppliante de Dérigny lui rendit son calme.

Le général: «Parlons d'autre chose, ma nièce; comment se porte votre soeur Natalia Pétrovna?»

Madame Papofski: «Très bien, mon oncle; toujours bien.»

Le général: «Je la croyais souffrante depuis la mort de son mari.»

Madame Papofski: «Du tout, mon oncle; elle est gaie, elle s'amuse, elle danse; elle n'y pense pas seulement.»

Le général: «Pourtant, son voisin M. Nassofkine m'a écrit il y a quelques jours, il me dit qu'elle pleurait sans cesse et qu'elle ne voyait personne.»

Madame Papofski: «Non, mon oncle, ne croyez pas ça. Ce Nassofkine ment toujours, vous savez.»

Le général: «Et les enfants de Natalia?»

Madame Papofski: «Toujours insupportables, détestables.»

Le général: «Nassofkine m'écrit que la fille aînée, qui a quinze ans, Natasha, est charmante et parfaite, et que les deux autres, Alexandre et Michel, sont aussi bien que Natasha.»

Madame Papofski: «Comme il ment! Tous affreux et méchants!»

Le général: «C'est singulier! Je vais écrire à Natalia Pétrovna de venir ici avec ses trois enfants; je veux les voir.»

Madame Papofski: «N'écrivez pas, mon oncle: ça vous donnera de la peine pour rien; elle ne viendra pas.»

Le général: «Pourquoi ne viendrait-elle pas? Etant jeune, elle m'aimait beaucoup.»

Madame Papofski: «Ah! mon oncle, vous croyez cela? Vous êtes trop bon, vraiment. Elle sait que vous ne voyez pas beaucoup de monde; elle aura peur de s'ennuyer, et puis elle veut marier sa fille; elle n'a pas le sou; alors, elle veut attraper quelque richard, vieux et laid.»

Le général: «Tout juste! Je suis là, moi! Riche, vieux et laid. Elle me fera la cour, et je doterai sa fille.»

Mme Papofski pâlit et frissonna; elle trembla pout l'héritage, et ne put dissimuler son trouble; le général la regardait en dessous; il était rayonnant de la peur visible de cette nièce qu'il n'aimait pas, et de l'heureuse idée de faire venir l'autre soeur, dont il avait conservé le souvenir doux et agréable, et qui, par discrétion sans doute, ne demandait pas à venir à Gromiline. Mme Papofski continua à dissuader son oncle de faire venir Mme Dabrovine. Le général eut l'air de se rendre à ses raisonnements, et le dîner s'acheva assez gaiement. Mme Papofski était satisfaite d'avoir évincé sa soeur, dont elle redoutait la grâce, la bonté et le charme; le général était enchanté du tour qu'il préparait à Mme Papofski et du bien qu'il pouvait faire à Mme Dabrovine. Mme Papofski fut polie et charmante pour Dérigny, auquel elle prodiguait les louanges les plus exagérées.

Le Général Dourakine

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